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Full text of "Revue des langues romanes"

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REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


IMFBIHERIE  CENTRALE  DU  UISI. —  HAHELIH  FRERES 


REVUE 


LANGUES  ROMANES 

PUBLIÉE 

PAR    LA    SOCIÉTÉ 

POUR  L'ÉTUDE  DES  LANGUES  KOMANES 


Troisième     Série 
TOME    NEUVIÈME 

TOME  XXIU    DE    LA    COLLECTION 


MONTPELLIER 

AU  BURBA1I  DES  PUBLICATIONS 
DB  LA   SOCIËTR 


PARIS 
MAISONNEUVE  ET  O 

LIDnAinRR-BUITBDRS 

25,  QUAI  VOLTAIRE,  25 


H  ooca  i.xi]im 


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REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


Dialectes  Anciens 


SUR  QUELQUES  MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

PERDUS  OU  ÉGARES 

{Suite) 


IX.—  Vie  de  Jésus-Christ  par  saint  Israël 

Plusieurs  auteurs,  entre  autres  dom  Rivet  {Hist.  lût.  de  la 
France,  t.  VII,  p.  xlWij,  et  p.  230),  parlent  d'une  Vie  de  Jésus- 
Christ  et  d*une  Histoire  saiWe  que  saint  Israël,  chantre  de 
Téglise  du  Dorât,  mort  en  I0I4,  aurait  composées  en  langue 
vulgaire,  par  conséquent  en  limousin.  La  chose  n*a  rien  que 
de  vraisemblable.  Mais  les  seuls  garants  qu'on  allègue  sont 
deux  auteurs  du  XVIl"  et  du  X VIII"  siècle,  CoUin  et  Blondel. 
L'ancienne  vie  latine  de  ce  saint  personnage,  publiée  par 
Labbe  [Bibl.  nova,  t.  II,  p.  566),  ne  fait  aucune  allusion  à  ces 
ouvrages.  En  existait-il  encore  quelque  copie  au  commence- 
ment du  siècle  dernier,  comme  dom  Rivet  se  croit  fondé  à  le 
supposer,  d'après  la  manière  dont  en  parlent  CoUin  et  Blon- 
deP?  On  pourrait,  dans  ce  cas,  ne  pas  désespérer  de  la  re- 

^  c  Touché  de  Tigaorance  des  peuples  du  païs,  il  fit  pour  leur  instruction, 
en  langue  vulgaire  el  vers  rimes,  la  vie  de  J.-C.  et  même  l'histoire  de  la 
Bihle.   Le  docteur  Collin,  théologal  de   Saint  Junien   au  même    diocèse,  et 

TOMB  IX  DB  LA  TROISIÈME  SÉRIE.—  JANVIER  1883.  i 


167905 


6  MANUSCRITS   PROVBNQÀUX 

trouver,  au  séminaire  de  Limoges  par  exemple,  dont  la  bi« 
bliothèque,  à  ce  qu'on  m'assu  •  est  riche  en  documents  pré- 
cieux, où  se  cachent  peut-êtfv.i d'autres  monuments  de  cett^ 
ancienne  littérature  du  haut  Limousin,  première  manifesta- 
tion de  la  langue  d'oc,  dont  Boëce  et  les  poésies  religieuses  du 
célèbre  ms.  de  l'abbaye  de  Saint-Martial  *  sont,  avec  quel- 
ques fragments  en  prose,  les  seuls  échantillons  que  nous  con- 
naissions aujourd'hui. 

Quoi  qu'il  en  soit,voici  les  passages  de  Collin  et  de  Blondel 
relatifs  à  notre  sujet.  J'en  dois  la  transcription  à  l'obligeance 
de  M.  Léon  Clédat: 

«  S.  Israël,  nobilis  Marchianus  *,  praecentor  Doratensis  Ec- 
clesiaB,  ofôcialis  et  major  vicarius,  ut  vocant,  Hilduini,  seu 
Alboini,  episc.  Lemovicensis,  primus  praepositus  et  restitutor 
ecclesiaB  sœcularis  et  coUegiatae  S.  Juniani,  vitam  et  res  ges- 
tas  Christi  Salvatoris,  métro  eleganti  vernaculo,  scripsit  circa 
an.  1012.  »  (Collin,  Lemovicini  multiplict  eruditione illusires  {Le- 
movicis,  1660,  in-12),  p.  24). 

«  Il  (saint  Israël)  mit  en  cantiques  l'histoire  sainte  depuis  la 
création  du  monde  jusqu'à  l'Ascension  de  Notre  Seigneur, 
afin  que  les  paroles,  jointes  à  l'agrément  du  chant,  pussent 
servir  à  l'instruction  du  peuple  qui  étoit  alors  dans  une  grande 
ignorance.  »  (Blondel,  Vies  des  saints  tirées  des  auteurs  origi^ 
naux;  22  décembre.  Paris,  1722.) 

Blondel  déclare  avoir  tiré  la  Vie  de  saint  Israël,  j  compris 
sans  doute  le  passage  qui  précède,  des  leçons  de  l'office  de  ce 
saint  et  d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève. 

M.  Blondel,  auteur  d'un  recueil  de  vies  des  saints,  qui  ont  fait  Tun  et  l'autre 
la  vie  de  ce  saint  poëte ,  avoient  une  connaissance  particulière  de  ses  ouvrages, 
n  paraît  môme,  par  la  manière  dont  ils  en  parlent,  qu'ils  existent  encore.  » 
{Hist.  lut.,  t.  Vil,  p.  xlviij.)  Plus  loin,  p.  230,  on  lit  cette  note:  a  Cette  his- 
toire (celle  de  J.-C  par  saint  Israël)  existe  encore,  puisqu'elle  est  citée  dans  le 
nouveau  glossaire  de  Du  Gange  (t.  VI,  p.  1603, 1718).  Mais  on  l'y  cite  avec  une 
faute  énorme,  en  Tattribuant  à  un  prétendu  Isaac,  abbé  de  l'Esterp,  qui  ne 
fut  jamais.  L'auteur  du  mémoire  aura  lu  dans  le  ms.  Isaac  pour  Israël.  »  Je 
ne  m'explique  pas  cette  note.  A  l'endroit  visé,  sous  villania,  on  trouve  seu- 
lement des  vers  français,  tirés  d'une  vie  de  J.-C.  qui,  d'après  la  Table  des 
auteurs,  est  anonyme  et  écrite  en  1323. 

*  No  1139  de  la  Bibliothèque  nationale. 

«  Marchois,  de  la  Marche  limousine. 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX  7 

X. —  Vieâ.     rint  Castor 

Raymond  Bot,  évêque  d'Apo  ^1275-1303),  est  l'auteur  d'une 
vie  de  saint  Castor,  encore  inédite,  sur  laquelle  on  peut  voir, 
dans  les  Pièces  fugitives  d'histoire  et  de  littérature,  4®  partie, 
1704,  p.  56,  un  article  anonyme,  mais  que  j'attribuerais  vo- 
lontiers àRemerville  de  Saint- Quentin,  Aptésien  connu  pour 
s'être  occupé  avec  fruit,  à  cette  époque,  de  l'histoire  de  sa 
province . 

Il  résulte  d'un  passage  de  cet  article,  appuyé  d'une  citation  " 
de  Raymond  Bot,  qu'il  existait  du  temps  de  ce  prélat,  dans  les 
archives  du  chapitre  d'Apt,  une  vie  de  saint  Castor  en  langue 
vulgaire,  —  probablement  en  provençal,  —  et  en  vers. 

P.  70.  «  Un  si  saint  pontificat  (celui  de  saint  Castor)  obligea 
quelques  personnes  pieuses  d'en  laisser  des  mémoires  à  la 
postérité.  On  écrivit  l'histoire  du  saint  en  vieux  langage  du 
pais,  qu'on  appelloit  rustica  romana.  Cette  histoire  etoit  con- 
servée dans  les  archives  du  chapitre,  d'où  elle  fut  tirée  et 
mise  en  latin  par  l'évêque  Raymond  Bot,  qui  remplit  le  siège 
de  saint  Castor  depuis  l'an  1275  jusques  en  1303.  Mais  il  s'oc- 
cupa à  cet  ouvrage  avant  son  exaltation  au  pontificat  et  lors- 
qu'il n'étoit  que  chanoine  dans  l'église  d'Apt,  comme  il  nous 
l'apprend  lui-même Raymond  Bot  ayant  achevé  sa  tra- 
duction lorsqu'il  fut  élu  évêque  d'Apt,  c'est-à-dire  l'an  1275, 

il  la  dédia  à  un  chanoine  d'Avignon «  Igitur,  dit-il,  ego 

Regimundus,  licet  indignus,  vocatus  episcopus,domini  patroni 
ac  predecessoris  mei  B.  Castoris  vitam,  quam  olim  gallicano 
cotumo  simplicitate  fratrum  minus  dilucidatam  inveni,  sim- 
plici  stilo  breviter  enotare  curavi,  tibi  que  viro  religioso  prse- 
senti  chartula  delegavi.  » 

Les  deux  mots  que  j'ai  soulignés  indiqueraient  plutôt,  ce 
semble,  un  texte  en  vers  français  qu'en  vers  provençaux.  Mais 
le  lieu  où  l'ouvrage  fut  trouvé,  et  où  il  avait  sans  doute  été 
composé,  autorisent  à  supposer  qu'il  était  bien,  comme  le  dit 
l'auteur  de  l'article  de  1704,  «  dans  la  langue  du  pays.  » 

Notre  très-obligeant  et  savant  confrère,  M.  de  Berluc-Pe- 
russis,  que  j'ai  consulté  au  sujet  de  la  vie  romane  et  de  la  vie 
latine  de  saint  Castor,  veut  bien  m'apprendre  que  l'original  de 
l'ouvrage  de  Raymond  Bot  a  disparu  en  1793  des  archives 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

capitulaires  d'Apt  et  n'a  pas  été  retrouvé  depuis,  mais  qu'il  en 
existe  une  copie  àCarpetitlras,  parmi  les  papiers  de  Mazaugues. 
La  yie  romane  s'est«elle  seulement  perdue  à  la  même  époque, 
ou  avait-elle  déjà  disparu  ?  Il  y  aurait  peut  être  encore,  dans 
le  premier  cas,  quelque  chance  de  la  retrouver. 

XI. —  Vie  et  miracles  de  sainte  Rossoline 

On  lit  dans  les  Acta  Sanctorum,  p.  490  b  du  t.  II  du  mois  de 
juin,  l'extrait  suivant  d'une  lettre  du  chartreux  Charles  Le 
Coulteux,  datée  de  1662,  ou  du  moins  non  antérieure  à  cette 
année-là  : 

«  Multa  de  nostra  Rosseiina  in  vulgus  provinciale  spargun- 
tur  qu3e  nullam  antiquitatis  vel  certse  auctoritatis  notam  ha- 
bent;  si  excipias  rosarum  miraculum,  a  gravibus  auctoribus 
datum,  et  corporis  oculorumque  incorruptionem.  Caetera,  a 
nostris  etiam  transmissa,  suspecta  habeat  Paternitas  vestra.» 

Cette  sainte,  qu'on  a  confondue  quelquefois  avec  sainte 
Douceline,  mourut  le  17  janvier  1329,  dans  le  monastère  des 
Chartreuses  dé  la  Celle-Roubaud,  au  diocèse  de  Fréjus.  A-t-on 
conservé  quelques-uns  des  récits  auxquels  fait  allusion  le  père 
Le  Coulteux? 

XII .  —  Autres  Vies  de  Saints 

Honoré  Burle,  auteur  d'un  ouvrage  sur  les  antiquités  de  la 
Provence  *,  qui  n'a  pas  été  imprimé  et  dont  le  ms.  autogra- 
phe est  conservé  à  Aix  (Bibl.  Mejanes,  n®  537),  nous  apprend 
qu'il  existait  encore  de  son  temps  (il  mourut  en  1692),  dans 
les  bibliothèques  de  divers  monastères  de  cette  province,  un 
grand  nombre  de  Vies  de  Sainfs,  et  il  en  énumère  plusieurs 
dont  la  plupart  sont  perdues.  C'est  au  livre  premier  de  l'ou- 
vrage précité.  Voici  le  passage  : 

[Fo  67  v*»]  «Extant  adhuc  hujus  linguse  [sciL  provincialis) 
magna  librorum  volumina,  tum  prosa,  tum  versibus  aut  car. 
minibus  composita  et  conscripta,  gesta  ac  vitas  plurimorum 
sanctorum  sanctarumque  describentia,  inter  quas  numerantur 
Vita  et  miracula   sancti  Honorati  Arelatensis  [F°  68  r°]  ar- 

*  Provincix  Gallix  Narbonerisis  alias  Braccatœ  vulgo  Provence  exacta 
et  brevis  chorographica  descriptio.  —  Sur  l'auteur,  omis  dans  le  Diction- 
naire  de  la  Provence,  voy.  Roux-Alphérand,  les  Rues  dCAix,  II,  16. 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX  9 

chiepiscopi,  carminîbus  vernaculis  scripta,  nec  non  Passio 
sancti  Stephani  Prothomartiris,  quœ  quotannîs,  in  sede  cathe- 
drali  et  metropolitana  divi  Salvatoris  Aquensis,  publiée,  die 
festo  Prothomartiris,  decantatur.  Legitur  etîam  Vita  sanctae 
Rocelinaô,  nobilis  Villanovensis  familise,  quse  eximia  puritate 
et  sanctitate  claruit.  Nec  tacenda  est  quse  legitur,  provinoiali 
sermone  conscripta,  psenitentia  miranda  cujusdam  Anthonii 
1  Aquensis,  qui  in  odore  sancti tatis  decessit  Aquis  Sex- 
tiis;  quseduravit  perannos  septemin  quadam  spelunca,  Sanctae 
Domina  Angelorumvocitata,  quse  inter  Aquas  Sextias  et  Mas- 
siliam  sita  est.  PraBtereo  qu»  de  sanoto  Eucherio,  uxore  ac  fi- 
liabus  ejus  extantvernacùlaenarrata,  quœ  de  Lazaro,  a  mor- 
tuis  suscitato,  Massiliœ  episcopo  primo,  de  sanctia  Maximino 
et  Trophimo,  Aquensium  et  Arelatensium  archiepiscopis,  de 
beatis  Martha  et  Magdalena,  de  corporibus  sanctorum  soro- 
rum  Mariarum,  de  ejus  (sic)  pedieequa  Serrata,  de  sancto 
Mitrio  martire,  Calidonio,  et  aliis  quam  plurimis,  quorum  mi- 
randa miraoula,  vernaculo  et  provinciali  sermone,  hic  et  illic 
in  bibliothecis  diversorum  cœnobiorum,  manu  scripta  servan- 
tar,  et  aliis  quam  plurimis  quse  brevitatis  causa  silere  est. 
Tametsi  extent  varia,  ut  diximus,  volumina  pia,  non  pauca 
etiam  prophana  subsistant  de  quibus  etiam  [v°]  aliquos  recen- 
sere  licebit.  »  —  J'arrête  ici  la  citation,  ce  qui  suit  étant  tout 
entier  tiré  de  Nostredame. 

Des  ouvrages  mentionnés  par  Burle,  dans  le  pa  sage  que  je 
viens  de  reproduire,  tious  possédons  encore  la  Passion  (c'est- 
à-dire  rÉpître  farcie)  de  saint  Etienne,  la  Vie  de  saint  Hono- 
rât et  celle  de  saint  Trophime,  si  du  moins  il  s'agit  bien  là, 
d'une  part  de  l'œuvre  de  Raimond  Feraud,de  l'autre  du  poëme 
dont  Anibert,  Millin,  Villeneuve,  Raynouard  et  M.  Bartsch 
ont  publié  des  fragments  et  dont  on  connaît  aujourd'hui  trois 
mss. 

Les  Vies  de  sainte  Magdeleine  et  de  sainte  Marthe  sont  peut- 
être  les  mêmes  que  celles  que  Nostredame  a  mentionnées  *,  et 
dont  il  attribue  la  rédaction  au  frère  Rostang  de  Brignolle. 
C'est  peut-être  aussi  à  la  Vie  de  sainte  Roceline  (ou  Rossoline) 

*  Même  blanc  dans  le  ms. 

«  Les  Vies  des,,    poètes  provemaux,  p.  256.  Cf.  ci-dessus,  article  VIL 


10  MAKUSORITS  PROVENÇAUX 

dont  parle  Honoré  Burle,  que  fait  allusion  le  passage  du  P. 
LeCoulteux,  cité  dans  Tarticle  précédent.  Quant  au  bienheu- 
reux Antoine  d'Aix,  à  saint  Eucher,  saint  Mitre,  saint  Lazare, 
saint  Maximin,  aux  saintes  Maries,  à  leur  servante  Serrata 
{Sara)  et  à  Calidoine  (Cidoine,  Cedon),  Taveugle-né  de  l'Évan- 
gile, que  la  légende  leur  donne  pour  compagnon,  je  ne  con- 
nais, sur  l'existence  d'ouvrages  en  provençal  ancien  qui  les 
concernent,  d'autre  témoignage  que  celui  de  Burle. 

XIII .  —  Manuscrit  de  V auteur  de  la  Leandreide 

Il  existe  un  poëme  italien  du  XIV®  ou  du  commencement 
du  XV»  siècle*,  intitulé  la  Leandreide  ou,  mieux,  Leandrheride 
(les  Amours  d'Héro  et  de  Léandre),  dans  un  chant  *  duquel 
Arnaut  de  Mareuil,  à  la  prière  de  Dante,  qui  l'appelle  son 
frère  ^  présente  à  l'auteur,  après  s'être  fait  connaître  à  lui; 
un  grand  nombre  de  poëte^  provençaux  dont  il  est  accom- 
pagné *.  Parmi  ces  poètes,  il  y  en  a  deux  dont  nous  ne  possé- 
dons plus  rien  et  dont  le  nom  ne  figure  aujourd'hui  dans  au- 
cun ms.:  ce  sont  Giraut  de  Calmonyer  ^  et  Père  de  Bonifaci". 


*  Le  ms.  dont  Quadrio  s'est  servi  assigne  à  l'ouvrage  la  date  de  1425. 
M .  Grion  croit  qu'il  faut  lire  1375.  Voy .  délie  Rime  volgare,  trattato  di 
Antonio  da  Tempo  (Bologna,  1869),  p.  344. 

2  Ce  chant,  que  l'auteur,  à  l'exemple  de  Dante  lui-même  et  de  Fazio  degli 
Uberti,  a  écrit  en  provençal,  a  été  publié  isolément  en  1857  d'après  deux  mss. 
par  M.  E.  Teza,  à  la  suite  d'un  mémoire  de  M.-  Cicogna.  C'est  ce  qu'a  bien 
voulu  m'apprendre  M.  U.-A.  Canello,  à  l'obligeance  duquel  je  dois  une  copie 
du  texte  provençal,  avec  une  analyse  sommaire  du  poëme,  qui  ne  m'était  connu 
que  par  le  peu  qu'en  disent  Quadrio  et  Tiraboschi. 

3  Questo  mio  fraiello. 

■*  Il  n'en  nomme  que  quarante-trois;  mais  il  dit  à  la  fin  qu'il  y  en  a  d'autres 
«  que  dir  aras  non  vol  ma  ienga  »,  ce  qui  montre  bien  que  l'auteur  de  la 
Leandreide  en  a  connu  un  plus  grand  nombre.  Il  est  à  noter  que  dans  l'énu- 
mération  d'Arnaut  ne  figurent  pas  plusieurs  des  plus  anciens  troubadours, 
tels  que  le  comte  de  Poitiers,  Marcabru,  Peire  d'Auvergne,  malgré  leur  célé- 
brité, et  que  les  plus  récents,  comme  G.  Riquier,  y  font  absolument  défaut. 

*  Variante:  Chalmonier,  La  finale  ier  est  assurée  parla  rime. 

6  On  connaissait  déjà  celui-ci,  mais  seulement  par  Nostredame  (Pierre  de 
Bonifaciis,  p.  245),  qui  ne  saurait  être  à  lui  seul,  en  aucun  cas,  un  garan 
suffisant.  Grâce  à  la  confirmation  apportée  par  la  Leandreide^  on  peut  main- 
tenant tenir  pour  certain,  tout  au  moins,  qu'il  a  existé  en  effet  un  poëte  pro* 
vençal  de  ce  nom. 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX  11 

Cela  suffit  à  établir  que  Tantenr  de  la  Leandreide  a  eu  à  sa 
disposition  un  ou  plusieurs  mss.,  sinon  plus  amples  absolu- 
ment, partiellement  du  moins  plus  riches  que  ceux  qui  nous 
restent.  Mais  rien  n'oblige  à  supposer  qu'ils  fussent  différents 
de  ceux  qu'utilisèrent  plus  tard,  soit  Equicola,  soit  Velutello, 
et  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure. 

Les  autres  troubadours  énumérés  dans  la  Leandreide  sont 
tous  connus  d'ailleurs  ;  mais  deux  ou  trois  ne  le  sont  que  par 
une  ou  deux  pièces  seulement,  conservées  par  un  très-petit 
nombre  de  mss.  ou  même  par  un  seul.  Tels  sont: 

Guilerm  de  Biarz, 
Guillêrm  d'Anduza, 
Peyre  da  Pomarol. 

Je  suppose  que  ce  dernier  est  le  même  que  le  Pomairol 
(sans  prénom)  dont  il  j  a  dans  le  ms.  Mac-Carthj  une  tenson 
avec  Guionet,  qui  se  trouvait  aussi  dans  le  chansonnier  de 
Bernart  Amoros.  Voy.  Bartsch,  Grundn'ss,  373,  et  H.  Suchier, 
il  Canzoniere  p7wenzale  di  Ckeltenham,  dans  la  Rivista  di  fil. 
rom,  II,  172. 

XIV.--  Manuscrits  de  Mario  Equicola 

Mario  Equicola,  l'auteur  du  Libre  dinatura  d'Amure  (1525), 
a  eu  à  sa  disposition  (on  ne  sait  s'il  en  était  le  possesseur)  un 
ou  plusieurs  chansonniers  provençaux  plus  riches  en  biogra- 
phies de  troubadours  que  ceux  qui  nous  ont  été  conservés. 
J'ai  eu  récemment  l'occasion  de  faire  remarquer  *  que  parmi 
ces  biographies  devait  se  trouver  celle  de  Raimbaut  d'Orange, 
et  une  notice  sur  G.  de  Borneil,  dont  11  n'y  avait  trace  nulle 
part  ailleurs  que  dans  le  livre  d'Ëquicola,  et  dont  M.  Constans 
a  heureusement  découvert  à  Cheltenham  l'original  provençal. 
Il  devait  y  avoir  aussi  une  vie  d'Aimeric  de  Peguillan  plus 
complète  que  celle  que  nous  connaissons  parles  mss.  actuelle- 
ment existants.  Equicola  en  a  extrait  un  renseignement  pré- 
cieux, qui  ne  se  trouve  plus  aujourd'hui  que  chez  lui  ou  chez 
les  écrivains  qui  le  lui  ont  emprunté  ^.  C'est  le  suivant  : 

*  Voy.  Keme,  XIX,  269,  276. 

>  Pv  exemple  chez  Papon  (Voyage  de  Provence^  II,  340). 


\t  MAN08CRIT8  PROVBNÇAUX 

(S  Naimeric  d«  Peguillar  {sic  dans  rédition  {Venise^  15B4) 
que  j'ai  sous  les  jeux  et  que  je  transcris  fidèlement,  p.  339) 
amô  Donna  Maria  moglier  del  re  Pier  di  Ragona,  et  ingan- 
nato  dalei,  amô  Donna  Bndia  de  Lisla,  sorella  del  Conte  di  To- 
losa.  » 

Sur  cette  Endia,  voy.  dom  Vaissete,  qui  la  nomme  Indie, 
t.  VI,  pp.  192  et  555  de  la  nouvelle  édition  de  V Histoire  de 
Languedoc, 

La  biographie  de  Pierre  d'Auvergne  contenait,  dans  le  ms. 
d'Equicola,  un  trait  qui  est  propre  à  celle  de  Giraut  de  Bor- 
neil,  dans  tous  les  mss.  aujourd'hui  connus.  C'est  celui-ci 
(p.  340): «par  la  quai  cosa  fu  ohiamato  mastro  delli  altri  trova- 
dori.  »  A  moins  qu'Equicola,  écriyant  de  mémoire,  n'ait  con- 
fondu ici  les  deux  notices,  qui,  dans  ce  qui  précède  immédia- 
tement, se  ressemblent  beaucoup.  C'est  l'hypothèse  qui  me 
paraît  la  plus  admissible. 

Une  confusion  analogue  a  dû  être  commise  en  ce  qui  con- 
cerne Arnaut  Daniel,  «  ancora  esso  di  Meruelles  » ,  dit  Equi- 
cola,  induit  sans  doute  en  erreur  par  ces  mots  de  la  biogra- 
phie provençale  du  troubadour  de  Ribérac  :  «  Amautz  Daniels 
si  fo  d'aquela  encontrada  don  fo  n'Arnautz  de  Maruelh.  » 

Equicola  mentionne  encore,  mais  sans  nous  en  apprendre 
sur  aucun  d'eux  plus  qu'on  n'en  sait  par  les  mss.  qui  nous 
restent,  un  certain  nombre  d'autres  troubadours.  Ce  sont  : 
Bernart  de  Ventadour,  Arnaut  de  Mareuil,  Raimbaut  de  Va- 
queiras,  Peire  Rogier,  Folquet  de  Marseille,  Bernart  de  Cor- 
nil,  Jaufre  Rudel,  Guilhem  del  Baus,  Albert  de  Malaspina, 
Sordel  et  Peire  Vidal. 

Ce  qu'il  dit  de  Bernart  de  Cornil  n'implique  paâ  nécessai* 
rement  la  connaissance  d'une  antre  notice  que  celle  de  R.  de 
Durfort,dans  laquelle  il  est  parlé  du  premier  de  ces  deux  per- 
sonnages et  de  la  dame  qu'il  aima.  Mais  la  mention  spéciale 
qu'en  fait  Equicola,  qui  omet  tant  de  troubadours  plus  con- 
nus, permet  de  supposer  que  son  ms.  renfermait  une  biogra- 
phie de  Bernard  de  Cornil  et  probablement  aussi,  dans  ce  cas, 
quelques  pièces  de  lui. 

Après  avoir  énuméré  les  troubadours  dont  j'ai  cité  les 
noms,  Equicola  fait  un  tableau  d'ensemble  de  la  poésie  amou- 
reuse des  troubadours,  dont  les  traits  sont  tous  empruntés, 


MAMtJBCItlTg  PROVENÇAUX  13 

indisiinotemeat,  à  des  chansons  de  ces  derniers.  Beaacoup  de 
ces  traits  se  laissent  assez  facilement  reconnaître,  et  Ton 
pourrait  sans  trop  de  peine  dresser  la  liste  des  chansons  qui 
les  ont  fournis*;  mais  il  paraît  impossible  de  discerner —  s'il 
y  en  a  —  ceux  qu'Equicola  a  tirés  de  pièces  aujourd'hui  per- 
dues. 

XV.  —  Manuscrit  de  Velutello 

Le  manuscrit  dont  Velutello  a  tiré  les  notices ,  sur  divers 
troubadours  qu'il  a  insérées  dans  son  commentaire  sur  Pé- 
trarque, publié  pour  la  première  fois  en  1525,  ne  peut  être 
identifié  ni  avec  aucun  de  ceux  qui  nous  restent,  ni  avec  celui 
d'Equicola.  S'il  avait,  en  effet,  en  commun  avec  ce  dernier 
et  avec  le  second  chansonnier  de  Cheltenham,  la  biographie 
deRaimbaud  d'Orange»,  les  biographies  de  Giraud  deBorneil, 
de  Folquet  de  Marseille,  de  Bernart  de  Ventadour,  d'Aime- 
ric  de  Peguillain,  de  Gaucelm  Faidit,  et  probablement  aussi 
la  plupart  des  autres,  s'y  trouvaient  dans  un  texte  moins  dé- 
veloppé que  celui  de  ces  deux  derniers  mss.,  ou  du  moins 
que  celui  de  l'un  ou  celui  de  l'autre,  selon  les  cas,  puisque  le 
ms.  d'Equicola,  malgré  ses  rapports  étroits  avec  le  chanson- 
nier de  Cheltenham,  en  devait  néanmoins  différer  assez  no- 
tablement. Le  ms.  de  Velutello  contenait  peut-être  un  plus 
grand  nombre  de  biographies  que  le  ms.  5232  du  Vatican  ; 
mais  il  devait  appartenir  à  la  même  classe,  je  veux  dire  à 
celle  des  mss.  qui  nous  ont  conservé  les  biographies  des  trou- 
badours dans  leur  forme  la  plus  ancienne  et  la  plus  brève. 
Celui  d'Equicola,  au  contraire,  appartenait  probablement  à  la 
seconde  classe  de  ces  mss.,  celle  dont  font  partie  les  n**'  1749 
et  22543  de  notre  B.  N.,  et  où  les  biographies  se  présentent, 
soit  sous  une  forme  plus  développée,  soit  accompagnées  des 

*  Aux  renseignements  fournis  par  le  Libro  di  natura  d'Amore,  il  en  faut 
joindre  un  que  fournit  YHistoire  de  Mantoue  dn  même  auteur.  On  y  voit 
qu'Equicola  connaissait  la  tenson  de  Sordel  et  de  Peire  Guilhem,  En  Sordet  e 
queus  es  semblan,  laquelle  nous  a  été  conservée  par  quatre  mss.,  et  qu'il 
rapporte  tout  entière.  Je  ne  sais  b'il  y  fait  allusion  à  d'autres  pièces  de  Sordel. 
V Histoire  de  Mantoue  ne  se  trouve  dans  aucune  des  bibliothèques  à  ma 
portée,  et  je  ne  connais  le  détail  que  je  viens  de  rapporter  que  par  Biaise  de 
Yi^en^TQ  {Commentaires  de  César,  édit.  de  1602,  p.  273). 

«  Vov.  la  ftwwe,  XIX,  270. 


14  MANUSCRITS  PROYBNÇAUX 

rasos  d'un  plus  ou  moins  grand  nombre  des  pièces   des  trou- 
badours auxquelles  elles  sont  consacrées. 

XVI.  —  Manttscrit  de  Benedetto  Varchi 

On  lit  dans  VErcolano  de  Benedetto  Varchi  (f  1565),  édit. 
de  Florence,  1730,  p.  211:  «  lo  ho  in  un  libre  provenzalmente 
scritto  moite  vite  di  poeti  provenzali,  e  la  prima  è  quella  di 
Giraldo  chiamato  di  Bornello,  ....  laquai  vita  io  tradussi  gia 
in  volgare  florentine,  avendo  animo  di  seguitare  di  tradurre 
tutte  Taltre,  il  che  poi  non  mi  venue  fatto,  ancorache  sieno 

molto  brevi »  Suit  la  traduction  en  question  de  la  vie  de 

Giraud  de  Borneil, 

Parmi  les  mss.  qui  contiennent  des  vies  de  troubadours,  il 
n'y  en  a  que  trois  dans  lesquels  la  vie  de  Giraud  de  Borneil 
est  la  première  :  ce  sont  les  mss.  1592  et  22543  de  la  Biblio- 
thèque nationale  et  le  ms.  2814  de  la  bibiothéque  Riccardi 
à  Florence,  que  Ton  sait  être  la  copie  incomplète  du  chan- 
sonnier de  Bernart  Amoros.  Il  est  impossible,  pour  plusieurs 
raisons,  que  le  recueil  de  Varchi  fût  notre  mss.  22543  ;  il 
est  d'autre  part  à  peu  près  certain  qu'il  n'était  ni  l'un  des 
deux  autres  ni  l'original  du  dernier'.  Ce  serait  donc  là  encore 
un  ms.  dont  il  faudrait  déplorer  la  perte.  Mais  était-ce  bien  un 
ms.?  Varchi  dit  simplement  «  un  libre  »,  et  Crescimbeni,  dans 
une  note  de  sa  traduction  de  Nostredame',  semble  croire  qu'il 
s'agit  d'un  livre  imprimé.  Se  référant,  en  effet,  au  passage 
même  de  VErcolano  que  je  viens  de  rapporter,  après  avoir  dit 
que  Varchi  a  aveva  appresso  di  se  un  libre  in  lingua  provenzale 
di  vite  di  quel  poeti  assai  brevi  »,  il  ajoute:  «  Questo  libre  è 
impresso  e  l'abbiamo  veduto  anche  noi.  »  Crescimbeni  parle 
encore  ailleurs  (  Vie  d  Anselme  (=  Gaucelm)  Faidit,  note  vu) 
du  livre  en  question  :  a  La  mentovata  vita  citata  dall'  Ubaldini 
l'abbiamo  veduta  anche  noi  nel  codice  3204  délia  Vaticana. 

ê 

e  l'abbiamo  altresi  veduta  impressa  in  lingua  provenzale  in- 
sieme  con  altre.  »  Devant  des  affirmations  si  positives,  il  pa- 

*  Il  existe  à  la  bibliothèque  Laurentienne,  à  Florence,  un  chansonnier  pro- 
vençal (n®  xc-26)  qui  a  appartenu  à  Benedetto  Varchi  ;  mais  il  ne  cqntient 
pas  de  biographies. 

s  Giraldo  di  Bornello j  annotaz    m,  p.  107  de  l'édit.  de  Home,  1722. 


MANUSCRITS  PROVBMÇâUX  15 

rsJt  difficile  de  ne  pas  croire  que  Crescimbeni  avait  vu,  en 
effet,  un  recueil  imprimé  de  vies  des  troubadours  en  proven- 
çal. Voilà  un  imprimé  dont  la  découverte  ne  causerait  guère 
moins  de  joie  à  un  provençaliste  bibliophile  que  celle  d'un 
manuscrit.  Mais  en  reste-t-il  quelque  part  un  exemplaire  ? 

•  XVn,  —  Mantiscrits  provençaux  de  Francesco  Redi 

Les  précieuses  notes  jointes  par  Redi  à  son  Bacco  in  Tos" 
cana  nous  apprennent  que  ce  savant  personnage  possédait  en 
propre,  entre  autres  mss.: 

1^  Une  Storia  délia  Bibbia  in  lingua  provenzale; 

2o  Un  Glossario  provenzale  ; 

3®  Un  chansonnier  provençal. 

I.  Le  premier  de  ces  mss.  était  catalan,  et  non  purement 
provençal,  comme  le  prouvent  les  deux  exemples  que  Redi  en 
a  tirés,  p.  182  et  183  \  et  dont  le  second  a  été  reproduit  par 
Raynouard,  Lex.  rom.,  II,  81  b,  sous  renquallos.  Le  texte  qu'il 
renfermait  devait  être  le  même,  sauf  quelques  variantes,  que 
celui  qu'a  publié  M.  Amer,  soua  le  titre  de  Genesi  de  scriptura*, 
dans  la  Biblioteca  catalana  de  M.  Aguilô  y  Fuster,  et  dont  on 
possède  aussi  une  version  provençale  et  une  version  gasconne, 
publiées  Tune  et  l'autre  par  MM.  Lespy  et  Raymond  (voy. 
Revue,  XI,  206,  et  XII,  291).  Le  ms.  de  Redi  doit-il  être  iden- 
tifié avec  celui  du  même  ouvrage,  dans  la  même  langue,  que 
possède  la  Bibliothèque  laurentienne  et  que  M.  Mussaâa  men- 
tionne dans  une  note  (p.  5)  de  son  édition  des  Sept  Sages  en 
vers  catalans?  C'est  ce  que  je  ne  saurais  dire.  Redi  qualifie 
son  ms.  d'((  antichissimo  »,  ce  qui,  à  la  vérité,  d'un  texte  ca- 
talan, est  fait  pour  surprendre.  M.  Mussafia  dit  que  le  ms. 
de  Florence  est,  selon  quelques-uns,  du  commencement  du 
XV"  siècle;  selon  d'autres,  du  XIV®  siècle. 

II.  Le  Glossario  provenzale  est  ainsi  mentionné  dans  V In- 
dice  degliautori  citati,  p.  214:  a  Glossario  provenzale,  ma- 

*  Je  cite,  ici  et  partout,  d'après  l'édition  de  Naples,  1778,  t.  3,  des  Opère  di 
Francesco  Redi, 

s  Les  passages  cités  par  Redi  se  retrouvent  chez  M.  Amer,  p.  32, 1.  4-6,  et 
p.  44, 1.  5-7. 


16  mânubcsots  provençaux 

nuseritto  di  Francesco  Redi,  73,  178  (lis.  78).  »  Voici  les  deux 
seules  citations  qui  en  sont,  ou  du  moins  qui  sont  données 
comme  en  étant  tirées  *: 

P.  73,  sur  le  v.  22  de  la  p.  8,  à  propos  du  mot  druda  :  «  Glos- 
mrio  provenzale,  testo  a  penna  di  Francesco  Redi  :  Druiz,  dilec- 
tus,  amans  fidelis.  • 

P.  78,  sur  le  v.  40  de  la  p.  8,  à  propos  du  mot  forbite: 
«  Glossar.  provenz,  F.  Redi:  Forbir,  tergere,  mundum  facere.  » 

Sait-on  ce  qu'est  devenu  ce  glossaire  provençal  de  Fran- 
cesco Redi  ? 

Outre  le  glossaire  en  question,  Redi  a  utilisé  encore  la 
liste  de  verbes  et  le  dictionnaire  de  rimes  qui  font  partie  du 
Donat  provençal,  ainsi  que  le  petit  vocabulaire  provençal- 
italien  qui  suit  cet  ouvrage  dans  le  ms.  42-41  de  la  Lauren- 
tienne  (B  de  M.  Stengel),  le  seul  qu'il  paraisse  avoir  connu. 
Il  désigne  ce  dernier  vocabulaire,  dans  son  Indice,  p.  219,  de 
la  manière  suivante  :  •  Onomastico  provenzale,  testo  a  penna  délia 
Ubreria  di  sanLorenzof>,  et  il  en  cite  un  article,  p.  182:  a  For- 
nir,  dar  quel  che  bisogna.  »  Cf.  Stengel,  p.  90  a. 

Il  donne  ailleurs,  p,  184,  comme  tiré  du  même  Onomastico 
provenzale,  Tarticle  suivant  :  «  Bufar,  buccis  inflatis  insufflare,  » 
Mais  c'est  sans  doute  par  méprise.  Il  est  à  croire  que  c'est 
de  son  propre  glossaire  qu'il  l'a  extrait.  Ce  n'est  pas  du 
Donat  provençal,  car  lui-même,  au  même  endroit,  cite  ce  der- 
nier ouvrage  (sous  le  nom  de  Gramatica  provenzale]^  en  le 
distinguant  de  V Onomastico.  Voici  du  reste  le  passage  entier: 
«  P.  23,  V. 30.  Sbufja,  Nella  Gramat.  provenz.:  Bufar,  ore  insu- 
fflare^.  Onomast,  provenz,: Bufar,  buccis  inflatis  insufflare.  Rima- 
rio  provenzale  :  Buf,  id  est  insufjflatio^ ,  » 

III.  Le  chansonnier  provençal  de  Redi  ne  peut  être  iden- 
tifié avec  aucun  de  ceux  que  l'on  possède  aujourd'hui.  Est-il 
irrévocablement  perdu  ?  On  voudrait  espérer  que  non,  car  il 
contenait,  peut-être  en  grand  nombre,  des  pièces  uniques,  et 
quelques  unes  même  de  troubadours  dont  le  nom  ne  figure 


*  On  verra  plus  loin  qu'il  y  en  a  peut-être  une  troisième. 

2  Cf.  Stengel,  Die  beiden  altesten  provenz.  Grammatiken,  p.  29  a, 

«  /6îd.,p.  58  b. 


aujourd'hui  dans  aucun  autre.  Je  relèverai  ici  soigneusement 
tout  ce  que  les  citations  de  Redi  nous  en  apprennent. 

Il  ne  devait  pas  contenir  de  biographies.  En  effet,  Redi  qui 
cite  souvent  des  vies  de  troubadours,  d'après  le  ms.  41-42  de 
la  Laurentienne  (P  de  M.  Bartsch),  n'en  cite  jamais  aucune 
d'après  le  sien.  Les  poëtes  désignés  comme  ûgurant  sont  les 
suivants  : 

1.  Aimeric  de  Belenoi, 

2.  Bernart  de  Ventadorn, 

3.  Comtesse  de  Die  ou  de  Digne, 

4.  Elias  de  Barjol, 

5.  Gausbert  de  Poicibot, 

6.  Jaufre  de  T^olosa, 

7.  Perdigon, 

8.  Pons  de  Capdoil, 

9.  Raimbaud  de  Yaqueiras, 

10.  Le  roi  Richard, 

11.  Savaric  de  Mauleon. 

A  ces  noms  il  faut  peut-être  ajouter  celui  de  Rugetto  da 
Lucca,  poète  mentionné  p.  104,  sans  indication  de  source 
(non  plus  qu'à  V Indice)^  parmi  les  Italiens  qui  ont  composé  en 
provençal,  et  qui  ne  (se  trouve  cité  nulle  part  ailleurs,  si  ce 
n'est  dans  Crescimbeni,  qui  ne  le  connaissait,  comme  nous, 
que  par  Redi. 

Je  vais  reproduire,  en  suivant,  comme  dans  la  liste  précé- 
dente, Tordre  alphabétique,  tout  ce  qui  est  rapporté  par  Redi, 
d'après  son  ms.,  de  chacun  des  poëtes  qui  la  composent. 

1.  AiMERiG  DE  Belenoi. 
P.  129.  «  Naimeric  de  Bellenoi,  manuscritto  Redi  : 
Onta  eu  n'ai  gazanhat,  e  gran  despit.  » 

2.  Bernart  de  Vbntadorn. 

L'article  de  ce  poète,  dans  V Indice,  est  ainsi  conçu:  «  Ber- 
naldo  del  Ventadorn,  poeta  provenzale.  Teste  a  penna  délia 
libreria  di  san  Lorenzo  e  di  Prancesco  Redi.  68  {lis,  Q6).  106.  d 
Il  paraît  clair,  d'après  cela,  que  c'est  l'exemple  rapporté  à  la 
p.  106  qui  est  tiré  du  ms.  de  Redi  ;  ce  qui  est  confirmé  par 


]8  MAlïUSCRlTS  PROVENÇAUX 

ce  fait  que  le  premier  se  retrouve,  en  effet,  identiquement 
dans  le  chansonnier  de  la  Laurentienne  dont  Redi  a  fait  usage, 
c'est-à-dire  le  n®  xli-42,  au',f<>  18  yo  (deuxième  couplet  de  A/a 
non  vei  lusir  soleil). 

P.  106:  n  Bemardo  del  Ventadom  o  del  Veniadom,  nel  fine 
d'una  sua  gobola. 

Sonet  and  a  Madompna 

Qe  es  de  luenck,  e  clam  merce .  » 

3.  La  Comtesse  de  Die^ 
P.  78  :  c(  La  contessa  de  Dia  o  de  Digno: 

El  seu  drutz 

Avinen  gai  e  forbitz.  » 

Yoj.Jaufre  de  Tolosa. 

4.  Elias  db  Barjol. 
P.  125  :  <c  Elia  dî  Berzoli,  manuscritto  Francesco  Redi  : 

Ara  pose  eu  estar  alegres  e  joios 
Que  Baccli  adolza  medesin  mi  mal .  » 

5.  Gausbert  de  Poicibot*. 
P.  103:  iiPuggibot: 

En  cbantan  de  una  stampida 
Goblas  de  bellas  faissos.  » 

6.  Jauprb  de  Tolosa  5. 

Redi,  seul,  nous  a  conservé  le  nom  de  ce  poëte.  C'est  sans 
doute  dans  son  ms.  qu'il  l'avait  trouvé,  bien  qu'il  ne  le  dise 
expressément  nulle  part  *. 

P.  32  :  «  Giuffre  di  Tolosa,  poeta  provenzale  : 


<  L'Indice,  sous  ce  nom,  ne  renvoie  à  d'autre  ms.  que  celui  de  Redi. 
«  Indice  (p.  222):  «  Puggibot,  poeta  provenzale,  testo  a  penna  di  Francesco 
Redi,  103.  » 

*  Manque  dans  V Indice. 

♦  Gela  résulte  d'ailleurs,  implicitement,  de  ce  que  VIndice,  à  l'article  de  la 
Comtesse  de  Die,  renvoie  à  la  p.  105,  où  il  est  question,  en  même  temps  que 
d'elle,  de  Jaufre  de  Tolosa,  en  citant  seulement  le  «  manuscritto  di  Francesco 
Redi.» 


MANUSCRITS  PROVBHQltlX  19 

Weiilb'el  sang  del  racin 
Cal  cor  pUtz  en  ioi  eo  rire,  h 
P.  81  :  •  Giuffredi  di  Tolosa,  nella  serventeae  ch'  ei  fece  par 
amore  d'Alisa  damigella  di  Valogne,  disse  moite  YOlte  piatat 
in  vece  di  pielal: 

A  Madompua  eenes  piatat 
Nuec,  e  diaeu  clam  mercé.  » 
P.  105  :  n  Giuffrè  di  Tolosa  appella  sonetto  una  certa  fllas- 
trocca  di  versi,  che  arrivano  al  numéro  di  trenta  sei,  indirri- 
zataper  risposta  ad  un  simil  sonetto  âeW^tContessadi  Digno,  o 
corne  altri  dicono  di  Dût,  pur  anch'  ella  poetessa  provenzale  : 
Ben  aja  votre  sonet 
Qe  areu  autre  farai, 
Mais  non  auB  si  perfet 
Dir  si  con  le  darai, 
E  de  leuDck  en  cantaa 
Qer  moBtrar  el  meu  afan  : 
Dompna  en  plane,  e  aoepir,  ec.  » 

7.  Perdioon'  . 
P.  194  :  a  Perdicone,  poeta  provenzale  : 
Vaivasaor  rie,  et  poderoa, 
Ke  tien  ries,  et  bos  ameis,  » 

8.  Pons  de  Capdoil*. 
P.  99,  à  propos  de  motlo:  <  Ed  è  voce  lasciata  in  Toscana 
da'rijnatoriprovenzali.  Pons  de  Capdoill: 

E'I  mot  keu  cant  ei  no  es  gai,  e  poli,  » 
9.  Raimbaod  de  Vaqueiras  * . 
P.  73  :  «  Rambaldo  de  Vacheras: 

*  Vwilh  ? 

*  Indice  (p.  220):  »  Perdicione,  poeta  proveniale.  Teato  a  pet 
cescoRedi.  194.  » 

*  Indice  (p.  221):  t  Pons  de  Capdoil,  poêla  proveniale.  Teste 
FraocescoRedi,  99.  > 

*  Indice  (p.  222):  "  Rambaldo  de  Vaolieras,  poêla  proveoiale. 
della  Libreria  di  San  Loreoïo,  el  di  Franceaco  Redi.  66,  73,  >  A 
ms.  de  (  San  Lorenio  »  est  eiprossément  cité. 


liai  drutz  honr^t,  et  pretzan 

Per  la  amansa 

En  benenansa 

Inz  el  cor  port  honestat.  » 

10.  Le  Roi  Richard. 

P.  103  :  «  //  re  Biccardo,  manuscritto  Redi  : 
Coblas  a  teira  faire  adreitamen 
Pof  vos  oillz  enten  dompna  gentiiz .  » 

11.  Savaric  db  Mauleon*. 

P.  100  :  a  Salvarico  di  Malleone  inglese,  poeta  provenzale 
che  é  quello  stesso  mentovato  da  Guiglieimo  Britone  nel  poema 
délia  Filippide  con  nome  di  Savaricm  Malleo,  e  'da  Matteo 
Parisio,  e  da  Matteo  Vestmônasteriense  Savaricus  de  Mallo 
Leone,  e  da  Rigordo  Savaricus  de  Malo Leone: 

Doussament  fai  motz,  e  sos 
Ab  amorr  qne  m'a  vencut.  »» 

Je  n'ai  pu  retrouver  aucune  des  citations  précédentes  dans 
les  poésies  qui  nous  ont  été  conservées  sous  le  nom  des  trou- 
badours auxquels  Redi  les  attribue.  Sont-elles  donc  tirées  de 
pièces  aujourd'hui  inconnues  ?  Je  ne  me  hasarderais  pas  à 
l'affirmer  de  toutes  ;  mais  le  fait  paraît  certain  de  plusieurs, 
tout  au  moins  de  celles  do  la  comtesse  de  Die  et  de  Jaufre  de 
Toulouse. 

Le  nom  même  de  ce  dernier  troubadour  ne  se  trouve  nulle 
part  ailleurs  que  chez  Redi,  qui  heureusement  nous  donne 
plus  de  détails  &ur  lui  que  sur  aucun  autre.  Quant  à  la  com- 
tesse  de  Die,  avec  laquelle  Jaufre  échangea  des  vers,  je  suis 
porté  à  croire  que  ce  n'est  pas  la  même  que  la  trop  tendre 
amie  de  Raimbaut  d'Orange,  et  qu'il  faut  l'identifier  avec  celle 
dont  Barberino  parle  dans  les  gloses  latines  de  ses  Documenti 
d'Amore  *  et  dans  son  Reggimento  di  donna* ,  laquelle  dut  vi- 

1  Indice  (p.  223):  «  Salvarioo  di  Malleone,  poeta  provenzale.  Maauscritto 
diFr.  Redi.  100.» 

2  Jahrbuch  fur  rom,  lit,,  XJ,  54*55. 

3  Êdit.  Baadi  di  Vesme,  p.  247,  et  peat-ôtre  aussi  p.  169,  où  il  est  question 
d'une  comtesse  d'Erdia. 


MÀi^ÛSCfeWS  PROVENÇAUX  $1 

vre  une  cinquantaine  d'années  au  moins  après  l'autre  *.  Nos- 
tredame,  pour  le  dire  en  passant,  n'aurait  donc  pas  eu  tort 
d'en  compter  deux. 

On  aura  remarqué  que  Redi  appelle  aussi  la  comtesse  en 
question  Contessa  di  Digno{pi^,  78,  105).  Ubaldini,  dans  son 
édition  des  Documenti  d'amore,  mentionne  également  la  «  con- 
tessa di  Dia  o  vero  di  Digho  »,  qui  est  l'ancienne,  d'après  le 
ms.((  di  monsignor  Gio.Battista  Scannarola,  vescovo  di  Sido- 
nia.  ))0r  ce  ms.,  que  Ton  possède  encore  (c'est  le  n®  xlvi-29  de 
la  bibliothèque  Barberini)^  ne  donne,  si  j'en  crois  M.  Bartsch 
[Jakrbuch,  XI,  35),  à  la  célèbre  trouveresse  d'autre  nom  que 
celui  de  comtessa  de  Dia.  Il  y  a  donc  lieu  de  supposer  que 
c'était  aussi  le  seul  nom  que  portât,  dans  le  ms.  de  Redi,  celle 
dont  il  est  ici  question,  et  que  Redi  et  Ubaldini^  ont  emprunté 

*  Barberino,  parlant  d*un  chevalier  trop  soigneux  de  sa  personne,  qui  fut 
pour  cela  blâmé  de  la  comtesse  de  Die,  et  qui  se  corrigea,  ajoute  :  «  Et  vidi 
eum  postea  mirabiliter  ordinatum  »,  ce  qui  eût  été  impossible,  s'il  s'agissait 
ici  de  la  «  Sapho  provençale  »,  Barberino  étant  né  en  1264. 

2  Ubaldini,  dans  le  copieux  glossaire  (Tavola  délie  voci...)  qu'il  a  joint  à 
son  édition  (la  seule  qu'on  possède)  des  Documenti  d'amore  de  Barberino 
(Rome,  1640),  mentionne  plusieurs   mss.  provençaux   et  leur  emprunte   des 
exemples.  Mais  tous  ces  mss.  ont  été  identifiés   et  existent  encore.  Il  n'en  est 
pas  de  même  malheureusement  de  ceux,  du  moins  de  plusieurs  de  ceux  que 
Barberino  lui-même  avait  eus  à  sa  disposition,  et  dont  des  extraits  assez  nom- 
breux ont  passé,  soit  en  substance,   soit  plus  ou  moins  librement  traduits, 
soit  même  transcrits  littéralement,  dans  le  Reggimento  di  donna,  dans  les 
Documenti  damore  et  dans  les  gloses  latines,  déjà  mentionnées,  de  ce  der- 
nier ouvrage.  M.  Bartsch   a   publié  des   fragments  très-intéressants   de  ces 
gloses  dans  le  Jahrbuch  fur  rom.  Lit.,  XI,  43-59.  Je  me  borne  à  y  renvoyer 
le  lecteur,  en  remarquant  seulement  que  l'anecdote  rapportée  p.  49  (f.  34  v. 
du  ms.)  se  trouve  aussi  dans  les  Conti  di  antichi  cavalieri,  recueil  de  nou- 
velles d'origine  provençale  ou  française  en  grande  partie,  ainsi  que  dans  le 
commentaire  de  Benvenuto  da  Imola  sur  le  chant  xxviii  de  VEnfer  de  Dante, 
et  que,  p .  53, 1.  4-5,  il  ne  s*agit  pas  d'un  «  Folchet,  dominus  Naumerichi  » 
(cf.  p.  58, 1.24),  mais  d'un  Folquet  (différent  de  ceux  que  nous  connaissons?) 
qui  raconte  d'un  certain  Aimeric  l'anecdote  rapportée  en  cet  endroit.  J'ajou- 
terai qu'aux  noms  nouveaux  d'auteurs  provençaux  qui  nous  sont  révélés  par 
-les  gloses   en  question,  M.  Bartsch  aurait  pu  joindre  celui  de  Giovanni  di 
Bransilva,qu'Ubaldini  avait  déjà  fait  connaître, d'après  les  mêmes  gloses,  sous 
le  mot  scudiere  de  sa  tavola.  Voici  l'article.  Il  paraît  en  résulter  que  ce  Gio- 
vanni di  Bransilva  avait  écrit  une  sorte  d'ensenhamen  de  la  donzela,  dans  le 

genre  de  celui  d'Arnaut  de  Marsan. 
<  Scudiere.  Sino  a  certa  età  in  quella  stagione,  per  rendersi  atti  alla  caval- 


22  MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

Tun  et  l'autre  leur  o  fo  vero)  di  Digno  au  premier  traducteu 
italien  de  Nostredame,  Giovanni  Giudici,  qui  a  changé  en  con- 
tessa  di  Digno  (pp.  48-50)  la  comtesse  de  Die  de  l'original. 

Les  vers  cités  par  Redi  comme  étant  de  Savaric  de  Mau- 
léon  (p.  100)  et  du  roi  Richard  (p.  103)  ne  se  trouvent  certai- 
nement, dans  aucun  ms.  aujourd'hui  connu,  sous  le  nom  de  ces 
troubadours.  La  vérification  en  est  facile,  en  raison  du  petit 
nombre  des  pièces  qui  sont  attribuées  à  chacun  d'eux.  Mais 
il  se  pourrait,  comme  pour  Aimeric  de  Peguilain  et  les  autres, 
que  les  pièces  d'où  ces  vers  sont  tirés  figurassent  dans  les 
mss.  qui  nous  restent  avec  des  attributions  autres  que  dans 
celui  de  Redi. 

XVIII.  —  Chansonnier  du  comte  de  Sault 

Je  ne  mentionne  ici  ce  célèbre  chansonnier  que  pour  mé- 
moire, en  ayant  fait  l'objet  d'une  étude  particulière  qu'on 
pourra  lire  avant  peu  dans  mon  édition  de  Jean  de  Nostre- 
dame, en  ce  moment  sous  presse.  Il  suffira  d'avertir  que  l'iden- 
tification proposée  par  M.  Bartsch,  et  aujourd'hui,  à  ce  qu'il 
semble,  généralement  acceptée,  du  chansonnier  de  Sault  avec 
l'original  du  ms.  2814  delà  bibliothèque  Riccardi  à  Florence, 
est  démontrée  impossible  par  les  documents  sur  lesquels  s'ap- 
puie surtout  mon  étude. 

ce. 

(A  suivre.) 

leria  servivano  1  oobili  giovanetti  ai  cavalieri,  corne  si  raccoglie  dalle  chiose 
de*  Documenti  del  nostro  autore.  Ne  le  giovanette  don^elle  erano  eseoti  da 
ciô,  essendo,  corne  egli  stesso  dice  per  Tautorità  di  Giovanoi  di  Bransilva, 
scrittore  provenzale,  convenevole  che  stessero  a  servire  altre  doone  sino  ail' 
età  di  dieci  anni  compiti.  » 


ËIBLIOGRAPHIE 


L'Escriveta,  traduite  en  dialecte  macédo-roumain  [avec  une  version  fran- 
çaise] par  T.  Iliescu.  Munpeliie,  tipografîaD .  GroUie  si  fiu-su,  1882  ;  in-8o, 
8  pages.  ^ 

Quoique  la  poésie  populaire  des  campagnes  du  midi  de  la  France 
ne  soit  plus  dédaignée  par  les  classes  lettrées,  on  n'a  pas  encore  songé 
à  former  le  recueil  littéraire  de  ses  productions  les  meilleures  et  à  les 
rendre  ainsi  accessibles  à  la  généralité  des  lecteurs.  Le  public  res- 
treint des  érudits,  des  romanistes  et  des  curieux,  est  donc  aujourd'hui 
le  seul  qui  puisse  apprécier  la  délicatesse  et  l'élévation  morale  qui  s'y 
rencontrent  souvent. 

La  plus  belle  et  la  plus  touchante  de  ces  poésies  est,  à  notre  avis, 
celle  que  Ton  nomme  en  Provence  Flurança,  en  Languedoc  VEacri- 
veta,  en  Catalogne  Arciaa,  parfois  aussi  VEscrivana,  Nous  irions  même 
plus  loin,  et,  si  l'on  voulait  bien  nous  passer  cet  éloge,  peut-être  inexact 
et  ambitieux,  nous  verrions  en  elle  quelque  chose  d'équivalent  à  la 
chanson  nationale  de  ces  trois  régions  de  la  langue  d'oe.  Elle  reflète, 
d'ailleurs,  un  côté  de  la  vie  des  populations  du  littoral  français  de  la 
Méditerranée  qui,  jusqu'à  une  époque  relativement  récente,  virent  les 
pirates  arabes,  turcs  et  ensuite  barbaresques,  faire  ça  et  là  de  brus- 
ques descentes,  piller  les  villages  ou  les  fermes  isolées,  et  enlever  de 
préférence  les  jeunes  filles,  qui  alimentaient  les  marchés  d'esclaves 
de  l'Afrique  ou  de  la  Turquie  i. 

1. 
^  La  piraterie  musulmane  sur  les  côtes  méditerranéennes  de  la  France  for- 
merait la  matière  d'un  livre  qui  toucherait  à  bien  des  points  de  Thistoire  po- 
litique, littéraire  et  religieuse  du  Midi. 

Dans  son  Catalogus  episcoporum  magalonensium,  récemment  édité  par 
M.  A.  Germain  (Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier, 
t.  VII,  p.  442-852),  l'évêque  de  Maguelone,  Arnaud  de  Verdale,  confondant 
Charles  Martel  avec  Charlemagne,  dit  :  «Les  Sarrasins,  qui  alors  sillonnaient  la 
mer  de  leurs  pirateries,  pénétraient  par  les  graux  du  littoral  jusqu'à  Vîle  de 
Maguelone^  et  là  dévastaient  les  localités  du  voisinage.  Charles  tes  en  chassa. 
Les  habitations  et  même  l'église  de  Maguelone  furent  mises  hors  de  service, 
de  peur  que  les  Sarrasins  ne  s'y  abritassent.  »  (P.  485.) 

Un  édit  de  Louis  XI,  qui  porte  la  date  de  1467,  constate  également  des  des- 
centes de  pirates  sur  le  littoral  de  Frontignan  :  «  Mais  pour  ce  que  les  pirates , 
larrons  de  mer,  quy  souventes  fois  foisoient  et  font  descentes  sur  les  dicts  voi- 
sinages, prenoient  les  laboureurs  cultivants  les  dictes  terres,  les  emmen oient, 
rançonnoient  et  faisoient  plusieurs  maulx  et  dommages,  les  dicts  habitants  quy 
depuis  ont  esté,  voulant  obvier  aux  dicts  inconvéniens,  ont  cessé  de  plus  I4 


24  BEBLIOaRÀPHIB 

On  trouve  enfin,  en  certaines  parties  de  ce  chant,  des  inspirations 
que  la  poésie  la  plus  élevée  ne  mépriserait  pas,  depuis  le  souvenir 
donné  par  l'Escriveta  prisonnière  à  sa  terre  natale,  cette  terre  si  éloi- 
gnée 

Que  lous  aucels  que  vouloun  —  podoun  pas  ne  venî, 
Sounque  las  giroundèlas  —  que  van  per  tout  païs, 

jusque  la  colère  du  Maure,  lorsqu'on  lui  enlève,  avec  la  jeune  fille  qui 
devait  être  un  jour  la  femme  de  son  fils,  deux  chevaux  qui  font  fré- 
mir la  terre  sous  leurs  pieds  et  de  For  jaune  en  si  grande  quantité  que 
Ton  pourrait  en  dorer  la  mer  : 

Lous  chivals  que  m'emmènes  —  la  terra  fan  frémi, 
L'or  jaune  que  m'emportes  —  la  mar  fariè  lusî.       .       . 

bourer  les  dictes  terres  et  du  tout  abandonné  le  labourage  d'icelles,  etc.  » 
{Notes  sur  Frontignan,  pour  servir  à  son  histoire,  par  Achille  Munier, 
2«  éditioii.  Montpellier,  Coulet,  1872  ;  in-8o,  p.  187.) 

L*^époque  moderne  ne  fut  pas  plus  épargnée  que  ne  l'avait  été  le  moyen  âge  : 
«La  première  des  lettres  de  saint  Vincent  (de  Paul),  dit  M.  Tamizey  de  Lar- 
TO({\ï%  (Revue  de  Gascogne,  i,  XXIII,  p.  140),  écrite  d'Avignon,  le  24  juillet 
1607,  à  son  protecteur,  «  M.  de  Commet,  advocat  en  la  cour  présidiale  d'Acqs, 
à  Acqs  »,  est  peut-être,  au  point  de  vue  profane,  la  plus  intéressante  de  tout 
le  recueil.  Le  saint  y  raconte  (p.  I-IO)  comment,  dans  un  voyage  par  mer  de 
Marseille  àNarbonne,  il  fut  pris  par  des  pirates  turcs,  vendu  à  un  pêcheur,  puis 
à  un  alchimiste,  enfin  à  un  renégat  qu'il  convertit  et  avec  lequel  il  rentra  en 
France.  Le  récit  détentes  ces  aventures,  qui  commencent  à  Toulouse,  où  une 
bonne  vieille  femme  avait  fait  un  testament  en  faveur  du  futur  fondateur  de 
la  Mission,  et  qui  finissent  à  Aigues-xMorles,  où  le  petit  esquif  qui  le  portait 
arriva  le  28  juin  1607,  ne  manque  pas  de  ce  que  l'on  a  nommé  la  verve  gas- 
conne. S.  Vincent  y  décrit  d'une  façon  naïve   et  pittoresque  sa  course   à  la 
poursuite  du  mauvais  garnement  qui  lui  enlevait  trois  ou  quatre  cents  écus, 
la  vente  du  cheval  de  louage  qu'il  avait  pris  à  Toulouse  pour  attraper  le  ga- 
landy  le  coup  de  flèche  reçu  des  corsaires,  qui,  dit-il,  «  me  servira  d'horloge 
tout  le  reste  de  ma  vie  »,  les  occupations  auxquelles  se  livrait  le  vieux  méde- 
cin spagirique  dont  il  était  l'esclave,  et  qui  remployait  à  entretenir  le  feu 
continuellement  allumé  dans  dix  ou  douze  fourneaux,  les  conséquences  heu- 
reuses qu'eut  pour  son  nouveau  maître  et  pour  lui  le  chant  du  psaume  Super 

,  flumina  babylonis,  etc.  » 

L'établissement  des  Trinitaires  de  MontpeUier  consacrait  un  tiers  de  ses 
ressources  à  la  charité  hospitalière,  et  le  second  tiers  au  rachat  des  chrétiens 
prisonniers  chez  les  infidèles.»  Les  Trinitaires,  dit  M.  Germain  {Mémoires  de 
la  Société  archéologique  de  Montpellier,  IV,  531)  subvenaient  à  ces  deux 
sortes  de  besoins  par  des  quêtes,  dont  ils  partageaient  le  privilège  avec  leurs 

.  émules  les  moines  de  Notre-Dame-de-la-Merci Quand  ils  avaient  ainsi 

amassé  line  somme  suffisante,  ilé  partaient  les  uns  et  les  autres  pour  les  pays 
barbaresques,  puis  revenaient  escortés  de  ceux  de  leurs  frères  en  Jésus-Christ 


BlBUOaRA.PHJB  1^ 

Oçtte  pièoe  a  été  publiée  en  languedocien  danfi  les  Poésies  popu- 
laires de  M.  Atger*,  en  provençal  des  Alpes  par  M.  Damage  Arbaud^, 
en  catalan  par  MM .  Milâ  y  FontaiMilB  ^  et  Pelay  Briz  ^,  en  français, 
mais  avec  nn  vers  vellave,  par  M.  V.  jSmith  dans  les  VieiUe^  Chansons 
du  Velay  et  du  Fore»  ^.  Une  version  en  dialecte  de  Montpellier  a  été 


qu  ils  avaient  pu  racheter.  Leur  retour  tenait  à  la  fois  de  la  procession  et  du 
triomphe,  car  leur  passage  à  travers -les  villes  donnait  lieu  à  dé  pieuses  et  pa- 
triotiques manifestations.  En  1674  encore,  la  population  de  Montpellier  fêtait, 
consuls  en  tété,  Tarrivée  de  cinquante-six  Français  arrachés  par  les  religieux 
de  la  Merci  d*eatre  les  mains  des  musulmans  dAfriquè.La  délivrance  de  cha- 
cun d'eux  avait  coûté,  chiffre  moyen,  sept  cei)ts  livres.  Le  procès-verbal  ou 
certificat  que  signèrent  à  cette  occasion  nos  consuls  (Arm.  dorée,  liasse  ZZZ, 
no  9)  contient  le  non;,  l'âge  et  Toriçine  des  personnes  rachetées  de  la  sorte, 
avec  l'indication  du  maître  qui  les  a  vendues.  » 

"  Ai -je  besoin  de  rappefer,  quoiqu'elle  ne  se  rattache  pas  directement  au  midi 
de  la  France,  la  captivité  de  Regnard,  fait  prisonnier  avec  un  Provençal  et  sa 
femme,  pendant  qu'ils  allaient  dé  Civita-Vecchia  à  Toulon  sur  une  frégate  an- 
glaise. L'auteur  du  Joueur  a  raconté,  dans  une  nouvelle  de  style  et  d'allure 
romanesque,  quelques-uns  des  incidents  de  Ba  captivité.  La  personne  dont  il 
était  épris  y  est  nommée  Elvire,  et  son  mari  de  Prade.  Laharpe  {Cours  de 
littérature,  VI,  20)  ajoute  que  la  captivité  de  Regnard  resta  trçs-rigoureuse  ,' 
jusqu'à  ce  que  sa  famille  «  lui  fit  toucher  une  somme  de  douze  mille  livres  qui 
servit  à  payer  sa  rançon,  celle  de  son  valet  de  chambre  et  de  la  Provençale.  Ils 
revinrent  à  Marseille  et  de  Marseille  à  Paris.  Pour  comblé  de' bonheur,  ils  ap- 
prirent la  mort  de  De  Prade,  qui  était  demeuré  à  Alger  chez  un  autre  patron. 
Rien  ne  s'opposait  plus  à  leur  union,  et  ils  croyaient,  après  tant  de  traverses, 
toucher  au  moment  le  plus  heureux  de  leur  vie,  lorsque  de  Prade,  que  l'ou 
croyait  mort,  reparut  tout  à  coup  avec  deux  religieux  mathurins  qui  l'avaient 
racheté.  Cette  dernière  révolution  renversa  toutes  les  espérances  de  Regnard, 
•qui,  pour  se  distraire  de  ses  chagrins,  se  remit  à  voyager.  » 

^  Montpellier,  Impr.  cent,  du  Midi,  1875;  in-S»,  p.  41. 

3  Chants  populaires  de  la  Provence;  Aix,  Makaire,  1864;  t.  U,  p.  73. 

3  Romancerillo  catalan,  2e  édition,  p.  158. 

^  Cants  populars  catalans,  t.  ni,  p.  61. 

^  Paris,  1878,  p.  15  (Extrait  de  la  Romania).  Les  versions  françaises  de 
cette  pièce  sont  assez  nombreuses.  Il  en  existe  également  en  langage  du  Mont- 
ferrat,  en  espagnol  et  en  bas-breton  ;  mais  la  nature  du  sujet  et  sa  diffusion 
sur  le  littoral  français  de  la  Méditerranée  montrent  que  Ton  doit  chercher 
là  seulement  son  pays  d'origine.  Une  particularité  signalée  à  M.  Damase  Ar- 
baud  (t.  II,  79)  par  M.  Germain,  le  savant  historien  de  Montpellier,  mériterait 
d'ôtre  vérifiée  ou,  tout  au  moins,  connue  dans  ses  détails.  Nous  la  reprodui- 
sons ici,  en  souhaitant  qu  elle  suggère  à  quelque  érudit  catalan  une  étude 
complémentaire  sur  les  versions  de  VEscriveta  : 

•    «  Le  nom  de  VEscriveta  est  historique,  et  une  maîtresse  de  pension  dé  Mont- 
pellier m'a  affirmé  avoir  eu  pour  élève,  il  y  a  quelques  années,  une  héritière 


26  BIBLTOORAPmB 

insérée,  en  outre,  il  y  a  quelques  mois,  dans  Vlhu  àe  Poacas  per  Van- 
nada  1882  *  ;  et  la  Maintenance  languedocienne  dn  Félihrige,  qui,  de- 
puis plusieurs  années,  essaye  de  remettre  en  honneur  les  poésies  popu- 
laires méridionales,  décida  qu^elle  serait  chantée  le  7  mai  1882,  c^est- 
à-dire  le  jour  où  elle  recevait  au  château  de  Clapiers  le  grand  poëte 
de  la  Roumanie,  M.  V.  Alecsandri.  Un  tirage  à  part  en  avait  été  préparé 
pour  être  offert  aux  adhérents  de  la  f  élihrée  ^,  au  moment  même  où 
M,  Joseph  Dupin  devait  l'interpréter. 

Un  philologue  roumain,  que  sa  modestie  nous  interdit  de  nommer, 
eut  alors  Tidée  de  faire  traduire  cette  version  en  dialecte  de  Crusova 
(Macédoine),  par  un  jeune  homme  de  cette  ville  qui  l'avait  accom- 
pagné à  Montpellier,  et  de  distribuer  l'imitation  en  même  temps  que 
l'original . 

M.  Tascu  nîescu,  —  tel  est  le  nom  de  l'auteur  ', —  s'acquitta  fort 
bien  de  cette  tâche.  Il  roumanisa  les  détails  de  la  version  languedo- 
cienne, transforma  lou  Mbrou  sarrasin  en  sultan  des  Turcs  de  Maroc, 
substitua  le  nom  de  Dince  (Constance)  à  celui  de  VEscriveta,  appela 
Daf  ce  la  servante  de  Dince,  et  confia  l'impression  de  son  manuscrit  à 
MM.  GroUier,  lesquels  eurent  à  peine  quarante-huit  heures  devant 
eux  pour  trouver  les  combinaisons  typographiques  nécessaires  à  la  fi- 
guration de  quelques-unes  des^lettres  qui  sont  particulières  au  roumain 


de  ce  nom,  la  fille  du  marquis  Escrivay  de  Monistrol,  que  ma  femme,  élevée 
dans  la  même  pension,  a  parfaitement  connue,  et  dont  la  famille  habite  Bar- 
celone. Le  marquis  Escrivay  de  Monistrol,  qui  avait  pris  part  aux  mouvements 
politiques  de  TEspagne  en  faveur  de  don  Carlos,  s'était  alors  retiré  à  Mont- 
pellier, et  il  avait  choisi  cette  ville  de  préférence  à  toute  autre,  parce  que, 
disait-il,  il  s'y  trouvait  attiré  par  de  vieilles  traditions  domestiques,  le  château 
de  VEscriveta,  dont  il  se  vantait  de  descendre,  ayant  été  situé  aux  environs  de 
Montpellier,  dans  le  voisinage  de  Mireval  ;  et  le  marquis  Escrivay  de  Monistrol 
indiquait,  comme  marquant  l'emplacement  de  ce  manoir,'  une  ancienne  tour, 
qui  se  voit  encore  efTectivement  sur  la  droite  de  ce  village,  non  loin  de  la 
mer  et  dans  une  position  assez  élevée.  Mais  il  faut,  en  général,  se  méfier  de 
généalogies  qui  prétendent  remonter  si  haut.  » 

*  Mount-peliè,  Empremariè  centrala  dan  Miejour,  1882;  in-8o,  p.  88-90. 

*  La  Cansou  de  /'^^^crtvf^a;  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi, 
[1882];  in-12,  4  pages. 

«  VÀlbum  macédo-roumain  a  publié  de  lui,  p.  102,  une  note  intitulée  Pir- 
pirunele  sau  Paparudele  in  Macedonia,  Elle  contient  une  petite  pièce  po- 
pulaire macédo-roumaine  accompagnée  de  sa  traduction  en  roumain  du  Da- 
nube. 

Un  Abecedarù  sau  manu  ilu  de  silabismu  pentru  diatectul  macedo-ro- 
mânu  (sub-dialectul  de  Crusova)  vient  d'être  imprimé  à  Bucarest  (Thiel  et 
WeSss),  par  M.  Uiescu;  in-i6,  48  pages. 


BIBLIOGRAPHIE]  27 

et  au  macédo-roumain  (d,  s  et  t  cédilles,  m  *  et  n  tildes).  En  dépit 
de  ces  difficultés,  MM .  GroUier  terminèrent  cette  impression  à  leur 
honneur,  et  les  personnes  qui  se  pressaient  le?  mai  sur  les  magnifiques 
terrasses  du  château  de  Clapiers  purent  lire,  en  même  temps  que  VEs- 
criveta  montpelliéraîne,  Ascàparea  ait  Dince  di  mânile  Turçesci  (la 
Délivrance  de  Dince  des  mains  des  Turcs),  qui  constitue  le  premier 
texte  macédo-roumain  imprimé  en  Languedoc  et  très-probablement  en 
France  *.  Ceux  que  cette  publication  intéressait  n'ont  pas  été  peu  surpris 
de  constater  que  le  dialecte  dont  il  s'agit  se  rapprochait  aussi  étroite- 
ment du  latin  que  Tensemble  des  autres  langues  romanes  de  T  Europe. 
Ils  ont  également  constaté  en  lui  une  saveur  archaïque  qid  tient  peut- 
être  à  l'absence  de  cette  culture  littéraire,  scientifique  et  politique,  qui 
fait  que  les  périodiques  de  Paris,  de  Madrid  et  de  Rome,  semblent 
parfois,  malgré  la  différence  de  leurs  idiomes,  rédigés  dans  une  langue 
unique.  Le  charme  de  quelques-unes  des  formules  poétiques  que  ren- 
ferment les  vers  de  M.  Iliescu  fut  aussi  très-apprécié  :  Dince  est  <cla 
fleur  du  monde ]d;  son  mari  u  va  à  la  batailles  (à  la  guerre);  après <c  sept 
années  de  jours  »,  il  revient  auprès  d'elle  et,  ne  la  trouvant  pas,  prend 
la  résolution  de  la  chercher  tant  «  qu'il  aura  du  souffle  ï>  dans  son 
corps  ;  «  le  sourire  de  la  bouche  de  Dince  »  ne  cesse  point  à  partir  du 
moment  où  son  mari  la  retrouve.  A  un  point  de  vue  plus  local,  on 
remarqua  que  les  termes  suivants  étaient  les  mêmes  en  m  ontpelliérain 
et  en  macédo-roumain  :  cap  (tête),  casa  (maison),  el  (lui),  erà  (il  était) , 
ieu  (moi),  mai  (plus),  luna  (lune),  tac  tac  (toc-toc),  bruit  que  l'on  fait 


^  Cette  forme  de  Vm  n'existe  pas  dans  Talphabet  roumain  du  Dauube. 

'  Le  langage  de  Crusova  est  parmi  les  variétés  macédo-roumaiDes  celle  que 
Ton  connaît  aujourd'hui  le  mieux.  La  première  part  de  mérite  en  revient  à 
M.  Vaugeliu  Petrescu,  qui  a  donné  en  1880  un  curieux  spécimen  de  son 
idiome  dans  le  Mostre  de  dialectul  macedo-românu ,  Partea  /.  Basmul  eu 
fet  fimmosu,  Bucarest,  Socecu,  1880;  in-8o,  48  pages. 

Postérieurement  à  cette  publication,  M.  Petrescu  a  publié  dans  V Album 
macédo-roumain,  p.  99,  une  très-jolie  pièce  populaire  :  Sétea  a  gionelui  (la 
Soif  du  jeune  homme),  qui  est  suivie  d'intéressantes  notes  de  prononciation 
locale. 

On  trouve  enfin,  dans  une  revue  hebdomadaire  qui  paraît  à  Bucarest,  chez 
MM.  Graeve  et  QAt(Frat%Ha  intru  Dreptate)^  et  qui  est  rédigée  à  la  fois  en 
macédo-roumain  et  en  grec  moderne,  divers  textes  littéraires  crusovains. 
La  page  16  du  tome  I  (no  du  29  mars  1880),  renferme  une  poésie  de  M.  Iliescu  : 
Caire  Romani,  et  la  page  120  du  même  volume  (26  juillet  1880),  une  autre 
poésie  par  MM.  Petrescu  :  Romànul  iubit  de  ua  fêta  gréca.  Cette  publica- 
tion échappe,  dans  sa  partie  politique,  à  la  compétence  des  philologues,  mais 
on  y  rencontre  une  foulé  d'indications  du  plus  grand  intérêt  sur  les  popula- 
tions roumaines  de  la  Turquie  d'Europe  et  de  la  Grèce. 


^8  BIBLIOORAPHIS 

en  heurtant  la  porte  d'une  maison,  etc.  Le  languedocien,  le  proven- 
çal, et  le  gascon  surtout,  placent  un  a  au-devant  de  certains  substantifs, 
de  certains  verbes,  et  Ton  dit  encore  à  Montpellier  €u>oumençament 
(conamencement),  agkm  (gland  du  chêne),  ahica  (espèce  d'olivej, 
aproufità  (profiter),  aussi  communément  que  coumefngament^  glan^  luca 
et  proufità,  JjAscàparea  ali  Dince  met  im  a  devant  le  verbe  r£re;  leu 
nu  ^mï  arîd  di  Une  (Je  ne  me  ris  pas  de  toi)  devant  le  verbe  laisser  : 
86  *Uî  créscà  uà  alàssÔ  (et  il  la  laissa  grandir)  et  devant  le  mot  mer 
(amare)*;  le  béarnais  substitue  une  aspiration  à  Vf  des  mots  Jils, 
femme,  etc.  ;  il  en  est  de  même  du  macédo-roumain  de  Crusova  dans 
hilliû  (fils);  le  v  latin  de  vox  est  représenté  par  un  b  dans  bbçe(Yoixy, 
Le  gione  (jeune  homme)  rappelle  le  jouve  d'une  partie  du  domaine  de 
la  langue  d'oc*. 

Dernière  particularité,  enfin,  la  monnaie  d'or  est  désignée  en  ma- 
cédo-roumain  par  le  terme  de  jaunets  :  Galbine  scularo  (Ils  prirent  les 
jaunets).  Un  paysan  bas-languedocien  Aurait  dit:  E  t'esculleroun  lous 
rousaets  couma  se  pot  pas  mai  (Et  ils  écuellèrent  les  jaunets  comme  on 
ne  peut  mieux) . 

Le  macédo-roumain  est  si  peu  connu,  que  nous  n'hésitons  pas  à 
transcrire  ici  un  fragment  assez  considérable  de  la  poésie  de  M.  I.: 


*  La  Soif  du  Jeune  Homme  (Album  macédo-roumain,  p.  99)  contient  une 
forme  semblable]:  Mine'ni  escù  Arumdna  {moi  je  suis  Roumaine). 

On  en  trouvera  de  bien  plus  nombreuses  dans  le  Mostre  de  dialectul  ma- 
cedo^omânu  de  M .  Petrescu,  dont  la  préface  et  les  notes  seront  utilement 
consultées  parles  romanistes. 

2  Le  provençal,  qui  conserve  le  v  latin,  qui  lui  ramène,  en  outre,  beaucoup 
de  b  (Cf.  le  verbe  avé  (avoir)),  a  cependant,  lui  aussi,  quelques  mots  où  le  b 
se  substitue  au  v;  tel  est  à  Nimes  le  cas  de  bouide  (vide),  si  j'en  crois  un 
sonnet  de  M;  Louis  Bard  : 

Se  sabiès  quinte  bouide  as  cava  dins  ma  vido, 
0  mort  !  me  plagniriès 

(Lou  Cacho-fià,  Annuàri  prouvençau  pèr  l'an  de  gràci  1882  ;  Avignon, 
Durand;  in-i2,  p.  75.) 

■  A  propos  de  màse,  vieille  femme,  rapproché  de  la  qualification  langue- 
docienne mos  dans  la  deuxième  édition  du  poëme  de  M.  I.,  nous  citerons  e 
passage  suivant  de  Tabbé  Favre  {GEuvres,  II.  384): 

Ulissa,  de  fort  bona  graça, 
Das  dos  maos  arrapa  una  tassa, 
A  tout  lou  mounde  n'en  fai  gaud. 
Marcha,  bruca,  n'en  versa  un  pau, 
A  mos  d'Areta  la  présenta. 


29 


Marîlara  Dincea  înica,  s'di  inusutèta  lliei  '. 
Toti  gioni-lli  uX  cllimara  <  lilicea  lumi-llier. 
Di  raultu  înica  Dincea  s*minuta  ci  erà, 
Se  *si  lôga  duvaleta  .s*,  se'nvèsca  ru  scia. 
Barbat->su,  gione  tiner.si  muitu  musutic, 
Adaûa-dt  dimnèta  V  sç  dusse  la  batic. 
LudT*  îsr  fôcira  niimpta,  si   marta  diparto, 
S'a  lumi-llier  liiice  sS'llf  crésca  uâ  alassdJ. 


Dupo  sôpte  ani"  de  dîlle  a  casa  *si  se  turnÔ 
10      — <  Tacl  tac!  >  batù  pi  use,  —  <  MuJliéro, 


15 


20 


turno. 

mbij*  disfaî  > 
Mumâ-sa  îlli"  se  spuse:  —  <  Dincea  nu  iéste  aûà, 

>  Am  pitricut'  ua  'ntre  apa,  jVi'ar  se  vhiûâ'>  'lli  dîçea, 
Nessâ  Turci-lir  ini  ua  luaral  >  —  <Si  iu  uâdu8sira?> 

—  <  Nu  sciu,  n'uâ  vidui,  ma,  cum  uii  spusira, 

>  Cin'  sprëçi"  de  dîlle  calle,   si  pote  m^\  diparte, 

>  Ua  luarâ  s'uâ  tricura  d'amare  înaparte  !  > 

—  «Va  'mf  fac  una  caiche  subtîré  ca  pergam 

>  Si  va  s'me  duc  8*ua  caftu,  tu  trup  sufflit  pîn*am. 

>  S*allag  amarea  tôta,  loc-lu  a  tutulor, 

>  S'uâ  ved  nica  *nâ  ôra,  i  cama  ghine  s'raor  I  > 
£1,  de  acea  minuta^  tu  caiche  intro. 

Si  sôpte  2XL\  de  dille.  tu  amareimno, 
SMusse  tu  multe  locun,  si  multi  întrebo*, 
iVla  di  îa  vôr-'nu  n*aflos'  çi-va  nu  invito* 


*  On  prononce  lli  comme  17  mouillé  français  ou  le  gli  italien. 

*  L'habitude  de  ne  pas  faire  précéder  du  mot  di  le  nom  des  jours  de  la  se- 
maine se  maintient  encore  dans  le  Vivarais.  On  y  dit  lus  (lundi),  mars 
(mardi),  mecres  (mercredi).  Voyez  sur  ce  point,  de  Sauvages,  Dict.  lang.~fr., 
II,  46.  Il  en  est  de  même  en  Ronergue. 

3  Ce  vh  se  prononce  comme  le  y  du  grec  moderne.  Et,  puisque  nous  sommes 
à  noter  les  points  de  contact  ^u  macédo-roumain  et  du  provençal,  signalons 
les  formes  provençales  vespa  et  guespa  (guêpe),  lat.  vespa.  En  Languedoc,  la 
mutation  inverse  se  montre  dans  Augustus,  qui  a  formé  agoust  et  avoust. 

^  Raymond  Féraud,  dans  la  Vida  de  sant  Honorât,  emploie  le  verbe  in- 
^«•yar  (interroger,  questionner)  et  le  substantif  interva,  question,  demande. 
Entervà  existe  encore,  si  je  ne  me  trompe,  dans  le  languedocien  de  Colo- 
gaac  (Gard).  Comme  bien  d'autres,  malheureusement,  cette  épave  linguistique 
ne  tardera  pas  à  disparaître. 

s  Le  philologue  roumain  dont  j*ai  parlé  tout  à  Theure  me  fait  obligeamment 
remarquer  que  le  mot  uà,  que  l'on  prononce  d'une  seule  émission  de  voix,  en 
appuyant  bien  plus  sur  Vu  que  sur  Va,  est  quelquefois,  par  une  licence  fami- 
lière à  la  poésie  populaire  macédo-roumaine,  compté  pour  deux  syllabes  ;  on 
entendfalors  Vu  et  puis  Va.  Voyez  deux  exemples  du  premier  cas,  vers  73 
et  78  du  poème,  et  deux  du  second,  vers  75  et  76. 

Voici  la  traduction  française  de  la  citation  qui  précède  : 


30  BIBLIOGRAPHIB 

En  se  reportant  au  passage  correspondant  de  VEacriveta  montpel- 
lîéraîne  (Ibu  de  Pasccut  de  1882,  p-89),  le  lecteur  verra  que  M.  I.  a 
presque  suivi  vers  par  vers  une  poésie  qui,  nous  n'hésitons  pas  à 
le  répéter,  est  une  des  meilleures  de  la  littérature  populaire  du  bas 
Languedoc  : 

Maridoun  rEscriveta  —  la  flou  de  tout  pais  (bis), 
La  maridoun  tant  jouina  —  que  se  sap  pas  vesti. 
SouD  orne  vai  en  guerra  —  par  la  quità  grandi. 
Lou  dilus  fan  la  noça,  —  lou  dimàs  es  partit. 
Au  bout  de  set  annadas,  —  s'entournet  au  pais. 

—  «  Pau  !  pan  !  »  pica  la  porta.  —  «  Mouliè,  veni  doubri .  » 
Sa  maire  se  fai  veire  :  —  «  Escrîveta  es  p'  aici  ; 

L'aven  mandada  à  l'aiga,  -—  a  pas  sajut  veni; 

Lous  Môrous  nous  Tan  presa,  —  lous  Môrous  sarrasins.  » 

—  «  Ounte  Tan  eamenada?  » — «  Cent  legas  lion  d*aici .  » 

—  «  Farai  fa  'na  barqueta,  —  touta  emb  de  pergam  fin, 
E  ieu  l'anarai  querre  —  quand  saupriei  de  mouri  l  » 

«Ils  marièrent  la  petite  Dincea  (Constance),  et  [à  cause]  de  sa  beauté, — tous 
les  jeunes  [gens]  l'appelèrent  c  la  fleur  du  monde,  j»  -  Dincea  était  si  petite  et 
si  menue  (jeune), —  qu'elle  ne  savait  ni  lier  sa  coiffe  ni  s'habiller.—  Son  mari, 
jeune  homme  fort  beau, —  le  lendemain  matin,  s'en  alla  à  la  guerre  {lit.  à  la 
bataille) .  —Lundi  ils  firent  les  noces, —  et  mardi  il  s'éloigna, —  et  «  la  fleur  du 
monde  »,  il  la  laissa  grandir. 

Après  sept  ans  (lit.  sept  années  de  jours),  il  retourna  à  la  maison.-  «  Toc! 
Toc  !  »  il  frappa  sur  la  porte .  —  «  Ma  femme,  ouvre  I  »  —  Sa  mère  se  montra 
(lit.  s*exposa):  «  Dincea  n'est  pas  ici  -,  — je  l'ai  envoyée  à  l'eau,  et  elle  ne  vien- 
»  dra  plus  »,  elle  lui  dit. —  «  Les  Turcs  me  la  prirent  !»  —  <  Et  où  la  con- 
duisirent-ils ?»  —  «  Je  ne  sais,  je  ne  l'ai  pas  vue  ;  mais,  d'après  ce  qu'on  m'a 
»  dit,—  [c'est  à]  quinze  jours  de  chemin,  et  peut-être  encore  plus  loin.  — Ils 
»  la  prirent  et  la  [firent]  passer  de  l'autre  côté  de  la  mer.  » 

tt  Je  vais  me  faire  une  barque  mince  (lit,  subtile)  comme  du  parchemin,  — 
»  et  je  vais  aller  la  chercher,  tant  que  j'aurai  du  souffle  (l'âme)  dans  mon 
»  corps  !  —  courir  toute  la  mer  et  tous  les  endroits, —  la  voir  encore  une  fois, 
»  ou  [sinon]  mourir  plutôt.» — Lui,  depuis  ce  moment,  entra  dans  la  barque, 
—  et  [durant]  sept  ans  (Ht.  sept  années  de  jours)  il  alla  sur  la  mer.—  Il  s'en 
alla  dans  beaucoup  de  pays,  et  il  interrogea  beaucoup  (de  personnes),  —  mais 
il  ne  découvrit  ni  n'apprit  rien.  » 

La  substance  de  quelques-unes  des  notes  que  Ton  vient  de  lire  a  pris  place 
dans  la  seconde  édition  de  la  poésie  deM.Uiescu,  qui  vient  de  paraître  chez 
MM.Grollier:  VEscriveta,  poésie  populaire  languedocienne,  traduite  en  dia- 
lecte macédo-roumain,  in-8o,  32  pages,  et  qui  a  été  distribuée  à  tous  les 
mainteneurs  du  Félibrige  en  Languedoc.  On  trouvera  dans  ce  tirage,  qui  té- 
moigne d'une  quadruple  collaboration,  un  essai  de  bibliographie  et  deux  textes 
de  YEscriveta,  ainsi  que  des  notes  sur  la  phonétique  macédo- roumaine  et  le 
vocabulaire  de  YAscàparea  ali  Dince. 


BiBLIOàRÂPHIB  31 

Restet  set  ans  sus  Taïga  ^  —  sans  res  veîre  veni. 

Dans  un  travail  fait  Tan  dernier,  nous  eûmes  l'occasion  d!étudier  le 
rôle  de  la  Roumanie  dans  la  littérature  actuelle  du  midi  de  la  France. 
Quoique  le  présent  compte  rendu  ait  pour  but  de  signaler  seulement 
certains  côtés  de  VAscapàrea  ali  Dince,  on  reconnaîtra  que  l'œuvre  de 
M.  I.  est,  par  son  mérite  poétique  aussi  bien  que  son  intérêt  dialectal, 
un  témoignage  notable  de  l'utilité  dés  relations  établies  entre  les  f  éli- 
bres  méridionaux  et  la  littérature  de  l'Orient  roumain  ^. 

A.    ROQXJB-rEBRIEB. 


Ausgaben  and  Abhandlnngen  ans  dem  Gebiete  der  romanische  Phi- 
lologie verofTenlicht  von  E.  Stengel.  Marburg,  1882,  iQ-8o. 

C'est  la  suite  et  le  complément  de  la  partie  déjà  signalée  par  la 
Revue  des  L  rom.,  t.  XXI,  p.  254.  Elle  contient  un  glossaire  tout  à 
fait  complet  des  textes  français  les  plus  anciens,  depuis  les  Serments 
jusques  et  y  compris  VEpitre  farcie  de  saint  Etienne  de  Tours.  L'au- 
teur y  joint  un  tableau  des  rimes  et  diverses  observations  grammati- 
cales et  glossologiques.  C'est  un  travail  consciencieux,  utile  et  facile 

^  Dans  ce  vers,  comme  dans  le  vers  suivant  de  la  même  poésie  : 

Segueroun  pas  à  Taiga  — .  que  s'ausiguet  un  crid, 

aiga  semble  avoir  le  sens  de  mer. 

Cette  acception  n'a  pas  été  relevée,  quoique  Honnorat  remarque,  Dict. 
prov.-fr.,  1, 62,  que  le  substantif  aiga  (eau)  se  traduit  aussi  par  rivière,  fleuve, 
pluie,  humeur  liquide,  etc. 
En  roumain,  apa  signifie  eau,  comme  aussi  rivière  et  fleuve. 
Observation  complémentaire  :  le  début  de  ÏEscriveta  s'apparente  de  très- 
près  à  celui  de  la  Pourcheireto  (Damase  Arbaud,  Chants  populaires  de  la 
Provence,  I,  p.  91)  : 

N'es  Guilhem  de  Beauvoire  —  que  se  voou  maridar, 
La  prend  tant  jouveneto,  —  se  saup  pas  courdelare 
Au  bout  de  cinq  semanos  —  à  la  guerr*  es  anat. 
A  sa  doDo  de  mero  —  la  val  recoumandar- 
Le  commencement  du  Pastis  [Ihid.,  II,  69)  rappelle  encore  VEscriveta: 

N'en  maridoun  Françoise  (bis\ 
Tant  jouino  M  ant  donna  'n  marit 
Qu'elo  lou  sablé  pas  sarvir. 
'  La  citation  des  vint-quatre  vers  de  M.  I.  est  faite  d'après  la  deuxième  édi- 
tion de  VEscriveta,  dont  le  texte  diffère  de  la  première  sur  quelques  points 
insignifiants.  Notre  citation   doit  cependant  être  corrigée  çà  et  là:  Vers  9, 
lisez  Dupa  au  lieu  de  Dupo,  et  21,  lel  au  lieu  de  El. 


3^  Brauoaa^HiA 

à  consulter.  J'aurais  cependant  quelques  critiques  à  faire  en  ce  qui 
concerne  certaines  leçons  de  la  Passion  et  du  Saint  Léger,  Il  est  pro- 
bable que  M.  Stengel  n'avait  point  lu  Tarticle  que  j'avais  publié  dans 
la  Revue  des  langues  romanes,  2e  série,  t.  I,  p.  5  à  23,  sur  une  nouvelle 
révision  de  ces  deux  poëmes.  Quoiqu'il  y  ait  plus  d'une  erreur  dans 
les  observations  que  j'émettais  alors,  M.  St.  aurait  pu  cependant  y 
glaner  quelques  remarques  utiles.  Je  les  consigne  ici  même  pour  plus 
de  commodité. 

M.  St.  imprime  benlemçnt  (Pas«.,  130)  et  mante(n)lz  (Pass.,  43). 
Pourquoi  la  seconde  orthographe  ne  serait-elle  pas  aussi  valable  que 
la  première  ?  Voir,  pour  les  formes   modernes  analogues  conservées 
dans  les  patois  languedocien  et  limousin,  ma  note  sur  les  strophes 
33,2. 

Pass  ,  155,  M.  St.  lit  «  ne  no  ss'  usted.  »  Je  persiste  à  croire  qu'il 
faut  lire  <r  ne  no  s  eusted  d  =  non  se  *suhstavit.  Cf.  ma  note  sur  ce 
vers. 

Pa^s,,  270,  M.  St.  lit  :  «  Mais  [chi  l'Jawa  sort  an  gitad.  »  Je  croyais 
avoir  suffisamment  prouvé,  par  un  exemple  emprunté  à  Grégoire  de 
Tours,  qu'il  fallait  conserver  la  leçon  du  ms.  en  la  complétant: 

Mais  à  t;[e]ra  sort  an  gitad. 

Pûws.  398.  M.  St.  imprime  custo(de)s,  ce  qui  veut  dire  qu'il  con- 
sidère la  leçon  du  ms.  comme  fautive.  J'ai  prouvé  à  ce  propos  que  la 
forme  bas-latine  authentique  custoda,  avec  le  sens  de  gardien,  justi- 
fiait pleinement  la  forme  romane  custode . 

Pass .  505,  M.  St.  semble  considérer  fenimunz  comme  l'équivalent 
de  finement.  C'est  bien  un  composé  de  finis  et  de  mundus  analogue  à 
terremot  =  terrae  motus. 

Léger,  203.  M.  St.  ne  garde  roors  qu'avec  doute.  Peut-être  aurait- 
il  moins  hésité  s'il  avait   connu  les  observations  que  j'ai  faites  à  ce 

sujet. 

A.  B. 


Altfranzosische  Bibliothek,  herausgegeben  von  D'  Wendelin  Foerster. — 
Dritter  Band.  Octavian,  altfranzosischer  Roman,  herausgegeben  von 
Karl  VollmoUer.—  Heilbronn,  Gebr.  Henninger,  1883;  in-8»,  xix-160  p. 

Roman  d'aventures  d'un  peu  plus  de  5370  vers  octosyllabiques .  Ce 
n'est  pas  une  œuvre  d'art,  tant  s'en  faut.  L'auteur  a  recours  aux  pro- 
cédés les  plus  simples  et  les  plus  expéditif  s  pour  mettre  en  scène  ses 
personnages  et  arriver  au  dénoûment.  Nul  souci  de  la  vraisemblance. 
Un  ou  deux  thèmes  qui  ont  déjà  servi  sous  des  noms  difierents  for- 
ment la  base  de  son  récit  et  le  dispensent  des  frais  d'invention.  Son 


BIBI.IO0RAPaiS  d3 

orthographe  et  ses  rimes  sont  également  incorrectes.  Joignez  à  cela 
de  nombt-euses  distractions  de  copiste .  On  comprend  que,  dans  de 
telles  conditions,  l'éditeur,  M.  KarlVoUmoUer,  n'ait  modifié  son  texte 
que  dans  les  cas  d'absolae  nécessité  et  lui  ait  laissé  son  incorrection, 
qui  est  voulue,  puisqu'elle  est  imputable  à  l'auteur  .lui-même. 

Le  ms.  qui  nous  Pa  conservé  (Rodléienne  d'Oxford)  date  de  la  fin  du 
XlIIà  ou  du  commencement  du  XIV®  siècle. 

L'édition  de  M.  K.  V .  comprend  une  introduction,  où  sont  étudiées 
la  langue  et  la  métrique  de  ce  poème,  le  texte,  de  nombreuses  remar- 
ques et  un  glossaire,  le  tout  rédigé  avec  soin. 

V.  11.  Je  substituerais  qui  kne.  — V.  602,  503.  Je  lirais  : 

Et  dl  reapondent  a  esvrous  :  —  «  Por  vendre  la  \l^  aportons  nous  », 
au  lieu  de: 

Et  cil  respondent:  «  A  estrous^  — Por  ve/nâ/re  le  aportons  nous,  » 

V.667,  668.  Je  lis: 

Oes  com  Diex  veult  avoier  (non  avoir)  —  Ses  gent,  com  il  les  veult 
aidier  (non  aidoir), 

V,  715.  Je  lis  :  Por  Dieu  leisses  me  (non  moi)  alerporeuc, 

V.  1050.  <siAhi!»  dist-il  com(e)  fau  musart.  Il  est  inutile  de  corri- 
gerfait,  que  donne  le  ms.,  et  il  faut  lire  :  v.Ahi  »,  dist-il  a  com  fait 
musarti  » 

V.  1147.  Lui  deniers,  corrigez  li  deniers. 

V.  1288.  France  ne  pouvant  rimer  avec  tans  =  tempus,  il  faut  lire 
Frans. 

V.  1342.  Effacer  la  virgule  après  aprester. 

V.  1477.  Se  Diex  nos  faut,  lisez  :  Se  Diex  nos  saut, 

V.  1666.  molt  garree,  lisez  esgarree,  et  supprimez  molt, 

V.  2000.  Ne  plus  que  [sel  ce  fust  un  tors.  Lisez  :  Ne  plus  que  sefust 
une  tors  =  turris.  —  V.  2516.  Nenil,  dist-il,  Diex  me  puet  sauver.  Je 
liTsia  Nenil,  se  Diex  me  puist  sauver.  —  V.  2755,  3857,  3889,  3944. 
Au  lieu  de  en  onde,  je  lirais  en  non  De  =  in  nomen  Dei,  —  V.  3377. 
Conoîstries;  ve[i]e8  au  lieu  de  vees. —  V.  3440.  Bien  voit  qu'il  ne  [le] 
puet  sofrir.  Je  lirais  les  au  lieu  de  le.  —  V .  3469,  3470.  Feri  Florent 
le  chevalier  Que  sa  lance  fist  \tot\  briser.  Lisez  :  [Tan<]  que  sa  lance  fist 
briser. —  V.  3610.  Que  il  ne  trenche  hors  et  hors.  Je  lirais  ens  et  hors, 
V.  3705.  Les  grans  os  e8m[e]utes  sont.  Il  faut  ou  esmeues,  quadrisyl- 
labe,  ou  esmutes,  trisyllabe. 

— Fûnfter  Band  Lyoner  Yzopet  altfranzosische  Ubersetzung  des  xiii.  Jah- 
runderts,.,  herausgegeben  von  Wendelin  Foerster.  1882,  XLiv-i66  p. 

M.  W.  Foerster  a  joint  à  ce  recueil  de  fables,  écrites  en  dialecte 
franc-comtois,  le  texte  latin  (^Anonymus  Neveleti)y  dont  le  texte  ro- 


U  BIBLlOaiUPHlA 

man  n'est  que  la  traduction  libre.  L'introduction  contient  tous  les 
renseignements  bibliographiques,  littéraires  et  philologiques,  afférents 
au  sujet.  De  nombreuses  remarques  faisant  suite  au  texte  et  un  glos- 
saire contenant  les  formes  remarquables  complètent  cette  savante  et 
utile  publication. 

V.  1067.  mainte  mal  est  mal  à  propos  rapproché  de  maint  du  y.  837. 
— V.  1317 f  sue,  qui  estréquivalent  du  latiuwJeraeA  toi  garde  sa  sue 
toute  =  Nam  servat  uhera  plena  tibi  »,  vient  de  '*'  sûga  ===  ^^i^ka  ap . 
Du  Gange,  forme  que  nous  retrouvons  dans  le  composé  aanguisuga. 
La  forme  romane  prouve  que  8uga  devait  avoir,  outre  sa  signification 
active,  «  celle  quitette»,  la  signification  neutre  passive,  «  ce  qu'on  tette, 
tettine.  » — V.  1507.  Li  premiers  mesfait  esHmer,  lisez  mes  fait  (mes  = 
cibus), — V.  2711-13.  Mettez  un  point  après  plainne,  supprimez  le  point 
après  soverainne  et  mettez  une  virgule  après  Lofert  dur, 

.A.  B. 


Franzosisches  oz.  Inaugural  Dissertation von  Philipp  Rosmaon. 

Erlangen,  1882,  38  pages. 

La  double  origine  de  la  diphthongue  o£  (to  oi  =  o  +  %  ;  2o  ei  ==  6, 
ï)  est  appuyée  d'exemples  nombreux.  Cet  historique  est  complété  par 
d'autres  exemples  qui  permettent  de  suivre  de  siècle  en  siècle  la  ten- 
dance qu'avait  l'ancienne  langue  à  confondre  en  un  son  conmiun  les 
diphthongues  o»,  ei,  ai,  tendance  qui  nous  a  valu  d'assez  singulières 
contradictions  d'orthographe  et  de  prononciation  ;  cf.,  par  exemple, 
François  ei  français,  monnaie  et  proie.  —  Voici  quelques  observations 
de  détail.  P.  6.  Glace,  face,  espace,  se  dérivent  de  "glada,  *facia, 
«pafo'a,  plutôt  que  de  glacies,  fades,  spatium,  P.  7.  Vouiquoi  peritiare, 
pei'cer,  lorsque  nous  avons  Tétymologie  proposée  par  Diez,  pertusiare 
(de  pertusum),  qui  a  ^pu  donner  periuiser  et  percer,  le  second  formé 
directement  de  pertusiare,  le  premier  dérivé  du  substantif  pertuis  f 
Pertusiare  peut  en  effet  se  décomposer  en  pe/rtu  +  sia/re^  d'où,  d'après 
la  loi  de  Darmesteter,  j?er/  +  ser  :=  percer.  —  P.  9.  Adhauhare  aurait 
pu  donner  *aho&r,  qui  n'existe  pas,  et  même  aboyer,  en  supposant  *acf- 
hauhiare  (forme  qui  d'ailleurs  aurait  plutôt  produit  àboger)^  mais  n'a 
pu  donner  abaier,  doublet  de  aboyer.  Il  faut  donc  revenir  à  mon 
étymologie  adbadare,  *adbadiare,  retrouvée,  il  y  a  peu  de  temps,  par 
M.  Foerster.  —  P.  27.  *Oupidat  ne  peut  donner  convoite. 

A.  B. 


filBUOORàPHlB  35 

Aid  et  Mirabel  und  Elie  de  saint  Gille  zwei  altfranzosiscke  Helden- 
gedichte,  mit  Ânmerkungen  und  Glossar  und  einetn  Anhang  die  Fragmente 
des  mittelniederlandischen  Aiol^  herausgegeben  von  Prof.  Dr.  J.  Verdam  in 
Amsterdam  zum  ersten  mal  herausgegeben  von  Dr.  Wendelin  Foerster. — 
Heiibronn,  1882,  lvi-629  pages. 

Commencée  en  1876,  cette  importante  publication  a  paru  en  trois 
fascicules  séparés :1e  premier  comprenant  le  texte  de  VAiol;  le  second, 
celui  de  VElie  de  Saint  Gille;  le  troisième,  les  Variantes,  les  Remar- 
ques, le  Glossaire  et  le  Fragment  de  YAiol,  écrit  en  néerlandais  du 
moyen  âge.  Nous  y  retrouvons  la  science  vaste  et  sûre  dont  M.  Foers- 
ter a  déjà  donné  tant  de  preuves .  Son  travail,  complet  de  tout  point, 
utile  en  même  temps  aux  écoliers  et  aux  maîtres,  est  indispensable 
à  quiconque  veut  étudier  d*un  peu  près  les  deux  poëmes  d^Aiol  et 
d'Elie  de  Saint  Gille. 

Suivent  les  observations  que  j'ai  faites  en  lisant  les  Remarques  qui 
forment  le  fond  du  troisième  fascicule. 

517       Sovent  l'avoit  forbie  et  ressuee. 

Comme  l'assonnance  n'est  pas  en  ié,  il  faut  rejeter  re-sucare  que 

propose  M.  Foerster.  Je  proposerais  à  la  place  re-swtore,  littéralement 

«  recoudre  »  et  par  extension  «  raccommoder  »,  sens  qui  conviendrait 

ici  : 

747      Hautement  li  escrie. 

On   pourrait  aussi   lire   ri  escrie  =  illum  ibi  exquiritat.  Eacrier 

q.qu'im  était  la  tournure  habituelle  dans  l'ancienne  langue. 

194      Que  je  puisse  mon  père  encore  aidier 
Et  r«;i>rfe?' ma  mère  qu'en  a  mestier . 

Eevigdera.  le  sens  de  «  secourir,  reconforter.  »  Il  faut  donc  le  rat- 
tacher k*revividare  plutôt  qu'à  re«îw7are.  D'ailleurs,  le  provençal  re- 
visdat  =  ranimé,  ressuscité,  que  cite  Raynouard,  ne  permet  guère,  au 
moins  pour  le  sens,  de  songer  à  re-visitare, 

3376     Bêlement  vint  armés  sor  Tempereor. 

Le  vers  a  une  syllabe  de  trop.  M.  F.  se  demande,  mais  avec  doute, 
si  l'on  ne  pourrait  pas  supprimer  simplement  sur,  et  comprendre  vint 
Vempereor  =  venii  ad  imperatorem.  Je  comprends  le  doute  de  M .  F . , 
mais  je  crois  pourtant  que  cette  correction  est  encore  la  meilleure. 
4497.  Fieus  a  putain,  parjures,  fel  de  menti  I 

Lisez  fel,  de  menti  =  Deum  menUtua*  Cf.  857 . 

4601.  Pour  la  correction  de  la  rime  qui  est  en  ié,  nient  devrait  être 
monosyllabe.  Je  proposerais  donc  de  lire: 

Et  se  il.  nel  veut  faire,  [ce]  ne  li  celés  nient. 

Quand  il  est  dissyllabe,  ni-ent  rime  ou  assonne  avec  le  groupe  ent, 
qui  ne  connaît  pas  la  mouillure.  Cf.  357  >  nient,  laidement,  faitemen^, 
etc.,  etc. 


36  BIBLIOaRAPHlE 

5125.  H  est  probable  que  ce  vers  de  dix  syllabes , 
Nous  vous  jurons  sor  sains  .x.  fois  u  quinze 
en  comptait  douze  dans  l'original.  Il  suffit  pour  rétablir  cette  mesure 
de  lire  foïea  =foiée8,  au  lieu  de  fois,  comme  plus  haut  au  v.  5094  : 

Ja  nous  jurons  sor  sains  .y.  foies  u  dis, 
où  M.  F.  n'a  pas  hésité  à  pratiquer  cette  correction. 
6586      Le  caperon  sorhauce  et  si  Ta  enclinié. 
Enclinié,  pour  encline,  doit  se  dériver  de  *in-cliniare,  doublet  sup- 
posable  avec  i  intercalaire  de  inclinare.  Cf.  targier  ==  ^tardiaref  à  côté 
de  tarder,  =  tardare, 

8094      Et  la  senescaudie  de  tout  vostre  roion . 
Eegionem,  dont  parle  M .  F . ,  n'ayant  pu  donner  que  quelque  chose 
comme  rison,  ne  se  prête  guère  à  un  rapprochement  avec  roion  = 
royaume. 

8181  Ne  )or  daignierent,  tant  par  furent  dispers. 
■  Je  dériverais,  comme  M.  F.,  dispers,  despers,  d'une  forme  dispersus, 
mais  je  le  rattacherais  à  disperdere  et  non  à  dispergere.  Attribution 
que  favorise  le  sens  «  qui  a  perdn  la  tête,  éperdu.  »  Cedispersus  se- 
rait un  doublet  analogique  de  perditus,  comme  en  italien  perso  = 
*persu8  est  celui  de  perduto  =  *perdutu8,  perditus. 

9093      A  haute  vois  s'escrie  li  quivers  de  mal  engre. 
Je  supposerais  que  engre  dérive  d'une  forme  *ingenum,  primitif 
analogique  de  ingenium.  Le  sens  conviendrait  on  ne  peut  mieux,  quant 
à  l'isophonie  de  g'n  =  gr,  cf.  YiTgre=  YÏTginem, 

10084  Que  Juis  travellierent 
En  regard  de  cette  forme  Juis,  où  Vs  n'étant  pas  flexionnelle  ne 
peut  qu'être  étymologique  et  correspond  ici  à  un  v  latin,  Judœi,  *Ju- 
dœvi  (comme  le  propose  justement  M.  F.)  =  Juis,  Judœa,  *Judœva, 
sssJuise,  il  aurait  été  bon  de  citer  les  formes  semblables:  antis  =  anti- 
qvum  (Elle,  672)  et  aniisses  =^  aniiqvas,  mentionnées  plus  loin  par 
M.  F. 

y.  10^9     Je  yousplevispar  foi  et  jur  sainte  Marie, 

Puis  que  parti  de  vous,  a  feme  n*oc  compaignie. 

M.  F.,  sans  proposer  de  correction,  observe  que  le  vers  a  une 
syllabe  de  trop.  M*  Tobler  ajoute  :  «  peut-être  faut-il  lire  aillors  n^oc 
compaignie,  ou  bien  encore  fems  fCai  acointie.  »  Je  crois  qu'il  suffit  de 
déplacer  la  préposition  a  et  de  dire  n'oo  feme  a  compaignie. 

A.  B. 


PÉRIODIQUES 


Romania,  42-43. —  P.  177.  A.  Thomas,  Extraits  des  archives  du 
Vatican  pour  servir  à  Vhistoire  littéraire,  IV.  Philippe  de  Vitri.  V . 
Gace  de  laBigne.YL  Pierre  BersvÀre  (suite). — P.  188.  A  Morel-Fatio, 
Proverbes  Hmés  deRamon  Lull, — P.  203.  A.  Thomas,  la  Versification 
de  la  chirurgie  provençale  de  Raimon  d Avignon,  M.  A.  Thomas  fait 
cette  fois  le  dépouillement  complet  des  vers  de  Raymond*Avignon. 
Il  les  groupe  par  séries  d'exemples  et  arrive,  en  ce  qui  concerne  nos 
trois  théories difEérentes,  la  sienne,  la  mienne  et  ceUe  de  MM. G.  Paris 
et  P.  Meyer,  aux  conclusions  suivantes  : 

1*  Contre  la  théorie  de  M.  A.  Thomas,  3  exemples; 

2^ Contre  la  théorie  de  M.  Boucherie,  13  exemples; 

3o  Contre  la  théorie  de  la  Eomania,  50  exemples  environ. 

Disons  tout  d'abord  que,  la  théorie  de  M.Thomas  étant  la  plus  élas- 
tique, est  par  cela  même  moins  exposée  que  les  autres  à  rencontrer  des 
exceptions,  et  que,  celle  de  la.  Romania  étant,  au  contraire,  la  plus  res- 
trictive des  trois,  doit  en  rencontrer  un  bien  plus  grand  nombre. 

Cependant,  comme  il  s'agit  ici,  non  pas  d'établir  seulement  des  ap- 
proximations, mais  d'arriver  à  la  certitude  absolue,  peu  importe  en 
définitive  que  tel  ou  tel  système  soit  plus  ou  moins  probable.  Il  faut, 
pour  être  admis  à  l'exclusion  des  autres,  qu'il  ne  tolère  aucune  excep- 
tion. Or  M.  A.  Thomas,  quoique  le  mieux  partagé  en  apparence,  re- 
connaît que  les  trois  exemples  qui  lui  sont  contraires  sont  bien  au- 
thentiques et  ne  donnent  lieu  à  aucune  correction  ou  modification. 
Voilà  donc  son  systèmamis  à  l'écart,  non  sans  faire  d'ailleurs  une  re- 
traite des  plus  honorables. 

En  procédant  avec  cette  rigueur,  il  semble  que  je  prépare  mon 
propre  suicide,  puisque  j'ai  affaire  à  des  adversaires  plus  nombreux . 
Si  la  théorie  de  M.  A.  Thomas  n'a  pu  tenir  contre  trois,  que  pourra 
faire  la  mienne  contre  treize?  Et  pourtant,  avec  tout  l'entêtement 
d'un  Galilée  en  train  de  découvrir  la  rotation  de  la  terre,  je  persiste 
dans  ma  première  opinion  :  E  pur  si  muove  ;oixi,  la  césure  obligatoire 
est  toujours  au  huitième  pied,  même  dans  ces  treize  vers  où  cette 
huitième  syllabe  est  atone,  attendu  que  ces  mêmes  vers  peuvent  tous, 
sans  exception  et  très-facilement,  retrouver  la  bonne  cadence  qu'ils 
ont  dû  perdre  par  la  faute  du  copiste. 

Il  suffit  pour  cela  de  ce  qu'on  peut  appeler  un  minimum  de  cor- 
rection, d'un  simple  déplacement  de  mots.  Et  nous  sommes  d'autant 
plus  autorisés  à  pratiquer  ces  restitutions  anodines,  qui  changent  seu- 

3 


38 


PERIÛDUIDBSS 


lement  Tallure  de  la  phrase,  que  le  copiste  a  commis  de  bien  autres 
fautes  et  bien  plus  nombreuses.  Ajoutons  enfin,  à  sa  décharge,  que 
ce  vers,  qui  était  probablement  nouveau  pour  lui  comme  il  Test  au- 
jourd'hui pour  nous,  n'a  pas  un  rhythme  aussi  sensible  que  les  autres 
grands  vers,  la  césure  n'étant  guère  qu'accentuelle  et  n'impliquant 
pas  un  repos  nettement  appréciable,  comme  par  exemple  dans  le  dé- 
casyllabe coupé  au  quatrième  ou  au  sixième  pied,  et  dans  le  dodéca- 
syllabe coupé  au  sixième.  H  en  résultait  que  le  copiste,  croyant  n'avoir 
à  se  préoccuper  que  de  la  rime  et  de  la  numération  des  syllabes, 
pouvait  être  tenté  de  ramener^aux  habitudes  de  la  syntaxe  usuelle,  de 
la  syntaxe  de  la  prose,  les  inversions  et  les  tournures  qui  s'en  éloi- 
gnaient, n  devait  d'autant  plus  facilement  glisser  sur  cette  pente, 
que  ces  corrections  à  demi  inconscientes  pouvaient  se  faire  en  quel- 
que sorte  toutes  seules,  sans  altérer  la  forme  des  mots  et  par  un  sim- 
ple déplacement.  C'est  aussi  l'avis  de  M.  Chabaneau,  à  qui  j'ai  soumis 
le  tableau  ci-après,  où  se  trouvent  reproduits  les  treize  vers  cités  par 
M.  A.  Th.,  chacun  d'eux  accompagné  de  ce  que  je  suppose  avoir  été 
le  vers  primitif. 


Plas  vos  auzir  qu'eu  vos  diga 
Plas  vos  auzir  qu*eu  diga  vos 

Un  meu  amie  que  m'en  prega 
Un  meu  amie  que  preya  m'en 

Ades  pero  si  pot  traire 
Ades  pero  si  traire  pot 

Quant  es  le  carns  mas  creguda 
Qumit  mas  creguda  es  le  carns 

Mas  tu  d'aquest  bon  emplastre 
Mas  d'aquest  bon  emplastre  tu 

Ab  aquest  vin  veti,  fraire, 
Ab  aquest  vin,  fraire,  veti 

Ad  aquest  obs  es  mecina 
Ad  aquest  obs  mecina  es 

Sus  en  son  col  es  d'espasa 
Sus  en  son  col  d'espasa  es 

Et  en  toz  faitz  sias  savis 
Et  sias  savis  en  toz  faitz 

E  tu  li  fai  bon  emplastre 
E  bon  emplastre  tu  li  fai 

Fai  li  foment  d'erbes  mollas 
D'erbes  mollas  fai  li  foment 


•  m'cD  tension. 
-  m'entension. 

■  per  gran  amor. 

■  per  gran  amor. 

ab  dos  canons. 
ab  dos  canons, 

que  per  rason. 
que  per  rason. 

Tabeuraras. 
l*abeuraras, 

con  0  faras. 
con  0  faras. 

ben  covinens. 
ben  covinens. 

tan  for  feritz. 

•  tan  fort  feritz. 

e  ben  arditz. 
e  ben  arditz. 

de  pes  naval. 
de  pes  naval. 

no  siafais. 
notsia  fais. 


PERIODIQUES  39 

Tan  que  un  conc  de  fust  puscas  —  intrepausar. 

Tant  que  puscas  un  conc  de  fust       —  intrepausar, 

E  levai  tant  que  11  costa  '  —  gent  s'en  adreis. 

E  levai  tant  que  gent  H  cas  —  ta  s'en  adreis, 

A  ces  treize  vers,  qui,  si  on  les  acceptait  tels  que  nous  les  a  tran- 
scrits le  copiste,  porteraient  le  coup  mortel  à  ma  théorie,  M.  A.  Tho- 
mas en  ajoute  quatre  autres,  qui  selon  lui  me  seraient  également  con- 
traires : 

N"  8.    Et  mit  les  sus  —  quel  pôlvera  —  la  fay  fugir. 

Rogiers  nou  yorns  —  la  pôlvera  —  vermeya  met. 
No  13.  E  fran  l'os  gent  —  la  on  premeiraméntz  —  si  frais. 

Sel  os  torcen  —  suau  e  temorosamén. 

Moi  aussi  je  regarde  ces  quatre  vers  comme  tout  à  fait  authentiques, 
et  je  ne  songç  nullement  cette  fois  à  mettre  le  copiste  en  cause,  par  la 
raison  toute  simple  qu'ils  ne  constituent  pas  une  objection  à  mon  sys- 
tème .  En  efEet,  dans  les  deux  premiers,  nous  avons,  grâce  à  Taccent 
secondaire  du  proparoxyton  pôlvera,  accent  qui  porte  sur  la  dernière 
syllabe  ra,  la  césure  oxytone  au  huitième  pied .  Il  ne  peut  y  avoir  de 
doute  à  cet  égard;  car,  si  Fauteur  empruntait  au  latin,  contrairement 
auxvraies  tendances  du  provençal,  des  proparaxytons  qui  avaient  con- 
servé toute  leur  valeur  originelle,  cène  pouvait  être  qu'en  les  soumet- 
tant aux  mêmes  règles  que  leurs  correspondants  subissaient  dans  la 
versification  latine  liturgique,  c'est-à-dire  en  comptant  leur  syllabe 
finale  comme  oxytone.  M.  G.  Paris  a  déjà  eu  l'occasion  de  signaler 
l'équivalence  de  la  finale  des  proparoxytons  latins  et  de  notre  finale 
masculine.  D'ailleurs,  on  en  rencontre  des  exemples  certains  en  rime 
dans  des  vers  octosyllabiques,  lesquels  sont  justement  d'origine  iam- 
bique  conome  ceux  qui  nous  occupent  en  ce  moment  {Passion  du 
Christ,  Albéric  de  Besançon),  Or,  si  la  finale  des  proparoxytons  pou- 
vait être  considérée  conmie  oxytone  à  la  fin  des  vers,  combien  plus 
encore  devait-elle  avoir  cette  valeur  dans  Tintérieur  du  vers  et  à  la 
césure  ? 

D'ailleurs,  M.  A.  Thomas,  tout  le  premier,  semble  venir  à  résipis- 
cence, puisqu'il  dit  plus  loin  (p.  211)  que,  dans  des  vers  commençant 
conmie  celui-ci  : 

Lsi  pôlvera  dels  aCTrodils, 

«  le  mot  étant  proparoxyton,  la  quatrième  syllabe  peut  être  considérée 
comme  ayant  un  accent  secondaire  ;  de  sorte  que  ces  vers  ne  s'écar- 
tent pas  beaucoup  de  la  coupe  oxytone  régulière .  » 

Et  comme,  une  fois  qu'il  est  entré  dans  le  bon  chemin,  un  esprit 
droit  ne  sait  plus  revenir  sur  ses  pas,  M.  A.  Thomas  continue  pom*  moi 


40  pâRIODIQUfiS 

l'argumentation,  et  constate  que  des  formes  telles  que  delivramentz, 
prernevrameniz,  «  peuvent  être  considérées  à  la  rigueur  comme  sépa- 
rables  »,  délivra  mentz,  premeira  mentz,  ce  qui  procure  la  césure  cher- 
chée. Sous  le  bénéfice  de  ces  deux  observations,  qui  me  sont  d'autant 
plus  favorables  qu'elles  émanent  de  mon  contradicteur  lui-même,  je 
me  crois  donc  fondé  à  dire  que  les  quatre  exemples  de  surcroît  qu'il 
cite  contre  moi  n'ont  pas  la  portée  qu'il  leur  supposait  d'abord . 

Des  polysyllabes  comme  temorosamen  ne  contrarient  pas  non  plus 
mon  système,  attendu  que  nous  trouvons  dans  ce  mot,  de  par  la  loi 
de  l'accent  binaire,  trois  accents  :  lo  celui  de  la  fin  ou  accent  princi- 
pal ;  2°  et  3°  les  deux  accents  secondaires  prétoniques  osa,  témor. 
Pour  osa  (iimorôsamente),  il  ne  saurait  y  avoir  de  doute.  Quant  à  té- 
mor, il  ne  peut  y  en  avoir  davantage,  comme  le  prouvent  à  la  fois  les 
habitudes  de  la  versification  latine  liturgique,  qui,  en  pareil  cas,  aurait 
compté  temor  pour  un  trochée,  et  la  règle  de  M.  Darmesteter,  d'après 
lequelle  les  syllabes  prétoniques  sont  traitées  comme  si  elles  appar- 
tenaient à  un  mot  indépendant.  Or  le  dissyllabe  temor  aurait  eu  l'ac- 
cent sur  la  première,  d'où  l'obligation,  pour  la  forme  romane  corres- 
pondante, de  garder  l'accent  à  la  même  place. 

M.  A.  Thomas  considère  comme  des  enclitiques,  inséparables  du 
mot  auquel  ils  s'appuient,  les  monosyllabes  tels  que  en,  8a,,si,per, 
sas,  etc.,  ce  qui^  dans  certains  cas,  empêcherait  la  césure  (p.  208, 209) . 
Cette  opinion,  si  elle  était  fondée,  augmenterait  encore  la  liste  des 
citations  qui  nous  sont  contraires,  à  moi  et  à  la  Romania,  mais  ce  n'est 
qu'une  pure  hypothèse,  contre  laquelle  on  pourrait  citer  des  exemples 
empruntés  même  à  des  vers  où  la  césure  est  autrement  sensible  que 
dans  ceux-ci.  Je  n'ignore  pas  que  la  manière  de  voir  de  M.  A.  Tho- 
mas est  aussi  celle  de  M.  G.  Paris,  qui  a  déjà  fait  une  observation 
analogue  dans  son  compte  rendu  de  l'édition  du  S.  AubanàQ  M.  At- 
kinson.  Mais,  je  le  répète,  ce  n'est  après  tout  qu'une  conjecture,  que 
les  faits,  au  moins  les  faits  anciens,  ne  justifient  pas  pleinement. 

Pour  que  ma  théorie  fût  réellement  inacceptable,  il  faudrait  ren- 
contrer dans  le  dernier  des  trois  tronçons  quadrisyllabiques  des  po- 
lysyllabes dont  la  finale  oxytone  formerait  le  neuvième  pied,  ou  un 
trissyllabe  paroxyton  dont  l'atone  finale  formerait  le  dixième,  comme 
seraient  par  exemple  : 

1®  Vers  avec  polysyllabe  oxyton  formant  le  huitième  et  le  neuvième 
pied  : 

Segnors,  a  vos  que  est  compa  —  nyon  et  amie 

E  vos,  amie,  plas  vos  m'enten  — cion  ausir  ? 

Nostra  mecina  es  covi  —  nens  ad  aqaestè 

Es  la  polvera  des  affro  —  dits  bona  fort, 


PSmODlQUBS  41 

2o  Vers  avec  trîssyllabe  paroxyton^  dont  Tatone  finale  forme  le 
dixième  pied  : 

Tant  que  ses  content  una  plu  '  —  meta  s'en  pel. 

E  per  razon  quant  es  mas  cre  —  guda  la  carns. 

Âd  aquest  obs  es  nostra  me  —  cina  ben  fort. 

Sus  en  son  col,  et  tan  fort  aies  ^-  posa  feritz. 

Or  M.  A.  Thomas,  dans  la  statistique  qull  a  faite  avec  tant  de 
soin,  n'en  cite  pas  un  seul  qui  soit  fait  sur  ce  modèle. 

A  cette  probabilité  je  crois  devoir  en  joindre  une  autre  :  je  veux 
parler  d'un  nouvel  exemple  de  dodécasyllabes  coupés  au  huitième 
pied,  exemple  emprunté  à  la  lyrique  populaire,  comme  je  l'ai  déjà 
fait  dans  le  précédent  article.  On  me  pardonnera  d'insister  sur  ces 
rapprochements,  mais  ils  sont  d'autant  plus  nécessaires  que  la  démons- 
tration est  plus  difficile  et  les  moyens  d'information  plus  rares. 

lo  Quand  la  berger'  s'en  va-t-au  champ  —  toujours  filant, 

Sa  quenouillette  à  son  côté,  —  fuseau  d'argent, 

2o  Son  bel  amant  s'en  va-t-après  —  toujours  disant  : 

ft  N'allons-nous  pas  nous  marier  ?  —  Belle,  ol  est  temps   » 

3o  —  «  Retire-toi,  vilain  galant,  —  tu  m'y  déplais. 

Je  t'aim'rais  beaucoup  mieux  au  loin  —  qu'  non  pas  auprès .  »  . 

4o  —  «  Que  t'ai-je  fait,  ma  douce  ami',  —  que  j' t'y  déplais? 

Que  t'aim'rais  mieux  m'y  voir  au  loin  —  qu'  non  pas  auprès  î  » 

(J.  Bujeaud,  Ch.  et  Chans,  pop.,  I,  225.) 

En  '  résumé  : 

La  théorie  de  M.  A.  Thomas,  «  césure  oxytone  obligatoire  au  qua- 
trième ou  au  sixième  pied  »,  a  contre  elle  au  moins  trois  exemples  cer- 
tains (n°  14),  reconnus  par  lui-même  comme  tels. 

La  théorie  de  MM.  G.  Paris  et  P.  Meyer,  «  trois  tronçons  de  quatre 
syllabes  avec  césure  bien  tranchée  »,  a  contre  elle,  en  ce  qui  concerne 
le  quatrième  pied,  les  sept  vers  du  n**  4,  le  vers  du  n°  6,  le  vers  du 
no  11,  le  V.  1534  du  n»  12,  et,  si  la  correction  que  je  propose  plus  loin 
est  bonne,  le  v.  1337  (p.  207),  en  tout  au  moins  dix  vers,  M.  A. 
Thomas  dit  une  cinquantaine  ;  mais  je  ne  vois  guère  sur  quoi  il  ap- 
puie cette  affirmation,  qui  me  paraît  exagérée. 

Ma  théorie,  «  césure  obligatoire,  enjambante  ou  non,  au  huitième 
pied  ;  facultative,  mais  très-fréquente,  au  quatrième  pied  »,  n'a  contre 
elle  aucun  exemple,  si  l'on  reconnaît  le  bien-fondé  de  mes  observa- 
tions relativement  aux  dix-sept  vers  que  M.  A.  Thomas  m'oppose. 

Somme  toute,  nous  ne  différons  que  par  des  nuances  et  nous  som- 
mes d'accord  sur  l'essentiel,  c'est-à-dire  en  ce  qui  concerne  l'allure 
iambique  du  vers  et  sa  division  très-fréquente,  sinon  constante,  en 
trois  tronçons  de  quatre  syllabes. 


\ 


42  PÉRIODIQUES 

Quelle  est  Torigine  de  ce  vers  si  singulier  ?  Je  n'hésite  plus,  depuis 
que  M.  A.  Thomas  a  fait  observer  que  la  finale  de  chaque  vers  est  in- 
variablement oxytone,  à  y, voir  l'imitation  provençale  du  sénaire  iam- 
bique  latin .  C'est  la  même  succession  de  dipodies,  un  véritable  décal- 
que de  ce  que  les  Grecs  appelaient  trimètre  iamhique.  Mais  il  diffère 
en  un  point  essentiel  de  son  modèle  latin,  en  ce  qu'il  n'a  jamais 
^'équivalent  de  la  césure  du  sixième  pied.  D'où]vient  cela?  D'où  vient 
aussi  que,  tout  en  conservant  la  césure  latine  du  quatrième  pied  ou 
césure  penthémimère,  il  ne  l'emploie  pas  de  préférence  comme  fai- 
sait le  latin,  et  la  subordonne  à  celle  du  huitième  pied,  à  cette  césure 
inconnue  de  son  modèle  latin  et  qui,  pour  lui,  au  contraire,  est  seule 
obligatoire?  Je  ne  le  sais.  Peut-être  faut-il  attribuer  cette  particula- 
rité à  l'influence  de  l'octosyllabe,  si  usité  dans  la  poésie  latine  liturgi- 
que et  plus  encore  dans  la  poésie  romane,  octosyllabe  iambique  qui 
représente  exactement  les  deux  premières  dipodies  ou  deux  premiers 
tiers  du  sénaire.  Dans  tous  les  cas,  le  sénaire  latin  ne  favorisait  pas 
cette  tendance,  puisque,  au  moins  deux  fois  sur  trois,  les  mots  qui  for- 
maient le  quatrième  et  le  cinquième  pied  (=  syllabes  7,  8,  9,  10  du 
dodécasyllabe  de  Raimon  d'Avignon)  se  refusaient  à  toute  césure, 
comme  on  peut  le  voir  par  ces  vers  de  Phèdre: 

Frenumqne  solvit  prisf mwm  —  licenii^ . 

Arcem  tyrannus  occupât  —  Pisistratus 

Omne  insuetis  onus  et  c«  —  pissent  queri 

Ranœ  vagantes  liberis  —  paluàibus 

Qui  dissolutos  mores  —  vi  compescerei 

Parvum  tigillum  missum  quod  —  subito  vadi 

Motu  sonoque  ierruit  —  pavidum  genus 
Quod  quum  inquinassent  omne  con        —  tumelia. 

(Livre  I,  fable  2.) 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  particularité,  je  veux  parler  de  la  pré- 
dominance de  la  césure  du  huitième  pied  dans  le  vers  de  Raimon 
d'Avignon:  qu'elle  soit  due  à  l'influence  de  l'octosyllabe  de  nos  trou- 
vères et  de  nos  troubadours,  ou  qu'elle  provienne  d'une  autre  cause, 
elle  n'en  paraît  pas  moins  certaine. 

H  va  sans  dire  que  toutes  les  explications  que  je  viens  de  donner 
tournent  au  profit,  si  elles  sont  justes,  non-seulement  de  ma  théorie, 
mais  encore  de  celle  de  MM.  G  Paris  et  P.  Meyer.  Aussi,  par  esprit 
de  solidarité  scientifique,  ai- je  voulu  appliquer  aux  dix  exceptions  quj 
contredisent  leur  système  les  mêmes  procédés  de  restitution  que  j'ai 
employés  pour  les  treize  vers  que  M.  A.  Thomas  m'opposait.  Mais 
cette  fois  les  résultats  ne  sont  pas  aussi  concluants,  et  la  césure  du 
quatrième  pied,  moins  heureuse  que  sa  sœur' du  huitième,  ne  sort  pas, 


PERIODIQUES  43 

comme  celle-ci,  complètement  victorieuse  de  Tépreuve,  car  sept  vers 
sur  dix  se  refusent  obstinément  à  ce  traitement  orthopédique,  à  ce 
modeste  déplacement  de  mots  qui  me  permet  de  tenir  pour  nuls  et 
non  avenus  les  témoignages  invoqués  contre  moi. 

Voici  d'abord  les  vers  qui  se  prêtent  à  restitution .  Il  n'y  en  a  mal- 
heureusement que  trois  : 

Quan  vol  ésser  —  ne  assemblar  —  metges  complitz. 
Quan  mi  mémbra  —  gran  paor  ai  —  per  caritat. 
Que  la  pôlvera  —  meta  sus  —  e  sera  bon. 

qu'on  peut  tout  aussi  bien  lire,  en  leur  rendant  la  césure  du  quatrième 
pied  : 

Quan  esser  vol  —  ne  assemblar  —  metges  complitz. 

Quan  membra  mi  —  gran  paor  ai  —  per  caritat. 

Que  meta  sus  —  la  polvera  —  e  sera  bon . 

Voici  maintenant  les  sept  réfractaires  : 

Peneténsa  —  communion  —  tôt  sens  temor. 
De  las  télas  —  ne  t'eji  diray  —  au  ira  rayson.  . 
Freolésa  —  si  sent  a  pauc  —  ha  de  vertul. 
E  travélla  —  ardidament  —  ses  tôt  esglay. 
Mas  per  fôrza  —  m'ave  a  dir  —  ço  qu'a  desus. 
0  per  fmba  —  quan  non  si  sana  per  rason. 
De  sotz  ]a.forcéla  del  pietz  —  ti  fai  trasar. 

C'est  là,  on  peut  le  remarquer,  comme  la  contre-épreuve  de  la  res- 
titution semblable  que  j'ai  opérée  sur  les  treize  vers  qui  semblaient 
tout  d'abord  devoir  détruire  mon  hypothèse . 

M.  A .  Th.  signale  une  autre  particularité  de  ce  texte,  laquelle  n'a 
qu'un  rapport  indirect  avec  la  question  principale  que  je  viens  de  trai- 
ter, à  savoir  l'emploi  intermittent  du  vers  décasyllabique  à  césure, 
soit  oxytone,  soit  enjambante,  placée  ad  libitum  au  quatrième  ou  au 
sixième  pied,  plus  souvent  au  quatrième.  H  y  insiste  et  ajoute  «  qu'une 
étude  attentive  lui  a  montre  que  ces  vers  ne  proviennent  pas  d'omis- 
sions du  scribe,  mais  ont  été  écrits  intentionnellement  par  l'auteur.  » 
Ici  encore,  malgré  toute  la  confiance  que  méritent  les  affirmations  de 
M.  A.  Th.,  je  ne  puis  m'empêcher  d'avoir  des  doutes.  Car,  outre  que 
ce  serait  là  une  particularité  à  peu  prçs  unique  en  son  genre,  ce  qui 
tout  d'abord  doit  la  rendre  suspecte,  il  faut  bien  se  souvenir  aussi 
que  notre  copiste  a  commis  assez  d'erreurs  pour  qu'on  ne  se  croie 
pas  obligé  de  regarder  comme  de  bon  aloi  tout  ce  qui  est  tombé  de 
sa  plume .  Mais,  jusqu'à  nouvel  ordre,  toute  discussion  à  ce  sujet  est 
impossible  ou  pour  le  moins  prématurée .  H  faut  avoir  tout  le  poëme 
sous  les  yeux  et  pouvoir  comparer  chacun  des  décasyllabes  dissi- 
dents avec  les  dodécasyllabes  qui  précèdent  ou  qui  suivent.  Réser- 


44  m^ODIODBS 

vons  donc  Ja  question  jusqu'au  jour  où  M.  A.  Th.  aura  publié  eu  son 
entier  la  Chirurgie  versifiée  de  Raimon  d* Avignon . 

P.  200.  Le  copiste  s'est  corrigé,  non  pas  tant  pour  rétablir  une  cé- 
sure oxytone  que  pour  éviter  une  amphibologie.  Car  sus,  placé  après 
le  verbe  patisa  et  devant  le  substantif  det  (doigt),  paraît  à  première 
lecture  jouer  le  rôle  de  préposition  et  régir  le  substantif  dont  il  est 
suivi,  tandis  que,  placé  avant  le  verbe,  il  ne  peut  qu'être  adverbe  et  ne 
prête  à  aucun  iquiproquo . 

P.  207.  Observons  en  passant  que  trois  sur  cinq  des  vers  que  M.  A. 
Thomas,  et  avec  raison,  écarte  de  la  liste  des  témoins  authentiques, 
se  prêtent  à  des  corrections  assez  faciles,  dont  une  surtout  paraît  as* 
surée: 

D'aqiiel[a]  polvera  vermeyla  ti  sai  dir. 

Il  n'est  pas  inutile  de  remarquer  que  ce  vers  ainsi  lu  constitue  un 
exemple  de  plus  contre  la  théorie  de  M .  A.  Thomas,  puisqu'il  n'a  de 
césure  oxytone  ni  au  quatrième  ni  au  huitième  pied. 

Voici  comment  je  lirais  les  deux  autres,  en  prenant  E  superflu  du 
second  vers  pour  le  reporter  au  premier  : 

[E]aquel  enguens  de  eaux  vi  —  va  lo  garis, 

L'enguen  blanc  val  a  pustulas  —  e  les  delis. 

P.  213.  P.  Meyer,  Étude  sur  les  manuscrits  du  roman  d'Alexandre. 
M.  P.  M.  déclare  que  «  l'objet  du  présent  travafl  est  :  1<»  de  déterminer, 
autant  que  faire  se  peut,  l'individualité  de  chaque  branche  dans  l'en- 
semble du  roman  d'Alexandre  ;   2°  de  faire  connaître  un  épisode  jus- 
qu'à présent  inédit  de  ce  roman  ;  3°  de  décrire  les  mss.  ou  fragments 
de  mss»  de  V Alexandre  qui  nous  sont  parvenus.  «  Cet  épisode  est  le 
voyage  d'Alexandre  au  paradis.  Faute  d'impression,  p.  219,  ch.  ii,  1. 3, 
4.  Lisez  :  «  Tous  les  mss .  qui  renferment  le  voyage  au  paradis  ren- 
ferment aussi  la  guerre  contre  le  duc  Melcis.  » — P.  237,  v.  304,  sem- 
blés, lisez  semble, —  P.  238,  v.  335  et  370,  et  laidire  et  blasmer.  Je 
préférerais,  pour  éviter  toute  confusion  avec  lç>idir,  séparer  les  deux 
composants   lai  (laid)  dire,  — P.  333.  A.  Morel-Fatio,  Souhaits  de 
bienvenue  adressés  à  Ferdinand  le  Catholique  par  un  poëte  barcelonais 
en  1 473 .  —  P.  357.  J.  Cornu,  Vida  de  Eufrosina,  de  Maria  Egipcia, 
Traité   de  dévotion  (Extraits)»    textes  portugais   du  XIV* siècle.  — 
P.  391.  C.  Nigra,  Versions  piémontaises  de   la  chanson  populaire  de 
Renaud.  —  P.  399.  Mélanges:  1**  La   Prononciation  de   B.  en   latin 
(G.  P.  );  2®  Sur  la  Date  et  la  Patrie  de  la  Chanson  de  Rolland  (G.  P.). 
M.  G.  P.  combat  l'opinion   de  M.  Suchier,  qui  croit  que  le  Rolland 
n'est  pas  antérieur  au  XII®  siècle  et  qu'il  est  d'origine  normande  En 
ce  qui  concerne  le  second  point,  j'avoue  n'être  pas  encore  fixé.  Quant 
au  premier,  je  partage  la  manière  de  voir  de  M.  G.  P.,  qui  assigne  à 


PBBSpDIQ^ES  45 

ce  poëme  la  date  du  Xle  dècle.  Aux  probabilités  historiques  et  autres 
dont  il  étaye  son  opinion,  j'en  joindrais  encore  une,  à  savoir  l'emploi 
normal  de  la  triple  répétition,  quand  l'auteur  veut  attirer  l'attention 
de  l'auditeur  sur  un  fait  important  (par  exemple,  les  deux  discus- 
sions de  Rolland  et  d'Olivier,  etc.)-  Ce  procédé,  à  ma  connaissance,  ne 
reparaît  plus  après  le  Rolland  et  le  Pèlerinage  de  Charlemagne,  où  on 
l'y  remarque  une  fois .  Les  chansons  de  geste  postérieures  à  Eolland , 
même  les  plus  anciennes,  m'ont  paru  n'employer  en  pareil  cas  que  la 
double  et  non  plus  la  triple  répétition.  3°  Sur  la  Chronique  de  Wei- 
henstephan  (G.  P.).  4**  Les  Légendes  de  Gandelon  ou  Ganelon  (Henri 
Camot) .  Curieuse  coïncidence.  Le  général  Bourmont,  qui  avait  trahi 
Napoléon  pendant  les  Cent  Jours,  est  assimilé,  dans  une  légende  po- 
pulaire,  à  Gknelon,  et  trahit,  non  plus  Napoléon,  mais  Charlemagne. 
b^  Fleurer  (J.  Cornu).  6°  La  Farce  du  Cuvier  et  unproverhe  norwégien 
(Kr.  Nyrop).  1^  Aganau  (L .  Constans) .  8o  Xa  Femme  avisée,  conte 
mentonnis   (E.-B.  Andrews).  9°  Vernissez  vos  femmes,  conte  de  Vais, 
Ardèche  (E.  Rolland). —  P.  418.  Comptes  rendus.  Franz  Eyssenhardt, 
Rœmisch  und  Romanisch  (G.  P.)  Très-défavorable.  —  R.  Dozy,  jRe- 
cherches  sur  l'histoire  et  la  littérature  de  l'Espagne  pendant  le  moyen 
âge  (G.  P.).  Article  étendu.  Favorable.  —  Adolfo  Bartoli,  Crestomazia 
délia  poesia  italiana  (J.  Ulrich).  —  TuUio  Ronconi,  VAmore  in  Ber- 
nardo  di  Ventadom  ed  in  Ghiido  Cavalcanti  (A.  Thomiis).  —  A .  -E .  Nor- 
denskiold,  le  Livre  de  Marco  Polo,  fac-similé  d'un  ms.  du  XlVe  siècle 
conservé  à  la  bibl.  royale  de  Stockholm  (Gaston  Raynaud). —  Salvador 
Sanpere  y  Miquel,  Un  estudi  de  toponomastica  catalana  (Alfred  Morel- 
Fatio).  Défavorable.  —  P.  A3S, Périodiques.  M.  P*  M.  relève  une  très- 
forte  distraction  qui  m'a  échappé  en    voulant  corriger  un   passage 
déjà  corrigé  du  Pèlerinage  de  Charlemagne  à  Jérusalem,  «  Il  n'y  a 
là,  sans  doute,  ajoute- t-il   obligeamment,  qu'une  de  ces  étonnantes 
inadvertances  auxquelles  M.  B .  est  sujet,  bien  que  je  ne  m'explique 
point  comment  elle  a  pu  se  produire.  y>  Puisque  M.  P.  M.  paraît  y 
tenir,  je  vais  lui   expliquer  la  chose.  —  Le  premier  éditeur,  M.  F. 
Michel,  avait  lu  et  imprimé  cuningles,  forme  que  le  second  éditeur, 
M.  Koschwitz,  a  reproduite  également,  mais  en  note  et  en  l'accompa- 
gnant d'un  point  d'interrogation.  Entraîné  par  la  rédaction,  hélas  ! 
toujours  trop  rapide,  de  mon  compte  rendu  sommaire,  je  négligeai  de 
jeter  les  yeux  sur  le  passage  correspondant  du  texte  rectifié,  et  je 
crus  que  M.  Koschwitz  acceptait,  quoique  avec  doute,  la  leçon  de  son 
devancier.  Inde  prima  mali  labes,  de  là  une  première  correction,  cu- 
vingles  =  *convincula,  que  j'insérai  dans  ledit  compte  rendu.  Quelque 
temps  après,  la  f  ormç  jugulœ,  que  je  rencontrai  dans  Du  Cange,  me 
révéla  la  bonne  étymologie  cunjugles,  et  je  me  hâtai  non-seulement 


4Ô  PBRIODiqf0Ë8 

de  me  corriger  moi-même,  ce  qui  était  mon  devoir,  et  de  corrigerM.  F.  * 
Michel,  ce  qui  était  mon  droit,  mais  aussi  de  corriger  M .  Koschwitz, 
sur  lequel  je  n*avais  aucune  prise,  puisqu'il  avait  trouvé  la  bonne 
étymologie  avant  moi  et  du  premier  coup .  C'est,  comme  on  le  voit, 
une  distraction  bien  caractérisée,  une  inadvertance,  comme  le  dit  M.  P. 
M.,  lequel,  je  l'espère,  voudra  dorénavant  n'y  voir  que  cela  et  pas  au- 
tre chose.  —  Ma  confession  est  faite,  et  au  grand  complet,  puisqu'il 
n'y  manque  pas  même  l'acte  de  contrition  final.  Maintenant  M.  P.  M. 
me  permettra-t-il  de  lui  adresser  une  demande  d'explications,  demande 
analogue  à  celle  qu'il  a  bien  voulu  me  poser  ?  Voici  ce  dont  il  s'agit  : 
d&ns  IsiRomania,  b?  34,  p.  197,  il  a  reproché  à  M.  Chabaneau«  d'avoir 
fait  entrer,  au  moins  au  point  de  vue  linguistique,  Nontron  dans  le  bas 
Limousin.  »  C'était  une  erreur,  non  de. M.  Chabaneau,  mais  de  M. P. 
Meyer,  erreur  que  M.  C.  se  contenta  de  rectifier  en  renvoyant  M .  P.  M. 
à  la  page  2  de  sa  Grammaire  limousine,  et  sans  ajouter  «  qu'il  n'y 
avait  là  sans  doute  qu'une  de  ces  étonnantes  inadvertances  auxquelles 
M.  P.  M.  est  sujet.  »  Après  cela,  M.  P.  M.  n'avait  plus,  semble-t-il, 
son  erreur  étant  bien  et  dûment  constatée,  qu'à  la  reconnaître,  en  y 
joignant  même  un  petit  bout  d'excuses  pour  celui  qu'elle  visait,  et 
dont  elle  tendait  à  diminuer  l'autorité  philologique  d'une  manière  bien 
plus  sérieuse  que  mon  quiproquo  celle  de  M.  Koschwitz.  Autrement 
ceux  des  abonnés  ou  des  lecteurs  de  la  Bom^nia  qui  ne  lisent  pas  notre 
compte  rendu  de  ce  recueil  devront  toujours  croire  que  le  propre  au- 
teur de  la  Grammaire  limousine,  né  à  Nontron  même,  et  qui  a  pris  le 
dialecte  de  cette  localité  comme  base  principale  de  son  étude,  que 
M .  Chabaneau,  en  un  mot,  avait  oublié,  ou  n'avait  jamais  su,  que  sa 
ville  natale  faisait  partie  du  Périgord  et  non  du  bas  Limousin.  Eh 
bien  !  cette  rectification,  pourtant  si  nécessaire,  se  fait  toujours  atten- 
dre. D'où  cela  vient-il  ?  Car  moi  non  plus  «  je  ne  m'explique  point 
[non  pas  conmient  cette  erreur,  mais]  comment  ce  retard  a  pu  se  pro- 
duire. » 

A  propos  du  compte  rendu  que  j'ai  donné  de  son  travail  sur  «To 
fermé  en  français»,  M.  G.  P.  m'objecte  que  la  discussion  dans  laquelle 
je  me  suis  engagé  «  porte  complètement  en  l'air.  »  Car,  ajoute-t-il, 
<c  j'ai  dit  expressément  que,  dans  cet  article,  je  ne  m'occupe  que  du 
français  moderne,  et  que  je  remonterai  ensuite  à  l'ancien  français.  » 
Encore  une  de  ces  «  étonnantes  .inadvertances  auxquelles  je  suis 
sujet»,  me  suis-je  dit  toiit  d'abord.  Et  déjà  je  préparais  mélancoli- 
quement, mais  courageusement,  un  second  mea  culpa,  aussi  explicite 
que  celui  que  je  devais  à  M.  Koschwitz;  mais,  en  me  relisant  et  reli- 
sant M.  G.  P.,  j'ai  vu  que  cette  fois  j'étais  sans  péché.  En  effet, 
c'est  à  bon  escient  et  de  toute  nécessité  que  j'ai  étudié  à  fond  ce  point 


PERIODIQUES  47 

si  important,  la  prononciation  de  Vo  fermé  en  ancien  français,  puis- 
que, mes  explications  une  fois  admises,  on  rend  compte  à  la  fois  et  des 
particularités  de  l'ancienne  rime  et  des  prononciations  divergentes, 
comme  amour,  labour,  pelouse,  etc.,  qu*on  remarque  dans  la  langue 
actuelle.  D'ailleurs  j'ai  eu  soin  d'insister  là-dessus  et  d'expliquer  im- 
plicitement pourquoi  j'y  insistais.  «Voilà,  disais-je,  en  parlant  de  la 
double  prononciation  ea  et  ow  =  5  latin  en  v.  français,  voilà  ce  qu'il 
importé  de  savoir  et  ce  que  M.  G.  P.  aurait  dû, suivant  moi, s'efforcer 
d'éclaircir  dès  le  début.»  Et  cette  petite  dissertation,  tout  en  empiétant, 
mais  en  empiétant  forcément,  sur  l'argumentation  détaillée  qu'annonce 
M.  G.  P.,  était  cependant  à  sa  place,  même  à  ne  considérer  la  question 
que  conmae  il  l'avait  posée,  puisque  lui-même  avait  pris  parti  en  ce 
qui  concernait  la  prononciation  eu,ou=  ô  latin  en  v. français.  Car,  à 
propos  de  la  forme  actuellement  divergente  amour,  il  disait  qu'elle 
s'était  prononcée  d'abord  am>eur,  comme  les  analogues  sueur,  chaleur, 
honneur  =  sudôrem,  calôrem,  honôrem,  et  «  qu'elle  avait  cependant 
de  très-bonne  heure  quitté  ce  groupe  pour  se  joindre  à  celui  des  mots 
en  our,  comme  tour,  jour,  estour  (p.  40).  »  D'où  la  conclusion  que, 
pour  M.  G.  P., les  dérivés  de  ô  latin  se  prononçaient,  en  v.  français, 
eu,  conmie  aujourd'hui,  et  cela  dès  l'origine,  puisque  omowr  lui-même 
avait  dû  d'abord  passer  par  cette  prononciation  commune  avant  d'ar- 
river, quoique  de  très-bonne  heure  cependant,  à  la  prononciation  eu 
qui  est  encore  la  prononciation  actuelle.  Or,  cette  conclusion  n'étant 
pas  la  mienne,  je  devais  la  combattre  immédiatement,  sans  attendre 
qu'elle  fût  étayée  de  toutes  ses  prémisses.  C'est  ce  que  j'ai  fait, et  avec 
d'autant  moins  d'hésitation  que,  suivant  moi,  je  le  répète,  M.  G.  P. 
aurait  dû  tout  d'abord  traiter  cette  question  in  extenso.  Si  j'ai  cité  et 
rapproché  un  certain  nombre  de  faits,  c'était  pour  appuyer  mon  opi- 
nion, et  non  parce  que  je  supposais  que  M.  G.  P.  pût  les  ignorer,  ce 
qui  n'est  venu  et  ne  viendra  à  l'esprit  de  personne. 

M.  G.  Paris  avait  dit  (Bom^nia,  n°«  37  et  38,  p.  299)  :  «  Gamier  de 
Pont-Sainte-Maxence,  et  Chrestien  de  Troyes,  confondent  ces  deux 
formes  out  et  eit.  »>A  quoi  j'ai  objecté  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'avaient,  à 
ma  connaissance,  employé  à  la  rime  l'imparfait  en  out  ou  ot.  Au  lieu 
d'accepter  simplement  cette  observation,  qui  est  certainement  fondée, 
M.  G.  P.  répond  :  «  M.  Boucherie  croit  que  j'ai  eu  une  distraction,  ou 
qu'il  a  mal  compris,  parce  que  je  dis  (Rom.,  X,  299)  que  Garnier  de 
P. -Sainte-Maxence  confond  les  imparfaits  en  abat  et  ceux  en  ébat; 
qu'il  relise  la  Vie  de' S,  Thomas. i>  J'ai  relu  la  Vie  de  S.  Thomas,  et  il 
se  trouve  que,  comme  je  l'avais  dit,  les  imparfaits  en  out,  ot,  n'y  fi- 
gurent jamais  à  la  rime.  Il  est  vrai  que  des  imparfaits  tels  que  plei- 
dout,  clamout,  etc. . . .,  se  rencontrent  dans  Tintérieur  des  vers,  mais 


48  PBBKHHQUBS 

ils  sont  imputables  au  copiste  anglo-normand,  et  on  ne  peut  en  con- 
clure que  Garnier  confondait  les  imparfaits  en  out,  ot,  avec  les  im- 
parfaits en  eit,  n  n*y  a  donc  là  qu'un  malentendu,  sur  lequel  il  m'aura 
suffi  d'appeler  de  nouveau  l'attention  de  mon  savant  contradicteur 
pour  le  faire  cesser. 

A  propos  de  notre  discussion  sur  l'étymologie  de  effirayer,  M. P.  M. 
me  prend  de  nouveau  à  partie  :  «  M.  Boucherie,  qui  parait  avoir  pour 
la  polémique  plus  de  goût  que  d'aptitttde  C«*c),  se  livre  à  l'encontre  do 
la  Romania  à  des  discussions  dans  lesquelles  nous  ne  pourrions  le  sui- 
vre 9an8  perdre  un  temps  et  un  espace  que  nous  pouvons  mieux  em- 
ployer {sic).  Montrons  toutefois,  par  un  échantillon,  quelle  est  la  portée 
générale  de  ces  discussions.  »  Puis  il  relève  à  ma  charge  une  nouvelle 
«  inadvertance  rt, qu'il  qualifie  cette  fois  non  plus  d'« étonnante»,  mais 
d' «étrange.  »  Rassurez- vous,  lecteur,  la  révélation  sera  moins  fou- 
droyante que  vous  ne  le  pensez,  car  tout  ce  grand  fracas  d'exécuteur 
des  hautes  œuvres  de  la  critique  aboutit  à  ceci,  que  j'ai  supposé  à  V*ex- 
fridare,  qu'il  me  citait,  un  prototype  latin  *eX'fTigdare,  eafiigidare, 
à  la  place  du  germanique  frid,  proposé  pour  la  première  fois  par 
M .  G .  Paris,  à  qui  l'on  doit  cette  étymologie .  Fort  bien .  Je  suis  cou- 
pable, je  le  reconnais,  coupable  d'inexactitude,  mais  coupable  surtout 
d'avoir  été  incomplètement  renseigné.  Si,  faute  d'un  poteau  indicateur, 
je  prends  à  droite  au  lieu  de  prendre  à  gauche,  suis-je  seul  responsa- 
ble de  mon  erreur?  Or  c'est  précisément  ce  qui  m'est  arrivé.  Car  il  est 
à  remarquer  que  ce  frid,  que  M.  P.  M.  me  jette  de  si  bon  cœur  aux 
jambes,  n'a  été  cité  qu'après  coup  par  M.  P.  M.  et  même  par  M.  G. 
Paris.  La  Romania,Y  11,121,  à  laquelle  on  me  renvoie,  porte  simple- 
ment ceci  :  «Ce  verbe  esfreder  a  donc  ei  (de  Vï  allemand) aux  formes 
accentuées  seulement.  »  Et  c'est  tout.  De  frid  pas  la  moindre  trace. 
Quant  à  cet  î  allemand,  dont  il  était  fait  mention  d'une  manière  si 
vague,  et  qui  venait  là  sans  être  amené  par  rien,  je  ne  savais  à  quoi  le 
rattacher.  Aussi,  devant  cette  absence  presque  complète  d'informa- 
tions, j'avais  cru  et  dû  croire  que  ce  b.-latin  6a?-/rMfare  représentait  la 
déformation  d'un  type  latinj  qui,  dans  ce  cas,  ne  pouvait  être  que  ex- 
frigidare,  étant  donné  surtout  la  forme  provençale  esfreidar,  qui  n'a 
rien  à  voir  avec/nW .  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  crier  si  fort  à  l'inad- 
vertance, quand  nous  sommes  trois  à  en  partager  la  responsabilité. 
Ajoutons  que  c'est  peut-être  aussi  par  suite  de  cette  insuffisance  d'in- 
dications que  M .  Foerster  a  repris  à  son  compte  tout  récemment  l'éty- 
mologie germanique  de  ce  mot,  revendiquée  aujourd'hui  par  M.  G.  Paris 
{Romania,  XII,  444).  Ajoutons  encore  que  M.  P.  M.,  si  dur  aux  distrac- 
tions d'autrui,  en  laisse  échapper  une, 

Jaste  retour,  Monsieur,  des  choses  d'ici-bas  ! 


et  cela  précisément  dans  ce  même  passage  où  il  me  traite  avec  la  sé- 
vérité d'un  nouvel  Orbilius.  «  M.  Boucherie,  dit-il^  oublie  que  je  n'avais 
fait,  en  citant  monaé,  conraé,  paonier,  que  lui  fournir  les  renseigne- 
ments qu'il  demandait.  » 

Erreur.  M.  P.  Meyer  «oublie  »  que  ce  n'étaient  pas  là  les  renseigne- 
ments demandés,  attendu  que,  dans  aucun  de  ces  mots,  a  plus  voyelle 
ne  correspond  à  îd  latin .  Il  aurait  fallu,  pour  répondre  véritablement 
à  ma  demande,  présenter  des  formes  comme  faeil,  yaeir,  etc.,  =  ff- 
delem,  videre.  En  effet,  il  ne  suffirait  pas  de  dire  que  é  latin  avait 
pour  la  phonétique  romane  la  même  valeur  que  ï,  l'un  et  l'autre  pro- 
duiaant  également  et  ou  oi  dans  la  langue  d'oui  ;  car,  en  ce  qui  con- 
cerne la  particularité  dont  nous  parlons  (substitution  de  a  à  ei),  c'est 
e  latin  (long  ou  bref),  bien  plus  que  î,  qui  paraît  s'être  prêté  à  cette 
évolution,  principalement  devant  les  dentales.  L'analogie,  invoquée 
en  passant  par  M.  P.  M  ,  n'a  rien  à  faire  ici,  puisque  ce  changement 
de  e  latin  en  a  roman  a  lieu  aussi  bien  pour  e  bref  (paunier,  raemant 
=  pedonarium,  redimentem)  que  pour  e'  long.  Or  on  sait  que  la  pho- 
nétique romane  n'assimile  pas  cet  e  bref  au  groupe  é,  ï.  Si  je  relève 
cette  distraction  de  M.  P.  M.,  ce  n'est  pas  que  je  la  compare  à  celle 
dont  je  me  suis  rendu  coupable  à  l'égard  de  M.  Koschwitz  ni  à  l'er- 
reur autrement  mémorable  que  lui-même  a  commise  aux  dépens  de 
Nontron  et  de  l'auteur  de  la  Grammaire  limousine  ;  mais  c'est  pour  lui 
prouver  par  son  propre  exemple  que  nous  sommes  tous  sujets  aux  dis- 
tractions, surtout  aux  petites  distractions,  et, que  dès  lors  il  est  plus 
simple  et  plus  sûr  d'appeler  ces  choses-là  par  leur  vrai  nom,  au  lieu 
de  s'ingénier  à  choisir,  pour  en  parler,  les  mots  les  plus  désagréables 
et  les  épithètes  les  plus  tapageuses.  Il  faudrait  laisser,  une  bonne  fois, 
au  vestiaire  toute  cette  friperie  pédantesque  du  magisttr  d'autrefois, 
qui  exagérait  ses  effets  de  voix  et  d'épithètes,  pour  imprimer  une  sa- 
lutaire frayeur  dans  l'âme  des  bambins  qui  l'écoutaient. —  M.  P.  M. 
termine  en  ces  termes  son  compte  rendu  de  la  Revue  des  langues  ro- 
manes, «  A  propos  du  dernier  numéro  de  lo.  Romaniat  MM.  Bou- 
cherie et  Clédat  répondent  de  leur  mieux  à  certaines  observations  cri- 
tiques de  ma  part.  Tout  ce  que  je  crois  devoir  dire  de  ces  prétendues 
réponses,  c'est  qu'elles  ne  pèchent  pas  moins  par  le  fond  que  par  la 
forme.  »  — Le  lecteur  n'a  sans  doute  pas  oublié  que  M.  P.  Meyer,  qui 
d'ailleurs  n'avait  peut-être  pas  bien  conscience  de  ce  qu'il  faisait, 
s'était  permis  de  nous  attribuer,  à  moi  et  à  M .  Chabaneau,  un  acte 
peu  délicat.  Je  dus  lui  opposer  un  démenti  formel.  Voilà  sa  réponse. 
Au  lecteur  d'apprécier  ce  qu'elle  vaut,  tant  «  pour  le  fond  que  pour 
la  forme.  »  Quant  à  moi,  je  n'ai  rien  à  retirer  de  mon  démenti,  — 

P .  453 .  Chronique . 

A.  BOUCHEBIE, 


50  V:éRlOmQgJÉB 


Le  Nouvelliste  des  Gharentes,  littéraire,  scientifique^  arl^' 
tique,  commercial  et  d'annonces.  —  Ce  journal,  qui  paraissait  à  Pons 
(Charente- Inférieure)  tous  les  samedis,  et  qui  a  cessé  d'exister  à  partir 
de  janvier  1883,  était,  contrairement  à  ce  qui  se  passe  pour  la  plupart 
des  périodiques  de  petite  localité,  beaucoup  plus  artistique  et  littéraire 
que  commercial  ou  politique.  A  cet  égard,  il  continuait  le  Courrier 
de  rOuestfdont  nous  avons  déjà  eu  Toccasion  de  parler,  et  que  ses  in- 
fortunes postales  ont  condamné  à  une  mort  prématurée.  Il  le  conti- 
nuait si  bien  qu'on  rencontre,  presque  dans  chaque  numéro,  des  échan- 
tillons excellents  et  dûment  authentiques  de  la  langue  et  de  la  litté- 
rature populaires  de  la  Saintonge .  Ainsi  nous  remarquons,  et  cela  dès 
les  premiers  numéros ,  plusieurs  chansons  patoises  avec  leur  notation 
musicale  et  un  commentaire  détaillé  pour  chacune  d'elles  :  n®  1,  la 
Mariaude;  no  6,  Noua  étions  trois  filles;  no7,  Voici  la  Saint- Jean.  Le 
gentil  chapelet  a  continué  de  s'égrener  dans  ceux  qui  ont  suivi,  et  la 
liste  serait  longue  des  morceaux  à  citer  qui  peuvent  intéresser  les  amis 
studieux  ou  simplement  curieux  de  la  littérature  populaire.  Qu'on  joi- 
gne à  cela  nombre  d'articles  humouristiques  —  en  fort  bon  français,  — 
assaisonnés  de  sel  saintongeais  (les  salines  de  la  Saintonge  sont  en 
grande  réputation),  et  l'on  comprendra  que  nous  regrettions  vivement 
la  disparition  inattendue  du  Nouvelliste  des  Charentes. 

J'oubliais  de  rappeler  à  nos  lecteurs  que  le  directeur  du  Nouvelliste 
était  M.  Pierre  Lagarenhe,  notre  collaborateur  d'hier  et  de  demain,  le 
maître  en  gai- savoir  de  notre  moderne  Saintonge. 

A.  B. 


CHRONIQUE 


Communications  faites  dans  les  séances  de  la  Société.  — 
4  décembre  1 882 .  —  Serenada  de  M .  Vergnes  ;  las  Quatre  Sasous,  de 
M.  Gautier;  la  Heste  naou  daoubillatge,  poésie  écrite  en  gascon  des 
Hautes-Pyrénées,  par  M.  Lay,  instituteur  à  Oursbelille  ;  suite  du 
travail  de  M.  Durand  (de  Gros)  sur  quelques  points  de  la  philologie 
rouergate. 


Le  Bureau  de  la  Société  des  langues  romanes  pour  Tannée  1883  est 
composé  conmie  il  suit  : 

Président,  M.  Ferdinand  Castets,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres; 
vice -président,  M.  Alphonse  Roque-Ferrier  ;  secrétaire,  M.  A.  Bou- 
cherie; trésorier,  M.  Louis  Lambert. 


»  ♦ 


Le  Concours  philologique  et  littéraire  de  la  Société  des  langues  ro- 
manes aura  lieu  le  dimanche  de  la  Pentecôte,  13  mai  prochain. 

Il  sera  présidé  par  un  Bureau  d'honneur  ainsi  composé  : 

Présidents:  MM.  Frédéric  Mistral,  G.  Paris,  membre  de  l'Institut. 

Vice-présidents  :  MM .  Milà  y  Fontanals,  professeur  à  l'Université 
de  Barcelone;  Ernest  Monaci,  professeur  à  l'Université  de  Rome; 
âenri  de  Bornier,  l'auteur  de  la  Fille  de  Roland;  Arsène  Darmes- 
teter,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris. 


La  cinquième  Cour  d'amour  organisée  par  la  Maintenance  de  Lan- 
guedoc aura  lieu  le  lendemain,  14  mai,  lundi  de  la  Pentecôte. 


Notre  confrère,  M.  Jules  Pagézy,  ancien  député,  ancien  sénateur 
de  l'Hérault,  est  mort  à  la  fin  du  mois  de  décembre  1882.  C'était  un 
homme  d'une  instruction  très- variée  et  très-étendue,  et  qui  s'occupait 
particulièrement  de  toutes  les  études  qui  pouvaient  intéresser  son 
pays  natal. 

Le  même  mois  est  mort  à  Barcelone  l'habile  directeur  de  la  Illus- 
tracio  catalana,  M.  Sanpons  y  Carbô,  qui  avait  su  faire  de  ce  recueil  un 
modèle  du  genre. 


Nous  apprenons  également  avec  regret  la  mort  de  notre  confrèrç 
M.  Gauthier-Descottes,  notaire  à  Arles-sur-Rhône  (Bouches-du-Bhône). 


PROGRAMME 

du  Concours  philologique  et  littéraife  qui  doit  avoir  lieu  à  Montpellier 

au  mois  de  mai  1883. 

Philologie 

Seront  décernés  : 

1°  Un  prix  de  300  fr.  à  la  meilleure  étude  sur  le  patois,  ou  langage 


5^  dH^ONIQOË 

populaire,  d*une  localité  déterminée  du  midi  de  la  France  (coUectîoii 
de  chansons,  contes,  proverbes,  devinettes,  comparaisons  populaires). 
Ces  textes  devront  être  reproduits  exactement,  c'est-à-dire  sans  rien 
changer  à  la  lan^edu  peuple,  et  tous  traduits  en  français.  On  y  join- 
dra la  conjugaison  des  verbes  chanter,  finir,  mourir,  prendre,  avoir, 
être,  aller,  pouvoir.  Indiquer  les  autres  localités,  connues  de  l'auteur, 
où  se  parlerait  le  même  idiome  populaire  ; 

Observation.  —  Ce  prix  est  exclusivement  réservé  aux  institutrices 
ou  instituteurs  primaires. 

2®  Un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  travail  de  philologie  romane 
ayant  pour  base  des  textes  qui  soient  antérieurs  au  XV*  siècle,  et 
qui  appartiennent  à  la  langue  d'oc  ou  à  la  langue  d'oil.  Rentrent  dans 
cette  catégorie  les  publications  de  textes  et  les  études  d'histoire  litté- 
raire ; 

S^  Un  prix  consistant  en  un  objet  d'art  de  la  valeur  de  200  fr., 
au  meilleur  travail  philologique  ayant  pour  objet  un  idiome  po- 
pulaire néo-latin  :  Belgique,  Suisse,  France,  Espagne,  Portugal,  Italie, 
Roumanie,  Amérique.  Cette  étude  devra  s'appuyer  sur  un  choix  de 
textes  (chants,  contes,  proverbes,  légendes,  etc.).  Y  joindre  la  géo- 
graphie du  dialecte  étudié. 

Littérature 

Des  prix  seront  décernés  : 

4°  et  5°  Aux  deux  meilleures  poésies,  à  quelque  genre  qu'elles  ap- 
partiennent ; 

6**  Au  meilleur  ouvrage  en  prose  (contes,  nouvelles,  romans)  ; 

7<»  A  la  meilleure  composition  scénique  en  vers  ou  en  prose . 

Ces  prix  consisteront  en  4  médailles  d'or,  chacune  de  la  valeur  de 
100  fr.,  2  médailles  de  vermeil,  5  médailles  d'argent. 

Avis  aux  concurrents.  —  Tous  les  ouvrages  qui  concourront  pour  le 
second  ou  le  troisième  prix  de  philologie  devront  être  écrits  dans  une 
langue  néo-latine  ;  tous  ceux  qui  concourront  pour  l'un  des  quatre 
prix  purement  littéraires  (no*4,  5,  6,  7)  devront  être  écrits  dans  un  des 
dialectes,  soit  du  midi  de  la  France,  soit  de  la  Catalogne  ou  des  îles 
Baléares  ou  des  provinces  de  Valence  et  d' Alicante . 

Les  travaux  envoyés  devront  être  inédits.  Toutefois  le  deuxième  et 
le  troisième  prix  de  philologie  pourront  être  accordés  à  des  ouvrages 
ayant  paru  depuis  le  1«'  janvier  1882  et  n'ayant  concouru  nulle  part. 

Les  manuscjits  ne  seront  pas  rendus .  Ils  devront  porter  une  épigra- 
phe qui  sera  répétée  sur  l'enveloppe  du  billet  cacheté  contenant  le 
nom  et  l'indication  du  domicile  de  l'auteur. 

•  Les  ouvrages  destinés  au  concours  doivent  être  adressés  franco  à 
M.  A.  Boucherie,  secrétaire  de  la  Société  des  langues  romanes,  avant  le 
1<*  avril  1883,  dernier  délai,  et  en  triple  exemplaire,  s'ils  sont  im- 
primés. 


Le  Gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin 


Dialectes  Anciens 


SERMONS  ET  PRECEPTES  RELIGIEUX  EN  LANGUE 

.     D'OC  DU  XIP  SIÈCLE 


NOTES  (Suite) 

B.  —  Sermons.  —  Deuxième  série 

Cette  deuxième  série  ne  comprend  qu'un  seul  cahier  de  quatre 
feuilles  doubles,  d'un  format  un  peu  moindre,  quant  à  la  largeur  seu- 
lement, que  les  précédents,  et  qui  devait  probablement,  dans  le  prin- 
cipe, en  contenir  une  de  plus,  dont  la  dernière  moitié  (fo  10)  était 
occupée  par  la  fin  de  notre  sermon  B  XII,  et  peut-être  par  un  autre 
entier,  et  dont  la  première  (fo  1)  devait  l'être  par  deux  sermons,  com- 
plets tous  les  deux,  se  rapportant  à  deux  des  fêtes  qui  précèdent 
le  Carême.  L'économie  du  recueil,  si,  comme  je  le  pense  aujourd'hui,  le 
douzième  sermon  (voir  ci-après  les  notes  qui  le  concernent)  doit  être 
attribué  au  jour  de  la  Toussaint,  n'autorise  pas  à  supposer  qu'il  nous 
manque  plus  d'un  feuillet  simple  avant,  comme  après,  ce  qui  nous 
reste. 

I.  — 1-3.  Hebr,  ix,  11  (épitre  du  dimanche  de  la  Passion). 

7.  «sel.  »  Ms.  dels,  — 11.  «  venc  ges.  »  Ms.  vengues,  avec  un  c 
en  interligne  après  Vn,  — 13.  «  aizo.  »  D'une  l,  d'abord  écrite,  on  pa- 
raît avoir  fait  un  z,  sans  effacer  la  partie  supérieure  de  1'/,  devenue 
inutile.  Peut-être  est-ce  aiso  qu'on  a  voulu  écrire;  mais  1'^,  dans  ce 
cas,  n'aurait  pas  de  crochet. 

17.  11  paraît  ici  manquer  quelque  chose,  peut-être  seulement  nos- 
tres  après  le  premier  los , 

19.  Ms.  liiouzeu,  —  19-20.  Cî.Joan,  vin,  48,52.  Le  sermonnaire 
pensait  en  même  temps  à  Math,  xi,  19  et  xiii,  55  :  u  Ecce  homo  to- 

rax  et  potator  vini,  publicanorum  et  peccatorum  amicus Nonne 

hic  est  fabri  filius  *  ?  » 

•  Jeau Beleth  {Divin.offic,  Explication  cap.  cxlix)  détourne  ainsi  heureuse- 

TeUB  IX  DB  LA   TROISièHB  SÉRIE.—  FÉVRIER   1883  4 


54  SERMONS   ET  PRECEPTES   RELIGIEUX 

II*.  —  [-2,MaUh,  XXI,  1-2  (évangile  du  dimanche  des  Rameaux). 
La  citation  est  faite  d'après  le  bréviaire  (septième  leçon  de  Toffice  de 
ce  jour)  et  non  d'après  le  texte  évangélique,  où,  au  lieu  de  mittens 
. .  ,ait,  il  y  a  tune  misit. , .  dicens  eis.  —  «  mittens.  »Ms.  mittéts, 

3.  «  Lucas.  »I1  faudrait  Mattheus,  Cf.  d'ailleurs  Luc,  xix,  29seq. 
—  «  evangelista.  »  Ms.  eugloritas. 

5.  «dos.  wMs.  .11".  —  8.  Matth,  xxi,  3.  —  10.«lan.  »Ms.  la.  On 
pourrait  donc  aussi  lire  lam,  qui  peut-être  serait  préférable , 

15-16.  Matth.  XXI,  9.  Cf.  la  note  sur  A  XIV,  14. 

17.  «  Per  Betfage predicadors.  »  Bethphage  est  donné  ordi- 
nairement dans  les  sermons  du  moyen  âge  comme  signifiant,  non  pas 
seulement  les  prédicateurs,  mais  les  prêtres  en  général,  c'est-à-dire 
l'Eglise.  Haymon  (Migne,  CXVIII,  353)  :  «  Bethphage  interpretatur 
domus  buccœ  vel  maxillarum  2,  ea  de  causa  quoniam  sacerdotes  in 
templo  Domini  per  octonos  dies  vicem  suse  administrationis  explentes, 
completo  divine  mysterio,  nocte  ad  eumdem  viculum  succedebant,  et 
hostias  et  sacrificia  quae  in  die  a  populo  accipiebant,  nocte  ibi  consu- 
mebant  et  comedebant.  Vel  certe  ideo  domus  huccx  vel  maxillarum 
interpretatur  quia  sacerdotes  ibidem  legem  Domini  corde  meditaban- 
tur  et  ore  ruminabant. . ,  Spiritualiter  Bethphage  significat  Ecclesiam 
primitivam.  Et  bene  Bethphage  vicus  in  monte  positus  dicitur,  quia 
omnis  Ecclesia  Christi  in  monte  consistit,  hoc  est  in  Christo.  »  Saint 
Pierre  Damien  (Migne  CXLIV,  544):  «  Bethphage  interpretatur  do- 
mus buccœ  et  est  intellectus  sacerdotum,  per  quam  designatur  con- 
fessio.  » 

17-18.  «  permontem  Oliveti »  Cf.  Bede  (t.  V,  p.  183):  «  Quis 

enim  non  videt  quod  mons  Oliveti  fructiferam  designet  sanctœ  Ec- 
clesiœ  celsitudinem  quam  Dominus  semper  inhabitare  delectatur. 
Quia  videlicet  mons  ille  non  infructuosas  habere  arbores  et  sylvam 
sterilem  sed  olivas  gignere  solebat,  quibus  ad  repellendas  noctium 
umbras  lumen  alitur,  solvuntur  infirmitates,  et  requies  lassis  tri- 
buitur.  » 

18.  «  per  la  asina^  entendem  los  Juzeus,  etc.»  Voy.  la  note  sur  A 

• 

ment  de  son  sens  propre  cette  expression  de  fllius  fabri  :  «  et  re  vera  filius 
fiabri  fuit,  non  illius  nazaraeni,  sed  fabri  qui  fabricatus  est  Auroram  et  Solem.» 

*Cf.  A  XIV. 

*Cf.  St  Jérôme:  «  Bethphage  domus  orls  vallium,  vel  domus  buccœ. Quidam 
putantdomum  maxillarum  vocare .  »  De  là  rinterprétation  suivante,  qu'on  lit 
dans  un  des  sermons  piémontais  publiés  par  M.  Fœrster,  et  que  j'ai  déjà  eu 
l'occasion  de  citer:  «  Et  sigûifîca  sancta  Ecclesia,  in  qua  cotidie  corpus  Christi 
manducatur  et  fidelium  ore  ipse  Deus  assidue  collaudatur.  »  (Serm.  xxn,  10.) 

3  Notoas  en  passant  que  de  cette  ânesse,  figure  du  peuple  juif,  qui  servit  de 


SERMONS  ET  PRéCBPTBS  RELIGIEUX  55 

XIV,  8,  et  Cf.  le  Spicilegium  Solesmense,  III,  12.  —  «  los.  »  Ms. 
nos.  Cf.  l'inverse  B  V,  24. 
21.  Joan,  11,6.-23-24.  Matth,  xxi,  4-5.  Cf.  Zach,  ix,  9. 

III*.  — 1-2.  Joan,  XVIII,  1  (évangile  du  Vendredi  Saint). 

4.  Ms.  senacicû.  — 6.  Ms.  om.^  Ms.  ludas,  ^10.«e  co.  »De 
ego,  écrit  d*âbord,  on  paraît  avoir  voulu  faire  ou  eco,  comme  j'ai  lu, 
en  exponctuant,  en  dessous  seulement,  le  g,  ou  peut-être  eqo.  Dans 
le  premier  cas,  le  point  se  confond  avec  la  queue  du  g  ;  dans  le  se- 
cond, on  a  oublié  d'en  effacer  la  panse  inférieure. 

17.  Ms.  espinaz.  — 20.  Corr.  [é\  semblant  ?  ou  suppr.  e  à  la  ligne 
suivante? 

26.  Psalm,  ci,  7.  — 28.  «  es.»  Ms.  et  (le  signe  de  la  conjonction). 

29.  «  es.  »Ms.  ety  en  toutes  lettres.  —  32.  «  e  cant.  »  Ms.  el  cant. 

35.  Ms.pelpellica.'^Je  n'ai  pu  trouver  la  source  de  ce  que  dit  ici 
notre  sermonnaire  concernant  le  nycticoraxou  la  chouette'  et  ses  rap- 
ports avec  le  pélican.  Le  premier  de  ces  oiseaux  a  d'ailleurs  été  con- 
sidéré comme  symbole  d'idées  très-différentes.  Voy.  les  textes  re- 
cueillis dans  le  Spicilegium  Solesmense,  II,  506:  «  Nyoticorax,  vir 
sanctus,  infidelibus  despicabilis  »  (Meliton);  «  noctua  mens  fallax  » 
(Raban  Maur);  «  significat  diabolum  »  (Thomas  de  Cantimpré)^,  etc. 


monture  à  Jésus  Christ,  une  des  églises  de  Gennes,  Santa  Maria  di  Castello, 
conservait  encore  la  queue,  au  siècle  dernier,  dans  une  châsse  d'argent.  De- 
puis 1797,  on  ne  sait  ce  qu'est  devenue  cette  relique,  dont  Giordano  Bruno 
écrivait  en  1576:  «  Cosi  ho  visto  io  li  religiosi  di  Castello  in  Genova,  mostrar 
per  brève  tempo  e  far  baciar  la  velata  coda,  dicendo:  «  Non  toccate,  baciate. 
»  Questa  è  la  santa  reliquia  di  quella  benedetta  asina,  che  fu  fatta  degna  di 
»  portar  il  nostro  Dio  dal  monte  Oliveto  a  Jerosolima.  Adoratela,  baciatela 
»  porgete  limosina.  Centuplum  accipietis  et  vitam  œteimam  possidebitis ,  » 
*Déjà  publié  par  M.  Paul  Meyer  (Recueil,  42). 

â  Or  vos  diron  del  nicorace, 

Fresaie  a  non  en  dreit  romanz, 

dit  Guillaume  de  Normandie.  Mais  les  Bestiaires  appellent  aussi  cet  oiseau 
noctua, 

3  Au  contraire,  Hugue  de  St-Victor  :  «  mystice  nycticorax  Christum  signifi- 
cat. »  (de  Bestiis,  T,  33.) — Il  n'aurait  pas  fallu  demander  d'éclaircissement  sur 
ce  sujet  au  cardinal  de  Forbin  Janson.  On  raconte  de  ce  prélat,  plus  connu 
comme  diplomate,  l'anecdote  suivante  (Bouche,  Essai  sur  l'histoire  de  Pro- 
vence, 367):  «  Louis  XIV  lisoit  un  jour  devant  lui  ce  pseaurae  de  David  où 
il  est  dit:  sicut  nicticorax  indomicilio;  ce  prince,  ne  sachant  pas  ce  que 
signifioit  le  mot  nicticorax,  en  demanda  l'explication  au  cardinal,  qui  en- 
lendoit  très-peu  le  latin  :  «  Sire,  dit-il,  c'étoit  un  valet  de  chambre  du  roi 
David.  » 


S6  SERMONS   ET  PRÉCEPTES   RELIGIEUX 

Quant  au  pélican,  il  est  unanimement  regardé  comme  la  figure  du 
Christ:  «  Pelicanus,  Christus  in  passione  »,  dit  Meliton  (Spic.  So- 
lesm.,  II,  505).  Dans  le  Physiologus  latin  publié  par  le  père  Cahier 
{Mél,  d'arch,,  II,  137),  dans  les  Bestiaires  français  de  Philippe  de 
Than,  de  Guillaume  de  Normandie,  de  Gervaise,  de  Richard  de  Four- 
nival,  c'est  le  pélican  lui-même  qui  tue  ses  petits,  après  avoir  été 
frappé  par  eux,  et  ceci  est  d'accord,  sauf  quant  au  dernier  point, 
avec  ce  que  disent  sur  ce  sujet  Epiphane  et  Isidore  (XII,  7).  Hugue 
de  Saint- Victor  (de  Bestiis),  Brunetto  Latini  et  le  bestiaire  provençal 
publié  par  M.  B artsch (Proi? .  Lesebuch)  suivent  la  même  tradition. 
Dans  le  Physiologus  grec  publié  par  dom  Pitra  (Spic,  Solesm.,  III, 
343),  après  une  légende  tout  à  fait  conforme  à  celle  du  Physiologus 
latin,  en  vient  une  seconde  moins  différente  de  celle  que  notre  ser- 
monnaire  a  reproduite.  Là,  comme  dans  notre  sermon,  le  nid  du  pé- 
lican est  bien  regardé  comme  la  figure  du  paradis  ;  mais  c'est  le 
serpent  et  non  la  chouette  qui,  par  son  haleine  empestée,  fait  mourir 
les  petits  du  pélican*.  La  substitution  delà  chouette  au  serpent  n'est 
point  pourtant  une  invention  de  notre  sermonnaire,  car  on  trouve  une 
autre  allusion  à  cette  variété  de  la  légende  dans  une  chanson  de 
Thibault  IV,  comte  de  Champagne  (édit.  Tarbé,  p.  119): 

Diex  est  ainsi  comme  le  pélicans 
Qui  fait  son  nit  el  plus  hault  arbre  sus 
Et  li  mauvais  oiseau[s]  qui  vieut  de  jus 
Ses  oiseillons  ocist,  tant  es  puans. 

36.  Mb.  lausell  sagnifio.  Faute  évidente:  cela  ne  pourrait  s'en- 
tendre que  des  petits  du  pélican,  et  c'est  le  pélican  lui-même  qui  sym- 
bolise Jésus-Christ. 

IV^.  —1-2.  I  Corinth.  v.  7  (épître  du  jour  de  Pâques).  —  12. 
«  Lucas.  »  Il  faudrait  Marcs  (xvi,  1-7),  de  qui  est  pris  l'évangile  de 

«  Il  en  est  de  même  dans  un  autre  Physiologus  grec,  plus  récent,  en  vers 
politiques,  publié  par  M.  Legrand  dans  le  septième  annuaire  (1873)  deTAsso- 
ciatibn  pour  rencouragement  des  études  grecques,  avec  une  étude  prélimi- 
naire de  M.  Gidel.  On  s'étonne  que  MM.  Legrand  et  Gidel  n'aient  pas  connu 
la  publication  de  dom  Pitra,  antérieure  à  la  leur  de  près  de  vingt  ans,  et  pour 
laq  lelle  le  savant  bénédictin,  outre  les  trois  mss.  dont  ils  se  sont   servis,  en 
avait  encore  utilisé  trois  autres.  —  «  A  serpentibus  pelecanorum  filios  occidi 
auctor  est  »,  dit  Denis  Petau  dans  ses  notes   sur  saint  Epiphane,  «  Hierony- 
mus  sive  Epistolx  ad  Praesidium  auctor.  »  Ce  dernier  dit  en  effet  :«  Pellecani, 
cum  sues  a  serpente  filios  occisos  mortuos  inveniunt,  lugent,  et  se  et  sua  la- 
tera  percutiunt,  et  sanguine  excusso  ad  corpora  mortuorum,  sic  reviviscunt .  » 
(T.  V,  148,  de  l'édition  des  Bénédictins.) 

«  Cf.  A  XV. 


SERMONS   ET  PRECEPTES   RELIGIEUX  57 

ce  jour,  et  que  notre  récit  reproduit  presque  mot  pour  mot.  Cf.  d'ail- 
leurs Luc,  xxnr,  1-6. 

22.  Ms.  nom,  en  toutes  lettres,  avec  un  tilde  sur  Yo, —  «  veirio.  » 
Corr.  veirau  f 

22-24.  «  Be  fo  razos. . .  »  Cette  idée,  qu'on  a  déjà  vue  dans  le  sermon 
correspondant  de  la  première  série,  a  été  souvent  exprimée  par  les 
prédicateurs  du  moyen  âge.  Je  citerai  seulement  saint  Grégoire  le 
Grand  (t.  1,  1549):  «  Ecce  humani  generis  culpaibi  absciditur  unde 
processit.  Quia  enim  in  paradiso  mulier  viro  propinavit  mortem,  a 
sépulcre  mulier  viris  annuntiat  vitam  ;  et  dicta  sui  vivificatoris  narrât 
quœ  mortiferi  serpentis  verba  narraverat.  Ac  si  humano  generi  non 
verbis  Dominus,  sed  rébus  dicat  :  De  qua  manu  vobis  illatus  est  potus 
mortis,  de  ipsa  suscipite  poculum  vitse.» 

24.  «  Sain  Peire »  Cf . ,  entre  autres,  Bédé  (t.  VII,  6,  m  die 

sancto  Paschœ)  :  u  Quœrendum  est  nobis  cur,  nominatis  discipulis, 
Petrus  designatur  ex  nomine.  Sed  si  hune  angélus  nominatim  non 
exprimeret,  qui  magistrum  negaverat,  venire  inter  discipulos  non  au- 
deret.  Yocatur  ergo  ex  nomine,  ne  desesperaret  ex  negatione.  » 

V.  —  1.  Hahac,  m,  11.  Cité  ici  d'après  l'ancienne  yev^ion  itala,  La 
Vulgate  dit  seulement:  «  Sol  et  luna  steteinint  in  habitaculo  suo.  » 
St  Grégoire  le  Grand,  dans  son  homélie  sur  la  même  fête,  c'est-à-dire 
sur  l'Ascension,  cite  aussi  ce  passage,  selon  la  même  version  que  no- 
tre sermon:  «  De  hac  ascensionis  gloria  etiam  Habacuc  ait  :  «  Elevatus 
est  sol  et  luna  stetit  in  ordine  suo . 

4.  «  dia.  »  Ms.  dai,  qui  paraît  avoir  été  formé  de  dut.  Le  copiste, 
reconnaissant  son  erreur  et  voulant  la  corriger,  aura  réuni  par  en 
haut  les  deux  premiers  jambages,  au  lieu  des  deux  derniers. 

7,Psalm.  xxviii,  6. 

8-9.  «  Nostre  Seiner  correc »  Saint  Grégoire,  dans  l'homélie 

précitée,  indique  en  ces  termes  les  étapes  successives  de  cette  course: 
«  Hinc  ejusdem  Ecclesiae  voce  per  Salomonem  dicitur:  Ecce  iste  ve- 

nit  saliens  in  montibus Veniendo  quippe  ad  redemtionem  nostram, 

quosdam,  ut  ita  dixerim,  saltus  dédit.  Vultis,  fratres  carissimi,  ipsos 
ejus  saltus  cognoscere?  De  cœlo  venit  in  uterum,  de  utero  venit  in 
praesepe,  depraesepe  venit  in  crucerii.  De  cruce  venit  in  sepulcrum, 
de  sépulcre  rediit  in  cœlum.  »  Honoiius  d'Autun,  qui  iiorissait  au 
commencement  du  Xll»  siècle,  dans  l'homélie  sur  l'Ascension,  qui  fait 
partie  de  l'espèce  de  guide  ou  manuel  du  prédicateur  composé  par 
lui,  sous  le  titre  de  Spéculum  Ecclesiœ,  ajoute  deux  étapes  à  celle 
de  S .  Grégoire  :  «  ....  de  cruce  in  sepulchrum,  inde  in  haratri  pro- 
fundum,  de  baratro  in  mundum,  inde  transiliit  in  cœlum .  » 

10.  Joan,  XX,  17  (répons  de  l'office  de  l'Ascension). —  14-15.  Act. 


\ 


58  SERMONS  ET  PRECEPTES   RELIGIEUX 

apost.  I,  9  (antienne  de  l'office  de  TAscension).  -^  15.  Ms.  poiêt, — 
17.  Psalm.  XVII,  11. 

20-22.  «  Zo  es  lo  filz  de  Deu »  Grégoire  le  Grand  (loc.  cit.): 

«  Quis  enim  solis  nomine  nisi  Dominus,  et  quse  lunse  nomine  nisi  Ec- 
clesia  designatur?  »  Cf.  Meliton  et  saint  Eucher:  «  Sol,  Christus  ; 
luna,  Ecclesia»;  Pierre  de  Riga: 

Ad  se  luna  trahit  a  solis  luce  nitorem 

Sic  habet  a  Christo  solum  sua  sponsa  decorem. 

(Spicil.  Solesm.,  II,  60,  65, 67;  UI,  405.) 

21.  ((  al  amena.  »  Vm,  dans  le  ms.,  a  un  jambage  de  trop.  —  24, 
«  en  cel.  wMs.  ne  cel.  — «  nos.  wMs.  los. 

Vn.  —  1-3.  Joan,  xiv,  23-24  (évangile  de  la  Pentecôte).  Il  y  a 
sermones  meos  non  servat  dans  la  Vulgate.  —  2.  Ms.  apud  deum, 

5.  Ms.  amavo  garavo.  Même  confusion  du  pluriel  et  du  singulier 
dans  le  sermon  correspondant  de  A  (I,  4-5).  —  6.  Ms.  esttara.  — 
9-10.  Ms.  eelaquela. — ll.«  serps  los.»  M.a ,  serspoh  {la,  seconde  et  la 
troisième  s  en  interligne) .  Sur  ces  serpents  et  leur  symbolique,  voyez 
ci-dessus  la  note  sur  A  I,  9.  J'ajouterai  ici  que  l'aspic,  puisque  c'est 
de  l'aspic  qu'il  s'agit,  bien  que  notre  auteur,  moins  précis  que  celui  de 
A 1,  ne  le  nomme  pas,  a  été  considéré  aussi  comme  la  figure,  non 
plus  du  pécheur  qui  veut  rester  sourd  à  la  voix  de  Dieu,  mais  au  con- 
traire de  l'homme  pieux  qui  résiste  aux  séductions  du  monde.  C'est 
ce  qu'on  voit,  par  exemple,  dans  le  traité  des  Vices  et  des  Vertus, 
composé  en  1279,  pour  le  roi  Philippe  le  Hardi,  par  le  frère  Laurent, 
confesseur  de  ce  prince.  Je  cite  la  traduction  provençale  (B .  N.ms.fr. 
1745,  f.  104  r.):<c  Una  serpen[s]  es  que  es  apellada  aspis,  et  es  de  tal 
natura  que,  cant  hom  lo  vol  encantar,  clau  la  .i» .  de  sas  aurelhas  am 
la  terra  e  l'autra  am  sa  choa.  Aquesta  serpen[s]  nos  essenha  .i.  mot 
gran  sen,  so  es  que  non  escotem  lo  encantador,  so  es  lo  lauzenguier 
ni  lo  messorguier  ni  los  afflatadors,  que  encanton  soven  los  grans 
homes  del  setgle.  May  s  qui  al  yssampli  d'aquest  serpen  tança  sas 
aurelhas,  la  .i» .  de  la  terra  e  la  autra  de  sa-  coha,  ell  non  ha  garda 
de  esser  encantatz  ni  per  dyable  ni  per  malvayza  lenga.  Aquell  clau 
la  .1».  aurelha  am  de  terra  que  pessa  que  de  terra  es  et  en  terra  tor- 
nara,  e  qui  pensa  sa  pauretat  e  ssa  vileza  e  sa  enfermetat  dont  ell  se 
deu  humiliar  e  menesprezar.  L'autra  aurelha  clau  am  la  coha  qui 
remembra  sa  mort  am  pahor  del  juzizi  de  Dieu  e  de  las  penas  eter- 
nals.  Qui  enayssi  clau  sas  aurelhas  non  au  pas  volontiers  paraulas 
que  devon  a  Dieu  desplazer  et  en  ayssi  es  hom  tempratz  e  mezuratz 
en  auzir  et  escotar.  »  11  semblerait,  d'après  une  chanson  publiée  par 
Muller  et  Wolflf  (Egeria,  raccoUa  di  poésie  italiane  popolari,  p.  37) 

»  Cf.  A  I.  Déjà  publié  par  M.  Paul  Meyer  (Jahrbuch,  Vfl,  78). 


SERMONS   ET  PRECEPTES  RELIGIEUX  59 

que  la  poésie  populaire  connaît  aussi,  du  moins  en  Italie,  la  légende 
de  Taspic: 

«  Xo  non  l'intendo, 
Son  quai  aspide  sorda  a'  canti  sui.  » 

Mais  cette  chanson  est-elle  bien  réellement  populaire  ? 

16.  Ma -dicx.  Psalm,  xxxvi,  35.  — 17.  .^  côte.  «  Sic,  M.  Paul 
Meyer  suppose  comte  de  complus,  ce  qui  à  la  rigueur  pourrait  être. 
Ce  n'est  pourtant  pas  l'idée  de  vanité  dans  les  habillements  et  ajus- 
tements mondains,  c'est  celle  d'orgueil  que  le  sermonnaire  a  dû  vou- 
loir rendre.  Peut-être  manque-t-il  ici  quelques  mots  et  faudrait-il  lire 
com  te  ou  c'om,  te, — «  no.  »  Ms.  nol,  —  «  loc.  »  11  semble,  à  bien  exa- 
miner le  ms.,  que  de  loc  on  ait  voulu  faire  lue.  J'avais  cru  d'abord  le 
contraire, 

18.  Luc,  VI,  24.  Il  y  sidivitibus  dans  la  Vulgate. — \9,Isai,  v,8: 
«Vse  qui  conjungitis  domum  ad  domum.  »  —  20.  Psalm.  xxxviii,  7: 
a  Thésaurisât  et  ignorât  cui  congregabit  ea.  » — 22.  Ms.  altal, —  27. 
Ms.  permanera  ab.  —  27.  Peut-être  vaudrait-il  mieux  écrire  :.  .ab 
lui.  [_Qui]  sine  fine  vivit. , . 

VII  *,  —  1 .  Luc.  I,  57  (évangile  de  la  Nativité  de  saint  Jean-Bap- 
tiste). 

2.  «  que.  »  Ms.  qui  (en  abrégé).  —  3.  <c  e  las  estorias.  »  Voyez 
Luc.  I,  5seq.  —  5.  Ms.  avia. 

11.  «  l'effant.  »  Il  y  a  plutôt  lefant  dans  le  ms.  On  avait  d'abord,  à 
ce  qu'il  semble,  écrit  leuat,  dont  on  a  fait  lefiât,  sans  effacer  le  second 
jambage  de  Vu,  mais  sans  le  prolonger. 

12.  «  [maire].  »  Suppléé  ici  d'après  Luc,  i,  60  :  «  et  respondens  ma- 
ter ejus,  dixit.  » 

13-14.  «  conoisensa.  »  Contresens.  L'évangile  dit  cognationem 
{Luc.  I,  61),  que  notre  auteur  aura  confondu  avec  cognitionem,  — 
Suppl.  orne  après  avia^f 

15.  «  quai.  »  Ms.  quel,  en  abrégé.  — 17.  Luc,  i,  68.  -r-Ms.  re- 
dempciones,  —  19.  «  e  vezi.  >»  Ms.  enuezo.  Ci , Luc  i,  58  et  65. 

20.  «  so  es.  ))Ms.  sols,  à  ce  qu'il  semble.  VI,  si  c'en  est  bien  une, 
est  bouclée. 

21.  Cf.  Meliton  (Spic,  Solesm,,  III,  306):  «  Joannes,  Domini  gra- 
tia  »;  saint  Jérôme  (II,  65):  «  Joannes,  cui  est  gratia,  vel  Domini 
gratia.  » 

22.  Luc,  I,  14.  —  24.  Ms.  sanhz, 

25-26.  «  et  abanz. . . .  e  dis.  »  Tout  ce  passage  est  en  renvoi,  à  la 

*  Cf.  A  II. — '  Cf.  Maurice  de  Sully  (Boucherie,  op.  cit.,  195):  a  Mes  en  tôt 
ton  parenté  n'a  home  de  cest  nom.  » 


60  SERMONS  ET   PRECEPTES  RELIGIEUX 

marge,  dans  lems.  C'est  probablement  le  retour  de  que  nostre  seiner 
qui  aura  causé  l'omission.  Mais,  en  la  réparant,  le  copiste  a  précisé- 
ment oublié  de  répéter  ces  trois  mots,  que  j'ai  rétablis  entre  crochets. 
Peut-être  y  a-t-il  eu  seulement  erreur  de  sa  part  dans  l'indication  du 
point  de  suture,  et  faut-il  lire,  sans  rien  suppléer  :  «  abans  fo  anun- 
ciatz  et  abanz  predicanz  ;  abanz  mori,  abanz  fo  en  efem  e  dis  que 
Nostre  Seiner  era  vengutz. . .  » 

26.  «fo  enefern.  «Voyez  l'évangile  de  Nicodème,  chap.  xxi  (Tis- 
chendorf,  p.  426)  et  cf.  ci-dessus  la  note  sur  A  II,  25.-26.  Ms. 
plobel, 

VHP.  —  I.  Act.  apost,  XII,  1  (épitre  de  la  Saint-Pierre). 

2.  «que.  »  Ms.  qui  en  abrégé.  — 4.  Ms.  gleisâ. 

5.  «  et  essegrenir  e  Tangels. . .  »  C'est  ainsi  que  j'avais  lu  d'abord, 
et  telle  est  la  leçon  qui  se  présente  en  effet  la  première,  et  qui 
m'avait  paru,  examinant  le  ms.  à  plusieurs  reprises,  absolument  sûre. 
Je  ne  pouvais  voir  qu'un  verbe,  dont  je  n'avais  malheureusement  pas 
d'autre  exemple,  dans  cet  essegrenir,  et  je  cherchais  à  me  persuader, 
sans  trop  y  réussir,  que  l'origine  devait  s'en  trouver  dans  eœsecer- 
nere.  Je  faisais  fausse  route.  Le  ms. ,  examiné  de  nouveau  et  vu  sans 
doute  sous  un  meilleur  jour,  m'a  cette  fois  livré  son  secret:  c'e&tet 
essegrentre  Vangels  qu'il  faut  lire,  bien  que  l'e  soit  isolé  et  sensible- 
ment distant  de  l'r  auquel  il  convient  de  le  rattacher. 

8.  La  suite  du  récit,  qui  jusqu'ici  n'a  fait  que  reproduire,  en  l'abré- 
geant, celui  des  Actes  des  Apôtres,  se  fonde  exclusivement  sur  les 
textes  apocryphes  relatifs  à  saint  Pierre  et  à  saint  Paul,  et  particu- 
lièrement sur  les  Acta  Pétri  et  Pauliei  le  pseudo-Marcellus.  Cf.  ci- 
dessus,  sur  A  III,  1-2,  et  la  note  au  bas  de  la  page. 

12.  <(los.  »  Ms.  les, 

17.  Notre  sermonnaire  intei*vertit  ici  les  rôles  des  deux  apôtres. 
C*est  saint  Paul  qui,  dans  tous  les  textes  où  ces  paroles  sont  rappor- 
tées, les  adresse  à  saint  Pierre.  Voici  la  version  du  pseudo-Marcellus 
(Fabricius,  I,  649)  :  «  Cumquc  elevasset  caput  Paulus  lacrymis  plé- 
num etvidisset  Simonem  volantem,  sic  ait:  u  Petre,  quid  cessas? 
Perfice  quod  cœpisti.  »  Cf.  Acta  Pétri  et  Pauli,  chez  Tischendorf, 
p.  32.  Ce  détail  manque  dans  le  pseudo-Abdias .  — 18.  «  comensas.  » 
On  préférerait  as  comensat.  Cf.  cœpisti  dans  le  pseudo-Marcellus. 

26.  «  en  un  poz.  »  Ce  détail  ne  se  trouve  dans  aucun  des  textes 
plus  haut  cités.  Le  plus  ancien  auteur  qui  en  fasse  mention  est,  pa- 
rait-il, saint  Grégoire.  Mais  il  ne  le  met  pas,  comme  le  fait  ou  semble 
le  faire  notre  auteur,  au  compte  des  bourreaux  des  apôtres.  Il  ne 

*  Cf.  Â  m  et  les  notes  afférentes  à  ce  dernier  sermon. 


8BRM0NS   ET   PRECEPTES   RELIGIEUX  61 

parie  pM  non  plus  expressément  de  puits  (du  moinsMans  le  texte 
imprimé  que  je  connais);  mais  le  mot  se  ti'ouve  {in  puteo)  dans  la 
Légende  dorée,  ainsi  que  dans  les  Annales  de  Baronius  et  dans  les 
Aeta  sancti  Pétri  d'^milius  Sanctorius,  réédités  par  les  Bollandistes  ^. 
Saint  Grégoire  place  révènement  «  eo  tempore  quo  passi  sunt  »,  ce 
que  Sanctorius  interprète  «  eo  ipso  anno  seu  récurrente  festi  anni- 
versaria  die  »,  sans  plus  de  précision.  La  Légende  dorée  le  met  au 
temps  du  pape  saint  Corneille  (f  252) .  Voici  le  récit  de  ce  dernier 
ouvrage:  «  Tempore  sancti  Cornelii  pape,  Greci  fidèles,  apostolorum 
corpora  furati,  eadem  asportabant.  Sed  demones  in  idolis  habitantes 
divina  coacti  virtute  clamabant  :  «  Viri  romani,  succurrite,  quia  dii 
vestri  auferuntur.  Quapropter,  fidelibus  intelligentibus  de  Apostolis, 
gentilibus  vero  de  suis  diis,  multitude  adunata  fidelium  et  infidelium 
illos  persequitur.  Unde  Greci  timentes  apud  Cathacumbas  apostolo- 
rum corpora  in  puteam  projecerunt  ;  sed  a  fidelibus  inde  post  modum 
sunt  extracta.  »  (Édit.  de  Lyon,  1504,  f>  90  a. ) 

IX^.  ^  1-2.  Antienne  de  Toffice  de  T Assomption.  11  y  a  dans  le 
Bréviaire  romain  :  laudantes  benedicunt .  —  in  celum  est  répété  dans 
le  ms.  —  Ms.  algels, 

7 .  «  escripturas.  »  11  s'agit  du  livre  apocryphe  de  Transitu  beatœ 
J/artVipVtr^rmw,  déjà  mentionné  dans  les  notes  sur  A IV,  auxquelles  le 
lecteur  est  prié  de  se  reporter.  —  Remarquons  seulement  ici  au  sujet 
de  la  manne  dont  parle  notre  sermonnaire,  que  la  même  chose  a  été 
racontée  du  tombeau  de  saint  Jean  Pévangéliste:  «  Posteavero  inventa 
est  fovea  illa  plena  nihil  aliud  in  se  habens  nisi  manna  quam  usque 
hodie  gignit  locus  ipse. . .  »  (Mellitus,  de  Passione  S.  Joannis  apos- 
toliy  dans  Fabricius,  Codea?  apocr,  novi  Testamenti,  II,  623).  Cf.  le 
Pseudo-Abdias,  ibid,,  I,  589.  D'après  d'autres  auteurs,  auxquels 
saint  Augustin    fait  allusion   dans    un  passage  ^  cité  par  Fabricius 

•  Cf.  Bosio,  Rama  sotteranea,  1.  III,  cap.  xm:  c  Sotto  l'istesso  altare  (qui 
est  au  milieu  des  Catacombes),  al  piano  del  pavimento  è  ua  pertugio  quadrato 
a  modo  di  pozzo,  dove  giacquero  li  corpi  de'  gloriosi  prencipi  degli  apostoli 
Pietro  e  Paolo  per  qualche  tempo,  quando  vi  furono  gittati  da'  Greci  che  gli 
avevano  robati ,  come  riferisce  Gregorio  Magno ...» 

2  Cf.  A  IV. 

3  «  Cul  placet..  ...asserat  apostolum  Joannem  vivere,  atque  in  illo  sepul- 
cbro  ejus  quod  est  apud  Ëphesum  dormire  eum  potius  quam  mortuum  jacere 
contendat.  Assumât  in  argumentum  quod  illic  terra  sensim  scatere  et  quasi 

ebullire  perhibeatur,  atque  hoc  ejus  anhelitu  fieri Et  eum  mortuus  pu- 

t&retur,  sepultum  fuisse  dormientem,  et  donec  Cbristus  veniat,  sic  mauere 
suamque  vitam  scaturigine  pulveris  indicare  :  qui  pulvis  creditur  ut  ab  imo  ad 
superficiem  tumuli  ascendat  flatu  quiescentis  impelli.  » —  Dans  les  Acta  apo- 


62  SBRMONS  ET  PRECEPTES  REIJOIBUX 

(ibid.)  et  par  Tischendorf  (^cto  àpocrgphà,  lxxiv),  c'est  de  la  terre 
que  Ton  voyait  sortir  du  tombeau  de  saint  Jean,  ce  qui  rappelle  la 
«  terre  blanche  »  dont,  d'après  le  sermon  de  notre  première  série 
correspondant  à  celui-ci,  le  sépulcre  de  la  Sainte  Vierge  fut  trouvé 
rempli.  11  paraît  à  propos  de  citer  ici  un  fragment  d'un  sermon  de 
Fulbert,  évêque  de  Chartres  (■{- 1028),  dont  je  reparlerai  à  l'article  sui- 
vant, et  où  il  est  question  à  la  fois  du  sépulcre  de  saint  Jean  et  de 
celui  de  Marie  :  «  Hic  {se,  Joannes)  ministravit  ei  post  passionem  et 
resurrectionem  et  ascensionem  Domini  in  finem.  Fuit  autem  sepulta 
Sanctissima  in  valle  Josaphat,  ubi  est  sedificata  ecclesia  in  honorem 
ejus,  et  sanctus  Joannes  sepultus  est  Ëpheso.  Post  vero  cum  religiosi 
Christiani  reliquias  matiis  ejus,  videlicet  Dômini,  respicere  vellent, 
sepulcrum  vacuum  invenerunt  ;  sed  et  in  sepulcro  beati  Joannis  respi- 
centes  non  invenerunt  nisi  manna.  Crédit  itaque  christiana  pietas  quia 
Christus  Deus,  Dei  filius,  matrem  suam  gloriose  ressuscitaverit  et 
exaltaverit  super  cœlos,  et  quod  beatus  Joannes,  virgo  et  evangelista, 
qui  ei  ministravit  in  terra,  gloriamejusparticipare  mereaturin  cœlo.  » 
On  voit  qu'il  n'est  ici  question  de  manne  que  dans  le  tombeau  de  saint 
Jean  ;  mais  on  s'explique  en  même  temps  sans  peine,  en  raison  de  la 
relation  étroite  des  deux  personnages  et  des  deux  légendes,  qu'on  ait 
pu  prêter  à  l'une  quelque  trait  de  l'autre.  D'après  l'opinion  commune, 
la  Sainte  Vierge  serait,  elle  aussi,  morte  à  Ephèse . 

11.  Ms.  aquela  grans.  Corrigé  d'après  le  passage  correspondant 
de  A  IV  (aquella  charn), —  12.  Ms.  duberg,  — 13.  «  ele.  »  Peut-être 
vaudrait-il  mieux  écrire  en  deux  mots  e  le. 

15.  CanU  iii,  6:  «  Qu8b  est  ista  quae  ascendit  perdesertum  sicut 
virgula  fumi  ex  aromatibus?» 

X*.  —  1-2.  Antienne  et  répons  de  l'office  de  la  Nativité  delà 
Vierge. 

3.  Ms.  laststorias,  —  Sur  les  sources  de  ce  sermon,  voyez  les  no- 
tes de  A  V.  J'ajouterai  ici  qu'Honorius  d'Autun  a  puisé,  non  moins 
abondamment  que  notre  auteur,  aux  mêmes  sources,  pour  la  composi- 
tion d'un  sermon  (  de  Nativitate  S.  Mariœ  )  qui  fait  partie  de  son 
Spéculum  Ecclesiœ,  Mais,  à  l'inverse  de  ce  dernier,  il  entre  dans  plus 
de  détails  sur  les  circonstances  de  la  vie  de  Marie  (son  séjour  au 

crypha,  publiés  par  Tischendorf  (p.  276),  c'est  une  fontaine  qu'on  voit  sour- 
dre du  tombeau  du  saint,  et  l'on  n'y  trouve  plus  que  ses  sandales  :  «  è^Oovreç 
ouv  im    T>îv  aupiov    aùrôv    ftsv   où;^  eupov,  à^>à  rà  o-av^a).ia  «utoû   -/.at 

(SpÛOVCTaV  T>JV  TDjyiQV.)) 

*  Cf.  A  V.  Déjà  publié  par  M.  Paul  Meyer  (Jahrbuch,  VU,  81). 


f 


SERMONS   ET   PRECEPTES  RELIGIEUX  63 

temple^  son  mariage)  que  sur  celles  qui  ont  précédé  sa  naissance  * . 
Fulbert,  évêque  de  Chartres,  plus  réservé  qu'Honorius,  s'exprimait 
ainsi,  un  siècle  environ  auparavant,  dans  un  sermon  pour  la  même 
fête  (Migne,  CXL,  320)  :  «  Hac  itaque  die  peculiariter  in  Ecclesia  re- 
citandus  esse  videtur  ille  liber,  qui  de  ortu  ejus  et  vita  scriptus  inve- 
niebatur,  si  non  judicassent  eum  Patres  in  ter  apocrypha  numeran- 
dum .  At,  quoniam  magnis  ac  sapientibus  viris  ita  visum  est,  nos  alia 
quaedam,  sed  non  aliéna  legentes,  ecclesiasticum  morem  debitis  offi- 
ciis  exsequamur.  »  Il  s'en  tient,  en  conséquence,  aux  Prophètes  et  à 
rÉvangile.  Mais  dans  un  second  sermon  [ibid.  324),  remarquable  par 
sa  simplicité,  et  qui  n'est  qu'une  histoire  abrégée  de  la  Sainte  Vierge, 
depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa  mort,  —  celui-là  même  dont  j'ai  rap- 
porté un  fragment  dans  les  notes  de  B  IX, —  il  emprunte,  plus  discrè- 
tement à  la  vérité  qu'Honorius,  la  plupart  des  détaik  de  son  récit  aux 
apocryphes. 

7.  Les  trois  mots  avio  estât  essems  sont  placés,  dans  le  ms.,  par 
une  interversion  évidemment  fautive,  avant  et  Anna  sa  moiller.  — 
Ms.  .VII.  tans. 

11.  «qu'en  ac.  »  Ms.  que  anc.  Cf.  plus  haut  B  VI,  11,  serspols 
pour  serps  los,  — 13.  «  so  niu.  »  Ms.  zo  niu, 

18.  «  E  molt  temen.  »  Cf.  :  «  qui  ciim  ad  ejus  visionem  turbaretur, 
angélus  qui  ei  apparuerat  «timorem  ejus  compescuit,  dicens  :  noli  ti- 
mere.  »  (De  Nativitate  Mariœ,  cap.  m,  dans  Tischendorf,  p.  114.) 

19.  «  edës.  »  Sic,  Le  passage  correspondant  du  pseudo-Mathieu 
(Tischendorf,  p.  61):  «  abierunt  simul  Joachim  et  Anna  »  suggère  la 
correction  essems.  Mais  la  place  de  cet  adverbe  serait  mieux  après 
maire.  J'ai  aussi  pensé  à  e  demei.  Cela  s'accorderait  un  peu  mieux, 
quant  à  l'âge  de  Marie,  avec  le  récit  des  apocryphes  :  «  cumque  trium 
annorum  circulus  volveretur  »  (de  Nat,  Mar.,  cap.  vi  ;  Tischendorf, 
p.  116);  «  dum  autem  tertio  anno  perlactasset  eam  »  (pseudo-Matth., 
cap.  IV,  ibid.yij^,  61.). 


<  Je  rapporterai  de  ce  sermon  un  passage,  sans  correspondant  dans  le  nôtre, 
qui  a  Irait  à  l'institution  de  la  fête  de  la  Nativité  de  la  Vierge  :  «  Hujus  nalalis 
olim  minime  agebatur,  sed  hoc  modo  institutus  traditur.  Quidam  de  sanctis 
audiebat  singulis  annis  hac  nocte  dulcem  armonyam  in  cœlis  personare  et 
quasi  choros  angelorum  festum  celebrare.  Qui  cum  a  Dec  precibus  inquireret 
curhœc  non  alio  tempore  nisi  illa  nocte  audiret,  dictum  est  illi  ea  nocte  mundo 
esse  genitam  Dei  genitricem,  et  ob  hoc  illam  noctem  angelisesse  celebrem. 
A  quo  dum  hoc  publicatur,  sancitum  est  ut  etiam  hominibus  natalis  ejus  sol- 
lemnis  habeatur.  »  (Migne,  Pair.  lat.  CLXXII,  999.)  Guillaume  Durand  (liv.  VU, 
chap.  xxvm)  et  Jean  Beleth  (chap.  cxlix;  font,  sans  plus  de  précision  chro- 
nologique, le  même  récit. 


64  SBRMONS   ET  PRECEPTES  RELIGIEUX 

21.  Ms.  altrels,  faute  qui  aura  pu  être  proToquée  par  altars,  qui 
suit  et  précède. 
28.  «  quarn.  »  Ms.  quen  (qn,  avec  le  signe  de  Ve  sur  le  q). 

XI.  —  1-3.  Apocal,  I,  1-2  (épître  de  la  Saint-Michel).  —  Ms.  mi- 
gnificavit.  Le  rubricateur  a  fait  une  ilf  au  lieu  d'une  S, 

8.  «  per[det  se]  una  pars.  wMs.  puna  (le  p  barré).  —  }AB,praquela 
avec  le  p  barré,  c'est-à-dire  perraquela, 

10.  «  sio.  ))Ms.  sia. — 12.  «  Michael  prsepositus  paradisi. . ,  »  (An- 
tienne et  verset  de  l'office  de  la  Saint-Michel.) 

13.  «  es  apelaz. . .  »  On  avait  écrit  d'abord  esp.  De  la  panse  du  p, 
sans  en  effacer  la  queue,  on  a  fait  un  a,  et  on  a  continué. .  pelaz.Teut- 
être  le  scribe  songeait-il  à  espel=^  signifie.  Cf.  1.  14,  où  il  a  écrit, 
sans  se  corriger,  espelaz, 

13.  «  ut  Deus.  »  C'est  par  Quis  ut  Deus  et  non  pas  seulement  par 
ut  Deus  que  les  écrivains  ecclésiastiques  interprètent  le  nom  de  Mi- 
chel .  «  Michael  namque  Quis  ut  Deus  ?  Gabriel  autem  fortitudo  Dei, 
Raphaël  autem  dicitur  Medicina  Dei.  »  (Saint  Grégoire  le  Grand, 
cinquième  leçon  de  l'office  de  la  Saint-Michel).  Saint  Jérôme,  t.  II, 
p.67:  <c  Gabriel,  confortavit  me  Deus,  aut  fortitudo  Dei,  vel  vir 
meus.  »  P .  84  :  «  Michael,  quis  ut  Deus  ?  »  Rien  sur  Raphaël.  Cf.  Me- 
liton  {Spic.  Solesm.,  m, SOI)  et  Isidore,  OW^.,  Vil,  v,  où  l'interpré- 
tation de  chacun  de  ces  noms  est  suivie  d'une  courte  explication.  Je 
transcris  l'article  de  saint  Michel:  »  Michael  interpretatur  Quis  ut 
Deus?  Quando  enim  aliquid  in  mundo  mirse  virtutis  fit, hic  archange- 
lus  mittitur.  Et  ex  ipso  opère  nomen  est  ejus  :  quia  nemo  valet  facere 
quod  facere  prsevalet  Deus .  »  —  «  e  lue  •  »  Ms .  élue . 

14.  «  e  guida  los  fizels.  »  Antienne  de  l'office  de  la  Saint-Michel  : 
«  Archangele  Michael,  constitui  te  principem  super  omnes  animas 
suscipiendas.  »  Répons  du  même  office  :«  Venit  Michael  archangelus... 
cui  tradidit  Deus  animas  sanctorum  ut  perducat  eas  in  paradisum 
exultationis .  »  Cf.,  dans  les  apocryphes,  car  il  n'y  a  rien  de  pareil 
dans  les  livres  canoniques  .*  «  Dominus  autem  tenens  manum  Adae  tra- 
didit Michaeli  archangelo,  et  omnes  sancti  sequebantur  Michaelem 
archangelum,  et  in troduxit  omnes  in  paradisi  gratiam  gloriosam .  » 
{Ev,Nicodemi,  Tischendorf,  404.)  Et  encore  :  «  Tune  salvator.  .jussit 
Michaeli  archangelo  ut  animam  Sanctse  Marise  deferret.  »  (Transitus 
Mariœ,  Tischendorf,  135.)  Ce  rôle  de  psychopompe  que  saint  Michel 
avait  ainsi,  chez  les  Gré co- Romains,  devenus  chrétiens,  hérité  de 
leur  Hermès,  et  auquel  la  littérature  du  moyen  âge  renferme  des 
allusions  nombreuses  (voy.  par  exemple.  Chanson  de  Roland,  v.  2394; 
Flamenca,  7393;  Guerre  de  Navarre,  541),  était  aussi  attribué  par 
les   Juifs  à  cet  archange.  On  peut  voir  là-dessus  une  note  de  Thilo 


SBRMONS  ET   PREOEPTES   RELIGIEUX  65 

sur  le  passage  plus  haut  cité  de  VEvangile  de  Nicodème,  laquelle  est 
rapportée  dans  le  Dictionnaire  des  apocryphes  de  Migne,  I,  1134. 
Cf.  ibid,  I,  1040,  une  note  de  M.  Maury  sur  le  même  sujet. 

16.  «  covida.  »0n  peut  lire  également  coinda,  qui  n'offrirait  aucun 
sens,  ou  à  la  rigueur  coiuda.  Corr.  covia  (=  fr.  convoie,  guide)  ou 
ajudaf  Cf.  les  textes  cités  tout  à  Theure,  et,  de  plus,  pour  l'idée  de 
secours  :  «  Michael  veni  (venit)  in  adjutorium  populo  Dei  :  stetit  in 
auxilium  pro  animabus  justis  »  (antienne  et  répons  de  l'office  de  la 
Saint-Michel);  «  Sancte  Michael,  défende  nos  inpraelio  ut  non  pereamus 
in  tremendo  judicio.  »  (Messe  de  la  Saint-Michel). —  Ms.  miquelz, 
17.  «  donanz.  »  Ms.  donalz, 

XII. —  1.  Joan,  I  epist,  iv,  16,  Ce  texte  fait  partie  de  l'épître 
du  premier  dimanche  après  la  Pentecôte  ;  mais  le  passage  de  la  Ge- 
nèse, rappelé  au  commencement  du  sermon,  se  lit  le  lundi  après  le 
dimanche  de  la  Sbptuagésime .  Du  reste,  au  lieu  d'être  un  sermon  de 
rfever5i5,  comme  je  l'ai  supposé  dans  l'introduction,  celui-ci  doit  être 
plutôt  un  sermon  pour  le  jour  de  la  Toussaint,  et  il  viendrait  ainsi 
parfaitement  à  son  rang.  C'est  la  dernière  phrase  qui  en  reste  qui  me 
suggère  cette  hypothèse.  Cf.  les  extraits  suivants  d'Honorius  d'Au- 
iMn,  Spéculum  Ecclesiœ,de  omnibus  sanctis  {Migne,  CLXXIl,  1013- 
1018).  «  Dehinc  justum  est  ut  homines  angelorum  concivjs  hodie 
hymnis  efferamus ...  Ex  quibus  in  primis  séries  patriarcharum  laudi- 

bus  recolatur,  de  quorum  semine  Christus  propagatur Post  hos 

sunt  nobis  prophetse  rememorandi ,  qui  futura  Christi  mysteria 

quasi  prsesentia  prsenunciaverunt. . .  .Nunc  novae  gratise  praedicatores, 
Ecclesiaram  principes,  apostolos  scilicet  et  evangelistas. . .  .Post  hos 
martyrum  esta  nobis  laudandus chorus. .  .Exinde  lucemas  Ecclesiae, 

scilicet  confessores Horum  laudibus  conjungitur  monachorum  et 

hereaiitarum  cœtus. . .  .Hinc  dignum  est  ut  melos  candidulis  virgini- 
bus  aptemus. .  .Harum  laudibus  viduœ  associantur. . .  Jam  nunc  con- 
jugatis. . .  cum  his  laudem  prosequamur  pœnitentes. . .  .Horum  lau- 
dibus omnes  fidèles  subjungamus. ,  .Hii  omnes  ut  varii  flores  hortum 
Dei  ornaverunt. . .»  Voir  aussi  le  sermon  de  Maurice  de  Sully  pour  la 
môme  solennité  (Boucherie,  le  Dialecte  poitevin  au  XlIIe  siècle, 
205-207). 

3.  «  escrih  es.  »  Voy.  Gen,  ii,  9  seq.  —  «  ortz.  »  Ms.  orenz.  Cf. 
ligne  12. 

7-9.  Cf.  S.  Ambroise,  de  Paradiso,C3Li^,  i:«  Ipse  ergo  [Deus] plan- 
ta vit  paradis  um,  dequo  dicit  Sapientia:  Omnis  plantatio  quam  non 
plantavit  pater  meus  eradicabitur  {Matth,  v,  13).  Bona  angelorum 
plantatio,  bona  sanctorum.  Ergo  paradisus  est  plurima  ligna  habens, 


66  SERMONS  ET  PRECEPTES   RRLIGIEUX 

sed  ligna  fructifera,  ligna  plena  succi  atque  virtutis, ....  ligna  semper 
florentia  viriditate  meritorum ...» 

10.  «  e  i  fez.  »  Le  ms,  porte  clairement  eisez,  que  j'ai  cru  devoir 
corriger,  bien  que  le  sens  de  ce  qui  suit  m'échappe. — 11.  «muiase.  » 
Sic,  ou  mieux  t  nuiase,  car  le  premier  jambage  est  séparé  du  reste . 
Est-ce  un  if  Est-ce  le  chiffre  i?  Mais,  dans  ce  dernier  cas,  il  faudrait 
un  point  à  la  suite.  On  pourrait  lire  aussi  c  mnase.  Je  ne  sais,  du 
reste,  rien  tirer  qui  m'offre  un  sens  de  l'une  ni  de  l'autre  leçon. 

11.  «  molz.  »  J'avais  mal  lu  :  c'est  malz  qu'il  y  a  dans  le  ms,,  peut- 
être  nialz  on  inalz.  Dans  ce  dernier  cas,  il  faudrait  rattacher  ces  cinq 
lettres  à  ce  qui  précède  immédiatement,  c'est-à-dire  à  nuiase,  et  lire 
nuia  (ou  nina)  seinalz.  On  pourrait  encore  songer  à  corriger  nualz . 
Mais  tout  cela  ne  rendrait  pas  la  phrase  plus  claire.  Outre  que  le  pas- 
sage est  corrompu,  il  doit  y  avoir  aussi  quelque  lacune.  — «  del  an- 
gels.  »  C'est  deus  qu'il  faut  lire  au  lieu  de  del;  Vs  finale,  trop  pro- 
longée, se  confond  avec  le  signe  abréviatif  représentant  eu,  ce  qui 
lui  donne  un  faux  air  d7  et  avait  causé  mon  erreur. 

15.  Ms.  linag  tes  nasc,-^  15-16.  «  devinero.  »  Ms.  donero,  en 
toutes  lettres.  — 16,  «  enquarnament,  »  Ms.  enquantament  (qua  et 
men  en  abrégé). 

17.  Ms.  apostolz,..  dicipolz, 

19.  «  De  mal. . .  »  Ici  finit  avec  le  fo  34  du  ms.  ce  qui  reste  de  la 
seconde  série  de  nos  sermons . 


Additions  et  Corrections 

Depuis  l'impression  du  texte  et  de  la  première  série  de  ces  notes, 
j'ai  revu  le  ms.  3548  b,  et  la  collation  attentive  que  j'ai  faite  de  ma 
copie  m'a  donné  lieu  d'y  reconnaître  un  certain  nombre  d'erreurs  de 
transcription  et  deux  ou  trois  omissions .  Je  les  relève  toutes,  même 
les  plus  légères,  dans  V errata^  ci-après,  où  je  corrige  en  même  temps 
quelques  fautes  d'impression  et  auquel  je  joins  un  certain  nombre  de 
rectifications  et  d'additions  à  mes  notes. 

Introduction,  p.  109, 1.  4  du  bas.  Suppr.  «  à  partir  de  A  Vil .  » 

Sermons.  Première  série.— 1.  23.  Lis.  e  quis. — 36.  esperital.=s 
II.  6 .  apparec .  — 16 .  e .  — 22 .  mrexit.  —  23 .  antrelz .  —  24 .  Joan .  — 
27.  pre[g]uem .  =111 ,  12.  Mettre  la  seconde  virgule  après  adoranz  ou 

*  Je  ne  relève  pas  dans  cet  eiTata  les  fautes  déjà  corrigées  dans  les  précé- 
dents numéros  de  la  Revue. 


SERMONS  ET  PRECEPTES   RELIGIEUX  67 

la  supprimer  avec  la  première. —  22.  quo  N.  S.  — 25.  8ener.=s  IV. 
17.  [dextris].  =V.  25.  meravila.  ^  VI.  2.  aisi. —  15.  et,  sans  cro- 
chets.—  20.  aujo. — 27.  sinifia.  =  VIII.  lO.d'aquellas.  =  IX.6. 
naisio. — 15-16.  fo  app[e]llaz. — 24.  aisi. — 27.  superflue[n]ta[t]. — 35.  e 
pausa. —  37.  e. —  40.  aquest.  =X.  14.  e...e.  — 15.  e  queUagues- 
son  demest.  —15-16.  sacrifiqueson. — 21.  fedeso.»  XI.  6.  a.  — 
12.  menzonga.  —  13  (premier  mot  de  la  ligne),  vertat.  — 24.  e  co- 
ratge .  =  XII  .11.  columbas .  =  XIII .  23 .  tais  es  dejunz .  =  XIV  .18. 
via  [et]  Veritas  et  vita, —  26.  FEvangelista.  =  XVI.  17.  a  la  croz. — 
31.  recepiam  (m*,  recepram).  =  XVII.  4.  et.  —  5.  apelam  levam. 
Del  peccat  Adam. . .  —  6.  Mettre  une  virgule  après  pies  et  une  autre 
après ^Mrgrawa. —  15.  et  non  ubergui.  — 17.  eisement. — 19.  surexit, 
=  XVIII.  7.  sanz  Lucas.  —  45.  et  avion.  —  li  doi  disciple.  —  47. 
dels  seus  essemples  e  de  las  suas  escripturas,  e  nos. ...  — 63.  Crist. 

Sermons.  Deuxième  série.  —  I.  2 .  manu factum . —  3.  creacio- 
nis,  — 7.  et  dels  cabritz.  — 18.  avetz.  =  II.  10.  vestimenz. —  25.  pro- 
""  fecia.  =  III.  10.  baijar.  — 11.  saludet. . . .  baijar.  =IV.  7.  gracia. 
=  V.  1.  est.  —  5.  a  son.  —17.  et  volavit.  —  19.  E  per.  =  VI.  8. 
secundum  similitudinem ,  — 13.  ter[r]a.  —  22.  Esperitz.  — 27.  secula 
seculorum,=:  VII.  15-16.  que  Joan  auria  num,  et  aqui. — 17.  Suppr. 
noster,  —  21.  Tangels.  —  22.  molh  orne.  —  30.  Ajouter  Amen,  = 
VIII.  5-6.  et  essegrentrel'angels.  — 8.  e  venc.  —  12.  et.  ^18.  per- 
•quet  tarzas. —  20.  pois.  —  22.  meseson.  =  IX.  1.  assumpta.  — 4. 
per  quel. — 5.  qu'aqueill. — 14.  [s]tella,  =X.  20.  consdumes. —  31. 

est,=  XI.  3.  Christi, —  6.  Joans granz. — 7.  primieira. —  9.  et 

apelet. — 10.  sio  se[i]. — 12.  p[re]box. — 13.  apelaz.ssXII.  ll.malz... 
Deus  angels. —  18.  els. 

Préceptes  religieux. — I.  8.  enogxios.  =  IV.  4.  comandament. 

—  5.  que  om.  — 7.  que  om.  — 18.  sancta, — 34.  bestiasni  laschau- 
sas  que.  ..  =  V.  9.  Egleija.  =VI.  l.tozom. —  2.  so  es  adir  bona. 

—  4.  aiso. — 9.  pot  veer.— 13.  aqesta.  — 18.  nasqet.J —  30.  sancta 
Egleisa .  —  33 .  aqùesta .  =  VII .  12 .  aisi .  — 14 .  sufrises .  —  26 .  com- 
passio .  —  33 .  prêt  e  lauvamens . — 39 .  descordables . 


A.  —  Sermons.  Première  série  (additions  aux  notes) 

1.4.  «  evangelica.  »  Le  ms.  porte  très-distinctement  euglica,  avec 
le  signe  abréviatif  ordinaire  attaché  à  17.  Faut-il  corriger  evange- 
lîsta,  ou  conserver  evangelica,  tout  insolite  que  soit  cette  forme  ? 
J'en  rencontre  im  autre  exemple  dans  un  document  forézien  de  1322 


68  SBEMONS   BT   PRBCPiPTBS   RBLiaiBUX 

(Gras,  Dict  du  pat.  forézien,  p.  xvii);  mais  il  se  pourrait  que  là, 
comme  dans  notre  sermon,  cette  forme  evangelica  fût  simplement  le 
résultat  d'une  erreur  de  copie  et  provînt  d'une  abréviation  mal  lue. 
Ce  qui  autorise  cette  hypothèse,  c'est  le  fait  suivant,  que  mon  excellent 
collègue,  M.  Max  Bonnet,  a  bien  voulu  me  signaler, et  qui  n'est  sans 
doute  pas  isolé .  Dans  un  ms .  de  la  Legenda  aurea  que  possède  la  bi- 
bliothèque de  rÉcole  de  médecine  de  Montpellier,  n^  381, au  fol.  32  v*, 
le  mot  evangelista  est  écrit,  contrairement  à  Tusage  ordinaire,  eungW», 
avec  les  signes  abréviatif s  que  l'on  connaît  et  que  notre  imprimerie 
ne  peut  reproduire .  Qu'on  suppose  le  même  mot  écrit  de  la  sorte  dans 
le  ms.  qu'a  reproduit  le  copiste  de  notre  sermon,  on  s'expliquera  sans 
peine  qu'ayant  mal  lu  le  t,  il  l'ait  rendu  par  c  et  qu'il  ait  placé  les  deux 
dernières  lettres  à  l'alignement  des  autres,  si  même  elles  n'y  étaient 
pas  déjà  dans  l'original .  Je  me  sentirais  porté,  par  suite,  à  corriger 
evangelista^  malgré  l'exemple  forézien  déjà  cité,  et  qui,  vu  l'âge  du 
docupient  où  il  se  trouve,  se  prêterait  encore  mieux  que  celui  de  notre 
sermon  à  l'explication  que  je  propose . 

7.  «  amo.  »  Telle  est  bien  la  leçon  dums.  Mais  on  pourrait  aussi, 
à  la  rigueur,  lire  auio  (aujo),  et  cela  conviendrait  mieux  pour  le  sens. 
Cf.  ligne  19. 

II.  2.  «  Domini.  »  Ms.  d.d.  (Domini  Dei  ?)  Il  n'y  a  que  Bomini 
dans  le  Bréviaire. —  26.  Ms.  preuem  et  non  preiiem  que  j'avais  lu 
d'abord.  =  III.  10.  «  sanctus.  »  Ms.  es,  avec  un  tilde  sur  1'^  et  sans' 
point  à  la  suite.  ^  IV.  11.  Il  y  a  dans  le  ms.,  entre  les  mots  genitrix 
et  super,  exprimés   l'un  et  l'autre  en  abrégé,  deux  l  barrées  d'un 
même  trait  et  suivies  d'un  point.  =  V.  6.  Ms.  annua.  —  17.  Ms. 
0  sesn  deus,  Vo,  si  c'en  est  un,  est  incomplètement  formé.  I^e  se- 
cond s  parait  avoir  été  développé  d'un  i  ou  du  premier  jambage  d'une 
m.  Il  n'y  a  ni  point  après  sesn,  ni  aucun  signe  abréviatif  au-dessus. 
—  28.  Ms.  diz,  —23.  Ms .  e  nr,  avec  un  tilde  sur  ïr.  =  VI.  3.  «  cu- 
bertz.  »  Ms.  cultz  (l'haste  de  1'^  barrée)  .=  VIII.  1 .  Ms .  euuangelio."^ 
7.  «  quant.»  Ms.  quaite,  non  quante,-^!! .  Ms.  egredietur.  —  21. 
«  ve  tu.  »Ms.  valu,  non  i?aiM.=  IX.  40.  Ms.  nol  venra. —  48.  Sup- 
primer cette  note.  Il  y  a  sûrement  amaz  dans  le  ms. 

X.  21 .  —  Ms.  mqes  ou  nsqes  ou  nlqes  ou  tnqes  ou  mqes,  avec  un 
tilde  sur  le  q .  Faut-il  lire  ni  que  es  f  II  y  aurait  alors  une  lacune 
avant  ces  trois  mots,  qui  commencent  la  ligne,  merqes,  que  j'ai  ad- 
mis dans  mon  texte,  est  dans  tous  les  cas  une  lecture  extrêmement 
douteuse,  et  je  n'en  suis  point  satisfait.  Cf.  Exod,  xii,  7,  13  et  22. 

22.  Ici  se  termine  le  folio  21  du  ms.  et  le  premier  cahier  de  notre 
recueil.  Ce  cahier,  composé  actuellement  de  trois  feuillets  doubles,  en 


SERMONS   ET  PRÉCEPTES  RELIGIEUX  69 

avait  peut-être  quatre  dans  le  principe,  et  ce  serait,  dans  ce  cas,  la 
seconde  moitié  du  feuillet  perdu  qui  contenait  la  fin  de  notre  dixième 
sermon.  Le  feuillet  simple  suivant,  qui  appartient  au  deuxième  cahier, 
a  été  coupé.  Mais  on  voit  clairement  par  ce  qui  en  reste  que  ce  n'est 
pas  là  que  devait  se  trouver  la  fin  de  ce  sermon.  En  effet,  la  marge 
laissée  par  le  ciseau  qui  l'a  tranché  est  assez  large  pour  que,  s'il  y 
avait  eu  de  l'écriture,  elle  en  conservât,  soit  au  recto,  soit  surtout  au 
verso,  quelques  traces,  et  on  n'y  en  aperçoit  aucune. 

Outre  ce  feuillet  simple,  coupé  à  dessein,  notre  deuxième  cahier  a 
perdu  aussi  probablement,  comme  le  premier,  un  feuillet  double,  sur 
la  première  partie  duquel  devait  se  trouver  le  commencement  de  notre 
sermon  XI,  sans  compter  peut-être  un  autre  entier  avant  celui-là.  Si 
Ton  était  sûr  qu'il  en  fût  ainsi,  il  y  aurait  lieu  d'attribuer  l'interver- 
sion, que  j'ai  supposée  plus  haut  (Introduction,  p.  iv),  de  la  première 
et  de  la  quatrième  des  divisions  de  A,  non  pas  au  copiste,  comme  je 
croyais  pouvoir  et  devoir  le  faire,  avant  d'avoir  remarqué  la  particu- 
larité que  je  viens  de  signaler,  et  qu'un  nouvel  et  récent  examen  du 
manuscrit  m'a  fait  reconnaître,  mais  simplement  au  relieur,  qui  aurait 
transposé  les  deux  cahiers,  pour  mettre  en  tête  celui  au  commencîement 
duquel  il  voyait  le  début  d'un  sermon.  Dans  l'hypothèse  que  je  pro- 
pose ici,  il  y  aurait  eu  primitivement  entre  le  dernier  feuillet  actuel  du 
deuxième  cahier  et  le  premier  feuillet  actuel  du  premier  cahier,  rétablis 
chacun  à  sa  place  légitime,  deux  feuillets  de  plus,  soit  quatre  pages, 
que  l'on  peut,  avec  beaucoup  de  vraisemblance,  supposer  avoir  été  rem- 
plis par  deux  sermons  au  moins,  l'un  pour  les  Rogations  ou  Litanies, 
l'autre  pour  l'Ascension.  Cf.,   à  l'appui  de  cette   hypothèse,  notre 
deuxième  recueil  (B),  où  existe  un  sermon  sur  cette  dernière  fête  (le 
cinquième),  qui  n'a  pas  de  correspondant  dans  A,  contrairement  à  ce 
qui  a  lieu  pour  les  cinq  suivants.  Quant  aux  deux  feuillets  qui,  tou- 
jours dans  la  même  hypothèse,  auraient  été  le  premier  du  deuxième 
cahier  actuel,  devenu  le  premier,  et  le  dernier  du  premier  cahier  ac- 
tuel, devenu  le  second,  c'est-à-dire  les  folios  l  et  16  du  recueil,  ils 
devaient  contenir,  celui-ci  la  fin  de  notre  sermon  X  et  peut-être  un 
autre  en  entier,  celui-là  le  commencement  de  notre  sermon  XI,  qu'il 
faudrait  rapporter  à  l'Avent  (cf.  la  note  suivante),  et  sans    doute   un 
autre  encore  avant  celui-là,  qui  aurait  été  le  premier  du  recueil . 

XI. —  1.  Les  paroles  d'isaïe  par  lesquelles  commence  ce  fragment 
se  lisent  à  l'office  du  Mercredi  Saint;  le  reste  fait  allusion  à  un  autre 
passage  du  même  prophète  qui  forme  deux  leçons  du  jeudi  après  le 
premier  dimanche  de  l'Avent.  Il  est  fort  possible  que  notre  sermon 
se  rapportât  à  cette  première  partie  de  l'année  liturgique.  Il  faudrait 
dans  ce  cas  le  détacher  de  la  division  A^  (voir  l'Introduction,  p.  108) 
et  en  faire  le  premier  delà  division  A'*.  Cf.  la  note  précédente. 


70  MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

XII. — 18.  «  aizo.  ))Ms.  alzo. —  19.  Ms.  quanc,  — 30.  Ms.  clam. 
=  XIII.  — 4.  M3.  dis.  — 11-12.  «  a  vos.  »  Supp.  la  note.  Le  d  de 
ad  est  exponctué.  =XIV.  —  29.  Ms.  ahalsa.  =  XV.  —  17.  Ms. 
poiro.  —28.  Ms.  nostri.  =XVI.  4.  Ms.  en  eroz.. —  18.  Ms*.  adem- 
plit  de.  —  19.  Ms.  diz.  =  XVII.  3.  Ms.  aapostolus,  non  aup.  Le 
premier  a  termine  une  ligne.  =  XVIII.  22.  «  espavente[t]  nos.  »  On 
avait  d'abord  écrit  espaventer;  puis  de  IV  on  a  fait  une  n,  qui  est  la 
première  lettre  de  nos .  Cela  montre  qu'il  ne  faut  pas  songer  à  corri- 
ger espaventero  nos,  puisque  le  copiste,  en  train  d'écrire  lui-même 
espaventero,  s'est  repris.  —  27.  Ms.  donques.  — 34.  Ms.  deparstes. 
—  57.  Les  deux  lettres  (^d.d.)  qui  suivent  elemosinam  dans  le.ms. 
sont  probablement  pour  dicit  Dominus.  J'aurais  dû  les  laisser  dans 
le  texte.  —  A  la  note  sur  la  ligne  58,  qui  est  erronée,  substituez 
celle-ci  :  «  dicit.  »  Ms .  die,  sans  point  ni  signe  abréviatif .  Peut-être 
eût-il  mieux  valu  corriger  diz. 

(A  suivre.)  C.  C. 


SUR  QUELQUES   MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

PERDUS  OU   ÉGARÉS 

{Suite) 


XIX.—  Chansonnier  de  ChasteuiUGallaup . 

11  y  a  lieu  d'espérer  que  ce  chansonnier  n'est  pas  définitive- 
ment perdu.  Du  moins  peut-on  en  suivre  la  trace  jusqu'en  1816. 
A  cette  date,  ainsi  qu'il  résulte  de  la  mention  qu'en  fait  Raj- 
nouard,  au  1. 1,  p.  140,  du  Choix  des  poésies  des  troubadours,  il 
était  en  la  possession  de  M.  Fauris  de  S.  Vincens.  C'était, 
comme  nous  l'apprend  Pierre  de  Chasteuil  Gallaup*,  p.  22  de 
son  Discours  sur  les  Arcs  triomphaux  dressés  en  la  ville  d'Aix 
(Aix,  1701),  une  copie  d'un  chansonnier  de  la  bibliothèque  du 
Louvre,  aujourd'hui  perdu,  et  qui  n'a,  à  ma  connaissance,  ja- 
mais été  décrit  ni  même  mentionné  ailleurs. 

J'extrais  de  l'ouvrage  précité  tout  ce  qu'il  nous  apprend  du 
contenu  de  ce  ms. 

*  Sur  ce  personnage  et  sur  sa  famille,  voy.  Essays  de  littérature  (170ii), 
p.  iii;  id.  (1703),  p.  363;  Supplément  des  Essays  de  littérature  (Paris, 
1703),  pp.  1-46-156;  Rouard,  Notice  sur  la  Bibliothèque  d*Aix,  pp.  277-279, 
et  surtout  Roux  Alphéran,  les  Rues  d*Aix,  I,  163-169. 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX  71 

P.  20.  «  Ils  (les  troubadours)  agitoient  dans  leurs  tençons 
des  questions  d'amours  et  les  disputes  amoureuses  des  cheva 
liers  et  des  dames,  dans  lesquelles  ils  introduisoient  en  forme 
[p.  21]  de  dialogue  deux  ou  trois  poètes,  l'un  desquels  propo- 
soit  la  question,  et  sur  les  diverses  opinions  des  uns  et  des 
autres,  et  après  avoir  déduit  les  raisons  qu'ils  avoient  pour 
soutenir  leur  cause,  ils  convenoient  de  les  faire  juger  par  les 
grands  seigneurs  et  par  les  dames  de  la  cour  de  nos  princes, 
qu'ils  choisissoient  eux-mêmes  pour  juger,  auxquels  ils  re- 
mettoient  la  décision  de  leurs  différends.  C'est  ce  que  j'ai  jus- 
tifié par  la  lecture  des  tençons  de  nos  troubadours,  ceux  qui 
en  ont  écrit  avant  moi  n'ayant  pas  assés  expliqué  la  chose, . . . 
et  ce  n'est  que  par  la  lecture  d'un  ms.  qu'Hubert  de  Gallaup, 
avocat  général  en  ce  parlement  (d'Aix),  mon  frère,  fit  tran- 
scrire sur  celuy  qui  est  dans  la  bibliothèque  du  Louvre,  con- 
tenant la  vie  et  les  œuvres  de  nos  troubadours  provençaux, 
que  je  découvre  l'origine  et  l'établissement  de  ce  parlement 
d'amour,  qui  est  le  sujet  que  j'expose  en  cet  arc. 

»  La  première  tençon  qui  se  trouve  dans  ce  ms.  est  une  dis- 
pute entre  trois  troubadours  qui  sont  Fn  Savane  de  Mauleon, 
EnGamselinFaiditSy  eiEn  Ugo  de  laBaccalairia.  (Suitl'analyse 
de  cette  tencon*.) 

»  • . . .  [p.  23]  Dans  la  tençon  qui  suit,  le  comte  de  Foix  est 
seul  choisi  pour  juge*,  et  dans  presque  toutes  les  autres,  les 
seigneurs  et  les  dames  sont  indifféremment  choisis  pour  le 
jugement  de  la  question  proposée  par  les  troubadours  ;  et,  à 
la  vérité,  on  trouve  en  ces  sortes  de  poésies  que,  dans  la  ru- 
desse du  langage  et  dans  l'ignorance  du  siècle,  on  ne  man- 
quait pas  toutefois  d'esprit  ni  de  politesse,  ainsi  qu'on  l'ob- 
servera dans  les  deux  autres  sujets  de  tençons  que  je  mets 
pour  éçlaircir  entièrement  la  matière.  En  l'une,  il  est  proposé 
si  une  dame  qui  avoit  pris  des  présens  d'un  chevalier  pour  le 
don  d'amoureuse  mercy,  pour  me  servir  de  leurs  termes,  et 

*  C'est  la  pièce  Gaucelm  très  jocs  enamoratz,  qui  a  été  publiée  plusieurs 
fois  et  qu'on  trouve  dans  presque  tous  les  chansonaiers*provençaux. 

*  C'est  probablement  la  tenson  Gaucelm  Faydit,  de  dos  amies  corals,  où 
le  second  interlocuteur  est  Aimeric  de  Peguillan,  et  dont  le  jugement  est  remis 
au  seul  comte  de  Foix.  Cette  tenson,  qui  nous  a  été  conservée  dans  un  grand 
nombre  de  mss.,  a  été  publiée  plusieurs  fois.  Voy.  BartsehjGn/nrfms^lO,  28. 


72  MANUSCRITS   PROVENÇAUX 

si  le  galant  qui  avait  fait  de  semblables  présents  n'avoient  pas 
commis  l'un  et  l'autre  de  simonie  en  amour  ;  l'un  soutenoit 
que  les  dons  d'amour  sont  spirituels,  qu'ils  ne  pouvoient  ni 
ne  dévoient  être  achetez  ni  vendus,  que  toute  sorte  de  pactes 
lucratifs  en  cette  matière  étoient  simoniaques  ;  qu'ainsi  tant 
le  chevalier  que  la  dame  étant  convaincus  de  ce  crime  avoient 
encouru  la  peine  d'excommunication  en  amour.  L'autre  ré- 
pondoit,  au  contraire,  qu'il  n'y  avoit  point  de  spiritualité  en 
ce  fait,  que  tout  y  étoit  corporel,  réel  et  sensuel  ;  et  que  par 
ainsi  il  n'y  avoit  pas  lieu  de  simonie  ;  et  que  même  dans  le 
mariage  on  se  faisoit  des  dons  mutuels  autorisez  par  la  loy  et 
par  la  coutume.  Concluoit  à  ce  que  son  collègue  fût  déclaré 
non  recevable  en  une  semblable  demande,  en  laquelle  le  seul 
procureur  général  d'amour  étoit  partie  légitime  ^ 

»  En  l'autre,  qui  étoit  survenue  entre  Alfonse,  roy  d'Ara- 
gon et  Giraud  de  Bourneuil,  en  laquelle  on  agite  s'il  est  meil- 
leur pour  une  dame  d'être  aimée  de  son  prince  ou  d'un  gen- 
tilhomme, le  roy  soutient  qu'il  n'y  a  point  de  proportion  et  de 
choix  à  faire  sur  un  pareil  sujet ^.w 

P.  28.  Il  s'agit  de  Martial  d' Auvergne  et  de  ses  Arre&ia 
amorum:  «  Il  est  certain  que  ces  arrests  ont  été. pris  la  plu- 
part dans  les  ouvrages  de  nos  troubadours.  Il  étoit  d'un. temps 
voisin  de  la  cessation  de  notre  poésie  et  d'un  païs  qui  avoit 
donné  beaucoup  de  poètes  à  la  Provence,  et  particulièrement 
Giraud  de  Borneil,  dit  Maestre  dels  trobadors,  qui  étoit  de  la 
même  ville  et  qui  vivoitun  siècle  avant  luy.Et  c'est  sans  doute 


•  La  tenson  ici  analysée  était-elle  un  des  unica  du  ms.  du  Louvre?  Je  ne 
ne  sais  pas  la  retrouver  parmi,  celles  qui  ont  été  publiées  ;  j'ai  pourtant  comme 
un  vague  souvenir  d'en  avoir  lu  une  sur  le  même  sujet. 

2  C'est  la  tenson  Bew  plairia  senher  rets  (Bartsch,  242,  22  et  32^,  1).  On 
remarquera  l'attribution  formelle  qu'en  fait  Chasteuil,  sans  doute  d'après  sou 
ms.,  à  Alfonse  II.  M.  Bartsch  la  donne  à  Pierre  II,  je  ne  sais  d'après  quelle 
autorité.  Le  ms.  de  Modène  et  ceux  de  Paris  disent  seulement  lo  rei  d'Ara^ 
gon,  M.  Bartsch  mentionne,  outre  ceux-ci,  le  ms.  2909  de  Florence.  Mais 
c'est  peut-être  par  erreur,  car  on  ne  trouve  pas  notre  tenson  dans  la  table  de 
ce  ms.  publiée  dans  ÏArchiv  de  Herrig,  33,  413.  —  On  possède  une  tenson 
française  entre  Andreu  de  Paris  et  un  «  roi  d'Aragon  »,  que  Y  on  a  supposé 
également  être  Pierre  II.  Voy.  Archtv,  XLIÎ,  329,  où  cette  tenson  est  im- 
primée, d'après  le  chansonnier  de  Berne,  qui  seul  l'a  conservée. 


MANUSCRITS   PROVENÇAUX  73 

des  ouvrages  de  ce  poëte  qu'il  avoit  pris  ces  arrests  qui  fureut 
reçus  avec  tant  d'applaudissements. ..  » 

De  la  courte  citation  provençale  faite  dans  ce  passage,  il 
résulte  clairement  que  Chasteuil  Gallaup  connaissait  la  bio- 
graphie provençale  de  Giraud  de  Borneil,  laquelle  se  trouvait 
sans  doute  dans  son  ms.  11  se  trompe  du  reste,  induit  proba- 
blement en  erreur  par  Lacroix  du  Maine,  en  faisant  de  Mar- 
tial d'Auvergne,  né  k  Paris,  un  compatriote  de  Giraud  de 
Borneil,  qui  florissoit,  en  outre,  non  pas  cent  ans,  mais  trois 
cents  ans  avant  lui. 

P.  32.  «  N'Azaiais  3e  Porcairagues. .  .étoit  du  voisinage  de 
la  ville  de  Montpellier,  et  étoit  très  sçavante  en  poésie;  elle 
étoit  amoureuse  de  Guy  Guereiat,  frère  de  Guillaume  de  Mont- 
pellier, pour  lequel  elle  avoit  composé  plusieurs  belles  chan- 
sons. )) 

Ici  Chasteuil  Gallaup  ne  cite  pas  son  ms.;  mais  comme 
Nostre  Dame,  qu'il  ne  fait  ordinairement  que  répéter  ou  am- 
plifier, quand  il  n'ajoute  pas  quelque  invention  nouvelle  à 
celles  de  ce  dernier,  ne  mentionne  nulle  part  Azalais  de  Por- 
cairagues, il  paraît  évident  que  Chasteuil  a  pris  cette  notice 
dans  sonms.  Elle  est  d'ailleurs  identique  à  celle  que  le  ms.854 
de  la  B.  N.  nous  a  conservée  et  qui  a  été  plusieurs  fois  publiée 
dans  l'original. 

P.  34.  «  Pons  de  Merindol,  gentilhomme  de  cette  province 
(c'est-à-dire  de  Provence),  est  le  quatrième  qui  est  peint  au 
bas  de  ce  tableau,  et,  bien  que  Nostradamus  ne  Tait  point 
connu  pour  poëte,  il  l'étoit  toutefois,  et  voicy  de  quelle  ma- 
nière en  parle  mon  ms.: 

a  Pons  Merindol  si  fo  un  gentil  castelans  de  Proença,  soi- 
gner de  Merindol  que  es  en  riba  de  Durença,  valens  cavaliers, 
lares,  bon  guerriers,  ben  avinens,  et  bon  trobador.  Enamoret 
se  de  na  Castelosa  gentil  donna  d'Alvergne,  que  era  en  la 
cort  de  la  reina  Beatrix  de  Proença,  que  lo  amet  e  fet  de  lui 
mantas  bonas  cansos  ;  era  la  donna  moût  gaia,  moût  ensei- 
gnada  et  moût  bella.  » 

Cette  notice  et  le  nom  même  de  Pons  de  Merindol  ne  se 
trouvent  nulle  part  ailleurs.  Il  est  probable  qu'au  moins  une 
pièce  de  ce  troubadour  devait  la  suivre  dans  le  ms.  du  Louvre. 
Quant  à  Castelosa,  on  possède  de  cette  dame  trois  chansons, 


74  MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

et  sa  biographie  nous  a  été  conservée,  mais  celui  qu'elle  aimait 
j  est  nommé  Arman  de  Breon. 

P.  36.  «  Il  étoit  juste. .  .de  rapporter  un  arrêt  de  cette  cour 
(la  prétendue  Cour  d'amour),  rendu  contre  une  célèbre  co- 
quette. Elle  étoit  accusée  d'avoir  vendu  les  dons  d'amour  à  un 
galand  qui  l'en  prioit  depuis  quelque  temps,  d'avoir  fait  con- 
sumer tout  le  bien  de  ce  pauvre  amant  à  des  dépenses  inu- 
tiles, et  qu'après  l'avoir  ainsi  épuisé,  elle  ne  Tavoit  plus  voulu 
reconnaître ....  Je  tais  le  nom  de  cette  dame  aussi  bien  que 
celui  du  galand,  à  l'exemple  du  compilateur  des  arrests^bien 
que  j'aj  trouvé  dans  mon  manuscrit  que  la  dame  étoit  belle  et 
jeune,  d'un  nom  et  d'une  qualité  à  ne  devoir  pas  commettre 
une  semblable  faute.  » 

Après  son  Discours  sur  les  Arcs  triomphaux,  Pierre  de  Chas- 
teuil  Gallaup  publia,  sous  le  voile  de  l'anonjme,  pour  répondre 
aux  critiques  dont  cet  ouvrage  avait  été  l'objet  de  la  part  de 
Pierre  Joseph  de  Haitze,  une  brochure  ayant  pour  titre  Ré- 
flexions sur  le  libelle  intitulé  Lettre  critique  de  Sextus  le  Salien 
à  Euxénus  le  Marseillois  (Cologne  [Aix],  1702),  d'un  passage 
de  laquelle  (p.  34)  résulte  avec  évidence  qu'il  connaissait  le 
sirventes  du  moine  de  Montaudon,  Pois  Peire  (TAlvernke  a  can- 
tal, Venueg  du  même  :  Fort  nienoia  si  l'auses  dir'^,  et  la  biogra- 
phie provençale  de  Folquet  de  Marseille,  dont  il  rapporte 
même  un  fragment  ^.  Il  est  extrêmement  probable  qu'il  avait 
trouvé  le  tout  dans  le  ms.  de  son  frère. 

Voilà  tout  ce  que  nous  apprend,  ou  nous  permet  de  deviner, 
du  chansonnier  du  Louvre,  le  Discours  de  Chasteuil  Gallaup 

*  Martial  d'Auvergne,  dans  ses  Arresta  amorum,  dont  c'est  le  trentième.  II 
semble,  par  ce  qui  suit,  que  le  ms.  du  Louvre  contenait  une  tenson  sur  le 
même  sujet.  Je  ne  sais  pas  la  retrouver  parmi  celles  que  nous  possédons  encore. 

2  II  résulte  du  même  passage  que  Pierre  de  Chasteuil  avait  reconnu  l'iden- 
tité, d'ailleurs  de  soi  assez  évidente,  du  moine  de  Montaudon  et  du  prétendu 
moine  de  Montmajour.  «  Voici,  dit-il,  le  Monge  de  Montaudon  que  les  Nos- 
Iradamus  ont  connu  sous  le  nom  de  Monge  de  Montmajour,  dit  lou  flagel 
dus  troubadours.  » 

3  Le  voici,  tel  qu'il  le  donne  :«  Et  avenc  qu'aquella  donna  moric  et  en  Bar- 
rail  lou  marit  d'ella  et  seignor  de  lui,  que  tan  li  fasia  d'onor  el  bons  coms 
Reimond  de  Toulousa  el  bons  reys  Ricard  el  reys  Amphos  d'Aragon,  don  el 
pyr  tristcssa  abandonnet  lo  mon  et  se  rendet  à  Torde  de  Cisteous.  » 


MANUSCRITS   PROVENÇAUX  75 

sur  les  Arcs  de  triomphe  et  ses  Réflexions  sur  la  lettre  de  Sextus 
le  Salien. 

C'est  peut-être  à  ce  même  chansonnier  du  Louvre  qu'il 
convient  d'appliquer,  plutôt  qu'au  n**  854  actuel  de  la  B.  N., 
comme  l'a  cru  J.  Bauquier,  le  passage  suivant  d'une  lettre  de 
la  Bastie  à  Mazaugues,  datée  du  23  février  1737  {Revue  des 
l.  r.j  XVIII,  187).  La  Bastie  vient  de  parler  «  des  manuscrits 
du  Roy»,  parmi  lesquels  a  il  y  en  a  cinq  de  nos  Troubadours  », 
et  il  ajoute  ;«  Le  plus  ancien  de  touts  ces  manuscrits  est  celuy 
duquel  M.  de  Chastueil  Gallaup  avoit  fait  la  copie  que  vous 
avés  ;  je  l'aj  vu  et  parcouru  ;  c'est  un  in-folio  en  velin,  très- 
bien  écrit  et  très-bien  conservé,  dont  ce  que  nous  appelons 
les  lettres  grises  sont  enluminées  de  figures  en  miniature.  » 
Cette  description  conviendrait  parfaitement,  comme  l'a  re- 
marqué Bauquier,  au  ms.  854  de  la  B.  N.  Mais  la  Bastie  parle 
de  cinq  manuscrits  des  troubadours,  c'est-à-dire,  je  suppose, 
de  chansonniers  seulement.  Or  la  Bibliothèque  du  roi  n'en 
possédait  alors,  sauf  erreur  de  ma  part,  que  quatre,  les  nu- 
méros actuels  854,  856,  1592  et  1749.  Le  cinquième  pouvait 
bien  être  celui  du  Louvre,  qui  était  aussi  un  «  manuscrit  du 
Roy.  »  Dans  ce  cas,  il  aurait  différé  fort  peu,  quant  à  la  con- 
dition et  à  l'apparence  extérieure,  du  n*  8225  de  la  Bibliothè* 
que  du  roi,  qui  est  notre  854  actuel. 

Sainte-Palaye  avait  dû  faire  des  extraits  du  chansonnier 
du  Louvre;  mais  on  n'en  trouve  aucun  parmi  les  copies  qu'il 
a  laissées  et  qui  sont  conservées  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal. 
Il  y  a  malheureusement  une  lacune  dans  la  série  des  recueils 
de  ces  copies.  Celui  qui  devait  être  coté  F  manque.  On  passe 
brusquement  dans  le  volume  dont  il  aurait  fait  partie  (B.  1.  fr. 
55,  t.  IV)  de  E,  qui  correspond  au  n**  7698  de  la  Bibliothèque  du 
roi  (aujourd'hui  B.  N.  1749),  à  G,  qui  est  un  extrait  du  chan- 
sonnier d'Urfé  (aujourd'hui  B.  N.  22543).  Les  recueils  A  C  D 
renferment  les  copies  des  autres  chansonniers  de  la  Biblio- 
thèque du  roi  ;  B,  celles  d'un  ms.  de  Lancelot,  qui  était  lui- 
même  la  copie  d'un  manuscrit  de  Mazaugues,  provenant 
de  Peiresc  (aujourd'hui  à  Oxford).  C'est-à-dire  que  A  B  C  D 
E  G  sont  les  copies  respectives,  partielles  bien  entendu  pour 
la  plupart,  de  tous  les  chansonniers  provençaux  qui  existaient 
à  Paris  vers  l'année  1736,  excepté  celui  du  Louvre.  Aussi  me 


MANUSCRITS    PROVENÇAUX 

parait-il  extrêmement  probable  que  c'est  dans  F  que  devaient 
se  trouver  les  extraits  de  ce  dernier*.  Nous  aurions  dans  ce  cas 
vraiment  joué  de  malheur  en  perdant  ainsi,  de  toutes  les  la- 
borieuses transcriptions  de  Sainte-Pal aye,  justement  la  seule 
qui  aurait  aujourd'hui  du  prix  pour  nous. 

XX. —  Manuscrits  deJlf"®  Lheritierde  Villadon, 

On  a  attribué  à  Richard  Cœur-de-Lion,  avec  assez  peu  de 
vraisemblance,  à  mon  avis,  une  pièce,  ou  du  moins  la  moi- 
tié d'une  pièce  provençale,  de  laquelle  on  rapporte  douze  vers 
qui  peuvent  être  ou  un  couplet  d'une  chanson,  ou  un  frag- 
ment d'un  «  breu  »  à  rimes  plates.  Je  n'ai  su  trouver  ces  vers 
dans  aucun  des  recueils  de  poésies  provençales  que  nous 
possédons.  L'auteur  qui  les  a  publiés  le  premier,  M'^'  L'Hé- 
ritier de  Villadon  ^,  prétend  les  avoir  trouvés  dans  deux  mss., 
l'un  intitulé  :  Chronique  et  fabliaux  de  la  composition  de  Ri- 
chardy  roy  d^  Angleterre  y  recueillis  tout  de  nouvel  et  conjoints  en- 
semblement  par  le  labour  de  Jehan  de  Sorels,  Van  1308;  l'autre, 
«  d'un  auteur  anonyme  qui  se  trouve  très-conforme  dans  les 
faits  qu'il  rapporte  du  roy  Richard,  avec  ce  qu'en  a  écrit  le 
roy  lui-même  dans  le  ms.  de  Jean  Sorels.  »  «  Fauchet,  dit- 
elle,  qui  a  écrit  si  doctement  des  antiquités  françoises,  quoi 
qu'il  fasse  mention  de  la  chanson  en  langue  provençale  que 
Blondel  et  le  roy  d'Angleterre  avoient  faite  à  eux  deux,  ne 
rapporte  point  cette  célèbre  chanson,  ce  que  fait  la  chronique 
composée  par  le  roy  Richard  et  le  manuscrit  de  l'auteur  ano- 
nyme. » 

Voici  ces  vers  : 


*  Après  G,  de  H  à  X  inclus,  viennent  les  copies  des  mss.  d'Italie,  parmi 
lesquelles  est  intercalée  {S  )  celle  du  ms.  de  Caumont  (aujourd'hui  B.  N. 
15211),  qui  dut  n'être  faite  qu'après  le  premier  voyage  de  Sainte-Palaye  en 
Italie. 

2  Dans  la  préface  du  petit  roman  intitulé  la  Tour  ténébreuse  et  les  Jours 
lumineux,  contes  anglois.  Paris,  Barbin,  1705,  d'après  Tarbé.  L'édition  que 
j'ai  sous  les  yeux  est  d'Amsterdam,  1708.  Sur  l'auteur,  voy.  dans  la  Bibl.  des 
romans;  t.  2  de  juillet  1776,  une  courte  notice,  qui  suit  un  extrait  du  roman 
précité.  C'est  là  que  j'ai  pris  le  nom  que  je  lui  donne.  Tarbé  l'appelle  M'i«  Lhe- 
ritier  deValandon. 


MANUSCRITS   PROTBMÇAUX  77 

GbanBon  en  langue  provençale  dont  le  commencement  eet  de  Blondel 

et  la  fin  du  roy  Richard. 

Donna  vostra  boutas 
E  las  bellas  faissos 
Els  bels  oils  amoros 
Ek  gens  cors  ben  taillats 
Don  sîeu  empresenats 
De  vostra  amor  que  im  lia. 
Si  bel  trop  affansia 
Ja  de  vos  non  partrai 
Que  major  honor  ai 
Sol  en  votre  deman 
Que  sautra  des  beisan 
Tôt  can  de  vos  volria. 

Ces  douze  vers,  qui  expriment  un  des  lieux  communs  les 
plus  ordinaires  de  la  poésie  amoureuse  des  troubadours,  ont 
passé  du  roman  de  la  Tour  ténébreuse  dans  la  BibL  du  Poitou 
de  Dreux  du  Radier,  I,  289  ;  dans  V Histoire  des  Croisades  de 
Mills  (trad.  franc.,  II,  388),  et  enfin  dans  l'appendice  de  l'édi- 
tion de  Blondel  de  Neele,  donnée  en  1862  par  Tarbé,  qui  dé- 
clare les  avoir  tirés  de  ce  dernier  ouvrage. 

M""  Lheritier  cite,  immédiatement  après,  cinq  vers  d'une 
chanson  a  en  ancien  langage  françois,  appelé  langage  roman», 
de  Blondel  de  Nesie,  et  donne  ensuite  le  sirventes  de  Richard 
Ja  nuls  hom  près,  dans  sa  forme  provençale,  quoiqu'elle  le 
prétende  écrit  aussi  u  en  langage  roman.  »  Ce  sirventes  n'a  là 
que  quatre  couplets  et  une  tornade,  les  mêmes  que  dans  Ray- 
nouard.  Mais  il  y  a  entre  les  deux  textes  trop  de  différences 
pour  qu'ils  puissent  provenir  d'une  même  source.  Celui  de 
M^*«  Lheritier  concorde,  sauf  l'absence  de  la  seconde  tornade, 
l'omission  d'un  vers  au  second  couplet,  quelques  variantes 
de  graphie  et  des  fautes  évidentes  de  lecture  ou  d'impres- 
sion, avec  le  ms.  12472  de  laB.  N.,  don^  celui  de  Raynouard 
s'écarte  au  contraire  sensiblement  *.  Si  ce  n'est  pas  de  ce  ms. 

i  Raynouard  ne  connaissait  pas  le  ms.  12472  quapd  il  publia  le  sirventes  de 
Richard.  D'où  a-t-il  tiré  son  texte?  S'il  faut  s'en  rapporter  à  M.  Bartscli, 
Grundriss,  420,  2,  cette  pièce  ne  se  trouve  aujourd'hui  que  dans  trois  mss. 
provençaux,  et  le  n*  12472  de  la  B.  N.  est  le  seul  de  ces  trois  où  elle  n'ait 
que  les  quatre  couplets  que  Raynouard  lui  donne. 


78  MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

que  provient  le  texte  de  M"eLhéritier,  c'est  certainement  d'un 
ms.  de  la  même  famille.  Ce  texte  a  été  reproduit  par  Tarbé^ 
avec  celui  de  Raynouard,  non  sans  quelques  inexactitudes, 
pp.  115-117  des  Œuvres  de  Blondel  de  Neele. 

XX.  —  Manziscrits  utilisés  par  Achard. 

Le  Dictionnaire  de  la  Provence  et  du  Cornue' Fienamm  (Marseille, 
1785-7),  publié  par  une  «  société  de  gens  de  lettres  »,  dont  le 
principal  fut  François  Achard,  mort  en  1809,  est  loin  de  mé- 
riter partout  une  entière  confiance.  Il  peut  étre^utile  néan- 
moins de  relever  les  quelques  mentions  ou  extraits  de  mss. 
qu'on  y  trouve.  Ces  mentions,  malheureusement,  de  même  que 
les  citations,  manquent  toujours  de  précision,  en  sorte  qu'il 
est  impossible  de  savoir  si  les  mss.  vus  par  Achard  ou  ses 
collaborateurs  sont  différents  de  ceux  que  nous  connaissons 
par  d'autres  témoignages. 

T.  III,  p.  X  du  discours  préliminaire,  à  propos  des  trouba- 
dours :  a  II  semble  qu'après  les  vies  de  ces  poètes,  données  de- 
puis peu  par  M.  l'abbé  Millot,  d'après  les  recherches  de  M.  de 
Sainte-Palaye,  la  matière  doit  être  entièrement  épuisée  ;  nous 
avons  cependant  trouvé  des  anecdotes  curieuses  et  peu  con- 
nues dans  des  mss.  anciens  qu'on  a  bien  voulu  nous  commu- 
niquer. »  C'est  dans  la  Dissertation  sur  les  troubadours^  qui  oc- 
cupe les  pages  350-401  du  t.  IV,  et  dont  Nostredame  a  en 
majeure  partie  fourni  la  matière, —  ce  qui  indique  assez  le  cas 
qu'on  en  doit  faire,  —  que  les  mss.  en  question  ont  été  utilisés. 
Je  vais  suivre,  dans  l'ordre  même  du  volume,  tous  les  articles 
auxquels  ils  ont  fourni,  ou  peuvent  paraître  avoir  fourni  quel- 
que chose  . 

P.  352.  Elyas  de  Barjols.  En  note  :  a  M.  l'abbé  Millot  et 
après  lui  M.  Papon  le  disent  natif  de  Payols  en  Agenois.  Nos 
manuscrits  nous  assurent  le  contraire.  »  D'où  nous  devons 
conclure  que  ces  mss.  ne  renfermaient  pas  la  biographie  du 
poète.  On  y  voyait  seulement  son  nom  en  tête  de  ses  poésies. 

P.  358.  Folquet  d/e*i/ar5e27/e.  Achard  rapporte  en  entier  le 

^  Je  néglige  ce  qui,  étant  donné  d'ailleurs  sans  indication  de  source,  me 
paraît  avoir  été  extrait  de  Millot  ou  de  Papon. 


MANUSCRITS   PROVENÇAUX  ?» 

cantique  Vers  dieus  elvostre  nom  e  de  santa  Maria.  Mais  il  peut 
l'avoir  pris  dans  Catel,  qui  Ta  publié  le  premier,  d'après  son 
ms.  (aujourd'hui  B.  N.  856).  Alafin  de  l'article,  p.  361,  après 
avoir  mentionné  diverses  poésies  de  Folquet,  l'auteur  ajoute  : 
<(  On  lisoit  ces  pièces  avec  les  poëmes  de  cent  vingt  poëtes 
provençaux  dans  un  manuscrit  qui  appartenoit  à  M.  de  Case- 
neuve,  au  rapport  deRuffj  '.  Nous  en  avons  un  sous  les  yeux, 
très-é tendu.  » 

P.  362.  Cadenet.  A  la  suite  d'une  traduction  assez  exacte  de 
la  biographie  provençale  de  ce  troubadour,  Achard  met  en 
note  :  «(  C'est  la  traduction  littérale  de  nos  manuscrits.  » 

La  biographie  de  Cadenet  ne  se  trouve  aujourd'hui  que 
dans  cinq  mss.,  dont  deux  à  cette  époque  étaient  à  Paris, 
deux  autres  à  Rome,  et  le  dernier  à  Milan. 

P.  375.  ikDurandy  tailleur  de  Paernas,  manque  dans  nos 
manuscrits,  d 

P.  379.  Note  a.  On  y  rapporte,  sans  indication  de  source, 
le  sirventes  de  Richard  Cœur-de-Lion,  Ja  nuls  hom  près,  tel 
que  Raynouard  le  donna  plus  tard,  je  veux  dire  seulement 
sans  les  deux  derniers  couplets  et  la  seconde  tornade,  car  il 
y  a  entre  les  deux  textes  des  difTérences  qui  excluent  Thypo- 
thése  d'une  source  commune*. 

P.  385.  «  Pierre  de  Chateauneuf,  de  Molegés,  gentilhomme" 
d'Arles. . .   ,  consacra  la  plupart  de  ses  vers  à  Jeanne  de  Por- 
cellet,  et  composa  un  poëme  à  la  gloire  de  Beatrix,  comtesse 
de  Provence.  C'est  là  ce  que  nous  indique  un  vieux  manu- 
scrit sur  les  anciennes  familles  de  Provence.  » 

Une  nous  est  rien  resté  de  ce  troubadour,  qui  figurait  dans 
le  chansonnier  de  Bernart  Amoros,  et  dont  la  biographie  se 
trouve  parmi  les  Vies,  plus  ou  moins  fabuleuses,  de  Jean  de 
Nostredame,  p.  142.  Ce  dernier  ne  dit  rien,  non  plus  que  son 

1  C'est  le  même  que  celui  de  Catel. 

2  Celui  d^Achard  reproduit  assez  exactement,  sauf  la  seconde  tornade  omise, 
la  leçon  du  ms.  12472  de  la  B.  N . ,  qui,  en  1785,  était  en  Provence  et  qu' Achard 
dès  lors,  a  pu  connaître.  Je  noterai  à  cette  occasion  qu'il  existe  à  la  biblio- 
thèque de  CB.v^eniTd,s (Additions  aux  mss.  de  Peiresc,  n^  10)  une  copie  mo- 
derne (XVlI'-XVIIIe  siècle?)  du  sirventes  de  Richard,  qui,  comme  chez  Ray- 
nouard,  Achard  et  M"«  Lhéritier,  n'a  que  quatre  couplets  et  une  tornade.  Elle 
a  dû  être  prise,  comme  celles  d' Achard  et  de  M"e  Lhéritier,  sur  un  ms.  très- 
semblable  au  no  12472,  sinon  sur  celui-là  même. 


80  MANUSCRITS   PROVENÇAUX 

neveu  César,  de  Jeanne  de  Porcellet,  bien  qu'Achard. pré  tende, 
par  suite  de  je  ne  sais  quelle  méprise,  que  «  Nostradamus 
dit  que  Pierre  n'adressa  des  poésies  à  Béatrix  que  pour  mas- 
quer ses  amours  avec  Jeanne  de  Porcellet.  »  Il  n'y  a  rien  de 
tel  chez  aucun  des  deux  Nostredame*  Achard  a  peut-être  con- 
fondu ici  P. de  Chateauneuf  avec  Hugues  de  «  Santcyre  »,  de 
qui  les  Nostredame  racontent,  en  effet,  quelque  chose  de  pa- 
reil ;  mais  le  nom  de  la  dame  n'est  pas  le  même. 

P.  393.  Pierre  de  Ruere,  Après  avoir  racoïité  la  vie  de  ce 
poëte,  telle  que  la  rapporte  Nostredame,  Achard  ajoute  :  «  Un 
manuscrit  Sur  les  Troubadours,  qui  mérite  quelque  confiance, 
fait  mention  d'un  P.  Ruère,  qui  débita  ses  vers  avec  tant  d'élé- 
gance, devant  une  société  de  campagne,  qu'il  mérita  les  plus 
généreux  effets  de  la  reconnaissance  des  seigneurs  qu'il  ve- 
nait d'amuser.  Si  c'est  le  même  poëte,  Nostradamus  «t  ceux 
qui  l'ont  suivi  ont  inventé  une  fable,  et  le  déguisement  de  pè- 
lerin n'est  qu'un  conte  fait  à  plaisir.  » 

P.  397.  Bernard  Rascas Ai  hn.  cour  du  pape  attiroit  à  Avignon 
les  gens  d'esprit.  Bernard  y  fit  des  vers  en  l'honneur  de  Mar- 
guerite de  Villeneuve.  »  Et  en  note  :  «  Nostradamus  dit  que 
Rascas  fit  des  chansons  qu'il  adressa  à  Constance  d'Astraud.  » 

Si  les  précédentes  assertions  d' Achard  méritent  confiance, 
il  en  résulte  : 

I^  Qu'il  a  eu  à  sa  disposition  au  moins  deux  chansonniers 
provençaux,  autres  que  ceux  que  nous  possédons  aujourd'hui 
(peut-être  celui  de  Perussis  et  celui  de  Chasteuil-Gallaup  *); 

20  Que  ces  chansonniers  contenaient  deis  biographies,  parmi 
lesquelles  celle  de  Cadenet  ; 

3°  Que  ces  chansonniers  contenaient  des  poésies  d'Elias  de 
Barjols,  sans  la  biographie  de  ce  troubadour,  et  qu'il  ne  s'y 
trouvait  rien  de  Durand  de  Pernes  ; 

4°  Qu'outre  ces  chansonniers,  il  a  eu  connaissance  d'autres 
mss.,  attestant  l'existence  des  troubadours  Pierre  de  Chateau- 
neuf, P.  Ruere,  Bernard  Rascas,  et  donnant  sur  leur  compte 
quelques  détails  biographiques. 

{A  suivre.)  C.  C. 

^  Il  aurait  pu  aussi  avoir  connaissance,  comme  je  Tai  déjà  remarqué,  du  ms. 
B.  N.  12472,  qui  était  alors  en  Provence.  Je  ne  sais  si  celui  de  Caumont  (auj. 
B.  N.  15211],  en  était  déjà  sorti.  Ces  mss.  ne  contiennent  pas  de  biographies. 


Dialectes  Modernes 


GLOSSAIRE  DES  COMPARAISONS  POPULA.IRES 
DU  NARBONNAIS  ET  DU  CARCASSEZ 

(Suite) 

Quatre. —  Abé  d'esprit  çoumo.  quatre';  —  manja  e  beure 
coumo  quatre.  —  Disgraciât  coumo  quatre  iôus.  —  Fa 
lou  diable-à-quatre  coumo  toutis  aben  fait  mainatges.  — 
S'i  fa  coumo  quatre  chabals. 

QuiLHAT. —  Quilhat  coumo  un  apasserat^  sus  la  brauco;  — 
coumo  un  santi-belli  ;  —  coumo  un  agach  de  fourtalesso  ; 

—  coumo  uno  tourre  sus  un  mourrel  ;  —  coumo  un  couo- 
blanc  sus  uno  turro;  —  coumo  un  flouroun  sus  Tanco; 

—  coumo  un  poul  de  cluquiè.  —  Quilhat  sus  sous  cambils 
coumo  un  piulant  ou  un  bemat-pescaire  ;  —  sus  la  punto 
das  pèds  coumo  un  mèstre  de  danso.  —  Quilhat  coumo 
un  parel  d'estanalhos  sus  un  gous. 

Rabastinat.  —  Rabastinat  coumo  Tourtalessio  après  la,ja- 
lado  ;  —  coumo  uno  pèl  de  mèrlusso  pa^sadP^.P^^.c^i^'' 
bous. 

Rabustb.  —  Ral)uste  coumo  un  b.arbascle  ;  —  coumo  un  car- 
don d'asç.  —  Rabuste  e  sensé  coumo  d'ausino. 

Rapit.  —  Raôt  coumo  un  pansaril; —  coumo  uno  pruno-per- 
digoulo  ;  —  coun;io  uno  bouto  de  porc  ;  —  coumo  uno  bri- 
goulo-de-coutiu  ;  —  coumo  un  clèsc  d'anougo  ;  —  coumo 
un  agragnou  jalat;  —  coumo  uno  poumo-rèineto  ; — 
coumo  uno  figo  escrito  ou  bisalhado.  — Bisatge  S0c  e.  ra- 
fit  coumo  lou  d'uno  bièlho  menino. 

Raqoustant.  — Ragoustant  coumo  uno  quèisso  de  becasso  ou 
de  perdigal  ;  —  coumo  Tesquinal  d'un  counselhè  ou  le- 
braudou. 

PER   TRUPARIÈ: 

Ragoustant  coumo  de  pa  calhol  ou  de  racet.  -  Ragous- 


82  COMPARAISONS   POPULAIRES 

tant  coumo  un   tufet  de  pel  dins  de  moungetos  ;  — 

coumo  de  bi  picat  oundrat  de  clabèls  de  girofle  (mous- 

cos). 

Raja.  —  Raja  coumo  un  tinèl  azagadou  ;  —  coumo  uno  bu- 

gado  ;  —  coumo  uno  fount;  —  coumo  un  escouladou;  — 

coumo  uno  semai  dessauclado  ;  —  coumo  un  paniè  sans 

tioul.  —  La  fount  rajo  coumo  per  un  fiai  ou  fial-à-fial  ; — 

rajo  coumo  la  cambo  ;  —  coumo  uno  barro  de  prèsso,  à 

pleno  canèlo. 

SB  dits: 
Quand  lou  nas  rajo,  lou  tioul  suso  pas. 

Rajent,  bagnat  ou  TREMPAT  coumo  uuo  soupo  ;  —  coumo  un 

tirou  ;  —  coumo  uno  espoungo  ;  —  coumo  un  canich  pes- 

cat  al  risent  ou  al  rabech  d'uno  ribièro. 
Ramat.  —  Ramat   coumo  un  aubre  en  pleno  sabo  ;  —  coumo 

uno  carrièro  lou  jour  dal  Corpus  ;  —  coumo  uno  cougo  de 

reinard. 
Rambouiat.  —  Rambouiat  coumo  un  petaire  ;   —  coumo  un 

gous,  à  cops  de  pèds.  —  Rambouiat  coumo  lou  Crist  de 

Caïfo  à  Pilato. 
Rampa.  —  Rampa  coumo  un  bèr  de  terro  ;  —  coumo  un  gous 

assibadat. 
Rampant.  —  Rampant  coumo  uno  bise  de  bigno  ;  —  coumo 

uno  courrejolo. 
Range,  —  Rance  coumo  de  subre-lard  de  cinq   ans  ;  —  coumo 

uno  bièlho  coudeno  ;  —  coumo  uno  bièlho  cranco. 
Rancountra.  —  Se  rancountra  pertout  coumo  un  creanciè  ; 

—  coumo  lou  ^Gloria  Patri. 

Rapide.  —  Rapide  coumo  lou  bent  ;  — coumo  uno   flècho  ;  — 

coumo  un  telegrafo. 
Rare.  —  Rare  coumo  un  merle  blanc  ;  —  coumo  la  giroundèlo 

en  plen  ibèr. 
Rascagnut.  —  Rascagnut  coumo  uno  cardo  ;  —  coumo  un  es- 

quinal  de  sanglié.  —  Rascagnut  coumo  de  papiè  de  bèire  ; 

—  coumo  de  pèl  de  chagrin  ;  —  coumo  un  roui  de  garric  ; 

—  coumo  uno  clabelado. 

Rasclat. — Rasclat  coumo  un  porc  dins  la  mait;  —  coumo  un 
rabe  ;  —  coumo  un  nap. 


COMPARAISONS  POPULAIRES  83 

Rasounâ.  —  Rasouna  coumo  un  tambour  bagnat  ou  crebat;-— 
coumo  uno  groulho  ;  —  coumo  un  esclop  debatat  ou  de- 
gransoulat  ;  —  coumo  un  tusto-brandos  ;  —  coumo  un 
sans-éime. 

Raspa.  — Raspa  coumo  uno  limo  nobo. 

Raspat. — Raspat  coumo  la  bragueto  d'un  poustilhou  ; — coumo 
las  ancos  de  Pilato. 

Raspignous  ou  raspilhous  coumo  uno  cardo  ;  —  coumo  un 
carrai  ;  ^  coumo  un  airis  de  castagno. 

Rat.  —  Dégourdit  coumo  un  rat  de  graniè.  —  Gus  coumo  un 
rat  de  glèiso.  —  Pudent  coumo  un  rat  mort.  —  Estre  à 
Taise  coumo  un  rat  dins  la  palho.  —  Un  rat  gros  coumo 
un  lapin;  — coumo  un  esclop. 

SB  dits: 
'  A  boun  rat,  boun  gat. 

Rata.  —  Rata  coumo  un  fusil  roubilhous  ;  —  coumo  uno  alu- 
meto  sans  soulpre. —  Ràtat  coumo  un  foc  d'artifici  ensat- 
jat  de  la  bèlho.  —  Sabourous  coumo  un  croustet  de  pa 
ratât.  —  S'entend  à-n-acô  coumo  un  porc  à  rata. 

SB  dits: 

Quand  s'agits  de  faire  boumbanço, 
Rato  pas  per  bourra  sa  panso. 

Rauc. —  Rauc  coumo  uno  graulo  ; — coumo  un  pourgo-moust  ; 

—  coumo  un  auc  ; —  coumo  un  sarjant  da  très  serbicis. 
Rebalat.—  Rebalat  coumo  lou  Crist,  de  Judas  à  Pilato. 
Rebeca.  —  Se  rebeca  coumo  un  poul-Mahoun  ;  —  coumo  un 

gous  moussegat  à  Tanco  ;  —  coumo  un  singe  qu'a  la 

cougo  marcado  am'  un  esclop. 
Rebelhat.  —  Rebelhat  coumo  un  gat  que  sentits  la  chasso  dal 

fouet. 
Reberta.  —  Se  reberta  ou  se  sembla  coumo  dos  goutos  d'aigo  ; 

—  coumo  dous  bessous  ;  —  coumo  uno  poumo  partido  en 
dous.  —  Se  dounoun  d'aires  coumo  s'èroun  fraires. 

Rebertegat. — Rebertegat  coumo  un  alhet  ;—  coumo  un  catét 
de  quinze  ans;  —  coumo  al  temps  de  sas  premières 
amours. 

Rbbès.  —  Faire  tout  al  rebès  coumo  's  mounges  d'Antibos. 


S4  COMPARAISONS  POPULATRIBS 

Rebipat. — Rebifat  conmo  un  gous  fol  ;  —  coumo  un  gat-faï 

encoutaeguit  per  un  gous. 
RbbouiA.  —  Reboull  coumo  uno  amo  damnado  ;  —  coumo  las 

pèiros. 
ReboumbI.  —  Reboumbi  coumo  uno  paumo  ;  —  coumo  un  gat 

toumbat  d'un  graniè. 
Regapiut  ou  rbcebut   à  brasses-alandats,  coumo  Tannado  de 

las  grosses  amellos. —  Rcçapiut  coumo  un  Dius  ;  —  coumo 

un  prince  ;  —  coumo  un  amie  de  cor  ou  de  Toustal  ;  — 

coumo  un  etsiiat. 

PER  TRUFARIÈ  : 

Reçapiut  coumo  un  pesoulhous  ;  —  coumo  un  bièl  rou- 
gnous  ;  —  coumo  un  gous  dins  un  joc  de  quilhos  ou 
dins  uno  glèiso  almoument  dal  sermou;  —  coumo 
Pierre-pas-digus  :  sans  i  dire  «  Bestio,  que  fas  aqui  ?  » 
—  Reçapiut  amistousomen  coumo  un  uchè  ou  un  gar- 
nisàri. 

Rbcatat.  —  Recatat  coumo  un  arcèli  ou  coumo  un  muscle  ; — 
coumo  un  cagarau  dins  sa  cauquilho;  —  coumo  un  armito 
dins  sa  cabano  ;  —  coumo  un  rat  dins  un  fourmatge  ;  — 
coumo  un  pouletou  joust  Talo  de  la  clouco. 

Recauquilhat.  —  Recauquilhat  coumo  un  coupèu  ;  —  conmo 
un  tiro-bourro  ;  —  coumo  uno  parpilhoto  de  gabach;  — 
coumo  uno  maneto  ou  bîrouneto  de  gabèl;  —  coumo  uno 
pèl  de  merlusso  sus  la  grilho. 

RECITAT.  —  Récitât  coumo  lou  pater  ;  —  coumo  las  litanies. 

Reclus.  — Reclus  coumo  un  armito  ;  —  coumo  un  prison  nié 
d*estat. 

Reculous.  —  Ana  de  reculons  coumo  un  courdiè  ;  —  coumo 
las  escarabissos. 

Redound.  —  Redound  coumo  un  boulet  de  canou  ;  —  coumo 
uno  bolo  de  palama  ; — coumo  un  càssi  ;—  coumo  un  pèse 
ou  ceserou  ;  —  coumo  uno  bocho  ;  —  coumo  un  panet  de 
santRoch;  —  coumo  un  0. 

Reboula.  —  Redoula  coumo  uno  pipo  ;  —  coumo  uno  bolo  ;— 
coumo  un  ibrougno. 

Redoutât.  — Redoutât  coumo  lou  foc;  —  coumo  la  pèsto  ;  — 
coumo  lous  jandarmos  ;  —  coumo  lou  bourrèu  ;  —  coumo 


OOMPÀRAISONS  POPULAIRES  S5 

lou  n'*  13  à  taulo  ;  —  coumo  lou  n°  1  al  tiratge  dal  sort. 

Refaudit.  —  Refaudit  coumo  uiio  marmoto  ;  —  coumo  uno 
missaro  ; — coumo  un  poulet  dins  Tiôu;  — coumo  un 
gourgoul  dins  uno  fabo  ;  —  coumo  lou  bèr-de-sedo  dins 
soun  coucounet. 

Represcant.  —  Refrescant  coumo  uno  pècho  foundento  ;  — 
coume  un  aigat  de  Sant-Jan. 

Regagna.  —  Regagna  las  dents  coumo  un  gous-fol  ou  coumo 
un  gous  rancugnat  ;  —  coumo  un  carsi  fouissat  dins  la 
poursigoulo  ;  —  coumo  uno  ièno  brullado  al  tioul.  —  Re- 
gagnât coumo  un  gous  que  rousègo  'n  os. 

Regala.  —  S'en  regala  conmo  d'uno  fougasso  à  Tôli  ou  à  la 
padeno  ;  —  coumo  d'un  bèire  de  bi  quèit  ou  de  cartagèno. 

Regard.  —  Regard  doucet  coumo  lou  d'uno  filheto  ;  —  sebère 
coumo  lou  d'un  jutge  criminel. — Regard  dur  e  fred  coumo 
uno  lamo  d'aciè. 

Regarda.  —  Regarda  coumo  un  escoumenjat;  —  coumo  un 
inoucent.  *— Se  regarda  coumo  dous  gousses   de  faianço. 

—  Regarda,  la  bouco  alandado,  coumo  un  coulhasso.  — 
Me  regardo  coumo  se  m'abio  pas  jamai  bist  ou  coumo  s'i 
debiô  d'argent. 

Réglât.  —  Réglât  coumo  un  relotge  ;  —  coumo  un  papiè  de 

musico; —  coumo  se  deu. 
Rbguinna.  —  Reguinna  coumo  un  biôu  joust  Tagulhado  ;  — 

coumo  un  chabal   oumbriu  joust  lous  cops  d'esperou  ; 

—  coumo  un  ase  picat  per  uno  brumo  de  fouissoulous. 
Regussat  ou  arregussat  coumo   un  bouché  quand  sanno.  — 

S'arregussa  jusquos  à  la  cinto  coumo  uno  gourdimando. 
RÈi.  —  Urous. . . .   countent  coumo  un  rèi.  — Biure. . . .  èstre 
pla  coumo  un  rei.  —  Quand  proumet  quicon,  es  coumo  se 
lou  rei  abio  parlât. 

se  dits: 

Souhèt  de  rei  :  filho  e  goujat. 

Reinard.  — Fi. ..  .rusat  coumo  unreinard.  —  Fugi  om  landa 
coumo  un  reinard  dabant  un  lioun. — Fusa  de  la  pus 
fino  coumo  un  reinard  qu'a  lous  lebriès  al  tafanàri.  — 
Bergougnous  coumo  un  reinard  prés  per  uno  galino. 

6 


86^  COMPARAISONS  POPULAIRES 

SE  dits: 

—  Lou  reinard  amago  sa  cougo. 
—  Loa  pus  û  reinard 
Trobo  pus  finard. 

Rejouissbnt.  —  Rejouissent  coumo  Talleluia  de  Pascos  ;  — 
coumo  un  soulel  d'ibèr; — coumo  Testibet  de  Sant-Marti  ; 

—  coumo  lou  jour  de  carnabal  ;  —  coumo  un  batisat  ;  — 
coumo  un  foc  de  Sant-Jan,  quand  se  fa  la  rodo  al  tour. 

REJomT  ou  GAI  coumo  un  pinsou  ;  —  coumo  un  airetiè  ;  — 
coumo  s*abi6  capitat  un  bilhet  de  loutariè  de  cent  milo 
francs. 

Rejunit  ou  rbjunt  coumo  un  oustalet  d'une  noubèlo  mari- 
dado  ;  —  coumo  la  fardo  dins  lou  cabinet  ;  —  coumo  lou 
pa  dins  lou  tiradou;  — •  coumo  lou  blad  dins  lou  graniè. 

—  Rejunt  coumo  un  estuch  d'agulhos; — coumo  las  gra- 
nos  d'uno  milgrano;  —  coumo  las  quèissos  d'une  anougo; 

—  coumo  lous  amellous  d'uno  pigno  ; —  coumo  une  huitro 
dins  sa  cauquilho  ;  —  coumo  uno  tartugo  dins  sa  cabano 
raiado. 

Rblotoe.  —  S'acourda  coumo  lous  relotges  ou  las  mostros  : 
sus  bint,  cap  la  mémo  ouro.  —  Ana  al  pouce  coumo  lou 
relotge  de  la  bilo . 

Rememouriat.  —  Rememouriat  coumo  un  creanciè. 

Remena.  —Remena lou  tioul  coumo  las  cigales;  — coumo  las 
fennos  al  pesquiè;  — coumo  lou  fournie  quand  pougnègo. 

—  Se  remena  coumo  l'argent  biu  ;  —  coumo  un  diable  es- 
parsounat  ou  dins  un  aigo-signadiè.  —  Se  remena  coumo 
un  brullat.  —  Remeno  remenaras  coumo  s'abio  agut  un 
cent  de  piuses  à  las  cars.  —  Remena  ou  branla  pas  mai 
qu'une  estatuo  ou  uno  borno. 

SB  dits: 

Qui  se  couche  sans  soupa, 
Toute  la  nèit  se  remeno. 

Rena.  — Rena  coumo  un  porc;  —  coumo  uno  carrèlo  mal  un- 
chado  ;  —  coumo  uno  rode  de  cègno  ;  —  coumo  un  goua 
qu'i  dostoun  un  os.  •—  Rena  coumo  las  tripes  d'un  afa- 
minât. 


COMPARAISONS  POPUtAIRBS  ^7 

SB  dits: 
Es  coumo  lous  gats,  qu'en  mai  manjoun  en  mai  rènoun. 

Rbnboa*  —  Renega  coumo  un  carretiè  ;  —  coumo  un  marin 

engrabat; — coumo  un  uganaut  ;  —  coumo  un  descrestia- 

nat  ;  —  coumo  un  abandonnât  de  Dius  e  de  toutis  lous 

sants  dal  Paradis. 
Rbng.—  Tene  soun  reng  coumo  las  arencados  ;  —coumo  toute 

filho  brabeto. 
Rbngos.  — Alignats  sus  dos  rengos  coumo  un  four  de  cebos; 

—  coumo  lous  pénitents  à  la  proucessiu;  — coumo  un  bol 

de  cols-berds  ou  canards  salbatges. 
Renoumat.  — Renoumat  coumo  Barrabas  dins  la  Passiu. 
Renous.  —  Renous  coumo  uno  gato-borgno  ;  —  coumo  uno 

gousso  quand  i  dostoun  lous  cagnots;  — coumo  un  carri 

mal  graissât. 
Rbsclanti  ou  restounïi  coumo  uno  mitralhado  ;— coumo  uno 

trounadisso  ;  —  coumo  cent  pétards  de  mino  ;  —  coumo 

uno  canounado. 
Resoulout.  — Resoulgut  coumo  Bartolo  ;  —  coumo  un  mique- 

let; —  coumo  un  sacre-moun-amo. 

PEB   TRUFARIÈ: 

Resoulgut  e  gai  coumo  uno  fedo  toundudo  de  fresc. 

Respectable.  —  Respectable  coumo  lous  pelses  blancs  ;  — 
coumo  la  dernière  paraulo  d'un  agounisant; — coumo  un 
estandart  curbelat  de  mitralho. 

Rbsplenbbnt.— Resplendent  coumo  uno  illuminaciu  ; — coumo 
Testèlo  dal  matis  ;  —  coumo  un  leba  de  soulel  en  pleno 
mar; — coumo  la  capo  dal  cèl  tachado  d'estèlos. 

Rbspoundre.  —  Respoundre  coumo  un  mut  :  à  cops  de  caps. 
—  Respound  coumo  s'i  parlaboun  pas.  —  Respound  tou- 
jour:  «  Pour  nous  »,  coumo  à  las  litanies. 

SB  dits: 

—  Lou  clergue  respound  coumo  Tabat  canto. 
—  Cal  respound,  page. 

Rbtira. —  Se  retira  coumo  las  poulos  :  à  quatre  ouros  dal  bès^ 
pre.  •—  Se  retira  ou  se  rejuni  coumo  un  oagarau  dins  sa 


88  *     COMPARAISONS   POPULAIRES 

clèsco  ;  —  coumo  un  gril  dins  soun  trauquet.  — Se  retira 
coumo  de  car  de  fedo. 
Rette.  — Rette  coumo  un  paissèl  ;  —  coumo  un  pal  ;  —  coumo 
un  fustet  ;  —  coumo  un  fusil.  —  Rette  coumo  un  cung  ; — 
coumo  un  caunil;  ^— coumo  un  panicaut;  — coumo  un 
salcissot  ;  — coumo  un  pargam;  —  coumo  un  coumpas; — 
coumo  un  cierge  pascal];  —  coumo  un  garrou  de  gabre  ; 

—  coumo  de  tolo  ;  —  coumo  un  caulet-flôri  ;  —  coumo  un 
pifre  ;— .coumo  damo  Justice. —  Rette  coumo  uno  cougo 
de  baco  que  se  casse  las  mouscos.^*  Se  tene  r^tte  sus  sa  s 
cambos  coumo  uno  crabo  que  pisso.-*Se  tene  rette  coumo 
s'en  abio  'n  pal  pel  tioul.  —  Rette  e  mut  coumo  uno  es- 
tatuo.  — >  Rette  e  palle  coumo  un  suzàri. 

SB  DITS  : 

—  Lou  que  deu  rés,  qu'a  tout  pagat, 
Pot  marcha  rette  boutonnât. 

—  Ten-te  rette  e  pla  moucat. 

Riche.  —  Riche  coumo  la  mar  ;  —  coumo  un  Cresus  ;  -  coumo 
un  juslou  ;  -«-coumo  un  ramplaçaM. 

SE  dits: 

—  Cal  es  riche  es  ounourat, 
Cal  es  paure  es  mespresat. 

—  Se  sios  riche,  dinno  dous  cops nou,  douno  dous 

cops. 

—  Es  riche  qui  pot,  urous  qui  gap,  satge  qui  bol. 

RuGO-RAGo.  —  Estre  en  rigo-rago  amé  quaucun,  coumo  Ten- 

clumi  e  lou  martel. 
RiGou.  —  De  rigou  coumo  un  cop  de  capèl  à  soun  superiur  ; 

-i«  coumo  un  coustume  nègre  per  un  enterromen. 
Rima.  -^Rima  coumo  un  tentât. 

t»BR  TRUFARIÈ: 

Aoorimo  coumo  cebos  amé  rasins.  — «Rimoun   ensemble 
ou  s'acordoun  coumo  gat  e  gous. 

RiRB.  — Rire  coumo  un  fat  ;  —  coumo  uno  asclo  pernado  ;  — 
coumo  un  boussut  ;  —  coumo  un  aselat  ou  dessauclat  ;  — 
coumo  uno  amargasso  ;— coumo  uno  bougneto  ; —  coumo 


COMPARAISONS   POPULAIUBS  S9 

uno  dignairolo  ;  —  coumo  uno  pocho  descouifdurado  ;  — 
coumo  un  foutrai.  —  Rire  à  tout  esclat  coumo  uno  fdnno 
qu'a  de  poulidos  dents  ; — coumo  un  ase  dins  soun  brès. 
—  Rire  dal  bout  de  las  dents  coumo  uno  bièlho  idolo.  — 
Rire  coumo  s'on  abi^  tout  soun  boun  sen. 

SE  DITS  : 

—  Filho  que  rits  plourara  lèu. 
—  Lou  que  rits  toujour 
Troumpo  nèit  e  jour. 
—  Fa  rire  de  chi^  que  passo  pas  las  dents. 

RiSENT.  —  Risent  coumo  un  cèl  d'azur;  —  coumo  un  fiai  d'aigo 
claro;  —  coumo  un  jour  agoustenc  ;  —  coumo  un  esclai- 
rissol  de  cèl  après  la  tempèsto  ;  —  coumo  lou  soulelbet 
quand  trauco  la  brumo. —  Risent  e  fresc  coumo  unoflour 
noubèlo.  —  Risent  o  countent  coumo  s'abio  cent  milo 
francs  à  la  pocho,  que  deguèssoun  pas  rés  en  digus. 

RocoLORO. — Estre  coumo  las  gens  de  Rocoloro  :  qui  toco  l'un, 
toco  l'autre. 

RoBOULS.  —  A  rodouls  coumo  las  agassos  :  de  blanc  e  de  nè- 
gre. 

RotTBiLHOus.  —  Roubilhous  coumo  uno  biélho  sarralho. 

RoucouLEJA.  —  Roucouleja  coumo  dous  tourtourèls } —  coumo 
do  us  nôbis. 

RotTDA.  —  Rouda  coumo  uno  baudufo  ;  —  coumo  un  fus.  — 
Rouda  coumo  un  mouli  de  bent  ;  —  coumo  uno  raflo  ;  — 
coumo  un  porc  malaut;  —  coumo  un  perdut  ;  —  coumo 
uno  amo  en  peno.—  Rouda  la  patantèino  coumo  un  desu- 
brat. 

RouPLA.  —  Ronfla  coumo  un  fouet  de  poustilbou;—  coumo  un 
chabal  espaurugat  ou  mal  estacat. 

RouoB.  —  Rouge  coumo  un  flascou  ;  —  coumo  un  carbou  de 
foc  ;  —  coumo  uno  cresto  de  poul  ;  —  coumo  uno  mèco 
de  piot  ;—  coumo  de  sang  de  bièu  ;  —  coumo  un  tapo-tioul 
granat  ;  —  coumo  uno  caloto  de  cardinal  ;  —  coumo  l'es- 
carlato  ;  —  coumo  un  berret  de  Catala  ;  —  coumo  un 
guindoul  ;  —  coumo  uno  rouzèlo  ;  —  coumo  uno  trougno 
d'ibrougnasso  ;  —  coumo  de  poumetos  à  dous  closses;  — 
coumo  uno  bièlho  pebrino  per  grano  ;  —  coumo  de  cou- 


90  COMPARAISONS  POPULAIRES 

lindrou  ;  —  coumo  une  escarabisso  ;  —  coumo  uno  roso 
d'estiu.  —  Rouge-sannous  coumo  un  bouché.  —  Roujo 
saDguinèlo  coumo  uno  ûour  de  milgraniè.— -  Rouginas 
coumo  de  bol  ou  de  sanguine. 

PER  trufarib: 

Rouge  coumo  de  sang  de  nap.  —  Rougi  de  bergougno 
coumo  un  plat  d'estam. 

RouLLAT.  —  Roullat  coumo  un  porto-mantoul  ;  —  coumo  un 
paro-plèjo  ;  —  coumo  uno  trousse  de  palho  ;  —  coumo 
un  capèl  d'aubergnas. 

RouNCA.  —  Rounca  coumo  un  canou  ;  —  coumo  un  tuièu 
d'orgue. 

Round.  —  Round  coumo  un  pipot  ;  —  coumo  uno  pèl  de  tam- 
bour; —  coumo  un  palet  ; —  coumo  un  curbèl;  —  coumo 
.    un  iôu  ;  —  coumo  la  luno  pleno  ;  — coumo  un  fourmatge. 

RouNDiNA.  —  Roundina  coumo  un  gous  que  bel  dintra  gat  en 
cousine. 

RouNFLA.  —  Rounfla  coumo  un  troumbono  ; — coumo  uno  bau- 
dufo  oulandeso.  —  Rounflant  coumo  un  orgue  de  cate- 
dralo;  — coumo  uno  fusilhado. 

RouPiLHA.  —  Roupilha  coumo  un  paure  ;  —  coumo  uno  mis- 
sarro. 

Rous.  —  Rous  coumo  un  fiai  d'or  ;  —  coumo  uno  bresco 
d'abelho  ;  —  coumo  un  castagnou  ;  —  coumo  un  baisol  de 
pa  ; —  coumo  un  perot  Sant-Janenc  ;  —  coumo  un  milhas- 
sou  ;  —  coumo  uno  croustade  que  sourtits  dal  four  ;  — 
coumo  uno  coco  de  Limons  ;  —  coumo  un  brout  de  gi- 
nèsto  ;  — coumo  un  louidor;  —  coumo  un  bèire  de  bi 
quèit;  — coumo  uno  liasse  de  gimbeletos;  —  coumo  uno 
espigo  presto  à  sega. — Rous  e  lusent  coumo  un  pourquet 
roustit. 

RousEGA.  —  Rousega  coumo  uno  arno  ;  —  coumo  un  rat  ;  — 
coumo  un  gous  ; —  coumo  un  chancre  ;  — coumo  lou  rou- 
bil  ;  —  coumo  un  gourgoul  dins  uno  fabo.  —  Rousega  de 
calhaus  coumo  lou  bièl  Saturne. 

RousELiN. —  Rouselin  coumo  de  coural  ; —  coumo  uno  caroto. 

RoDSSEGA,  TRiGoussA  OU  REBALA  coumo  uuo  carrauguado  ;  — 
coumo  un  rosse.  — Trigoussa  la  groulho  coumo  un  aca-» 
baire  arroubinat. 


COMPARAISONS  POPULAIRES  91 

RoussBNCo.  —  Roussenco  coumo  uno  abelano  ;  —  coumo  uno 

amello  que  regagno  dinsla  clèsco. 
RousTiT. —  Roustit  coumo  un  pèd  de  mil. —  Roustit  e  flambât 

coumo  un  poulet  à  Faste. 
RouzENT.  —  Rouzent  coumo  de  founto  que  rajo  ;  —  coumo  un 

carbou  de  foc  ;  —  coumo  un  carrai  que  petounejo  e  belu- 

guejo  d'estèlos. 
RusAT.  —  Rusât  coumo  un  rèinard  ;  —  coumo  un  gabach  ;  — 

coumo  un  Aubergnas  ;  —  coumo  uno  masco. 

SB  dits: 

^ —  A  rusât,  rusât  e  mièch. 
—  Es  beritable  pa-signat 
D*afina  qui  se  dits  rusât. 

Ruscous.  -^  Ruscous  coumo  uno  bièlho  ausino  ;  —  coumo  uno 
pipo  de  mièch  pam  de  rauso  ;  —  coumo  un  mourre  que 
se  labo  quand  plôu. 

Russi.  —  Russi  coumo  un  cardou-d'ase  ; —  coumo  la  michanto 
erbo  ;  —  coumo  lous  agragnousses. 

SB  DITS  : 

Tout  i  russits  :  déu  èstre  crebat,  ou  a  fait  pacho  amé  lou 
diable. 


Saba  ou  batrb  coumo  un  quèr;  —  coumo  un  gous. 
Sabat.  —  Fa  lou  Sabat  coumo  las  mascos. 
Sabatiâ. —  Mal  caussat  coumo  un  sabatiè. 

,  SE  dits: 

Sabatiè,  isà  toun  mestiè  ou  plègo  ta  boutigo. 

Sabbnt  ou  sapient  coumo  un  libre  ;  —  coumo  un  ome  d'escri- 
tôri  ;  —  coumo  un  mèstre  d^escolo. 

SB  dits: 

—  Bal  mai  sabé,  qu^abé  ; 
Mes  se  Ton  sap  e  Ton  a, 
Ac6  pot  pas  derrenga. 
—  La  sapienço  es  un  aubre  qu*a  per  racino  lou  counten* 
tomen,  e  per  fruto,  lou  repaus. 


n 


92  COMPARAISONS  P0PULA1BS6 

—  La  sapienço  a  que  loua  ignourenls  per  enemios. 

Sacrât.  —  Sacrât  coumo  un  abesque  ;  —  coumo  la  boulountat 
d'un  agounisant. 

Sacreja.  —  Sacreja  coumo  un  poussedat  ;  —  coumo  un  dam- 
nât ;  ~  coumo  un  abandonnât  de  Dius. 

Sacs.  — Soun  coumo  de  sacs  de  carbouniè  :  l'un  gasto  Tautre. 

Sadoul.  —  Sadoul  coumo  un  porc  ;  —  coumo  un  pesoul  ;  — 
coumo  un  Alemand  ;  —  coumo   s'abio  manjat  uno  baco; 

—  coumo  uno  gribo  qu'a  picat  de  rasins. 

SB  DITS  : 

—  Pijous  sadouls,  bessos  amargantos. 

—  A  l'ase  sadoul,  lou  blat  i^  es  besso. 

Sagan.  —  Fa  lou  sagan  coumo  las  brèissos  ;  —  coumo  d'e^- 

coulans  en  bacancos. 
Sal.  —  Granat  coumo  de  sal.  —  San  coumo  la  sal.  — De  pe- 

souls  coumo  de  gras  de  sal.  —  Fana  coumo  las  fedos  à  la 

sal. 
Salât.  —  Salât  coumo  la  braso  ;  —  coumo  d'alum  ;  —  coiimo 

de  sal-mourro  ; — coumo  uno  alencado  ranço  ;— -coumo  de 

cansalado  ;  —  coumo  d'aigo  de  mar  ou  coumo  la  mar. 

SB  dits: 

La  saladuro 
Demande  bagnaduro. 

Salba  ou  sauba.  —  Se  sauba  coumo  un  reinard,  la  cougo 
entre  mitan  las  cambos  ;  —  coumo  un  capou  bagnat. 

Salle  ou  salop  coumo  un  Espagnolas  ;  — coumo  un  Poulacre; 
— coumo  uno  penche; — coumo  un  pijou^è  ; —  coumo  un 
jouquiè  de  galinos.  —  Sallo  à  repi^^rto,  tout  uno  pâ- 
rouèsso.  *   T 

San.  —  San  coumo  une  amello  bessouno  ;  —  coumo  la  sal. 

SE  DITS  : 

l'a  rés  de  san,  de  moural  e  de  digne,  coumo  lou  trabal 
das  camps. 

Sanna.  —  Sanna  quaucun   coumo    un  poulet  ;  —  coumo  un 

porc  ;  —  coumo  un  agnèl. 
Sant-Gauchè,  —  Aisit  ou  adreit  coumo  sant  Grauchè. 


COMPARàlSONS  POPULAIRESS  9i 

Sardo.  —  Planiè  coumo  uno  sardo.  -'S'i  beire  clar  caumo  uno 
sardo  quèito. 

Sargoutit  ou  BRA.NDOULHAT  coumo  un  pruniè  ;  —  coumo  un 
sao  de  quitanços. 

Sarjant.  — Jura  coumo  un  bièl  sarjant. 

Sarra.—  Sarra  coumo  un  estoc  ;  —  coumo  d'estanalhos  ;  — 
coumo  de  mourralhos  ; — coumo  un  cranc. — Sarra  coumo 
Ton  aimo.— Estre  sarrats  coumo  d'anchoios; — coumo  de 
picarèls.—  Estoumac  sarrat  coumo  une  pigno. —  De  cops 
de  pungs  sarrats  coumo  la  plèjo. 

SE  dits: 

—  Sarro  bren,  escampo  farino. 

—  Te  cal  pas  trop  sarra  d'aquel  qu'es  mai  que  tu. 

Satoe.  —  Satge  coumo  un  image  ;  —  coumo  un  santiroulet  ; 

—  coumo  Tabelho. 

SE  DITS  : 

Lous  pus  satges  entrabucoun  sept  cops  per  jour. 

Sauclat. —  Sauclat  d'anèls  coumo  un  barralet  ;  —  coumo  uno 

tressairolo. 
Sauprb  ou  sabê  lou  lati  coumo  un  eapela. —  Sap  ac6  sul  bout 

dal  det  coumo  lou  Pater  ;  —  coumo  la  crouès  ;  —  coumo 

lou  B,  A,  BA. 
Sause. — Derruscat  coumo  un  sause.— Curât  coumo  un  sause. 

—  Dessaba  coumo  un  sause. 

Sauta.  —  Sauta  coumo  un  arlequin  ;  —  coumo  un  Bascou  ; — 
coumo  un  Biarnès  ; —  coumo  un  gat  magre  ; —  coumo  un 
esquirol  ;  —  coumo  un  pourginèlo  ;  *-  coumo  uno  paumo. 

—  Sauta  coumo  se  Ton  abiô  marcat  d'ourtigos; —  coumo 
un  crabit  sus  l'èrbo.  —  Sauta  lest  coumo  un  lapin.  — 
Sauta  'n  bramant  coumo  un  taure  blassat.  —  Sauta  e 
courri  coumo  un  derratat. — Sautilha coumo  uno  margot: 
cougo  relebado  e  bèc  en   l'aire. 

Sec.  —  Sec  coumo  d'amadou  ;  —  coumo  uno  escaleto  ;  — 
coumo  un  cremal  ;  —  coumo  un  os  ;  —  coumo  un  broc  ; 

—  coumo  un  pansaril  ;  —  coumo  un  rastèl  ;  —  coumo  un 
luquet  ;  -^  coumo  un  croustet  ;  —  coumo  un  estèlou  ;  — 

•    coumo  un  desc  ;  —  coumo  un  clèsc  ;  -^  coumo  un  ciure  ; 


94  GOMPÀRÀISONB  POPULAIRBS 

coumo  un  castagnou  ; —  coumo  un  os  de  sepio  ;  —  ooumo 
un  clos  de  dato  ; —  coamo  un  picarèl  fumai  ; — coumo  uno 
alencado  ; —  coumo  un  brusc  ;—  coumo  d'ibôri  ; — coumo 
un   espargoul  de  bosc  ;  —  coumo  un  floc  de  conpèus  ; 

—  coumo  uno  canèlo  ;  —  coumo  un  paissèl  ;  —  coumo 
un  lebrîè  ;  —  coumo  un   arenc  ;  —  coumo  un  gratèu  ; 

—  coumo  uno  cambo  de  milhasso  ;  —  coumo  un  couca* 
Pli;  —  coumo  de  brago;  —  coumo  un  curbelet.—  De  pa 
sec  coumo  uno  bano  de  marra. — Sec  coumo  uno  toumio  ; 

—  coumo  Tamo  de  Judas.  —  Sec  ou  eissut  coumo  una 
bresco  espremido. 

Sbgui.  —  Se  gui  coumo  un  gousset  ;  — coumo  Toumbro. —  Se 
segui  coumo  lous  gras  d'un  cliipelet  ;  —  coumo  lous  fer- 
radats  d^aigo  dins  uno  bruDadisso  ou  incendlo  ;  —  coumo 
las  bèlos  d'un mouli  ;—  coumo  lous  canards ;— coumo  lous 
moutous;  —  coumo  lous  jours;  —  coumo  lous  amoureu- 
ses ;  —  coumo  lous  aucèls  quand  s'acouploun. 

SB  dits: 

Jours  se  seguissoun  pas  à  pas, 
Mes  lous  jours  se  ressembloun  pas. 

Sbour  ou  soulidb  coumo  T  roc  de  Fouis  ;  —  coumo  la  tourre 
d'Escalos;  —  coumo  Paissèl  dal  mounde.  —  Acô  's  segur 
coumo  un  e  un  fan  dous  ;  —  coumo  etsisti  ;  —  coumo  Ta 
'n  Dius  amount  ;  -—  coumo  me  cal  mouri  *n  jour  ; —  coumo 
ei  cinq  dets  à  la  ma. 

« 

PBR  TRUFARIB  : 

Segur  coumo    uno  proumesso   d'aboucat  ;  —  coumo  las 
tramblasouB  ;  —  coumo  uno  giroueto. 

Sbit.  —  Sèit  coumo  un   pacha.  — -  Sèit  à  chabal  coumo  uno 

mounino  sus  un  camèl. 
Sembla.  —  Se  sembla  coumo  dos  goutos  d'aigo  ; —  coumo  uno 

poumo  partido  ; —  coumo  las  félhos  d'un  aubre  ;—>  coumo 

dous  bessous. 

PBR  trufârib: 

Se  sembla  coumo  lou  conçut  amë  Tagasso  ;  —  coumo  un 
ase  semble  un  palama. 


J 


COMPARAISONS  POPULAIRES  05 

Sbmenat.  —  Semenat  coamo  las  estelos  al  cèl.  -—  Semenat 
espés  coumo  las  floars  ou  Tèrbo  de  la  prado. 

SB  dits: 

Al  Paradis  recoultaras 
Go  qu'aça-bal  semenaras. 

Sen.  —  A  de  sen  coumo  uno  grando  personne  ;  —  coumo  un 
satge  de  la  Grèço. 

PBR  TRUFARIÂ: 

Abé  de  sen  coumo  un  grapaud  de  plumo  ;  —  coumo  un 
ase  de  safra  al  tioul. 

SB  dits: 

—  Lou  sen  pot  pas  boni  abant  Tatge. 

—  A  toutis  lous  sens;  à  despart  lou  bon. 

Sbnse.  —  Sensé  coumo  de  car  d'ausino  ;  —  coumo  un  dia- 
mant. 
Sbnti  ou  pressenti  lou  dangé  coumo  un  ogre  la  car  fresco. 
Sbbga.  —  Serca  quicon  coumo  uno  espillo  menudo.  —  Serca 

coumo  un  gous  qu'a  perdut  soun  mèstre.—  Serca  coumo 

à  fabos  quèitos. 

SB  dits: 

—  Tal  sèrco  la  fedo  que  trobo  lou  loup. 
—  Cal  serco  e  trobo,  perd  pas  tout  soun  temps. 

Sbrious.  —  Serious  coumo  un  papo;  —  coumo  un  jutge  ;  — 
coumo  un  gat  que  pisso  per  la  braso. — Tene  soun  se- 
rious coumo  un  ase  quand  on  Testrilho. 

Set.  —  A  lou  mal  de  las  berdoulaigos  :  a  toujour  set. 

SiAU.  —  Siau  coumo  Taigo  claro  ;  —  coumo  lou  desèrt.  —  Ba 
fa  tout  siau  coumo  uno  gato  quand  loufo. 

Sicrétous.  —  Sicrètous  coumo  un  mut  ;  —  coumo  uno  pèiro 
de  toumbo  ;  —  coumo  lou  clôt. 

PBR  trufarib: 

Sicrètous  coumo  un  perruquiè  ;  —  coumo  un  coula  de 
cimbouls  ;  —  coumo  un  cop  de  canou. 

Singe.  —  Adrèit  ou  aisit  coumo  un  singe  de  sa  cougo.  —  Ma- 
lecious  coumo  un  bièl  singe.  -^  Aisit  de  toute  ma,  coumo 


96  G0MPÀRAIB0N8  POPULAIRES 

lou  singe. — Faire  coumô  lou  singe  :  traire  Ions  marrouns 

dal foc  amé  la  pato  dalgat. 
SiNOLAT.  —  Singlat  coumo  un  capucin.  —  Singlat  coumo  un 

bardot. 
Simple.  —  Simple  coumo  la  nature  ;  —  coumo  bounjour  ;  — 

coumo  la  couloumbo  ;  —  coumo  un  bièl  fermiè  dal  Bèrri. 
Sobre. —  Sobre  coumo  un  camèl;. —  coumo  un  jutge;  — 

coumo  un  Arabo  ;  —  coumo  un  armito. 
SoM. —  Une  som  coumo  un  ploumb.-^  Une  som  sereno  coumo 

lo  d'un  efantou  à  la  teto. 
Sot.—  Sot  coumo  un  paniè  sans  tioul  ; ' —  coumo  uno  banasto. 

—  Resta  sot  coumo  un  palet. 

Sou.  —  Fa  toujour  qu'un  sou  coumo  la  campano.  —  Ba  tou- 
jour  soun  sou  coumo  lou  tic-tac  d'un  mouli. 

Sôu.  —  Brabe  coumo  un  sôu.  —  Poulit  coumo  un  sôu. 

SouBBNi.  ^  Se  soubeni  coumo  s'èro  iér.—  M'en  souben  coumo 
de  ço  qu'èi  fait  bèi. 

PER  trufarib: 

Mé  souben  d'acô  coumo  de  ma  première  camiso  ou  das 
premièris  souliés  que  me  carguèri. 

Souco.  —  Mut  coumo  uno  souco.  —  Bèstio  coumo  uno  souco. 

Ruscous ......  gambèrle mal  escarpit  coumo  uno 

souco. 

SB  DITS  : 

—  Es  pla  lèdo  la  souco  (de  bigno): 
Mes  qun  fruit  per  la  bouco  ! 

SouEGNAT. —  Souègnat  coumo  un  poulet; —  coumo  un  trésor. 

—  Souègnous  coumo  un  enfirmiè  ;  —  coumo  uno  sor  de 
caritat. 

SouFRi. —  Soufri  coumo  un  damnât  ;  —  coumo  un  poussedat  ; 

—  coumo  un  galérien.  —  Soufri  las  bibos,  las  pèiros,  lou 
martiri. 

SE  dits: 

—  Soufrissi,  tant  que  siosenclumi; 
Tnstaras  quand  saras  martel. 
—  Cal  soufri 


COMPARAISONS  POPULAIRES  97 

Per  parbeni, 
E  endura- 
Fer  dura. 

SouL,  —  Tout  soûl  coumo  un  armito  ;-«  coumo  un  prisounié  ; 

—  coumo  un  abandonnât. 

SouLiAs.— De  souliès  grandasses  coumo  de  barialos  ; — coumo 
de  barcos  ;  —  pesants  coumo  un  parel  d'esclops  ;  —  fer- 
rats  coumo  uno  porto  de  jaulo.  —  Sejautade  quicon 
coumo  das  premièris  souliès  qu'on  se  carguèt. 

SouMBRE. — Soumbre  coumo  la  nèit  ;  —  coumo  uno  brumo  que 
porto  la  grello  ;  — coumo  un  temps  plèjous. 

SouPLB.  —  Souple  coumo  un  gant  ;  -^  coumo  un  debas  de 
sedo  ;  —  coumo  uno  mitèno  ;  —  coumo  de  caouchouc. 

Sourd.  —  Sourd  coumo  uno  beoasso  ;  -^  coumo  un  toupl  ;  — 
coumo  uno  porto;  -*  coumo  la  boto   d'un  jandarmo; 

—coumo  un  alaire.  —  Orida tusta  coumo  un  sourda- 

gno. 

SousTREJA.  — Soustreja  coumo  un  carretiè  ;  —  coumo  unbièl 
mariniè. 

SuEBELHAT.  —  Surbolhat  coumo  lou  lait  sulfoc  ;  —  coumo  un 
fol-estacadou  ;  —  coumo  un  reclus. 

SuZA.  —  Suza  coumo  un  gigot  à  Taste  ;  —  coumo  un  gourg  ; 

—  coumo  un  alcarazas  de  terralho  ; —  eoumo  un  miol  que 
ben  de  la  ûèro.  —  Suza  sang  e  aigo  coumo  un  Bcce*Omo. 

SE  PITS  : 

-—  Lou  soulel  de  Mountalba, 
Lous  bartasses  fa  suza. 

A.  MiR. 
{A  suivre.) 


VARIÉTÉS 


Une  nouvbllb  conjecture  concernant  Guilhaume  vu 

On  lit  dans  le  curieux  livre  d*Etienne  de  Bourbon,  Tractatus  de 
diversis  materiis prœdicabilibus,  Tanecdote  suivante^: 

«  Audivi  quod  quidam  cornes  Pictaviensis  experiri  voluit  qui  status 
essetin  hominibus  delicacior;  et,  cum  transfigurasset  habitum  suudq, 
et  diverses  status  bominum  expertus  fuisset,  mores,  status  et  socie- 
tates  diversorum  bominum,  rediit  ad  pristinum  statum,  dicens  quod 
delicatissima  essetvita  mercatorum  in  nundinis,  qui  intranttabemas, 
in  quibus  inveniunt  promptas  et  paratas  quas  volunt  delicias,  nisi 
unum  obsisteret,  scilicet  finalis  ratio  quam  babent  reddere  de  omni- 
bus sumptibus  factis,  et  solvere  omnia  et  minuta  plene  que  ante  ex- 
penderunt^.  » 

Je  serais  bien  trompé  si  le  comte  de  Poitiers  dont  il  s'agit  ici 
n'était  Guillaume  VII,  le  troubadour.  Je  n'en  vois  aucun  auquel 
on  puisse^  avec  autant  de  vraisemblance,  attribuer  une  idée  pareille, 
qu'à  celui  qui  «  anet  lonc  temps  per  lo  mon  »  et  qui  dut,  dans  ses 
courses  aventureuses,  se  déguiser  souvent  de  diverses  façons,  comme 
le  Joufroi  du  roman  français,  en  qui  j'ai  cru  aussi  le  reconnaître. 

C.  C. 


Le  chevalier  Raimbaud  et  la  comtesse  de  Flandres 

On  Ht  dans  une  des  gloses  des  Documenti  d'amore  de  Barberino 
(Jahrbuch,  XI,  48):  «  Refert  Miraval  provincialis  quod  crudelis  mortis 

^  Anecdotes  historiques,  légendes  et  apologues  tirés  du  recueil  inédit 
d'Etienne  de  Bourbon,  publiés  par  A.  Lecoy  de  la  Marche  (  Paris,  1877), 
p. 411. 

•  C'est  cette  idée  qui  a  produit  le  quart  d*heure  de  Rabelais .  (Note  de 
Téditeur).  —  On  trouve  cette  même  idée  exprimée  dans  la  cobla  anonyme  ci* 
après,  que  nous  a  conservée  le  chansonnier  JVIac-Carthy,  et  qui  vient  d'être  pu- 
bliée par  M.  H.  Suchier  avec  les  autres  unica  inédits  de  ce  ms.,  dans  ses 
Denkmaeler  prov.  Literatur,  précieux  recueil  dont  nous  rendrons  compte 

incessamment  : 

Molt  m'agrada  trobar  d'invern  ostage, 

£1  bon  foc  clar  el  vin  fort  e  douz  sia, 

E  m'agrada  bel  'osta  qui  cundeia, 

Ë  bels  mantiis  e  pan  blanc  per  usage, 

E  m'agrada  çarn  de  bou  e  perdis, 

E  gras  capons  et  ocas  m'abellls, 

£  agradam,  can  ven  a  la  partida, 

Non  far  raxon,  et  es  ben  far  complida. 


BIBLIOGRAPHIE  99 

quam  intulit  olim  cornes  Flandrie  in  dominum  Raembaud  militem 
saam,  causa  fait  quoddam  suspirium  quod  ille  miles  emisit  dum  ser- 
viret  eidem,  présente  domina  comitissa  ;  et  de  hoc  scripta  [sunt]  ali- 
qua  in  libro  Florum  novellarum  *  sepius  allegato .  » 

Cette  allusion  se  rapporte -t-elle  à  un  fait  réel  ou  seulement  à  un 
roman?  Je  ne  saurais  le  dire,  mais  je  penche  pour  le  roman.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  y  a  peut-être  lieu  de  croire  que  c'est  à  la  même  aven- 
ture qu'ont  trait  les  passages  ci-après  de  deux  autres  troubadours.  (La 
pièce  de  Miraval,  nouvelle  ou  chanson,  que  cite  Barberino,  est  mal- 
heureusement perdue.) 

1.  Sordel  {GedicMe,  IV,  p.  98): 

Bel  {lis.  Del  ?)  cavaler  me  plai  qe  per  amor 
Moric  Tautrer  en  Flandres,  car  iraman 
En  seran  trop  miellz  crezut  derenan 
Per  las  donas  qels  tenon  en  error. 
Ben  volgra  fos  ab  lui  morta  s*amia, 
Pois  gascuna  cho  qe  no  cre  creiria, 
Qe  on  plus  fan  los  fins  amanz  languir, 
Plus  van  tarzan  zo  qe  degran  complir. 

2.  G.  de  S.  Didier  {Los  grieus  désirs,  Werke,  II,  56): 

E  tuit  li  pro  ques  volon  far  grazir 
Fan  los  bels  dos  lai  on  plus  an  sabor, 
E  breus  respos  es  loncs  jois  en  amor, 
Per  que  domna  non  deu  sod  joi  fenir, 

Con  fes  Elis,  lacomtessade  Flandres  s. 

C.  C. 

BIBLIOGRAPHIE 

Geschichte  det  Snfflzes  —  olus  in  deo  romanischen  Sprachen  mit  beson- 
derer  Beriicksichtigung  desVulgar-und  Mittellateios.  —  naugural-Disserta- 
tion...  von  Max  Mirisch.  Bonn,  38  pages. 

Tableau  comparatif  des  formes  romanes  dérivées  de  t3rpes  latins 
ou  bas-latins  (réels  ou   fictifs)  en  olus.  Ce  travail,  quoique  suffisam- 

*  Sur  ce  recueil  de  nouvelles,  composé  par  Barberino,  et  qui  est  perdu, 
voy.  A.  d'Ancona,  le  Fonti  del  Novellino,  dans  la  Romania,  II,  p.  405  et 
suivantes. 

•  M.  Birch  Hirschfeld  veut  voir  dans  ces  derniers  vers  une  allusion  au  ro- 
man du  Chevalier  au  Cygne.  Mais  il  n'y  a  aucun  rapport,  ni  dans  les  noms, 
ni  dans  Tidée.  1**  La  comtesse  de  Flandres,  dans  le  Chevalier  au  Cygne,  s'ap- 
pelle Béatrix;  2*  c'est  pour  avoir  transgressé  les  ordres  de  son  mari,  Helias 
de  riUe-Forte,  et  non  pour  avoir  trop  fait  languir  un  amant,  qu'elle  met  fin  à 
son  propre  bonheur. 


•  4 

»     • 


100  cbrqi^iquë: 

meot  complet,  pourrait  recevoir  encore  quelques  ajouts,  au  moins  en 
ce  qui  concerne  le  français,  par  exemple,  virole,  latin  viriola,  baatde- 
rôle,  pèterole  (patois  de  Saintonge),  fumeirole,  barioler,  fignoler,  fla- 
geolet, pour  */ageolet  de  faba,  *fabia,  */abiolus,  *fabioletttui.Oh8er¥one 
en  passant  que  Tétymologie  officielle  phaseolus  ne  vaut  rien,  cette 
forme  ne  pouvant  produire  que  faisol.  M.  Mirisch  aurait  encore  pu 
amplifier  son  travail  en  observant  que  le  suffixe  olus  se  substituait 
toujours  au  suffixe  ulu9  après  les  voyelles  e  ou  i,  n^altemant  avec 
lui  qu'après  la  semi- voyelle  v  (servolus,  servulus)  et  ses  équivalents  b, 
p,  et  que  ces  voyelles  e  ou  i  (c'était  tout  un  à  l'hiatus)  pouvaient  tou- 
jours se  supposer  pour  les  formes  diminutives  intermédiaires,  les- 
quelles aboutissaient  alors  aux  finales  en  ius,  ia,  ium  ou  em^  ea, 
eum: 

faba,  *fabia  (ou  *fabea),  *fabiolu8  (ou  *fabeoltig),^=^  Fajol  (nom  pro- 
pre), caper  (=  *caprus),  *  caprins  (ou  *capreu8),  capreolus,  =  che- 
vreuil. 

hispanus  *hi8paniu8  (ou  *hi8paneu8) ,  *hi8paniolu8,  ^  espagnol, 

A.  B. 


CHRONIQUE 


Communications  faites  dans  les  séances  de  la  Société.  — 
10  janvier  1883.  — Bonur  de  famiho,  sextine  provençale  par  M.  Rett- 
ner  ;  le  Dialogue  de  l'ombre  de  Vabbé  de  Nant  et  de  8on  valet  Antoine, 
édition  de  M.  le  docteur  Mazel. 

24  janvier.  —  Proverbes  et  comparaisons  en  patois  du  haut  Age- 
genais;  lePopiZ/on,  pièce  de  poésie  en  patois  du  moyen  Agenais  (com- 
munication de  M.  Séré,  instituteur  en  retraite  à  S.-Caprais-de-Lerm 
(Lot-et-Garonne)). 

7  février.  —  Noël  moitié  fiançais,  moitié  béarnais,  communiqué  par 
M"®  Mathieu,  sœur  Cécile,  institutrice  communale  à  Colombiers  (Allier). 
—  Particularités  de  versiJBcation  relevées  dans  une  pièce  de  Robert 
Ruffi  sur  la  Peste  de  Marseille  en  1580  (communication  de  M.  Bou- 
cherie) . 


*  * 


Concours  philologique  et  LinÉRAiRE  du  13  mai  1883. —  A  Foc- 
casion  du  centenaire  de  Favre,  le  célèbre  poète  languedocien,  ui^e  des 
deux  médailles  de  vermeil  sera  décernée  à  la  meilleure  pièce  de  poésie 
composée  en  son  honneur.  Elle  pourra  être  écrite  en  français  ou  dans 
Tun  des  idiomes  populaires  du  midi  de  la  France  ou  en  catalan . 

« 

M.  A.  Darmesteter  vient  d'être  nommé  titulaire  de  la  chaire  de 
vieux  français  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris.  Nous  dirons,  avec  le 
Rappel,  qu'on  ne  pouvait  faire  un  meilleur  choix. 


.  • 


CHRONIQUB  101 


Notre  confrère,  M.  Emile  Levy  vient  de  recevoir  la  a  venia  legendi  » 
à  l'Université  de  Fribourg,  en  Brisgau.  Il  commencera  son  cours  après 
les  vacances  de  Pâques,  par  l'histoire  littéraire  de  la  Provence . 


«  « 


Les  Jeux  Floraux  de  Paris,  organisés  par  la  Société  des  Félibres, 
comprendront,  cette  année,  un  concours  littéraire  et  un  concours  ar- 
tistique comportant  deux  sections  (1^  dessin,  2©  musique). 

La  distribution  solennelle  des  récompenses  aura  lieu  à  la  fête  an- 
nuelle de  Sceaux,  en  mai  prochain . 

CONCOURS  LITTÉRAIRE 

A.  —  Prix  dvL  Ministre  de  Tins  traction  pnbliqae 

A  la  meilleure  étude  en  prose  française  ou  en  langue  d'oc  sur  ce 
«ujet: 

LES   PEÉCURSBURS  DBS  FÉLIBRES  AU  XIX«  SIÈCLE 

(1800-1865) 

B.  —Prix:  une  médaille  de  vermeil, 
A  la  meilleure  ode  en  langue  d'oc  sur  ce  sujet  : 

CLÉMENCE   ISAURE 

C.  —  Prix  :  une  médaille  de  vermeil, 
A  la  meilleure  poésie  en  langue  d'oc  sur  ce  sujet  : 

FÉLICIEN   DAVID 

Z>.  —  Prix  :  une  médaille  d'argent, 
A  la  meilleure  chanson  en  langue  d'oc  sur  ce  sujet  : 

LE   MELON   DE  CAVAILLON 

Prix  Florian 

Offert  par  la  viUe  de  Sceaux 

Une  médaille  de  vermeil, 

A  la  meilleure  poésie  en  langue  française  sur  ce  sujet: 

FLORIAN 

La  poésie  classée  la  première  sera  lue  sur  le  tombeau  de  Florian 
par  l'un  des  acteurs  des  théâtres  nationaux.—  Une  médaille  d'argent 
sera  attribuée  au  lauréat  classé  en  deuxième  ligne. 

N.'B.  —  Les  divers  dialectes  romans  du  midi  de  la  France  pour- 
ront être  employés  par  les  concurrents . 

Avis  concernant  les  trois  concours  .  —  Des  médailles  d'argent 
et  de  bronze  supplémentaires  et  des  mentions  honorables  pourront  être 
accordées,  suivant  l'importance  des  concours . 

Délais  et  mode  d'envoi. —  Les  envois  relatifs  au  concours  littéraire 
•et  au  concours  musical  devront  être  faits  franco  avant  le  20  avril, 
terme  de  rigueur,  à  M.  Jasmin  fils,  président  de  la  Société,  20,  passage 
Tivoli,  à  Paris. 

Les  envois  concernant  le  concours  de  dessin  devront  être  faits /ranco 
avant  le  15  mai,  terme  de  rigueur,  à  M.  Amy,  vice-président  de  la  So- 
-ciété,  12,  rue  du  Moulin-de-Beurre,  à  Paris. 

Aucun  ouvrage  ne  devra  être  signé .  A  tout  envoi  pour  chacun  des 
trois  concours    sera  annexé  un  pli  cacheté,  contenant  les  nom,  pré- 


102  CHRONIQUB 

noms,  adresse  du  concurrent,  avec  une  devise  qui  sera  répétée  au  do? 

de  l'œuvre. 

* 

La  Société  agricole  scientifique  et  littéraire  des  Pyrénées- Orientales 
ouvre  un  concours  littéraire  pour  Tannée  1883.  Voici  quelles  seront 
les  récompenses  distribuées  : 

I.Un  prix:  Histoire  locale  du  Boussillon. 
II.  Un  prix:  Archéologie  locale  :  Monographie  d'un  monument. 
m.  Un  prix:  Poésie  française   sur  un    sujet  traitant  du  Boussillon 

historique  ou  pittoresque. 
IV.  Un  prix:  Poésie  française  (sujet  facultatif). 

V.  Un  prix:  Poésie  catalane  :  genre  lyrique. 
VI.  Un  prix:  Poésie  catalane:  genre  humoristique. 

Les  pièces  devront  être  adressées,  avant  le  !«'  août  1883,  au  secré- 
taire, M .  Gustave  Gazes,  rue  Eglise-la- Real,  no  1  bis,  à  Perpignan,  et 
porter  bien  exactement  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur. 


♦  • 


Nous  avons  le  regret  d'annoncer  à  nos  lecteurs  la  mort  de  notre 
confrère  M.  le  docteur  François  Barthès,  chirurgien  en  chef  de  l'hô- 
pital St- Charles,  à  Cette. 


*  « 


DONS  FAITS  A  LA  SOCIÉTÉ 

Par  M.  le  docteur  Obédénare  : 

Mostre  de  dialectul  macedo-romanu  de  Vangeliu  Petrescu  (Cruso- 
vean).  Partea  I  Basmul,  eu  Fet-frumosu-Bucuresci,  editura  librâriei 
Socecu  et  comp.  7,  Calea  Victoriei,  1880  ;  in-8o,  47  pages. 

Par  M.  Henri  de  la  Combe: 

Lo  Grande  Cobolcado  ol  proufit  dés  paourés  (ourgonisado  pèr  lo  classe 
oubrieiro  de  Sént-Offriquo),  13  juin  1880,  par  Louisou  de  lo  Patto- 
Négro,  4 pages. 

Par  M.  Clair  Gleizes: 

BecueUsde  noël s  provençaux,  par  Nicolas  Saboly.  Nouvelle  édition. 
Avignon,  imprimerie  et  librairie  de  L.  Aubanel,  1846;  in-12, 176  p. 

Les  Buines  de  l'abbaye  de  Montmajour,  d'Arles,  par  l'abbé  J.-N. 
Trichaud.  Arles,  typographie  et  lithographie  Dumas  et  Dayre,  1861  ; 
in-8°,  32  pages. 

Almanach  de  Provence,  par  Alexandre  Gueidon,  6e  année,  1860. 
Marseille,  in-8o,  63  pages. 

La  Galino,  historiette  provençale,  par  Marins  Bourrely  (1®'  novem- 
bre 1866).  Marseille,  3  pages. 

Au  Troubaire  de  VEcd  (extrait  de  journal). 

Vivo  la  Souquo,  suivi  de  la  Frumo  à  barbo. 

1 820.  Missien  à  Marsiho.  Jesus-Christ  siegué  loouza  eternelamen 
(affiche). 

Le  Père  Gérard,  Gazette  nationale  des  communes,  n°  102. 

Lou  Poueto  cassaire  ;  lou  Passeroun  et  seis  Enf ans  ;  Epitro  à  un 
ami  ;  leia  Batos  et  lou  Flascou.  Coup  d'œil  sur  l'Europe  (manuscrit) . 

L'Echo  des  Muses  (2e  année,  n®  10).  Place  du  Marché,  Draguignan^ 
In-8o,  7  pages. 

La  Croix  du  mont  Sainte- Victoire,  cantique.  Aix,  1872,  4  pages. 

Cristoou  et  Fresquiere,  ou  la  Queue  de  l'âne  arrachée,  comédie  en  un 
acte  et  en  vers  provençaux.  Marseille,  in-S®,  16  pages. 


CHRONIQUE  103 

La  Réunion  patriotique,  comédie  en  un  acte  et  en  vers  français  et 
provençaux,  par  Etienne  Pélabon,  représentée  le  13  juin  1796.  Tou- 
lon, chez  Castex,  libraire,  1782  ;  in-8o,  24  pages. 

Ville  de  Marseille,  Programme  des  fêtes  de  charité  des  12,  13  et 
14  avril  1868;  in-8o,  16  pages. 

Discours  prononcé  à  la  distribution  des  prix,  le  23  août  1878,  par 
Tabbé  Marbot.  Aix,  in-8°,  36  pages . 

Noels  provençaux  et  français,  ou  Cantiques  sur  la  Naissance  du  Sau- 
veur. Carpentras,  imprimerie  de  L.  Devillario,  petit  in-8'>,  128  pag. 

* 

LIVRES  REÇUS  PAR   LA   REVUE 

Sammlung  franzoesischer  Neudrucke  herausgegeben  von  KarlVoU- 
moUer. 

3 .  Robert  Garnier.  Les  Tragédies . . .  herausgegeben  von  Wendelin 
Foerster.  Erster  Band:  Porcie,  Cornelie,  M.  Antoine.  —  Heilbronn, 
Gkbr.  Henninger,  1882;  in-S»,  xviii-214  pages. 

4a  Robert  Garnier.  Les  Tragédies.  Zweiter  Band:  Hippolyte,  La 
Troade,  168  pages. 

5.  Robert  Garnier.  Les  Tragédies.  Dritter  Band:  Antigène,  les 
Juifves,  172  pages* 

Louis  Astruc.  La  Marsiheso,  pouèmo  dramatique  prouvençau  en 
3  ate.  Avec  traduction  française.  Marseille,  librairie  Laffitte.  Avignon, 
J .  Roumanille,  libraire,  1882  ;  in-8o  141  pages. 

Resefia  de  los  estudios  clàsicos  de  las  letras  espanolas  en  Francia, 
discurso  pronunciado  en  el  paraninfo  de  la  Universitad  de  Madrid, 
el  dia  24  de  mayode  1881,  par  J.-G.  Magnabal.  Madrid,  1881;in-8o, 
14  pages. 

Aperçu  sur  l'étude  classique  des  lettres  espagnoles  en  France,  etc. 
(traduction  de  Topuscule  précité). 

* 

AVIS  A  MM.    LES   INSTITUTEURS 

Le  secrétaire  a  l'honneur  de  prévenir  ceux  de  MM .  les  Instituteurs 
qui  reçoivent  la.  Revue  des  langues  romanes  qu'il  tient  à  leur  disposition 
weî{/*  exemplaires  du  Questionnaire  pour  servir  à  recueillir  les  traditions, 
les  coutumes  et  les  légendes  populaires  (16  pages),  de  M.  Paul  Sébillot. 
Ces  exemplaires  seront  prêtés  pour  un  mois  à  chacun  de  ceux  qui  se 
seront  fait  inscrire  parmi  les  neuf  premiers . 


* 


PROGRAMME 

du  Concours  philologique  et  littéraire  qui  doit  avoir  lieu  à  Montpellier 

au  mois  de  mai  1883 

Philologie 

Seront  décernés  : 

1»  Un  prix  de  300  f r.  à  la  meilleure  étude  sur  le  patois,  ou  langage 
populaire,  d'une  localité  déterminée  du  midi  de  la. France  (collection 
de  chansons,  contes,  proverbes,  devinettes,  comparaisons  populaires). 
Ces  textes  devront  être  reproduits  exactement,  c'est-à-dire  sans  rien 
changer  à  la  langue  du  peuple,  et  tous  traduits  en  fiançais.  On  y  join- 
dra la  conjugaison  des  verbes  chanter,  finir,  mourir,  prendre,  avoir. 


l(k  CHRONIQUE 

être,  aller,  pouvoir.  Indiquer  les  autres  localités,  connues  de  Tauteur, 
où  se  parlerait  le  même  idiome  populaire; 

Observation,  —  Ce  prix  est  exclusivement  réservé  aux  institutrices 
ou  instituteurs  primaires. 

2®  Un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  travail  de  philologie  romane 
nyant  pour  base  des  textes  qui  soient  antérieurs  au  XV«  siècle,  et 
qui  appartiennent  à  la  langue  d'oc  ou  à  la  langue  d'oil.  Rentrent  dans 
cette  catégorie  les  publications  de  textes  et  les  études  d'histoire  litté- 
raire ; 

3°  Un  prix  consistant  en  un  objet  d'art  de  la  valeur  de  200  fr., 
au  meilleur  tiavail  philologique  ayant  pour  objet  un  idiome  po- 
pulaire néo-latin  :  Belgique,  Suisse,  France,  Espagne,  Portugal,  Italie, 
Roumanie,  Amérique.  Cette  étude  devra  s'appuyer  sur  un  choix  de 
textes  (chants,  contes,  proverbes,  légendes,  etc.).  Y  joindre  la  géo- 
graphie du  dialecte  étudié. 

Littérature 

Des  prix  seront  décernés  : 

4®  et  5°  Aux  deux  meilleures  poésies,  à  quelque  genre  qu'elles  ap- 
partiennent ;    • 

6**  Au  meilleur  ouvrage  en  prose  (contes,  nouvelles,  romans)  ; 

7®  A  la  meilleure  composition  scénique  en  vers  ou  en  prose. 

Ces  prix  consisteront  en  4  médailles  d'or,  chacune  de  la  valeur  de 
100  fr.,  2  médailles  de  vermeil,  6  médailles  d'argent. 

Avis  aux  concurrents.  —  Tous  les  ouvrages  qui  concourront  pour  le 
second  ou  le  troisième  prix  de  philologie  devront  être  écrits  dans  une 
langue  néo-latine  ;  tous  ceux  qui  concourront  pour  l'un  des  quatre 
prix  purement  littéraires  (no"4,  6,  6,  7)  devront  être  écrits  dans  un  des 
dialectes,  soit  du  midi  de  la  France,  soit  de  la  Catalogne  ou  des  îles 
Baléares  ou  des  provinces  de  Valence  et  d'Alicante. 

Les  travaux  envoyés  devront  être  inédits.  Toutefois  le  deuxième  et 
le  troisième  prix  de  philologie  pourront  être  accordés  à  des  ouvrages 
ayant  paru  depuis  le  1«'  janvier  1882  et  n'ayant  concouru  nulle  part. 

Les  manuscrits  ne  seront  pas  rendus .  Ils  devront  porter  une  épigra- 
phe qui  sera  répétée  sur  l'enveloppe  du  billet  cacheté  contenant  le 
nom  et  Tindication  du  domicile  de  l'auteur. 

Les  ouvrages  destinés  au  concours  doivent  être  adressés  franco  à 
M.  A.  Boucherie,  secrétaire  de  la  Société  des  langues  romanes,  avant  le 
1*"^  avril  1883,  dernier  délai,  et  en  triple  exemplaire,  s'ils  sont  im- 
primés . 


Erratum  du  no  de  janvier  1883 


P.  51,  1.  2,  4  décembre,  lisez:  21  décembre. 


Le  Gérant  responsable:  Ernest  Hamelin. 


J 


Dialectes  'Anciens 


SAINTE    MARIE    MADELEINE 

DANS   LA  LITTÉRATURE   PROVENÇALE 

a 


Je  me  propose  de  recueillir  ici  tout  ce  que  je  connais  de  textes  pro- 
vençaux, inédits  ou  déjà  publiés,  depuis  les  origines  de  la  langue  jus- 
ques  et  y  compris  le  XVI*  siècle,  concernant  la  grande  sainte  dont 
rhistoire  est  si  intimement  liée  à  celle  de  Jésus,  et  à  laquelle  une  lé~ 
gende,  que  l'Eglise  romaine,  malgré  les  objections  de  la  critique,  n*a 
pas  repoussée*,  attribue,  en  même  temps  qu'à  Marthe,  à  Lazare  et  à 
Maximin,  leur  compagnon,  l'évangélisation  de  la  Provence.  Je  don- 
nerai en  appendice  la  bibliographie  des  ouvrages,  sur  le  même  sujet, 
dont  j 'ai  pu  avoir  connaissance  ou  seulement  me  procurer  les  titres, 
et  qui  ont  été  composés  : 

1®  En  provençal,  depuis  le  commencement  du  XVII®  siècle  ; 

2°  En  catalan  ancien  et  moderne. 

I 

Vie  de  sainte  Marie  Madeleine 

EXTRAITE   d'une  TRADUCTION   PROVENÇALE  DE  LA  «  LEGENDA    AUREA  )) 

Le  ms . ,  encore  complètement  inédit,  dont  ce  premier  article  est 
extrait,  est  le  n°9759(anc.  suppl.1050)  du  fonds  français  de  la  Biblio- 
thèque nationale . 

Ce  ms.  renferme  la  seule  version  provençale  qui  me  soit  connue  de 
la  Légende  dorée.  Les  autres  mss.,  contenant  une  version  en  langue 
d'oc  du  célèbre  ouvrage  de  Voragine,  sont  catalans.  L'un  d'eux  est  à 
Paris  :  c'est  le  n®  127  du  fonds  espagnol  de  la  B.  N.  J'en  ai  publié 
un  extrait,  ici  même  *,  il  y  a  quelques  années.  Les  autres  sont  en  Es- 
pag^e.  Voy.  Torres  Amat,  Diccionario,  p.  701  (cf.  le  Suplemento  de 

*  Voy.,  dans   \e  Bréviaire  romam,  roffice  de  sainte  Marthe  (29  juillet), 
leçons  IV,  vet  VI. 

2  T.  XIII,  p.  209,  Vie  de  sainte  Anastasie. 

Tome  ix  de  la  troisième  série. —  a^ars  1883. 


106  SAINTS   MARIE  MADELEINE 

CorminaSyp.  305-306);  Balagaer  y  Merino,  Revue  des  l.  r.,  XIX,  56; 
Jahrbuch  fur  rom.  und  engl.  I$iteratur,  IV,  56  et  57. 

La  comparaison  du  texte  des  deux  mss.  de  Paris,  le  provençal  et 
le  catalan,  montre  immédiatement  entre  eux  la  plus  grande  affinité. 
On  remarque,  dès  le  début  de  la  vie  de  sainte  Madeleine,  qu'ils  pré- 
sentent les  mêmes  contre-sens  et  les  mêmes  lacunes  :  d*où  la  consé- 
quence qu'ils  doivent  dériver  d'un  même  original.  Cet  original  était- 
il  provençal  ou  catalan?  Je  crois  pouvoir  affirmer  qu'il  était  catalan . 
Le  texte  de  notre  ms.  9759,  tout  provençal  qu'il  est  ou  qu'il  veut  être, 
ofire  eu  efibt,  à  qui  l'examine  même  sommairement,  assez  de  resabios 
de  catalan  pour  que  le  doute  ne  me  semble  pas  possible.  On  trouvera 
dans  les  notes  le  détail  de  ces  catalanismes . 

Je  dois  la  copie  du  text&  que  je  publie  à  l'obligeance  de  M.  L.  Con- 
stans,  M.  Gaston  Raynaud  a  bien  voulu  en  revoir  quelques  passages 
sur  le  ms.  et  les  comparer  au  texte  catalan,  dont  il  m'a  envoyé  aussi 
divers  extraits.  Je  les  prie  l'un  et  l'autre  d'agréer  l'expression  de  ma 
gratitude. 

Je  me  sers,  pour  la  comparaison  avec  le  texte  latin,  de  l'édition  de 
Lyon,  1504,  de  \ai.Legenda  aurea,  où  la  vie  de  sainte  Madeleine  occupe 
les  folios  207è  à  209c. 


[po  179  V®  b]      INTERPRETA  CIO  DE  SANTA.  MARIA 

•MAGDALENA. 

Maria  vol  dire  de  las  mars  [mar,  o]  iUuminaritz,  o  illumi- 
nada.  Per  aquestz  .m.  noms  son  entendudas.  m.  partz  bonas 
que  ela  elegic  a  ssi  :  so  es  part  de  penitencia  e  part  de  con- 
templacio  e  part  de  celestial  gloria.  De  laquai  tersa  part  es 

5  entendut  aysso  que  Nostre  Senhor  dis  qu'aquela  elegic  a  si  la 
plus  nobla  part,  que  no  sera  tolta  d'ela.  La  premieyra  part  no 
er  tolta  d'ela  per  raso  de  fi,  que  es  enseguiment  de  benau- 
ransa,  ni  la  n*  part  per  raso  de  continuacio,  car  la  contem- 
placio   de  la  via  es  continuada  am  la  contemplacio  de  la  [pa- 

10  tria,  ni  la  tersa  part  per  raso]  de  la  sua  perdurabletat. 

En  quant  doncas  elec  nobla  part  [de  penitencia],  es  dicha 
de  las  mars  mar  [180  roa],  per  so  com  aqui  hac  gran  amar- 
gor,  que  es  manifest  per  so  coma  tantas  lagremas  gitec  que 
los  pes  del  Senhor  Jhesu  Christ  ne  lavec. 

15       E[n]  quant  ela  elec  nobla  part  de  contemplacio,  es  dicha 


SAINTE  MARIE  MADELEINE  107 

illuminadojra,  per  so  coma  aqui  receubec  lum  del  quai  en 
après  ela  illumina  los  autres. 

E[n]  quant  elec  noble  part  de  la  celestial  gloria,  es  dicha 
illuminada,  [per  so  coma  aora  es  illuminada]  de  lum  de  per- 

20  ûecha  conojssensa  en  pessa,  e  foc  illuminada  per  lum  de  dar- 
dât en  lo  cors. 

Magdalena  vol  dire  en  quasi  stant  colpabla,  o  Magdalena 
vol  dire  garnida  o  gran.  Per  de  que  es  demostrat  quai  foc  ela 
[enansde  la  sua  conversacio,qualenla  sua  conversacio  e  quai 

25  après  la  sua  conversacio.  Car  enans  de  la  sua  conversacio  foc 
ela]  estant  colpable  per  obligacio  a  pena  perdurabla.  Ffoc  en 
la  conversacio  garnida  per  armadura  depenitencia.  Aytans  de 
peccatz  coma  ela  fec,  aytans  de  sacrificis  fec  a  Dieu.  Apres 
la  sua  conversacio,  ffoc  granda  per  gran'abundancia  de  gra 

30  cia,  car  la  bon  abundavon  los  deffalhimens  sobre  abunda  la 
gracia. 

LA   VIDA  DE   SANTA  MARIA  MAGDALENA. 

Maria  Magdalena  es  ajssi  appellada  per  lo  castel  de  Mag- 
dalo  ;  e  foc  filha  de  nobles  parens,  so  es  de  linatge  real.  Lo 
seu  pajre  avia  nom  Ciri  e  la  sua  mayre  Eucaria  era  appellada. 
35  Era  santa  Maria  Magdalena  eretiejra  del  castel  Magdalo, 
(b)  e  santa  Marta  de  Betania,  e  sant  Lazer  de  una  gran  par- 
tida  de  Jherusalem.  Lo  castel  de  Magdalo  es  prop  de  Genes- 
tar,  a  dos  milers,  e  de  Betania.  Lasquals  possessios  entre  ssi 
departiron  en  aytal  maniejra  que  santa  Maria  Magdalena  ac 
40  Magdalo,  per  que  foc  appelada  Magdalena,  e  sant  Lazer  hac  la 
part  de  Jherusalem,  e  santa  Martha  ac  Betania.  E  donc  coma 
la  Maria  Magdalena  fos  mot  dalicada  de  son  cors  e  sant  Lazer 
cavalgues,  e  santa  Martha  governava  las  partidas  de  sa  sor  e 
de  son  frajre,  e  donava  al  frayre  e  a  la  sor  e  a  las  compa- 
45   nhias  so  que  mestiers  lor  era.  Apres  lo  pojament  de  Nostre 
Senhor  Jesu  Christ,  els  venderon  totas  las  lors  causas  e  pau- 
seron  lo  pretz  als  pes  dels  apostois.  E  donc  coma  santa  Maria 
Magdalena  habundes  en  riquesas,  per  la  sua  belesa,ela.seguic 
la  sua  voluntat,  per  que  foc  appelada  peccadoyra  e  perdec  lo 
50   nom  que  avia.  Ë  donc  coma  Jesu  Christ  presiques  en  aquel  loc 
e  en  autres,  per  la  voluntat  de  Dieu,  ela  s'en  anec  a  la  casa 


108  SAINTE  MARIE   MADELEINE 

d'en  Symon  Lebros,  la  hon  prèsicava  Jesu  Christ.  Mas  no  s*au- 
sava  pausar  entre  los  justes,  per  que  se  pausec  dareyre  los 
pes  de  Jesu  Christ.  En  laquai  ela  lava  los  pes  [de]  Jesu  Christ 
55  am  las  suas  lagremas  [V  a]  e  los  li  esuga  am  los  sens  pels.  E 
pueys  ela  li  honch  los  pes  el  seu  cap  am  mot  noble  enguen 
e  plus  noble  que  pot  atrobar,  per  so  coma  las  gens  de  la  terra 
usavon  d'enguens,  per  la  calor  de[l]  solelh,  e  se  bayavon  so- 
ven.  E  donc  coma  en  Symeon  se  pessec  que,  se  Jesu  Christ 
60  fos  propheta,  que  no  se  jequira  tocar  a  la  fenna  peccadoyra, 
Jesu  Christ  lo  repres  e  perdonec  los  peccatz  a  la  Maria  Mag- 
dalena.  Aquesta  es  doncz  aquela  santa   Maria  Magdalena  a 
laquai  Jesu  Christ  donec  tans  benfatz,  e  li  mostréc  motz  se- 
nhals  d'amor,  car  d'ela  gitec  .[vi]i.  demoni[s]  e  Tases  en  sa 
65    amor,  e  la  fec  mot  Ua  familiar  esahosta,  e  vole  que  fos  la 
procuradoyra  sua  en  lo  cami,  e  el  la  scusa  mot  humialment 
davant  los  Farisieus  que  disseron  que  ela  non  era  neda,  e  la 
scusa  a  la  sua  sor  que  disia  que  era  mot  ociosa,  e  la  escusa  a 
,  Judas  que  dis  que  era  degastadoyra.  E  quant  la  vie  plorar 
70   de  son  germa  Lazer,  Jesu  Christ  se  plorec.  Per  amor  de  la 
quai  Jesu  Christ  resuscitec  Lazer,  lo  seu  frayre,  que  avia  ja- 
gutmort  en  lovas  .nn.  dias;  e  per  amor  d'ela  sana  la  sua  sor 
santa  Martha  de  la  corrensa  de  l[aj  sanch  que  avia  perduda 
.VII.  ans.  [b]  Per  merit  de  la  quai,  Marcella,  sor  de  la  sua 
75  sirventa,  dis  que  benaurat  era  lo  ventre  que  l'avia  portât.  Se- 
gon  que  [dis]  sant  Ambros,  aquela  foc  Martha,  e  aquela  foc 
sirventa  d'ela,  e  aquesta  foc  aquela  que  lavec  los  pes  del  Sen- 
hor  am  las  lagremas,  e  am  los  pels  los  li  esuguec  e  amb  en- 
guens  los  li  vugnec.  Laquai  en  temps  de  gracia  fec  premiey- 
80  rament  penitensa,  e  elegic  la  mais  nobla  part,  e  sient  als  pes 
del  Senhor  ausiclas  suas  paraulas,  e  vugnec  lo  cap  del  Senhor 
ab  unguens  precioses  ;  dison  alcus  que  foc  crisma  ;  e  foc  en  la 
passio  de  Jesu  Christ  missatgera  e  apparelhec  los  enguens  am 
que  vole  honhier  lo  seu  cors  ;  laquai  nos  vole  partir  d'el  ni  del 
85  monument,  se  be  s'en  part[ir]on  los  autres  dexeples  ;  a  laquai 
apparec  premieyrament  Jesu  Christ  après  la  resurrectio  e  la 
fec  messatgieyra  dels  apostols. 

En  lo  temps  de  Tascentio  de  Jesu  Christ,  .xiiii.  ans  après 

la  passio  de  Jesu  Christ,  coma  los  Juzieus  ja  aguesson  mort 

90  sant  Steve  els  autres  dexebles  aguesson  gitatz  de  la  terra  de 


SAINTS  MARIB  MADBLEINB  109 

Judeâ,  los  dexebles  s'en  aneron  en  diveî^as  régions,  e  aqui 
els  presiqueron  la  paraula  de  Dieu.  Era  en  aquel  dia  am  los 
apostols  sant  Maximi,  que  era  .i.  dels  .lxx.  ii.  [181  r**  a]  de- 
xebles de  Jesu  Christ,  alqual  comandava  sant  Peyre  santa 
^5  Maria  Magdalena,  e  en  aquel  scampament,  sant  Maximi  e 
santa  Maria  Magdalena  e  sant  Lazer  e  santa  Martha  e  na 
Marcella,  lor  sirventa,  e  sant  Cedoni,  que  era  nat  orb  e  foc 
per  Jesu  Christ  illuminât,  totz  ensemps  àm  motz  d'autres  gi- 
tatz  totz  en  unabarcha  ses  vêla  e  ses  rems  e  pa  e  vi,  ariberon 
100   a  Mansela.  En  lo  quai  loc,  coma  noj  trobessôn  qui  los  albre- 
gues,  e  els  se  pauseren  en  un  portxe  comu  a  totas  gens.  E 
donc  coma  santa  Maria  Magdalena  vigues  lo  poble  venir  al 
port,  per  so   que   sacreffiquesson  a  la  ydola  que  aqui  era, 
santa  Maria  ana  envas  els,  e  am  sas  bêlas  paraulas  ela  los 
105   fasia  partir  de  las  erros  de  las  ydolas,  e  presicava  los  forment 
Jesu  Christ,  per  que  foron  totz  meravilhatz  de  la  sua  belesa 
e  del  seu  saber  e  de  las  suas  paraulas.  Apres  aysso  venc  aqui 
lo  pri[n]cep  de  Proensa  am  la  sua  molher,  per  so  que  sacref- 
fiquesson a  las  ydolas  e  que  aguesson  enfans  ;  als  quais  dis 
110   santa  Maria  Magdalena,  presican  Jesu  Christ,  que  no  sacre- 
fiquesson  a  la«  ydolas.  E  alcus   dias  passas,   apparec  santa 
Maria  Magdalena  a  la  molher  del  prencip,  disent  en  visio  : 
a  Digas  a  ton  marit  per  quai  raso  [b]  jequis  los  sans  de  Dieu 
morir  de  fam  e  de  set  e  de  frech,  e  vos  autres  sias  richs  e 
115  abunda[n]tz  en  tantas  de  riquezas.  Sapias  que  mal  t'en  penra, 
si  no  dises  tost  a  ton  marit  quels  fassa  be.  »  Lasquals  paraulas 
no  vole  dire  ela  a  son  marit  ;  per  que  santa  Maria   apparec 
tost  al  prencip  en  vesio,  mot  terreblament,  disent  :  a  Ho  mal- 
vathome,  per  quai  raso,  coma  tu  sias  sadol,  no  dones  a  man- 
120  giar  als  paures  de  Dieu,  ni  per  que  los  laissas  périr  per  fam 
ni  per  set?  Tu  jaus  en  ton  palays  en  ton  lieg  en  bons  draps, 
be  calent,  e  els  son  sens  hostal,  e  moron  de  frech  e  de  fam  e 
de  set.  Sapiatz  que  no  scaparetz  ayssi,  enamio,  per  so  coma  tu 
as  perlongat  tant  que  no  as  fach  be.  »  En  aysso  ela  s'esvalic, 
125  Per  quai  visio  la  sua  molher  espaordida  se  desperta,  e  dis  al 
seu  marit  :  «  Senhor  meu,  as  tu  vista  aquesta  visio  que   ieu 
hyey  vista?  »  El  marit  li  dis  :  «  hoc.  »  Recomptar[on]  la  .i.  al 
altre  so  que  era  stat,  per  que  lo  marit  dis  :  «  Dona,  qu'en  fa- 
rem  ?  )>  E  la  dona  dis  :  «  Melhor  causa  es  que  nos  fassam  tôt  so 


110  8AIMTB  MARIE  MADELEINE 

130  que  ela  vol  que  se  vinem  en  la  ira  del  senhor  que  ela  presîca.  n 
Per  que  li  doneron  Tostal  els  feseron  lor  ops  de  totas  causas. 
E  ayssi  santa  Maria  Magdalena  [V°  à]  presicava,  el  dich  pren- 
cip  li  dis  :  «  Cugias  te  tu  si  poyras  deffendre  aquela  fe  que  tu 
presiquas?  ».^E  ela  dis  li:  a  leu  soy  apparelhada  de  deffendre 

135  la  fe  de  Jesu  Christ  am  miracles  e  am  presicatios  de  sant  Pey re 
nostre  [maistre],  que  es  aRoma.»  E  manten[en]tlo  prencip  li 
dis  :«  Véc  te  que  nos  em  apparelhatz  de  benesir  als  teus  dieus, 
si  .tu  nos  acabas  que  agiam  filh  am  lo  teu  dieu.  »  E  adonc  S^'^ 
M*  lor  autregiec  e  preguec  Dieus  per  els  que  lor  dones  filh. 

140  Per  [que]  ladona  conceubec.  En  après  lo  prencip  vole  anar  a 
sant  Peyre,  per  so  que  saubes  la  fe  que  S**  M*  Magdalena  [pre- 
sicava] si  era  veraja  fe.  Al  quai  dis  la  sua  molher  :  «  leu  pre- 
gui,  Senhor,  que  no  von  anetz  ses  mi.  »  El  prencip  li  dis  t  «No 
fariej,  Dona,  que  vos  seretz  prens,  e  en  lamar  ha  grans  pe- 

145  rilhs,  per  que  demoretz  en  la  casa,  e  pessaretz  de  las  nostras 
fasendas.  »  Mas  coma  ela  no  volgues  demorar,  santa  Magda- 
lena los  pausalo  senhal  de  la  crotz  en  los  muscles,  per  so  quel 
antic  enemic  nols  pogues  moure  en  res  ni  enpachar  lo  cami. 
Per  que  els  se  meseron  en  una  nau  am  mots  de  bes,  e  totas 

150  las  autras  causas  que  avian  els  jequiron  en  garda  de  S**  [b] 
W^  Magdalena.  E  quant  agron  anat  .i.  dia  per  la  mar  e  una 
nuech,  la  mar  s'enfla  per  tempestat,  ayssi  que  foron  totz  tre- 
balhatz,  en  tant  que  la  dona  hac  Tenfan  que  porta  va,  e  man- 
tenent  ela  moric.  El  enfan  plorava  e  palpée  las  popas  de  la 

155  mayre  sua.  E  donc  coma  no  agues  que  manjar,  lo  payre  foc 
trebalhat  per  amor  de  la  mayre  e  del  filh  e  dis  :«  Hoy  hoy  me  l 
E  que  fariey?  Caytiu  I  filh  deysiyaves;  e  ara  as  perduda  la 
mayre  el  filh.  »  Els  marinies  disseron  :  «  Gitem  aquest  cors 
en  la  mar,  davant  que  periscam  totz,  car  aytan  coma  nos  lo 

160  tengam,  la  tempesta  no  cessara.  »  E  ayssi  coma  els  prenian 
lo  cors  per  gitar  en  la  mar,  lo  prencip  lor  dis  :  <(  Speratz  nos 
veiam  se  ela  es  viva  o  si  per  dolor  se  fos  esmortida.  »  E  ayssi 
coma  els  stavon  en  aquestas  paraulas,  un  mu[n]t  lor  apparec 
en  la  mar,  per  que  disseron  :  «Mot  [val  mais]  que  nos  lo  gitem 

165  en  aquel  loc  que  sel  gitavam  en  la  mar.  »  E  ayssi  els  pauseron 
ela  el  enfant  envolcatz  en  un  mantel  en  aquel  mu[n]t.  E  ayssi 
coma  lo  prencip  los  pausava  aqui,  el  dis  :  a  0  Maria  Magda- 
lena, per  quai  raso  yes  tu  venguda  a  Mansela  a  la  mia  per- 


i 


8AINTB  MARlB  MADELEINE  111 

dicio?  que  per  la  tua  amonestatio  soj  ieu  en  aquelh  perîlh,  e 
X*70  ma  molher  es  [182  r®  a]  morta  e  mon  filh.  Velat  asi;  a  Dieu 
e  a  tu  la  comandi,ajssi  coma  te  comandiej  las  autras  causas  ; 
agias  merce  d'ela  per  so  que  no  perisca  Tenfant  nat.  »  Ecobrit 
la  am  lo  mantel  e  la  jaqui  en  aquel  loc,  e  pogia  s'en  en  la 
nau.  E  quant  foc  vengut  a  sent  Peyre,  e  sant  Peyre  lo  vie 
175  que  portava  lo  senhal  de  la  crotz,  e  el  li  demandée  qui  era  ni 
don  venia.  El  prencip  li  recomptée  tôt  lo  seu  fach  per  orde,  e 
sant  Pejre  li  dis  :  a  Patz  sia  am  tU;  ben  sias  vengut,  bon  cos- 
selh  as,  tu  no  sias  irat  si  la  tua  molher  dorm,  ni  sel  seu  âlh 
se  pausa  amb  ela  ;  car  poderos  es  Dieus  que  dona  tôt  so  que 

180  pot  tolre,  e  pueys  que  o  ren,  e  pot  la  tua  tristor  en  gaug  tor- 
nar.  »  En  après  sant  Peyre  menée  lo  prencip  en  Jherusalem  e 
en  totz  locz  bon  presiquet  Jesu  ni  bon  fec  miracles,  e  al  loc 
bon  sofiric  passio  e  la  bon  s'en  pojec  al[s]  cels.  E  coma  fos 
per  sant  Peyre  ensenbat  en  la  fe,  per  spasi  be  per  .n.  ans,  el 

185  se  mes  en  la  nau  per  tornar  en  sa  terra.  E  ayssi  coma  el  anava 
per  la  mar,  Dieus  volent,  els  vengron  al  loc  bon  avia  pausada 
la  sua  molher  am  Tenfant  ;  e  atanseron  âe,  e  quant  foc  de 
prop,  el  vie  Tenfant  que  jugava  am  peyre- [A] -tas.  E  ayssi 
coma  el  lo  vole  penre,  Tenfant  lifùgic  e  anec  mètre  [se]  sotz 

190  lo  mantel  de  sa  mayre  bon  era  cuberta,  e  près  la  popa  a  po- 
par  ayssi  coma  solia  ;  e  quant  aysso  vie  lo  prencip,  el  dis  :  «  0 
Maria  Magdalena,  e  coma  me  séria  be  près  si  la  mia  molher 
resuscitaval  Ieu  cresi  certament  que  tu  que  as  noyrit  Tenfant 
potz  ela  resuscitar,  set  vols.  »  E  aquestas  paraulas  dichas,  la 

195  sua  molher  se  leva  ses  tôt  mal,  disent:  «  De  gran  merit  es, 
S^*^  Maria  Magdalena  ;  benezecta  sias  tu,  que  me  as  donat  so 
que  volia  e  m'as  de  mort  resuscitada  !  »  Dis  lo  prencip  :  «  Mo- 
lher mia,  yes  viva  ?  »  Ela  respos  :  «  Sapias,  senhor,  que  hoc  ; 
viva  [son],  e  son  anada  e  stada  en  totz  aquels  locz  hon  tu  yes 

200  stat  am  sant  Peyre,  e  aqui  m'a  tota  hora  acompanbada  S** 
Maria  Magdalena,  »  Apres  aysso  els  s'en  torneron  en  la  nau 
e  vengueron  a  Mansella.  E  aqui  els  atroberon  sant  Maximi 
e  S'*  Maria  Magdalena  am  los  seus  disciples  presicant.  E  pan- 
sant se  am  los  seus,  els  li  reco[m]pteron  tôt  so  que  esdeven- 

205  gut  lor  era,  e  receberon  babtisme  ;  e  sopde  els  destruyron  los 
temples  de  las  ydolas,  e  faseron  aqui  motas  gleyas,  e  feseron 
[V*  a]  avesque  de  la  ciutat  de  Mancella  sant  Lazer.  En  après 


112  SAINTB  MARIB  MADBLBINB 

els  vengron  en  la  ciatat  d'Àchs,  en  la  quai  convertiron  tôt  lo 
poble  ;  e  aqui  [faseron]  avesque  sant  Maximi.  E  S^*  Maria  Mag- 

210  dalena  s'en  anec  per  ermitatge  en  une  balma  que  11  aminis- 
treron  los  angels.  E  ela  stec  aqui  per  spasi  de  .xxx.  [ans]  non 
conoguda.  En  loqual  loc  no  hj  [avia]  ajgua  ni  erba  ni  albres, 
per  que  foc  manifest  que  Dieus  11  doneo  a  mangiar  e  la  acom- 
panhec  alegrament  cascun  dia.  E   en  .vii.  horas  del  dia  era 

215  leva[da]  enTajreper  los  angels,  en  tant  que  ela  ausia  los  cans 
dels  angels  claramentcantans.  E  ajssi  cascun  dia  ela  era  ale- 
grada  per  Dieus  e  per  los  angels. 

Ffoc  a.  capela  que  estava  en  ermitatge  prop  de  la  .xii.  le- 
gas.  Vie  un  dia  en  quai  manie jra  los  angels  venian,  ni  coma 

220  la  levayon  en  Vajre,  ni  coma  la  tornayon  cantan  en  son  loc. 
E  coma  lo  capela  yolgues  anar  en  aquel  loc,  quant  foc  prop 
del  loc,  no  poc  anar  ;  per  que  s'en  tornec,  per  que  conoc  que 
Dieus  no  yolia  que  el  hjanes.  E  nominat  lo  nom  de  Dieu,  el 
dis  :  a  leu   te  conjuri  per  Dieu  que,  si  tu  yes  home  o  autra 

225  creatura  en  aquesta  balma,  que  me  respondas  e  que  me  digas 
[b]  yeritat.  »  Pef  que  S**  Maria  Magdalena  li  respos,  disent  : 
«  Veyne  costa  mi  e  poyras  saber  yeritat  de  so  que  desiras.  » 
E  quant  foc  prop  d'ela,  ela  li  dis  :  «  Menbra  te  que  dis  en  Tayan- 
geli  d'aquela  Maria  peccadojra  que  leyec  los  pes  al  Senhor  am 

230  las  lagremas  e  am  los  pels  los  li  esuguec,  per  que  Dieus  li  per- 
donec  sospeccatz  ?  d  El  capela  li  respos  disent  :  a  Ben  soy  mem- 
brat,  he  a  be  .xxx.  ans  despueys  que  ayssi  foc.  » — «  Hieu  soj 
aquela,  que  hyey  ayssi  estât  per  .xxx.  ans,  que  no  byey  vist 
home  carnal  sino  los  angels   del  mieu  senhor,  quem  donec 

235  aquel  gaug  que  tu  as  yist.  E  car  es  a  mi  reyelat  que  ieu  devi 
morir,  yay  tost  a  sant  Maximi,  digas  [li]  que  en  lo  dia  del  di- 
menge  el  intre  en  lo  oratorii  tôt  sol,  c'aqui  me  atrobara,  que 
los  angels  m'i  auran  menada  près  Jesu  Christ.  »  E  mantenent  lo 
capela  s'en  anec  a  sant  Maximi,  e  recompta  li  tôt  soquela  dona 
240  li  ayia  dich.  Per  que  sant  Maximi  am  gram  gaug  fec  gracias 
a  Dieu.  E  en  aquel  dia,  en  aquela  hora,  el  intrec  tôt  sol  en  lo 
oratorii,  e  yic  en  cara  S^*^  Maria  Magdalena,  e  estaya  ela  leyada 
dos  coydes  sobre  terra,  el  mieg  dels  angels^  am  las  [183  r"  a] 
mas  junchas,  Dieu  pregant.  E  donc  coma  sant  Maximi  no 
245  s'auses  a  ela  propriar,  ela  li  dis  :«  Veyne  sa,  sant  Payre,  estay 
prop  de  la  tua  ûlha.  »  E  aysfld  coma  el  la  regardaya  en  la  cara, 


SAINTS  MARIE  MADELEINB  113 

no  poc  sostener,  per  la  gran  cïardàt  de  la  sua  vista,  que  fia- 
mejava  coma  solelh.E  apelec  totz  les  clergues  el  capelajadioh 
e  ela  près  Jesu  Christ  del  avesque,  plorant  humialment.  Ea 
250  après  la  sua  santa  arma  s'en  anec  a  Dieu.  En  loqual  loc  foc 
mot  gran  odor  sentida  per  .vii.  dies  per  totz  aquels  que  la  yn- 
travon.  Sant  Maximi  sebelit  lo  cors  gldrios  mot  honradamen, 
es  mandée  sebelir  de  co«ta  d'ela  quant  séria  mort. 

En  lo  temps  de  Caries  Magnus,  en  Tan  de  Nostre  Senhor 

255  v.cc.xL.viii.,  en  *GHrart  duch  de  Britasia,  coma  no  poc  aver 
ôlh  de  la  sua  molher,  am  gran  voluntat  el  dônec  las  suas 
causas  als  paures,  e  fec  motz  monestiers  e  motas  gleyas  bas- 
tic,  e  coma  el  agues  bastit  lo  monestier  de  Vizelia,  el  trames 
al  abat  del  monestier  .i.  monge  am  covinent  companhà  en 

260  la  ciutat  d'Achs,  per  veser  si  poyria  portâr  de  las  riquesas  de 
S**  Maria  Magdalena.  E  quant  lo  monge  foc  vengut  a  la  dicha 
ciutat,  el  latrobec  destruida  per  pagans  ;  [à]  e  per  ventura  el 
atrobec  lo  sépulcre  de  S**  Maria  Magdalena,  en  loqual  era  lo 
seu  cors,  e  en  lo  vas  dins  era  la  sua  ystôria  depîntada  mere- 

265  vilhosament.  E  una  nuech  el  obric  lo  seu  vas  e  porta  ss'en  lo 
seu  cors  al  hostal. 

En  aquela  nuech,  S*a  M*  Magdalena  apparec  al  monge,  di- 
sent :  «  No  agias  temor,  acaba  tôt  so  que  has  comensat.  »  E 
quant  el  foc  vengut  prop  del  monestier  miegia  lega,  no  se 

270  pog[ron]  moure  las  riquesas,  entre  que  Tabat  am  los  monges 
del  dich  monestier  foron  vengutz  e  honradament  porteron  lo 
seu  cors,  Dieus  loant. 

Era  .1.  cavalhier  que  cascun  an  venia  al  cors  de  S*'  Maria 
Magdalena,  e  foc  pessegiat  en  una  batalha.  E  ayssi  coma  los 

275  parens  lo  portavon,  e  eron  mot  dolens  per  so  coma  era  mort 
ses  coffessio,  e  ayssi  coma  els  stavon  mot  dolens,  lo  cavalhier 
resuscitèc  davant  totz  e  appelhec  davant  si  lo  capella,  e 
quant  se  foc  cofessat  e  ac  combrégat,  la  sua  arma  s'en  anec 
a  Dieu  mantenent. 

280  Una  nau  que  era  carregiada  de  homes  peric  per  naufrag.  E 
donc  coma  una  fenna  fos  prens  e  vigues  lo  perilh  de  la  mar, 
ela  réclamée  a  S*'  Maria  Magdalena  aytant  aut  coma  poc,  e 
fec  vot  [V^  a]  a  Dieu  que  si  ela  [la]  deliurava  del  perilh  ni  que 
pogues  aver  lo  fllh,  quant  séria  gran  lo  faria'sérvidor[del]  seu 


114  SAINTE  MARIE  MADELEINE 

285  monestîer.  Per  que  manten^  li  apparec  .i.  dona  honestamen 
vestida,  que  la  portava  a  la  riba  de  la  mar  ses  mal.  En  après 
la  fenna  ac  T enfant  e  complit  son  vot  faselment. 

Disent  alcus  que  S**  Maria  Magdalena  foc  esposada  de  sant 
Johan  evangelista,  laquai   avia  presa  per  molher.  Adoncz 

290  coma  Jesu  Christ  lo  s'apelec  de  las  nossas,  e  donc  per  aysso 
ela  foc  molt  irada,  per  so  coma  li  avia  lo  toit  lo  seu  spos.  Per 
laquai  causa  ela  pecquet.  Mas  coma  no  foc  raso  quel  apela- 
ment  de  sant  Johan  fos  occasio  del  [seu]  perdiment,  Jesu  Christ 
la  convertie  misericordiosament  e  li  fec  far  penitensa.  Car  el 

295  Is»  partie  dels  deletz   carnals,  per  aysso  el  li  donec  motz  de- 

lietz  spirituals  en  la  sua  amor.  Es  dich  que  per  ajsso  honra 

tant  sant  Johan  davant  totz  los  autres,  car  el  lo  partie  dels 

delietz  de  la  santa  dona. 

Ffoc  .1.  baro  que  res   no  vesia,  e  donc  coma  el  vengues  al 

300   monestier  de  Visiliaco,  per  visitar  lo  sant  cors  de  Maria  Mag- 
dalena, quant  lo  seu  guiador  11  dis  que  el  vesia  [la  gleja],  el 
crida  autament  :  «  S*»  Maria  Magdalena,  plassa  te  que  ieu  ve- 
gia  la  tua  [b]  gleya  !  »  E  mantenent  el  vie  la  gleya. 
Hun  home,  dementre  que  scrivia  los  sens  peccatz  en  una 

305  carta,  quant  li  los  hac  scritz,  [pausec  la  carta]  sotz  los  draps 

del  autar  e  preguec  S*»  M*  Magdalena  que  li  empêtres  perde 

dels  sens  peccatz,  e  quant  el  près  la  carta,  el  trobec  totz  los 

peccatz  delitz  de  la  carta. 

Era  .1.  home  que  per  demanda  de  deners  era  près  en  ferrs. 

310  Per  que  réclamée  soven  S*»  M*  Magdalena  que  li  valgues.  En 

una  nuech  li  apparec  una  fenna  que  li  trinquet  la  pepreysso, 

el  gitec  de  la  carsser,  a  el  disent  :  a  Fug.»  E  quant  se  vie  de- 

liurat,  el  fugit. 

Era  .1.  clergue  de  Flandres,  per  nom   Steve,  he  era  home 

315  a  qui  plasia  tôt  mal  affar,  e  era  home  fort  dissolut  e  de  veritat, 
e  li  desplasia  de  ausir  presich  far  be  ;  mas  avia  gran  devocio 
en  S*'  M*  Magdalena,  e  dejunava  e  colia  la  sua  festa.  E  donc 
coma  el  visites  lo  seu  sépulcre,  S**'  Maria  Magdalena  li  appa- 
rec am  .II.  angelsque  la  sostenian,  e  dis  li:  «  Per  quet  cofi- 

320  savas  en  los  meus  merits,  tu  Steves,  e  no  as  dolor  dels  teus 
peccatz  ?  Depuejs  que  tu  comensies  a  aver  devocio  en  mi,  ieu 
hyey  pregat  Dieus  per  tu  ;  leva  sus  donquas  he  penet  te  de 
tos  peccatz,  e  ieu  no  te  defampa[ra]riej  entre  que  sias  a  Dieu 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX  115 

reconsUiat.  »  [184  r®  a]  Per  (Jb«  lo  clergue  mantenent  s'en 

325   intrec  en  una  religio,  e  foc  home  de  mot  perfiecha  vida,  e  en 

la  sua  mort  foc  vista  S*a  Maria  Magdalena  costa  lo  seu  lieg, 

am  motz  angels  stant  a  la  sua  arma,  que  s'en  pogiec  coma  la 

coloma  el  cel. 

C.  C. 
(A  suivre.) 


SUR  QUELQUES  MANUSCRITS   PROVENÇAUX 

PERDUS   OU   ÉGARÉS 

[Suite) 


XXI.  — Poëme  composé  par  Albusson  de  Gourdon  à  la  louange  d'Aymery 

de  Narbonne 

On  lit  dans  Fauriel,  Hist.  de  la  litt,  prov.,  II,  417:  «  Le  sa- 
vant Catel  possédait  une  copie  et  cite  quelques  vers  d'un  se- 
cond roman  sur  les  exploits  de  ce  même  Aymeric  [c'est-à-dire 
du  premier  Aymeric  de  Narbonne,  le  prétendu  auxiliaire  de 
Charlemagne  dans  ses  conquêtes  sur  les  Sarrazins];  roman  qui 
avait  été  composé  en  1212  par  un  troubadour  nommé  Aubus- 
son,  de  Gourdon,  en  Quercy.  » 

Il  y  a  dans  ces  lignes  une  double  erreur.  Ce  n'est  pas  Catel, 
c'est  Caseneuve  qui  a  mentionné,  dans  le  Franc  Alleu  de  la 
province  de  Languedoc,  p.  37  de  la  2*  édit.  (Toulouse  1645), 
comme  lui  appartenant,  le  roman  dont  il  s'agit,  et  qui  en  a  rap- 
porté six  vers.  De  plus,  il  ne  résulte  nullement  du  peu  qu'il  en 
dit  que  ce  roman  fût  consacré  à  glorifier  les  exploits  du  lé- 
gendaire Aymeric  de  Narbonne.  Voici  le  passage  entier  : 

«  J'ay  chez  moy  un  poëme  en  langue  provençale  manuscrit, 
rimé  grossièrement  comme  sont  les  romans  de  ce  temps-là, 
composé  par  un  poète  de  Gourdon  en  Quercy  nommé  Naibus- 
son,  à  la  louange  d'Aymery,  vicomte  de  Narbonne,  et  d'Ar- 
naud, archevesque  de  la  mesme  ville,  c'est-à-dire  environ  l'an 
M.ccxn.,  dans  lequel  il  dit,  entre  autres  louanges  de  la  ville  de 
Narbonne,  qu'elle  sera  toujours  de  la  loy  romaine  : 

Dint  la  honrada  ciutat  de  Narbona 
A  oui  dieus  don  aventura  bona 


116  MA19USCKITS  PROVBNQAUX 

Qu'ella  es  moût  nca  e  bonrada 
E  de  pros  homes  es  poblada 
Et  aîtant  quant  lo  segle  durara 
De  la  leg  romana  sera.  » 

Qu'est  devenu  ce  ms.  de  Caseneuve? 

Le  même  savant,  dans  ses  divers  ouvrages,  cite  assez  fré- 
quemment d'autres  textes  provençaux,  comme  le  roman  de 
Girart  de  RossilloUy  et  des  chansons  de  maints  troubadours, 
Guillaume  IX,  Jaufre  Rudel,  Giraud  de  Borneil,  Folquet  de 
Marseille  *,  le  moine  de  Montaudon,  Peire  Cardinal,  Peire 
Vidal,  Sordel,  etc.;  mais  c'est  d'après  des  mss.  que  nous  pos- 
sédons encore. 

XX  II—  Poëme  sur  la  prise  cPAlmérie 

Fatiriel,  que  j'ai  cité  tout  à  l'heure,  mentionne  sous  le  titre 
ci-dessus  {Hist.  de  la  liit,  prov.,  III,  510)  un  autre  poëme  pro- 
vençal, aujourd'hui  perdu,  et  qui  au  XVI1«  siècle  existait  en- 
core. Malheureusement  ce  qu'il  en  dit  n'est  rien  moins  que 
sûr.  Son  unique  garant,  qui  e§t  Gariel,  ne  dit  pas  en  quelle 
langue  le  poëme  en  question  était  composé  ;  et,  comme  cet 
auteur  parle  en  l'endroit  cité  {Idée  de  la  ville  de  Montpellier, 
3®  partie,  p.  119),  de  deux  poèmes  dont  le  premier,  duquel  il 
rapporte  huit  vers,  est  en  latin,  il  semble  y  avoir  lieu  de 
croire  que  le  second  l'était  aussi.  Voici,  du  reste,  ses  propres 
paroles:  «  Un  autre  vieux  poëme  que  je  ne  tiens  pas  fort  as- 
suré, fait  battre  ce  jeune  prince  [Guillaume  VI  de  Montpel- 
lier] en  duel  avec  un  officier  more  qui  bravoit  en  Goliath  nos- 
tre  armée,  et  le  représente  sans  main  et  sans  teste  à  ses  pieds 
après  de  grands  efforts  de  valeur  et  de  courage.  » 

XXIII.  —  La  Canso  de  san  Gili 
Tel  est  le  titre  donné  par  Du  Mège  a  un  poëme  provençal 

*  Je  noterai  en  passant  que  Caseneuve  a  émis,  au  sujet  de  ce  dernier  trou- 
badour, une  idée  assez  singulière  et  à  coup  sûr  fort  inattendue  de  la  part  d'un 
ecclésiastique:  cil  semble,  dit-il,  que  la  Wovidence  divine  ne  lui  eût  pas  tant 
procuré  la  dignité  d'evesque  de  Toulouse  pour  y  abattre,  par  ses  soins  et  par 
ses  prédications,  l'hérésie  des  Albigeois  que  pour  y  relever  par  son  exemple  la 
gloire  de  la  poésie  provençale.  »  (Origine  des  Jeux  fleur  eaux,  p.  60.) 


MAUTOORITS  PROVENÇAUX  1X1 

sur  lA  première  croisade,  dont  Texistence  n'a  malheureuse- 
ment d'autre  garant  que  celle  de  cet  écrivain  si  peu  digne  de 
confiance,  car  on  ne  sait  où  se  trouve  le  ms.  dont  il  prétend 
s'être  servi.  Aussi  n'inséré-je  pas  ici  sans  hésitation  ce  qu'il 
en  rapporte,  car  il  pourrait  bien  l'avoir  inventé,  comme  il  a 
inventé  tant  d'autres  choses. 

Ces  réserves  faites,  voici  ce  que  nous  apprend  Du  Mège  de 
la  Canso  de  san  Gili  : 

Histoire  de  Languedoc,  t.  VI  (1843),  add.,  p.  39  :  a  La  Canso 
de  san  Gili,  poëme  inédit  en  langue  romane,  conservé  autre- 
fois dans  la  bibliothèque  des  Cordeliers  de  Toulouse,  et  dont 
on  possède  une  copie,  faite  en  1779,  mentionne  un  Arnaud  de 
Grava  qui  aurait  assisté  à  la  prise  de  Jérusalem  en  1099, 
avec  le  comte  Raymond  de  Saint  Gilles,  dont  il  portait  la  ban- 
nière. Ce  poëme  était  composé  de  soixante  et  douze  strophes, 
mais  il  en  manque  un  assez  grand  nombre  ;  la  xxxviii*  est 
ainsi  conçue  : 

E  fo  presa  la  vila  l'assàlt  aytal  *  darrier 

E  11  Toisas  i  son  ab  gran  alegrier 

A  la  tor  an  mandat  par  lo  siu  *  messatgier 

Que  rendiitz  se  volen  al  coms  trop  volentier 

Glazi  ni  sanc  ni  mortz  destrucz*  ni  flamier* 

No  doptan  ni  dalcu  no  seran  caitivier 

E  lo  an  recebutz  ^  senhor  et  domengier 

Lo  coms  que*  fait  pausar  sos  lo  mur  bathaler  ^ 

El  80  bel  auriban  la  ont  y*  fa  mestier 

Per  so  drutz  e  liais  *  e  discret  gai  aubier 

En  Arnautz  de  Grava  li  discret  *®  cavalier 

D*un  castel  rie  e  fort  en  des**  de  Momspelier  *2 

E  lo  pais  navia  senhor  tan  sobrancier 

Fors  Narnautz  Vilanova,  savis  e  dreiturier 

Quera  drutz  den  Ramon  e  lo  siu**  escudier. 

Ces  quinze  vers  sont  reproduits,  sauf  quelques  variantes 
fournies  sans  doute  par  Du  Mège,  et  que  j'ai  indiquées  en 
note,  au  t.  VI,  2«  partie  (1844),  p.  12,  des  Galeries  historiques 

*  Aital. —  *  sieu.  —  3  destructz. —  *  flammier.  —  8  ressaubut.  —  «  qua.  — 
ï  ballaiiler.—  *  lo  hont  i. —  *  feals.—  *o  I  valen.—  •*  dels  dex.  —  *•  Monspe- 
lier.  —  *'  sieu. 


118  MANUSCRITS  PROTBNÇAUX 

de  Versailles  (article  d'Arnand  de  Grave).  Ils  y  sont  précédés 
des  lignes  suivantes,  qui  ont  dû  être  aussi^  en  substance  tout 
au  moins,  communiquées  par  Du  Mège,  et  qui  ajoutent  quel- 
ques détails  à  ceux  qu'on  a  lus  plus  haut,  cr  Un  poëme  iné- 
dit, en  langue  romane,  ayant  pour  titre  la  Canso  de  san  Gili, 
raconte  le  départ  de  Raymond,  comte  de  Toulouse,  pour  la 
Terre  Sainte  et  ses  exploits  dans  ce  pays  jusqu'à  sa  mort.  Ce 
document  curieux,  dont  l'auteur  affirme  avoir  suivi  Raymond 
en  Orient,  donne  des  détails  sur  la  prise  de  Jérusalem  et  la 
reddition  de  la  Tour  de  David  aux  chevaliers  toulousains.  On 
lit  dans  la  strophe  qui  raconte  ce  fait...» Suit  la  traduction  des 
vers  ci-dessus  transcrits.  On  ajoute,  en  note,  avant  d'en  don- 
ner le  texte  :  «  Le  ms.  de  la  Canso  de  san  Gili,  provenant  de  la 
bibliothèque  du  couvent  des  Cordeliers  de  Toulouse,  est  pu- 
blié en  ce  moment  dans  les  additions  et  notes  de  la  nouvelle 
édition  de  Y  Histoire  de  Languedoc  de  D.  de  Vie  et  de  D,  Vaissète, 
par  Alexandre  du  Mège,  inspecteur  des  antiquités  à  Tou- 
louse. » 

Le  fait  est,  quoi  qu'on  en  dise  ici,  peut-être  encore  d'après 
une  communication  de  Du  Mège  lui-même,  que  celui-ci  ne 
publia  jamais  de  la  chanson,  réelle  ou  prétendue,  de  San  Gili, 
que  les  quinze  vers  imprimés  au  t.  VI  de  V Histoire  de  Lan- 
guedoc» Seulement  il  avait  déjà,  dans  ses  additions  au  t.  III, 
pp.  108  et  110,  donné  la  traduction  d^une  a  strophe  »  et  le 
sommaire  d'une  autre,  et  en  outre  les  noms  de  plusieurs  des 
chevaliers  de  Languedoc  qui  figurent  dans  le  poëme.  Je  crois 
devoir  transcrire  le  tout,  afin  que  rien  ne  manque  ici  de  ce 
qu'il  a  daigné  nous  apprendre  de  la  Canso  de  san  Gili. 

T.  III,  add.,  p.  108  :  «L'auteur  delà  Canso  de  san  Gili^  dit 
peu  de  chose  de  la  bataille  de  Dorylée.Il  montre  l'étonnement 
que  les  soldats  de  Provence  ressentirent  en  voyant  leurs 
frères  enveloppés  par  l'ennemi,  et  déjà  les  femmes,  les  enfants 
et  le  peuple,  emmenés  en  esclavage.  Voici  la  traduction  de 
l'une  des  strophes  relatives  à  ce  combat  célèbre  : 

((  Quand  l'évêque  (Aymard)  vit  les  soldats  de  France  enve- 

«  Jusque-là  du  Mège  n'avait  pas  parlé  de  cet  ouvrage,  et  il  le  cite  ici 
comme  si  le  lecteur  le  connaissait  déjà.  Ce  n'est  qu'au  t.  VI  qu'il  juge  à  pro^ 
pos  d'en  indiquer,  comme  on  l'a  vu,  la  nature  et  la  provenance. 


J 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX  119 

loppés  par  les  payens,  il  appela;  à  lui  tous  les  nobles  barons, 
et  il  leur  dit  :  «  Barons,  vous  voyez  que  l'ennemi  environne 
le  camp  de  nos  frères  en  Jésus-Christ  et  emmène  déjà  leurs 
femmes,  leurs  petits  enfans  et  le  peuple.  Souffrirez-vous,  sei- 
gneur comte,  et  vous  tous,  que  cette  honte  nous  soit  attribuée, 
que  nous  avons  laissé  nos  compagnons  mourir  sans  venir  à 
leur  secours,  et  les  femmes,  les  enfans  et  le  peuple  emmenés 
S0U3  nos  yeux  en  esclavage? — Nous  n'a  urons  point  cette  honte 
dont  vous  parlez,  dit  alors  le  comte  de  Saint  Gilles.  Allez,  sei- 
gneurs barons,  et  vous  tous,  marchez  sous  la  croix,  et  criez  : 
Toulouse  !  Car  c'est  pour  la  croix  que  nous  avons  abandonné 
nos  biens,  et  encore  pour  que  Toulouse  soit  toujours  protégée 
du  Ciel.  Et  tous  ayant  levé  les  lances  prirent  leur  course  vers 
le  camp  des  payons.  » 

«  Dans  une  autre  strophe,  le  poëte  raconte  que  saint  Gilles  et 
saint  Robert,  saint  Demetrius  et  saint  Georges  furent  aperçus 
armés  dé  toutes  pièces,  montés  sur  des  chevaux  blancs,  et 
mettant  en  fuite  les  Turks.  Les  chroniqueurs  disent  qu'après 
la  victoire,  les  Croisés  invoquèrent  saint  Georges  et  saint  Dé- 
métrius,  qu'on  avait  vus,  disait-on,  combattre  dans  les  rangs 
des  chrétiens.  Il  faut,  d'après  notre  poëte,  joindre  aux  noms 
des  deux  saints  invoqués  ceux  de  saint  Gilles  et  de  saint  Ro- 
bert ;  l'un  qui  avait  imposé  son  nom  a  un  lieu  dont  Ray- 
mond IV  était  comte,  et  l'autre  qui  était  le  saint  protecteur 
qu'il  avait  choisi,  sur  le  tombeau  duquel  il  était  allé  prier  à  la 
Chaise-Dieu  avant  de  partir,  et  dont  il  portait  avec  lui  la 
tasse  comme  une  précieuse  relique.  Dans  la  suite,  les  Armé- 
niens construisirent  une  église  près  de  Dorylée  :  ils  s'y  réu- 
nissaient chaque  année,  le  premier  vendredi  du  mois  de  mars, 
et  croyaient  voir  apparaître  encore  saint  Georges  à  cheval  et 
la  lance  à  la  main,  o 

P.  110  (note  43).  «  On  trouve  dans  la  Canso  de  san  Gili  le 
nom  de  Bernard  de  Pardilio  et  de  beaucoup  d'autres  cheva- 
liers du  Languedoc,  et  principalement  de  Toulouse,  morts  en 
combattant  glorieusement  dans  la  Palestine.  Parmi  ces  noms 
on  distingue  ceux  de  Bernard  de  Roasse  (Roaix),  Bertrand  lo 
Ros  (le  Roux),  Hugues  de  Limos,  Adalbert  de  la  Mothe,  Pons 
Isalbert,  Jean  d'Aurival,  Raymond  Palais,  A.  de  Villeneuve, 
Jean  Joannis,  Hugues  de  Marcafave,  Geraud  de  Castillon, 


120  MANUSCRITS  PRaVfi^ÇAUX 

Jean  de  Lordat,  Rostaing  deMontaigut,  et  d'un  grand  ûom- 
bre  d'autres.  » 

XXVI.  —  Manuscrits  de  Philomcna 

On  connaît  deux  mss.  anciens^  de  ce  roman  provençal,  dont 
personne  ne  paraît  encore  avoir  songé,  bien  qu'il  ne  soit  pas 
très-long,  à  nous  donner  une  édition  complète.  Du  Mège,  qui 
en  a  publié  de  longs  extraits  dans  les  notes  de  son  édition  de 
V Histoire  de  Languedoc,  t.  II,  Add.,  pp.  16-32,  en  avait  vu,  à 
ce  qu'il  affirme,  et  en  a  utilisé,  comme  il  paraît  par  les  va- 
riantes données  au  bas  des  pages,  un  troisième  dont  il  parle 
ainsi  :  o  Le  troisième  ms.  provenait,  d'après  une  note  assez 
ancienne,  écrite  sur  le  verso  du  premier  feuillet,  de  l'abbaje 
de  Saint-Savin,  diocèse  de  Tarbes.  Plusieurs  pages  en  ont  été 
enlevées  au  milieu  et  à  la  fin  de  ce  volume,  qui  est  un  petit 
in-4°.  Les  leçons  sont  le  plus  souvent  conformes  à  celles  de  la 
copie  de  Doat.  » 

Si  ce  ms.  a  vraiment  exiété,  —  car  le  témoignage  de  Du 
Mège  ne  saurait  être,  sur  aucune  question,  de  ceu^  que  l'on 
accepte  les  yeux  fermés,  —  sait-on  ce  qu'il  est  devenu? 

Un  peu  plus  tard,  le  même  Du  Mège  présenta  à  l'Académie 
des  sciences,  inscriptions  et  belles-lettres  de  Toulouse,  un  au- 
tre ms.  de  Philomena.  Je  dis  un  autre,  car  il  ne  semble  pas, 
d'après  le  peu  qu'on  en  dit,  que  ce  pût  être  le  même. 

«  M.  du  Mège  présente  à  l'Académie  un  très-beau  ms.  de 
Philomena.  Ce  ms.  est  le  mieux  conservé,  le  plus  complet  que 
l'on  connaisse.  Il  paraît  d'ailleurs  qu'il  ne  sera  pas  enlevé  au 

midi  de  la  France.  »  {Mémoires  de  l'Acad,  des  sciences de 

Toulouse,  3«  série,  t.  VI  (1850),  p.  145.) 

On  ne  dit  pas  si  ce  ms.  est  en  latin  ou  en  provençal.  Peut-être 
est-ce  le  même  que  celui  qui  existait,  du  temps  de  Montfau- 
con,  dans  la  bibliothèque  du  conseiller  Ranchin,  de  Montpel- 
lier, et  dont  il  est  fait  mention  en  ces  termes  dans  la  Bihlio- 
theca  BiSliothecarum  (II,  1283): 

«Gestes  de  Charlemagne  devant  Nostre  Dame  de  la  Grasse, 
très-ancien  pour  le  caractère  et  pour  le  langage.  » 

*  Un  à  Paris,  B.  N.,  n*  2232;  l'autre  à  Londres,  British  Muséum,  add. 
21218.  Il  existe  deux  copies  de  ce' dernier,  qui  passe  pour  le  meilleur  :  l'une 
à  Paris,  dans  le  recueil  de  Doat,  t.  Vil;  l'autre  à  Aix,  bibl.  Mejanes,  no  143. 


MÂNtmCRITS  PROTBNÇAUZ  ISl 

La  Bibliothèque  des  romans^  dans  le  premier  volume  d*octo- 
bre  1777,  donne  une  analyse  de  ce  même  roman  de  Philomena, 
d'après  un  ms.  dont  Tauteur  de  Tarticle  parle  ainsi  : 

P.  116.  a  Le  hasard  nous  Ta  fait  déterrer  dans  la  poussière 
d'une  immense  et  respectable  bibliothèque,  dans  laquelle 
même  il  n'étoit  pas  connu,  et  c'est  dans  sa  langue  primitive 
et  originale  que  nous  l'avons  trouvé.  Cette  langue  n'est  pas 
celle  dans  laquelle  sont  écrites  les  poésies  des  anciens  trou- 
badours, mais  le  jargon.du  bas  Languedoc,  du  Quercy  et  du 
Périgord.  L'écriture  a  été  jugée  être  de  l'an  1200. ...» 

P.  156.  «  Le  ms.  précieux  d'après  lequel  nous  avons  tra- 
vaillé n'est  pas  tout  à  fait  complet  ;  il  y  a  des  transpositions  et 
quelques  lacunes  ;  cependant,  à  la  faveur  des  faits  qui  y  sont 
décrits,  on  peut  suppléer  à  ceux  qui  sont  omis.  »  Suit  l'analyse 
du  roman. 

P.  169.  «  Le  ms.  du  roman  sur  lequel  nous  venons  de  tra- 
vailler n'est  pas  tout  à  fait  fini  ;  cependant  il  est  aisé  de  juger 
qu'il  y  manque  très-peu  de  chose. . .  •  d  Suit  un  extrait  du  ms. 

Quelle  est  cette  «  immense  et  respectable  »  bibliothèque  où 
fut  déterré  le  ms.  en  question? 

Le  mot  respectable  fait  penser  à  une  bibliothèque  monasti- 
que. Il  y  aurait.peut-être  lieu,  dans  ce  cas,  d'identifier  ce  ms. 
avec  celui  de  St-Savin.  On  ne  peut  songer  à  celui  de  la  Grasse 
(aujourd'hui  British  Muséum,  add.  21218),  qui  est  sans  lacunes, 
ni  à  celui  de  la  B.  N.,  où  le  commencement  fait  défaut,  ce  qui 
n'était  pas  le  cas  de  tjelui  dont  il  s'agit*.  Pour  aider  du  reste 
à  résoudre  la  question,  ou  tout  au  moins  pour  permettre  une  . 
comparaison  à  ceux  de  mes  lecteurs  qui,  étant  en  situation 
de  consulter  ces  deux  derniers  ms3.,  n'auraient  pas  sous  la 
main  la  Bibliothèque  des  romans,  je  reproduis  ici,  tel  quel, 

1  S'il  fallait  s'en  rapporter  à  l'analyse  du  rédacteur  anonyme  de  la  BibL  des 
romans,  son  ms.  aurait  même  débuté  par  l'histoire  fabuleuse  du  siège  de  Car- 
cassonne,  de  la  soumission,  du  baptême  et  du  mariage  de  Carcas,  dame  de 
cette  ville,  telle  qu'on  la  lit  dans  Besse  {Hist.  des  antiquités  et  comtes  de 
Carcassonne,p,  52),  et,  dans  ce  cas,  on  ne  saurait  non  plus  l'identifier  avec 
celui  de  St-Savin.  Mais  il  y  a  lieu  de  croire  que  c'est  là  une  addition  de  l'ano- 
nyme. 

9 


122  MANUSORITS  PROVENÇAUX 

Textrait  donné  par  ce  recueil,  où  malheureusement  le  folio  du 
ms.  n'est  pas  indiqué. 

P.  170-172.  ((  Ementre  aquest  sant  home  cantava  la  messa, 
vengo  aqui  quatre  homes  ceqdelongas  terras  et  la  unfo  d'Ala- 
mynha  et  l'autre  de  Rainaborc  et  l'autre  de  Peyragorg.  Et 
portée  casqu  d'elhs  un  civi  ardent  en  la  ma.  Evengro  a  la 
capela,  et  cridero  autament  :  Verge  Maria,  mayre  de  Diou 
glorisa,  ret  nos  salut.  Car  aquest  sancte  loc  em  vengutz  cofi- 
sans  de  la  tua  misericordia.  Car  la  sanctetat  d'aquest  loc  e  la 
bonessa  delhs  sans  homes  hermitas  que  aissi  so  es  pertot  lo 
mon  publicade  pregan  la  tua  misericordia. .  • . 

»  Mais  Thomas  elhs  autres  hermitas  cant  los  ausiro  aissi 
cridar  meseros  totz  en  oro  e  pregeron  Dious  per  elhs  que 
Dious  lor  done  salut;  E  mentre  Thomas  levava  elh  cors  de 
Jesu  Christ  a  la  messa  pêne  tan  gran  clartat  delh  celh  que  a 
totz  avigayre  visiblement  que  Dieux  elh  meseys  fas  a  qui  des- 
xendutz  entre  elhs.  E  vene  une  gran  otz  delh  celh  et  dix  a 
Thomas  esxausida  es  la  tua  pregaria  darant  Diou  et  aitantot 
cobrero  lur  vista,  e  feron  gracias  a  Diou.  Fait  aquest  miracle 
in  pressentia  de  Karles,  etc.  b 

Ce  morceau  ne  se  trouve  pas  parmi  les  extraits  de  Du 
Mège.  11  s'y  placerait  p.  21,  col.  1,  immédiatement,  à  ce  qu'il 
semble,  après  la  ligne  41. 

XXV.  —  Poème  sur  la  Croisade  albigeoise  et  autres  livres  concernant 

les  Albigeois  et  les  Vaudois. 

Joseph  Scaliger  écrivait  à  Simon  Goulard,  le  9  mars  1604: 
«  Je  vous  prie  de  faire  en  sorte  que  M.  Chamier  nous  donne 
l'histoire  des  Albigeois,  et  de  l'advertir,  comme  j'ai  faict,  de 
se  servir  du  livre  de  M.  Constans  de  Montauban,  et  de  ne  mes- 
priser  point  ce  conseil  *.  » 

On  lit,  d'autre  part,  dans  le  Secunda  Scaligemaa  {Coloniœ 
Agrippinœ,  mdclviii,  p.  54): 

c(  M.  Constant,  ministre  de  Montauban,  a  un  livre  en  rime 
qu'a  écrit  et  composé  un  Baron,  car  il  est  de  vieille  écriture 

^  Lettres  françaises  inédites  de  Joseph  Scaliger j  publiées  et  annotées  par 
Ph.  Tamizey  de  Larroque,  p.  380. 


I 


MAKtJSCRTrs  PROVENÇAUX  11^3 

de  ce  temps  là*  Ce  baron  étoit  avec  le  Roy  Louys  et  son  pré- 
décesseur, et  faisoit  la  guerre  aux  Albigeois  :  il  écrit  en  lan-^ 
gage  de  ce  pais  là,  et  vieux.  M.  Constant  Tentend,  et  dit^  des 
Albigeois  qu'ils  étoient  si  méchans  qu'ils  disoient  que  le  saint 
Père  étoit  la  bête  de  l'Apocalypse  ;  ils  ne  vouloient  point 
de  Messe,  point  d'Eau-bénite,  nioient  le  Purgatoire  et  telles 
choses,  et  raconte  là  toutes  leurs  méchancetez.  Il  y  a  encore 
en  ces  païs  là  beaucoup  de  ces  livres,  mais  entre  les  Jésuites  : 

j'en  ay  quelques-uns.  Constant disoit  que  les  Italiens 

avoient  leurs  mots  pris  du  langage  de  Quercy,  qui  est  le  plus 
ancien,  vu  que  celuy  dont  se  servoit  Moïse  etoit  le  même .... 
Il  a  maintenant  75  ans.  » 

Voilà  tout  ce  que  nous  apprend  Scaliger  du  «  livre  de 
M.  Constans.  »  C'est  bien  peu;  mais  c'est  assez  pour  que  nous 
soyons  sûrs  qu'il  s'agissait  d'un  ouvrage  différent  de  la  Chan- 
son de  la  Croisade,  publiée  successivement  par  Fauriel  et  par 
M.  Paul  Meyer,  et  cela  doit  rendre  d'autant  plus  vifs  nos  re- 
grets de  l'avoir  perdu. 

Quant  à  ces  autres  livres,  dont  Scaliger  lui-même  «  avait 
quelques-uns  » ,  il  est  fâcheux  qu'il  ne  dise  pas  pas  précisément 
de  quoi  ils  traitaient.  Un  de  ces  livres  lui  avait  été  douné  en 
1602  par  Charles  Labbé.  C'est  du  moins  ce  qui  semble  résulter 
de  ce  passage  de  sa  correspondance  (/.  Scaligeri  epistolas, 
1627,  p.  632):  «  Gratias,  Karole,  de  libelle  Albigensium  ago. 
Diu  frustra  qusesivi.  Itaque  hoc  me  munusculo  beasti.  Cha- 
merius  quaedam  de  Albigensibus  sub  prselo  habuit.  Sed  prses- 
tare  omnia  quse  de  illorum  gestis  pollicebatur,  destitutus 
scriptoribus  illorum  temporum,  non  potuit.  » 

Charnier  renonça,  en  effet,  à  poursuivre  son  dessein,  car 
Scaliger  écrivait  le  26  mars  1604  à  Simon  Goulard  [Lettres  fr. 
inéd,,  p.  381):  «  J*adjouste  qu'il  vous  plaise  de  retirer  de 
M.  Charnier  tout  ce  qu'il  a  recueilli  des  Albigeois,  et  en  faire 
un  bon  livre,  car  vous  estes  propre  à  faire  cela*.  Il  est  vrai 

'  Probablement  Tauteur  du  livre  en  question,  et  non  pas  «  M.  Constant.  » 
2  Les  documents  recueillis  par  Charnier  passèrent  aux  mains,  non  de  Si- 
mon Goulard,  mais  de  Perrin,  qui  les  utilisa  pour  sou  Histoire  des  Vaudois 
et  des  Albigeois  (Genève,  1618j  et  en  publia  des  fragments  à  la  suite.  Voyez 
A.  Muston,  V Israël  des  Alpes,  t.  IV,  Bibliographie,  pp.  6-7. 


134  MANUSCRITS  PROVENÇAUX 

qu'a  i  a  des  livres  de  ces  Albigeois  esoriz  en  langage  de 
Goienne  et  Languedoc  que  vous  n'entendrés  pas  bien,  si  on 
ne  vous  les  explique.  » 

Scaliger,  au  reste,  comme  Charnier,  et  comme,  à  ce  qu*il 
semble,  tous  ses  contemporains,  confondait  les  Albigeois  avec 
les  Yaudois,  et  il  se  pourrait  fort  bien  que,  parmi  les  livres 
dont  il  est  question,  il  n'y  en  eût  aucun  d'albigeois.  Du  moins 
ne  voyons-nous  figurer  que  des  livres  vaudois  dans  le  passage 
ci-après  de  Marnix  de  Ste-Aldegonde  \  en  marge  duquel  on 
lit  :  ((  Ces  livres  se  trouvent  en  parchemin  escrits  à  la  main  de 
fort  ancienne  lettre  en  la  bibliothèque  du  sieur  Josephe  de  la 
Scale.  Et  entre  les  mains   de  divers  ministres  des  Vallées 
d'Angrogne.  Et  du  sieur  de  Sainct  Ferreol,  ministre  d'Oran- 
ges. »  —  a  L'on  trouve  encor  aujourd'hui  de  leurs  livres  [des 
Albigeois]  escrits  en  parchemin,  en  l'ancienne  langue  proven- 
calle  et  de  Languedoc  :  si  comme  la  prière  à  la  Sainete  Tri- 
nité, faicte  en  façon  de  rithme,  qui  commence  ainsi  :  0'  Dio 
paire  etermal  poissant  conforta  me,  etc.  Leur  confession  faicte 
au  Roy  des  Roys,  qui  commence  :  0  Dio  de  li  rey,  et  setgnor  de 
li  seignor,  yo  mi  confesso  a  tu,  caryo  soi  cel  peccador  que  fay 
mot  offendu,  etc.  Et  leurs  sept  articles  de  foi,  dont  la  préface 
commence  ainsi:  Los  articks  de  la  fe  catholica  sont  set,  per  li 
cal  li  cor  de  li  eleit  son  enlumena  a  creire  totas  à  (sic)  quellas  co- 
sas,  que  son  necessarias  à  rincaminant  al  règne  de  la  benuranze 
etemal,  etc.  Et  plusieurs  autres  livres  et  discours  semblables: 
si  comme  le  traicté  des  Dix  Commandemens,  TEschelle  de 
Jacob,  contenant  les  trente  degrés  pour  monter  au  ciel,  les 
Quatre  paradis,  la  Noble  leçon,  contenant  le  sommaire  de 
rhistoire  du  Vieil  et  du  Nouveau  Testament,  les  traictés  des 
Tribulations  des  justes,  de  la  Consolation,  du  Mespris  que 
l'homme  doit  avoir  de  soi  mesme,  pour  parvenir  à  la  vie  éter- 
nelle :  et  plusieurs  sermons  escrits  en  la  mesme  langue'. . .  » 

'  Premier  tome  du  Tableau  des  differens  de  la  Religion. . .  recueilly  et 
compose  par  Philippes  de  Marnix,  seigneur  du  mont  Sainete  Aldeg onde. 
La  Rochelle,  1601,  3e  partie,  chap.  xu,  fol.  188.  Cf.  Léger,  Histoire  des 
églises  évangéliques . , ,  des  vallées  vaudoises,ly  25. 

>  Des  ouvrages  ici  meûtionnés,  il  y  en  a  trois  ou  quatre  que  je  n*ai  vus  ci- 
tés nulle  part  ailleurs,  du  moins  sous  ces  titres.  Ce  sont,  en  premier  lieu, 
VEschelle  de  Jacob  et  les  Quatre  Paradis,  Peut-être  ce  dernier  titre  est-il 


MAiraSQRlTB  PROVBNÇAini:  125 

On  sait  que  rUniversité  de  L^jde  hérita  de  la  bibliothèque 
de  Joseph  Scaliger.  Les  livres  vaudois  et  albigeois,  —  si  réel* 
lement  il  y  en  avait  de  ces  derniers,  —  qu'a  possédés  l'illustre 
philologue  devraient  s'y  trouver  encore. 

XXVI .  —  Livres  des  Béguins 

Les  sectateurs  de  Jean  Olive,  autrement  dits  ks  Béguins, 
ne  furent  pas,  on  le  sait,  poursuivis  moins  rigoureusement  par 
rinquisition  que  les  hérétiques  albigeois.  Ils  avaient  des  li- 
vres en  langue  vulgaire,  aujourd'hui  perdus,  comme  ceux  de 
ces  derniers,  et  sur  lesquels  il  n'est  pas  inutile,  par  consé- 
quent, de  recueillir  les  témoignages  que  l'on  possède.  Voici 
les  seuls  que  je  connaisse.  Je  les  ai  trouvés  dans  le  Liber  sen- 
tentiarum  Inquisitionis  Tholosanœ. 

P.  300.  ((  Item  pluries  audivit  [Rajmundus  de  Buxo]  legi 
et  in  diversis  locis  de  libris  fratris  P.  Johannis  Oiivi  in  ro->- 
mancio  seu  vulgari  per  diversas  personas  quas  nominat.  » 

P.  309.  ((  [Bernardus  de  na  Jacma  beguinus]  libres  in  ro- 
mancio,  in  quibus  errores  dîctorum  beguinorum  continentur, 
multos  habuit  et  tenuit.  » 

\:^S\i. ^Traité  d'akhimie  (ou  lapidaire?)  en  vers 

Pierre  Borel,  de  Castres,  mort  en  1689,  auteur  du  Trésor 
des  recherches  et  antiquités  gauloises  (1655),  nous  a  conservé 
dans  cet  ouvrage  des  échantillons  intéressants  de  la  poésie 
languedocienne  de  son  temps  '.  Il  y  fait  aussi  assez  souvent 

le  résultat  d'une  faute  d'impression  (une  ligne  entière  omise)  et  désigne-t-il 
le  traité  de  las  Quatre  cosas  que  son  a  venir,  czo  es  assaber  la  mort,  lo 
jom  del  jujament,  las  penas  etemals,  H  goy  de  Paradis,  sur  lequel  voyez 
Muston,  loc.  dt,,  pp.  117, 125,  133.  Le  traité  de  la  Consolation  est  peut-être 
à  identifier  avec  le  Vergier  de  la  Consolacion{ibid.,  120,133).  Quant  à  celui 
du  Mespris  que  Vhomme  doit  avoir  de  soi-même,  il  ne  paraît  pas  que  ce 
puisse  être  le  même  ouvrage  que  le  Despreczi  del  mont,  les  titres  différant 
trop  et  ce  dernier  d'ailleurs  étant  un  poëme.  J'ajouterai  que  le  traité  des  Sept 
Articles  de  la  foi  paraît  avoir  été  plus  complet  dans  le  ms.  visé  par  Marnix 
que  dans  celui  de  Genève,  d'après  lequel,  —  on  n'en  cite  pas  d'autre,  —  il  a 
été  publié  par  Hahn  {Geschichte  der  Waldenser,  p.  605),  et  où  il  n'a  pas  de 
préface. 
<  Entre  autres,  la  jolie  pièce  de  i*  Amoureux  transi  en  entier  (au  mot  glou- 


1)^6  MANUSCRITS  PROYBKÇÀUX 

des  citations  de  textes  anciess  (ou  prétendus  tels);  mais  il  les 
emprunte  presque  toutes  à  des  livres  imprimés,  les  Vies  des 
poètes  provensaux de  JeB.nàeNo&iveàame y  V Histoire  des  Vaudois 
ou  Albigeois  de  Perrin,  \qb  Commentaires  de  César  de  Biaise  de 
Vigenère,  bien  qu'il  prétende,  dans  sa  préface,  avoir  cité 
«  beaucoup  de  fragments  d'un  rare  volume  des  poésies  des 
troubadours  qu'on  voit  encore  à  ToloseV  » 

Le  fait  est  qu'il  n'y  a  que  deux  citations  qui  doivent  pro- 
venir de  ce  «  rare  volume  »:  ce  sont  les  deux  vers  de  la  chan- 
son Altressi  com  Vorifans,  de  «Rigaud  de  Berbezil  »,  qu'on  voit 
rapportés  sous  druguement,  et  le  début  (trois  vers)  de  la  chan- 
son Tant  nCabelis  l'amoros  pensamens  de  Michel  {sic  ;  lis.  Fol- 
quet)  de  Marseille,  cité  sous  pens. 

Le  seul  article  du  livre  de  Borel  qui  présente  quelque  in- 
térêt pour  l'hiàtoire  de  l'aHcienne  littérature  provençale  est 
celui  du  mot  prumier.  Le  voici  fidèlement  transcrit  : 

«  Prumier.  C.  premier.  10.  de  S.  Saturnin,  poëte  chimique 
ancien  : 

Ja  si  an  quatre  principal 
L'un  nègre  que  es  fach  prumié 
Et  l'autre  quand  es  blanc  entié 
Et  (lis,  el)  ter  quant  es  incinérât, 
El  quart  quant  es  rubificat.  » 

Ces  vers,  dont  V Histoire  littéraire  de  la  France,  qui  les  cite 

p€r)j  des  fragments,  d'une  pastorale  de  son  père  {bouirac)^  d'ane  pièce  du 
sieur  de  la  Croix  de  Realmont  {marelle  et  tourra),  etc. 

^  Sans  doute  le  ms.  de  Catel,  alors  de  Puymisson,  aujourd'hui  B .  N.  856. — 
De  la  table  des  auteurs  et  ouvrages  cités,  imprimée  en  tête  de  l'ouvrage,  j'ex- 
trais les  trois  articles  suivants  : 

c  Jean  Boisseau,  poëte  provençal  de  Nice.  »  Je  ne  sais  rien  sur  ce  Jean 
Boisseau,  de  qui  je  n'ai  su  trouver  aucune  mention  ni  citation  dans  le 
Trésor, 

«  Les  Statuts  d'Aiguës  Mortes  de  1246.  » 

«  Les  noms  d'aquelses  que  feron  tansons  e  sirventes,  ms.  cité  par  Nos- 
tradamus.  »  On  chercherait  vainement  dans  les  Vies  des  poètes  provençaux 
de  Jean  de  Nostredame  la  moindre  mention  d'un  pareil  ms.  C'est  Pasquier, 
probablement,  que  Borel  a  voulu  dire.  On  lit  en  effet  chez  ce  dernier  (Ae- 
eherches,  liv.  YII,  cbap.  iv):  c  II  est  tombé  entre  mes  mains  un  papier  qui  est 
encore  en  ma  possession,  dont  la  teneur  est  telle:  Extrait  d'un  ancien  livre 
qui  fut  au  cardinal  Bembo  [le  ms.  12473  de  la  B.  N.?].  Los  noms  d^aquels  que 
feronttansos  et  surventes»  Et  y  en  met  quatre  vingts  et  seize.  » 


M ANUSOIUTS  PROVENÇAUX  127 

au  t.  YII,  p.  lij,  a  singulièremcoit  exagéré  Tantiquité,  sont 
tout  ce  que  Ton  connaît  du  poëme  dont  ils  ont  fait  partie. 
Borel  n'a  donné  qu'incomplètement  le  nom  de  Fauteur,  ou 
plutôt  n'a  donné  que  son  surnom,  car  Saint-Saturnin  est  un 
nom  de  lieu  et  non  pas  de  personne,  et  comme  il  y  a,  dans  le 
Midi,  un  assez  grand  nombre  de  localités  ainsi  appelées  (dans 
Vaucluse,  dans  THérault,  TAveyron,  le  Cantal,  etc.),  nous  ne 
pouvons  savoir  non  plus  à  quelle  province  cet  auteur  appar- 
tenait. 

Quant  à  son  ouvrage,  c'était  probablement  un  traité,  soit 
des  métaux,  soit  des  pierres;  mais,  dans  ce  dernier  cas,  je  ne 
vois  pas  à  quelle  pierre  pouvaient  se  rapporter  les  cinq  vers 
conservés  par  Borel.  Je  n'ai  rien  trouvé  dans  Marbode  qui  y 
corresponde.  Ce  n'était  donc  pas,  supposé  que  ce  fût  un  lapi- 
daire,  une  traduction  du  poëme  de  l'évéque  de  Rennes. 

XXVllI.  —  Chronique  de  Garoscus  de  Ulmosica  veteri. 

Tout  ce  que  je  sais  de  cette  chronique,  je  l'ai  appris  de 
Baluze,  qui  la  mentionne  et  en  donne  un  extrait  dans  les  no- 
tes des  Vitx  paparum  Avenionenstum,  I,  col.  985.  Le  nom  de 
l'auteur  (en  provençal  Garosc  de  VOlmesca  velha  ?)  a  une  phy- 
sionomie un  peu  singulière.  On  va  voir  qu'il  vivait  au  XIV*  siè- 
cle. Je  ne  sais  si  quelque  ms.  de  son  ouvrage  existe  encore* 
Peut-être  Baluze  avait-il  vu  celui  qu'il  cite  dans  la  Bibliothè- 
que de  Colbert.  Contrairement  à  ses  habitudes,  il  ne  donne  à 
cet  égard  aucune  indication.  Voici  du  reste  le  passage  entier. 
Il  s'agit  du  couronnement  de  l'empereur  Charles  IV  à  Arles, 
sous  Urbain  V,  en  1365  :    . 

«  De  hac  Caroli  coronatione  sic  scriptum  reliquit  Garoscus 
de  Ulmoisca  veteri  tum  vivens: 

a  L'an  mil  e  très  sens  LXV,  a  quatre  de  juin  fou  mousen 
Karles  segon  emperador  d'Alamanha  en  la  sieutat  d'Arle  per 
eser  coronat,  e  fo  coronat  dereire  Fautar  de  san  Trofeme,  e 
coronet  lo  mousson  Guilhem  de  la  Garda  arcivesque  d'Arle, 
e  fo  i  présent  R.  d'Agout,  senesqual  de  Proensa,  el  comte  de 
Sav^ia,  lo  duc  de  Borbon,  e  motos  quavaliers  e  grans  senhos. 
Item  dessendet  a  l'arsivesquat.  Item  era  granda  roanada 
quant  intret  en  Arle.  Intretper  lo  portai  de  la  quavalaria.  » 


128  MANUSCEITS  PROVBMÇAU^C 

». 
XXIX.  —  Chronique  provençale  anonyme  du  XV*  siècle 

C*est  César  de  Nostredame  qui  me  fournit  la  seule  mention 
que  je  connaisse  de  cette  chronique,  dont  le  ms.  était'peut-être 
déjà  perdu  de  son  temps.  Voici  ce  qu'il  en  dit,  à  la  page  601 
de  son  Histoire  et  Chronique  de  Provence,  sous  Tannée  1437: 

«  Le  feu  seigneur  du  Maz  (qui  fut  lieutenant  de  Claude, 
comte  de  Tende,  fils  de  René  de  Savoye,  dit  le  Grand  Bastard, 
grand  seneschal  et  lieutenant  général  de  Provence  sous 
Louis  XI)  avoit  un  vieil  livre,  escrit  à  la  main,  aux  feuillets 
duquel  estoit  déduite  la  descente  de  nos  anciens  comtes  et 
marquis,  et  à  la  branche  où  estoit  mentionné  René,  où  il  es- 
toit  parlé  des  conditions  de  sa  délivrance,  les  paroles  sui- 
vantes estoient  apposées  en  grosse  lettre,  en  ces  termes  et  ce 
ramage  provençal: 

et  Ferry  de  Vaudemont,  fils  d'Anthoni,  avent  per  forsa  près 
per  rapt  Madame  Yolant,  fille  de  Monsur  lou  rey  Reynié,  e 
tenguda  long  temps  a  son  poder,  per  cobrir  tal  rapt,fon  con- 
vengut  e  accordât  malament  que  Monsur  lou  rey  la  baillaria 
en  mariagi  audich  monsur  Ferry,  e  que  la  principal  causa  de 
Todi  qu'era  entre  aquestous  dous  seigneurs  procedissia  d'ei- 
tal  rapt,  lou  quai  rapt  anticipet  lous  jours  al  paure  rey  plus 
que  touta  autra  causa,  e  engendret  nous  pron  de  mal  en  Pro- 
vensa^  • 

XXX.  —  Chronique  languedocienne  anonyme  du  XFe  siècle, 

Guillaume  Besse  (f  1680),  auteur  de  V Histoire  des  ducs, 
marquis  et  comtes  de  Carcassonne,  publiée  pour  la  première 
fois  en  1645,  possédait  un  manuscrit  d'une  chroniqi^e  qui  ne 
m'est  connue  que  par  ce  qu'il  en  dit,  et  dont  l'auteur,  à  ce 
qu'il  semble,  s'était  borné  au  récit  des  événements  arrivés  de 
son  temps  à  Carcassonne  mcme.  Voici  tout  ce  que  Besse  en 
rapporte.  Je  cite  d'après  l'édition  de  1660: 

P.  256.  «  La  cité  de  Carcassonne  [sous  Charles  VI]  demeura 

*  A  la  oarge,  en  regard  de  ce  passage  :  «  Paroles  notables  trouvées  en  un 
vieil  livre  escrit  à  la  main  en  provençal  touchant  le  mariage  de  Ferry  et 
d'Yolande.  > 


MANUSCRITS  PROVENÇAUX  129 

toujours  dans  les  termes  de  son  devoir,  et  en  telle  façon  qu*un 
vieux  manuscrit  que  j*ày  où  sont  particularisées  les  choses  qui 
se  passarent  en  ce  temps  là  en  ville,  en  dit  ces  mots:  «  Foc 
denegada  intrada  en  ladita  ciutat  et  en  ledit  castel  al  prin- 
cep  de  Aurenca,  loqual  se  esforsec  de  intrar  en  ladita  cieutat 
am  pojssansa,  loqual  foc  vilanamen  de  ladita  ciutat  rebocatz 
ansiquas  se  apartenio  a  far  en  tal  cas.  » 

P.  258.  a  Et  pour  repre;adre  ce  que  nous  avions  laissé,  je 
diraj  que  mon  manuscrit,  particularisant  quelques  autres 
choses  qui  se  passarent  du  mesme  temps  de  Charles  YI,  en 
parle  en  ces  termes  :  «  Item  es  assaher  que  per  virtut  de  las- 
ditas  letras  no  foc  permesa  a  mossen  Charles  de  Clarmon  lors 
seneschal  que  entrez  ni  demorez  dins  lo  castelh  de  ladita  ciu- 
tat, et  no  ***  *  a  lu  foc  taxats  certan  nombre  de  servidors  tan 
solamen  entre  al  nombre  de  huejt  et  que  demoresson  ses  ar- 
mes. » . . . .  a  Aquo  meteys  foc  fajt  de  Jacques  Trilho  que  era 
thesaurier  per  lavets  al  quai  foc  taxats  nombre  de  quatre  ser- 
vidors ses  armes.» «  Et  per  virtut  de  lasditas  letras  foc 

denegada  intrada  al  Conestable  que  foc  per  lavets  appellat 
Ant.  de  Yitrac.  »...  Le  mesme  manuscrit  dit  ailleurs,  parlant 
de  divers  reffus  faits  et  au  vicomte  d'Aumurats  et  au  bastard 
d'Astarac,  qui  vouloient  en  ce  mesme  temps  aller  demeurer 
dans  la  dite  cité:  «  Car  si  a  totas  gens  fos  estada  abandonada 
(à  savoir  la  ville)  de  présent  no  foro  en  la  obediencia  de  mos- 
sen lo  régent»,  il  entend  de  Monsieur  le  Dauphin,  lors  régent 
en  France,  et  par  ce  mot  de  présent,  nous  sommes  certains  que 
cela  s'escrivoit.en  cette  mesme  saison,  d'où  vient  qu'on  peut 
adjouster  une  pleine  foy  à  tout  ce  qu'il  contient.  » 

C.  C. 
{A  suivre.) 

^  Sic  dans  Besse,  pour  indiquer  sans  doute  une  lacune  du  ms. 


Dialectes  Modernes 


TERMES  DE  MARINE  ET  DE  PECHE 

BN  USàGB  au  grau  DB  PALAYAS^  PRÈS  MONTPELLIBR  ^ 


Pendant  une  saison  de  bains  de  mer  au  Grau  de  Palavas,  près 
Montpellier,  j*ai  eu  Toccasion  de  noter,  au  courant  de  mes  causeries 
avec  les  pêcheurs  de  Fendroit,  un  certain  nombre  de  termes  et  d'ex- 
pressions relatifs  à  leur  intéressante  industrie. 

La  Société  des  langues  romanes,  à  laquelle  j'ai  eu  l'honneur  de  les 
communiquer,  et  en  particulier  mes  savants  confrères,  MM.  Boucherie, 
Chabaneau  et  Roque-Ferrier,  ont  pensé  que  mon  petit  recueil  pourrait 
n'être  pas  tout  à  fait  dépourvu  d'intérêt,  pour  les  amis  de  notre 
vieille  langue  d'oc.  —  C'est  pour  répondre  à  ce  sentiment  que  je  me 
permets  de  soumettre  ces  quelques  pages  aux  lecteurs  de  la  Revue, 

J'aurais  voulu  pouvoir  accompagner  tous  les  noms  qui  suivent  de 
leurs  équivalents  français,  et,  pour  ce  qui  est  des  animaux  marins, 
de  leurs  équivalents  scientifiques  ;  mais  cela  m'eût  entraîné  fort  au 
delà  des  limites  qui  m'étaient  imposées  et  par  le  temps  dont  je  dispose 
et  par  mon  incompétence. 

Villa  Louise,  Montpellier,  décembre  1882. 

Westphal-Castklnau  . 


L  —  Bateau  de  pèche 

1.  Batéu,  m,  s.  —  Bateau.  Lou  foun  dau  batéu:  la  cale. 

2.  MouRRE-DE-PORC,  m.  S.  —  Bateau  de  pêche  en  usage  à 
Palavas,  dont  Pavant  a  quelque  ressemblance  avec  un  museau 
de  porc. 

3.  Gôussou,  m.  s.  —  Gousse.  Bateau  tenant  à  la  fois  du 
mourre-da-porc  et  du  bateau  catalan. 

4.  Marteqala,  f.  s.  — Bateau  à  voile  plat,  des  Martigues. 

5.  Pro,  f.  s.  —  PrQue. 

« 

i  M,  =  masculin,  f.,  féminin,  s.  singulier,  p.  pluriel. 


TBRMBS  DB  M ARINfi  BT  DB  PÊCHB  131 

6.  PouPA,  f.  s.  — Poupe. 

7.  ÀMADià,  m.  s.  —  Varangue,  membrure  du  bateau. 

8.  Flanc,  m.  s.  —  Le  flanc  du  bateau. 

9.  Trinquillin,  m.  s.  —  Première  planche  du  pont,  de  cha- 
que côté  du  bateau,  dans  laquelle  sont  engagées  et  fixées  les 
varangues. 

10.  EscAUMOT,  m. s.  —Bout  de  la  membrure  faisant  saillie 
au-dessus  des  trinquiUins, 

11.  EscAUMADA,  f.  s.—  12.  Rbdotjn,  m.  S. —  13.  Orlb  dau 
BATBU,  m.  s. —  Plat  bord  dans  lequel  sont  engagés  les  bouts 
des  varangues  (escaumots). 

14.  Dalot,  m.  s.  — Dalot.  Trous  par  lesquels  s'écoule  l'eau 
du  pont  des  deux  côtés  du  bateau. 
16.  QuiLLA,  f.  s.  — Quille. 

16.  PÉ  DE  RODA,  m.  s.  —  Pèdé  roda  d'à  pro:  étrave.  Pè  dé 
roda  d'à  poupa  :  étambot.  Mètre  lou  timou  su  la  roda  (à  Cette  : 
su  lou  repau)  :  relever  le  gouvernail  et  le  faire  reposer  sur 
Tétambot. 

17.  EscAUMiBiRA,  f.  s.  — Toletière.  Petite  pièce  de  bois  sur 
le  plat  bord  pour  recevoir  les  tolets. 

18.  EscAN,  m.  s. — {kzsiiSy  Dict.  Fscaume .  Mistral,  Dict.  Es- 
camp,)  Tolet.  Autrefois  échaume  ou  escaume  (Dict,  de  marine 
de  Villaumez). 

19.  CouvERTA,  f.  s.  —  Pont,  couverte (/>ic^  de  Mistral:  Cw- 
berto) . 

20.  Orlb  de  la  couvbrta,  m.  s.  —  Liteau  qui  borde  l'ou- 
verture du  bateau,  retient  les  panneaux  et  empêche  Peau 
d'entrer  dans  la  cale. 

21.  Quartier,  m.  s.  —  Panneau  pour  fermer  le  bateau. 

22.  QuARTiEiRET,  m.  S.  —  Petit  pauncau  fermant  l'ouverture 
de  l'arrière,  dans  laquelle  se  tient  le  pilote. 

23.  Fauca,  f .  s.  —  Fargue.  Les  fargues  sont  des  planches 
mobiles,  établies  entre  des  montants  fixés  sur  les  plats  bords, 
pour  garantir  le  bateafl  des  lames. 

24.  Gaugnias,  f.  p.  — Les  deux  fargues  de  l'avant,  bâbord 
et  tribord. 

25.  Macaroun,  m.  s.  —  Macaron  (mot  de  la  Méditerranée. 
Dict.  de  marine  de  Villaumez).  Montants  en  bois  placés  de  dis- 
tance en  distance,  sur  le  plat  bord,  pour  soutenir  les  fargues. 


182  TBRMBS  DS  MARIKB  BT  DE  TÈOBR 

26.  BlTA,  f.  s.  —  Bitte.  B^Ht  de  membrane  qui  dépasse  les 
fargues,  pour  attacher  les  amarres. 

27.  Taquet,  m.  s.  — Taquet.  Taquet  de  tournage.  Sorte  de 
T,  en  bois,  fixé  contre  le  plat  bord  pour  attacher  les  cordes. 

28.  Mat,  m.  s.  — Mât. 

29.  Gauta  dau  mat,  f .  s.  —  Pièce  de  bois  rapportée  au  haut 
du  mât. 

30.  EscASSA,  f.  s.  —  Emplanture  du  mât. 

31.  Clau,  f.  s.  — Clan  du  mat.  Collier  de  fer  ou  de  bois, 
qui  fixe  le  mât  au  banc . 

32.  Banc  d'arboura  ou  d'arboula  (Azaïs). —  Banc  auquel  est 
fixé  le  mât. 

33.  PouLiA,  f.  s.  —  Poulie. 

34 .  RiA,  m  .  s .  — ^  Réa.  Roue  de  poulie  fixée  dans  la  partie 
supérieure  du  mât. 

35.  Pbr,  m.  s.  —  Essieu  du  réa. 
.    36.  Hauban,  m.  s.  — Hauban. 

37.  TiMOu,  m.  s.  — Gouvernail.  Encaissa  lou  timou:  mettre 
le  gouvernail  en  place. 

38.  Agulha,  f.  s.  —  Mamelon  très-allongé  des  gonds  qui 
fixent  le  gouvernail,  Tun  porté  par  le  bateau,  l'autre  par  le 
gouvernail  (Azaïs,  agulhots.  Mistral,  agulhot,  agutot). 

39.  FuMELOT,  m.  s. — Penture  dans  laquelle  s'engage  V agu- 
lha. 

40.  Sentbna,  f .  s.  — Partie  de  la  cale  en  arrière  du  mât  où 
se  ramasse  Peau  que  Ton  rejette  avec  Técope. 

41.  Agoutal,  m.  s.  — Ecope. 

42.  Bouiôu,  m.  s.  — Seau. 

43.  Bout  dehors,  m.  s.  —  44.  Buta  fora,  m.  s.  --  Petit 
beaupré  (Aiguesmortes  :  entenola). 

45.  Cambbta,  f.  s.  — Fourche  en  bois  ou  en  fer  pour  sup- 
porter le  bout  de  la  vergue,  quand  la  voile  est  amenée. 

46.  Ganchou,  m.  s.  —  Gaffe. 

47.  Malha,  f.  s. —  Maille.  Corde  pour  tirer  les  embarca- 
tions, les  filets,  etc. 

48.  EscANDAL, m.  s. — Sonde. 

49.  EscANDALHA.  —  SondcT. 

50.  Rbgaieira,  f.  s.  —  Pièce  de  fer  avec  laquelle  on  re- 
cherche les  filets  perdus  sous  Feau. 


TâRMBS  DB  MARIKH  BT  DB  PÉOHB  133 

51.  Rb<»ai£cha.  — Chercher  le^fllets. 
52. Les,  m. s.  —Lest. 

53.  PiGNATA,  f.  s.  — Marmite. 

54.  PouGUBiDOU,  m.  s.  —  Foyer  pour  faire  la  ouisine. 

55.  Fanau,  m.  s.  •—  Lanterne,  phare. 

56.  FbrrE)  m.  s.  —  Ancre. 

57.  Cau  db  pounda,  f.  s.  —  Corde  de  Tancre. 


II.  —  lA  Voile  latine 

1 .  ËNTÉNAS,  f .  p  •  —  Antennes.  Les  deux  pièces  qui  consti- 
tuent Tantenne  à  laquelle  la  voile  est  attachée.  Entena,  au  sin- 
gulier, est  la  partie  postérieure  de  F  antenne. 

2.  Quart,  m.  s  — Partie  antérieure  de  Tantenne,  vers  la 
proue. 

3.  PÉNA,  f.  s.  — Partie  postérieure  de  Tantenne, synonyme 
à'antena, 

4.  Vêla,  f.  s.  — Voile. 

5.  Bbnda,  f.  s  . —  Ourlet  de  la  partie  verticale  de  la  voile  en 
arrière. 

6.  PouN  d'escota,  m.  s.  —  Point  d'écoute.  Partie  inférieure 
de  la  voile  où  est  fixée  Técoute. 

7.  Matafiou,  m.  s.  —  Cordon  qui  sert  à  attacher  la  voile  à 
Fantenne.  Plur.  matafiousses» 

8.  Corna,  f.  s.  —  Fragment  de  corne  de  bœuf  fixé  à  l'ex- 
trémité de  la  péna.  Cette  corne  est  trouée  pour  donner  pas- 
sage à  la  corde  qui  sert  à  étendre  la  voile  le  long  de  l'antenne. 

9.  Enchinias,  f.  p.  —  Cordes  qui  servent  à  lier  le  quart  à 
lapina. 

IO.Enchinia.  —  Lier  le  quart  k  \2Lpena. 

11.  Tasseirou,  m.  s.  — Ris.  Lou premiè  tasseirôu,  loumitan, 
lou  pichot:  le  premier  ris,  le  ris  du  milieu,  le  petit  ris.  Avien 
fà  lou  pichot,  amai  encara  la  raissa  nous  quichava  :  nous  avions 
pris  le  dernier  ris  et  la  rafale  nous  faisait  encore  aller  à  la 
bande.  Après  lou  pichot  e  ta  assegurat  unpau:  il  a  pris  le 
dernier  ris  et  a  baissé  un  peu  la  voile. 

12.  EscoTA,  f.  s.— Écoute.  Corde  pour  attacher  la  voile  sur 
l'arrière. 


134  TBRMES  DE  MARINE  ET  DE   PÈcm 

13.  Davan,  m.  s.  »  Amvre.  Corde  pour  fixer  la  voile  à 
Tavant.  (Aiguesmortes  :  lou  moutou.) 

14.TR0SSA,  f.  s. —  Drosse.  Corde  qui  sert  à  serrer  Tantenne 
contre  le  mât. 

15.  CossA,  f.  s. —  Cosse.  Anneau  de  fer  ou  de  bois  (cannelé 
à  la  circonférence  et  entouré  d'une  corde)  dans  lequel  passe 
Tamure . 

16.  CossA  DB  LA  TROSSA,  f.  S.  »  Cosso  traversée  par  la 
drosse. 

17.  Palan,  m.  s,  —  Palan.  Assemblage  de  poulies. 

18.  Palan  de  la  trossa,  m.  s.  —  Palan  de  la  drosse. 

19.  Bouta  de  pau,  f.  s.  — Nœud  pour  amarrer  les  embar- 
cations {nous  de  l'araire). 

20.  Pau,  m.  s.  — Perche. 

21.  Mande  guinda,  f.  s.  —Corde,  généralement  en  jonc, 
pour  hisser  la  voile. 

22.  Floun,  m.  s.  —  Corde  de  chanvre  qui  relie  la  man  de 
guinda  à  T antenne . 

23.  Poulacra,  f.  s.  —  Foc. 

24.  Enchirêu  de  poulacra.  m.  s.  —  Corde  pour  hisser  le 
foc. 

25.  Orsa  poupa,  f.  s.  —  Corde  terminée  par  une  ganse,  dans 
laquelle  s'engage  le  bout  antérieur  de  Tantenne  et  qui  sert  à 
la  maintenir.  (Aiguesmortes  :  cronto  moutou.) 


III.  ~  Petites  Embarcations 

1.  Veta,  f.  s.  — Barque  plate  terminée  en  pointe  aux  deux 
extrémités.  Le  v  initial  se  rapproche  un  peu  du  b  dans  la  pro- 
nonciation, mais  c'est  pourtant  un  v. 

2.  Barquet,  m.  s.  —  Petite  vête. 

3.  Marinib,  m.  s.  —  Grande  vête  de  26  pans  pour  la  pèche 
à  la  traîne  d'été. 

4.  Betouna,  f.  s. — Vête  pour  la  traine  d'hiver,  18  à  22  pans. 

5.  Bandas,  f.  p.  —  6.  Flancs,  m.  p.  —  Les  flancs  de  la 
barque. 

7.  TÉUMB,  m.  s. —  Employé  seul,  petit  pont  à  l'arriére  de 
la  barque.  Téume  d'à  pro  :  petit  pont  de  l'avant.  Le»  siégea, 


TBRMBS  DB  MARINB  BT  DB   PÊCHB.  135 

dans  une  vête,  sont  disposés  danfi  l'ordre  suivant  :  Téume  d'à 
pro,  banc  d'à  pro,  bane  d'arboura,  banc  dé  pè,  téume  d'à  poupa, 

8.  Capihoun  d'à  prô,  m.  s.  — Extrémité  de  la  proue. 

9.  Sesihou,  m.  s.  — Planchette  qui,  dans  les  petites  bar- 
ques, tient  lieu  de  téume. 

10.  Paiôu,  m.  s  —  Payol  (mot  particulier  à  la  Méditerra- 
née, Dict.  de  Villaumez).  Plancher  de  la  barque.  Dans  les 
grands  bateaux  de  pêche ^  paiôu  indique  le  plancher  du  ba- 
teau :  lou  found  dau  batéu  es  payolat. 

11.  Payola.  —  Mettre  un  pajol. 

12.  Peiramola,  f.  s. — Planche  plus  ou  moins  longue,  fi^ée 
au  milieu  du  fond  du  bateau . 

13.  FioiA,  f.  s.  — Bande  extérieure  adroite  et  à  gauche  du 
bateau,  au-dessous  du  plat  bord  {redoun), 

14.  Redoun,  m,  s. —  Plat  bord  qui  recouvre  la  fioia  et  sur 
lequel  sont  fixé  les  toletières. 

15.  JoGA,  f .  s. —  Planche  du  plafond  de  la  vête  qui  fait  sail- 
lie sur  les  flancs.  La  joga  es  manjada  :  usée.  Melre  la  vèta  sus 
lajoga:  mettre  la  barque  sur  le  côté  pour  la  nettoyer. 

16.  BiLHA  BASSA,  f.  S-  — Planche  inférieure  des  flancs  au- 
dessus  de  la  joga, 

17.  Coutelas,  m.  s.  —  Planche  supérieure  des  flancs,  for- 
mant un  triangle  très-allongé  de  la  proue  au  premier  tolet, 
pour  relever  les  extrémités  de  la  barque. 

18.  CouTELBT,  m.  s.  —Petite  planchette  fixée  quelquefois 
au-dessous  de  la  bilha  hassa,  pour  rendre  le  plafond  plus  hori- 
zontal. 

19.  Sarretas,  f.  p.  —  Planches  clouées  à  droite  et  à  gau- 
che sur  les  varangues,  pour  les  fixer  au-dessous  des  bancs. 

20.  Pos  DE  PEi,  f.  s.  — Planche  verticale  sous  le  banc  de 
derrière,  pour  empêcher  le  poisson  de  passer  àTavant  de  la 
barque . 

21.  Carcagnôu,  m.  s.  — Plaiichette  verticale  formant  un 
petit  réceptacle  à  la  poupe  àMbarqu€t{kz2A&:  recoin,  cachette. 
Mistral î  petit  pont  de  Tarrière  du  bateau). 

22.  Ren,  m.  s.  —  Rame. 

23.  Laoa,  f.  s.  —  Rame  dont  on  se  sert  en  guise  de  gouver- 
nail (anciennement,  la  lague  désignait,  en  français,  le  sillage 
d'un  bâtiment.  Dict.  de  Villaumez). 


135  TBRlfBS  DB  MARINIB  BT  DB  PÉGHB 

iV.—  Filets  et  engins  de  pêche 

1.  Sar€U,  f.  s.—  Les  fileta.  Un  moussi  de  sarcia:un  mor- 
ceau de  filet.  Avm  la  sarcïa  à  bord  :  nous  avons  les  filets  à 
bord. 

2.  FiLAT,  m.  s.  —  Filet.  Cala,  leva  lous  filats:  poser,  lever 
les  filets. 

3.  Tkassa,  f.s. —  Traîne,  espèce  de  seine.  Boulièche  d'hiver 
pour  la  mer:  80  brasses  de  long. 

4.  Trahina,  f.  s.  —  Grande  boulièche  d'été,  pour  les  ma- 
quereaux, les  rougets,  etc.,  plus  longue  que  la  trassa, 

5.  Las,  m.  s. —  Côté  de  la  boulièche. 

6.  Coup,  m.  s.  —  Poche  qui  termine  les  lassas.  Fond  d'un 
filet  de  pêche. 

7.  Flancaus,  m.  p.  —  Partie  des  lassas  qui  touchent  le  coup. 
Lous  flancaus  soun  plés  d*herba, 

8.  Clavat,  m.  s.  —  Pièce  de  bois  transversale  à  laquelle 
s'attache  le  filet,  à  chacune  de  ses  deux  extrémités,  ainsi  que 
les  cordes  ou  mailles  au  mojen  desquelles  on  tire  la  boulièche 
à  terre. 

9.  BouLiECH  DE  PBi,  m.  8. —  Boulièchc  pour  l'étang,  fixée 
par  une  extrémité  à  un  pieu  et  ramenée  par  l'autre  à  un  se- 
cond pieu.  La  barque  est  entre  les  deux  pieux  et  c'est  sur  elle 
que  se  tire  le  filet. 

10.  Gangniou,  m,  s.  —Filet  à  poche  qui  se  place  au  tra- 
vers d'un  canal.  Gangniou  de  lamar,  filet  du  même  genre,  ser- 
vant à  la  côte.  Gangniou  de  biôu,  filet  traîné  par  les  bateaux 
dits  bateaux-bœufs  (Azaïs  :  Gangui).  La  prononciation  de  ce 
mot  est  très-difficile  à  saisir  et,  partant,  l'orthographe  fort  in- 
certaine. 

11.  Requinquet,  m.  s.  —  Petit  retour,  ou  crochet,  formé 
par  l'extrémité  de  l'un  des  côtés  du  gangniou. 

12.  Globou,  m.  s.  —  Grand  filet  carré  placé  sur  le  bord 
d'un  canal,  s' abaissant  et  se  relevant  au  moyen  d'un  tour.  Un 
filet  de  ce  nom  sert  pour  la  pêche  du  thon  au  cenché, 

13.  Carrât,  m.  s.  — 14.  Toumba-leva,  m.  s.  —  Globou  fixé 
à  une  perche  et  manié  à  la  main. 

15.  CANAT,m.  s.  — Filet  tendu  sur  des  roseaux,  se  posant 


TJSkàw  DB  UâRINE  AT   DB   PÈOU  137 

en  rond  sur  Teau»  per  la  sautada.  Le  poisson  saute  sur  le 
âlet. 

16.  Capbjada,  f.  s.  — Filet  d'étang,  fixé  par  des  perches. 

17.  Pau,  m.  s. —  Perche. 

18.  Séga,  adj.  f. — A  mailles  serrées,  en  parlant  d'un  filet. 
Capejada  sèga. 

19.  Clara,  adj.  f.-*  A  mailles  larges.  Cqpjeada  clara. 

20.  Paladieira,  f.  s.  —  Partie  de  la  ca/>eyada  destinée  à 
conduire  le  poisson  vers  Fintérieur  du  filet. 

21.  Tour,  m.  s,  —  Partie  intérieure  du  filet. 

22.  Lacet,  m.  s.  —  Retour  intérieur  du  filet  fermant  le  tour. 

23.  Cou  A,  f.  s.  — Poche  située  sur  plusieurs  points  de  la 
capejada,  où  vient  se  prendre  le  poisson.  Poche  en  filet. 

24.  EsTUYÉ,  m.  s.  —  Sorte  de  capejada  en  roseau,  pour 
r  étang. 

25.  Cabussieira,  f.  s. —  Filet  pour  prendre  les  canards, 
placé  horizontalement  à 25  cent,  au-dessus  du  fond,  soutenu 
par  des  roseaux  et  maintenu  par  des  pierres. 

26.  Crocs,  m.  p.  —  Hameçons  attachés  à  des  pierres, flot- 
tant, dans  Tétang,  entre  deux  eaux.  A  chaque  pierre  est  fixé 
un  roseau  qui  signale  le  hameçon.  Cet  engin  forme  parfois  des 
rangées  de  roseaux  de  1  à2  kilomètres. 

27.  BouRDiGOu,  m.  s. — Bordigue.  Enceinte  de  roseaux  pour 
prendre  le  poisson  a  sa  sortie  de  Tétang  (Aiguesmortes  :  la 
bordiga) . 

28.  Cambras,  f.  p.  •—  Chambres  de  la  bordigue  où  se  rend 
et  se  prend  le  poisson. 

29.  Salabre,  m.  s.—  Petit  filet  à  main,  pour  recueillir  le 
poisson  dans  las  cambras  et  ailleurs. 

30.  Thounaina,  f.  s. — Thonaire.  Filet  pour  le  thon,  quifiotte 
verticalement  derrière  le  bateau. 

31.  Cenche  oucenje,  m.  s.  — Grand  filet  circulaire  pour 
bloquer  le  thon. 

32.  Cencha.  — Faire  la  pêche  au  cenche. 

33.  Veiradiê,  m.  s.  —  Filet  pour  les  maquereaux;  flotte 
comme  le  thonaire . 

34.  Sardinau,  m.  s. —  Filet  pour  la  sardine;  flotte  derrière 
le  bateau  entre  deux  eaux^  maintenu  par  des  plombs  et  des 
lièges. 

10 


138  TBRMES  DE  MARIKB  BT  DE  PÊQHE 

35.  PAI4ANGRE,  m.  s.  —  Palangre.  Longue  ligne  à  laquelle 
sont  fixées,  de  brasse  en  brasse,  de  courtes  lignes,  munies 
d'un  hameçon.  Palangre  dau  coungre:  palangre  très-fort. 

36.  Maire  dau  palangre,  f.  s. —  Ligne  principale  du  pa- 
langre . 

37.  Brussôu,  m.  s.  —  Petite  ligne  suspendue  au  palangre. 

38.  Razal,  m.  s.  —  Épervier.  Filet  de  rivière  qui,  lancé 
par  le  pêcheur,  s'étend  circulalrement  sur  Peau. 

39.  Arcieira,  f.  s. —  Filet  fixé  à  un  demi-cercle  de  fer,  por- 
tant un  râteau  et  muni  d'une  perche;  sert  à  prendre  les  cloYÎsses 
dans  la  vase.  Un  filet  de  même  nom,  mais  plus  grand,  sans 
râteau  ni  perche,  remorqué  par  un  bateau,  sert  à  prendre  les 
crevettes,  etc. 

40.  Harpbta,  f.  s.  — Filet  analogue  à  V arcieira  pour  les 
clovisses  ;  sert  à  pêcher  les  moules.  Son  manche  est  moins 
long. 

41.  Pessas,  f .  p.—  Filet  qui  se  place  au-dessus  des  rochers, 
pour  le  poisson  de  roc  ;  sur  le  sable,  pour  la  sole.  Pessas  cla- 
ras:  mailles  larges,  pour  langoustes  et  soles. 

42.  Pessetas,  f.  p.  —  Pessas  à  mailles  étroites,  pour  rou- 
gets. 

43. Pessas  de  batuda,  f.  p. — Filet  analogue  aux  pessas,  pour 
Tétang.  Le  pêcheur  y  pousse  le  poisson. 

44.  Mairada,  f.  s. —  Filet  pour  l'étang.  D'ordinaire,  vieilles 
pessas  de  batuda,  usées,  dont  on  se  sert  en  hiver  quand  le  pois- 
son est  affaibli . 

45.  Jambin,  m.  s. —  Engin  en  roseaux  fendus,  maintenus 
verticalement  au  fond  de  l'eau,  terminé  par  une  poche.  Sert 
pour  la  mer  et  l'étang. 

46.  Bertoulbt,  m.  s.  — Sorte  de  jambin,  pour  l'étang. 

47 .  Cana,  f .  s  .  —  Ligne . 

48.  MuscLAU,  m.  s.  —  Hameçon. 

49.  Fiu  DECOUCA,  m.  s. — Fil  pour  la  ligne,  auquel  s'attache 
le  hameçon. 

50.  Armeja  la  cana.  —  Parer  la  ligne  pour  pêcher.  La 
cana  es  armejada.  Aquelpei  m'a  désarmejat. 

51.  Lensa,  f.  s. —  Ligne  fiottante  pour  le  maquereau. 

52.  EspiGou,  m.  s.  —  Petite  ligne  de  1  mètre  à  1"50. 


TBSRMBS  DE  MARIKB  BT  DB  PÉCHB  139 

53.  PiCHOUiRA,  f.  8.  —  Foëné.  Fourchette  à  pécher.  Fi- 
chouira  sega,  clara,  à  dents  serrées,  écartées. 
54. Barbas^  f*  p.— Barbes  de  la  fourchette* 

55.  LiAN,  m.  s.  —  Lien  pour  fermer  une  poche  en  filet 
(coua). 

56.  TiRAN,  m.  s.  --  Tirant  pour  ouvrir  et  fermer  la  coua. 

57.  Serva,  f.  s.  —  Réserve  d'anguilles. 

58.  CÊucLiEiRAS,  f.  p. — Mailles  supplémentaires  pour  éta- 
blir les  cercles  qui  soutiennent  la  coua. 

59.  Cou,  m.  s. — Corbeille  ronde. 

60.  Banasta  a  brbssas,  f.  s. — Corbeille  à  berceau,  servant 
à  peser  le  poisson. 

61.  Chambouina,  f.'S.  — Récipient  en  roseaux  pour  les 
crevettes. 

62.  PouLouMA,  m.  8. — Fil  servant  à  faire  les  filets  pour  le 
thon. 

63.  Bournôu,  m.  s.  —  Morceau  de  liège  fixé  au  filet  par 
une  corde  pour  le  maintenir. 

64.  Nata,  f.  s. —  Liège  plat  pour  les  filets. 

65.  CiuRB,  m.  s.— Liège. 

66.  Ploumb,  m.  s. —  Plomb  pour  maintenir  les  filets. 

67.  ARBiUN,  m.  s. —  Ensemble  des  cordes  qui  maintiennent 
un  filet. 

68.  Bakda,  f.  s.  —  Pièce  de  filet.  Lan  batéu  a  7  bandas  de 
thounaina. 

69.  EsTAQUBTS,  m.  p.  —  Bouts  de  fil  qui  relient  les  baiidas 
les  unes  aux  autres. 

70.  Frbna,  f.  s. —  Corde  qui  rattache  le  filet  au  bateau. 

71.  Maneta,  f.  s.— Bout  de  corde  qui  sert  à  fixer  la  frena. 

72.  Cranquié,  m.  s.  — Caisse  inclinée,  pour  trier  les  cra- 
bes. 

73.  Art  de  pbsca,  m.  s. —  Engin  de  pêche.  Y  adifferens 
arts  de  pesca. 

V.  —  Manœuvres,  termes  de  marine  et  de  pèche 

1.  GuiNDA  OU  HISSA  LA  VELA.  — Hisser  la  voile,  la  larguer. 

2.  Maina,— Amener  la  voile.  Maina  la  vela'se  dit  aussi. 


HO  TERMBS  DE   MARINB  ET  D£S  PÊCHB 

,  3,  GaikCbia.  —  Gambior»  (Changer  la  voile  de  bord  par  rap- 
port au  mât. 

4.  PoucHA.  r-  Arriver,  laisser  arriver  ;  écarter  la  proue  du 
lit  du  vent. 

5.  Orsa.  —  Lofer,  venir  au  vent;  rapprocher  la  proue  du 
lit  du  vent.  Avèn  orsat .  Lou  batéu  vèn  orsa  :  le  bateau  se  tourne 
vers  le  vent. 

6.  BoRD)  m.  s, — La  bordée. 

7.  BouRDÉcHA.  —  Courir  des  bordées. 

8.  Atarra.  — Se  rapprocher  de  la  terre. 

9.  Afora.  —  S'éloigner  de  la  terre . 

10.  Raissa  de  vent,  f.  s.  —  Coup  de  vent,  rafale. 

11.  Broupounib,  f.  s.  —  Bourrasque, 

12.  Chapladis,  m.  s.  —  Trouble  sur  Teau,  bruit,  agitation. 
Quante  chapladis  de  peil  Quel  fouillis  de  poisson  I 

13.  Trangou,  m.  s.  — Agitation  produite  par  des  vagues  qui 
se  heurtent,  venant  de  directions  différentes. 

14.  Marechôu,  m.  s.  —  Petites  vagues.  Pa  un  pauquet  de 
marechôu. 

15.  Faucada  de  pei,  f.  s. —  Compagnie  de  poissons. 

16.  Bona  man,  f.  s. — Mètre  la  vêla  de  bona  man:  placer  la 
voile  de  façon  qu'elle  n'appuie  pas  sur  le  mât. 

17.  BiDOS,  m.  s. —  Mètre  la  vêla  dau  bidos  :  placer  la  voilte 
entre  le  vent  et  le  mât.  Expression  plus  usitée  à  Aiguesmortes 
qu'à  Palavas,  où  l'on  dit  plus  couramment  :  A  vèn  fa  vêla  su  lou 

mà¥, 

18.  A  BLA.  —  Approche  ta  barque  du  filet,  Vai  à  èla,  mai  à 
èla.  Sans  doute  à  la  sarcia. 

19.  Dbscobra. — Découvre,  recule  ta  barque  pour  découvrir 

le  filet. 
Ces  deux  expressions  ne   s'emploient  que  lorsqu'on  retire 

les  filets. 

20.  Serpa. —  Ou  serpa  lou  ferre,  lever  l'ancre.  Seserpaven? 
Se  serpaven  lou  ferre  ? 

21.  Manecha. —  Visiter  les  filets,  pour  voir  s'il  y  a  du  pois- 
son. Vau  manejà  las  capejadas,  las  pessas, 

22.  Trahinecha.  — Traîner  les  lignes  derrière  le  bateau 
pour  pêcher  le  maquereau . 

23 .  VouGA .  —  Ramer  • 


TERAffiS  DB  MÂRIKE  ET  DE  PâCHE  141 

24.  SiA. —  Scier,  ramer  en  arrière. 
26.  Gafa,  f.  s,— iSe  mètre  à  làgàfa.  Se  mettre  dans  Feau 
jusqu'aux  genoux. 

26.  Paupa,  f.  s.  — Ana  àlapaupa;  Aller  pêcher  des  muge& 
à  la  main  sur  le  bord  des  étangs. 

27.  EsTANG,  m.  s.  —  Étang. 

28.  Esta  GNOU,  m.  s. — Petit  étang. 

29.  Salabrous.  —  Saumâtre.  Aiga  salabrousa.   . 

30.  Malaiga,  f.  s.  —  Quand  la  température  des  étangs 
s'élève  trop,  le  poisson  souffre  ;  on  dit  alors:  Lou  pei  a  la  ma' 
laiga, 

31.  Grouga.  —  Frayer.  Aiguesmortes  :  gruva, 

32.  Grougun,  m.  s.  —  Frais.  Aiguesmortes:  gruvun, 

33 .  Ala,  f .  s  .  —  Nageoire . 

34.  Gaugna,  f.  s. —  Branchie. 

35.  EscATA,  f.  s. — Écaille  du  poisson. 

36.  EscATA  UN  PEi.  —  Enlever  les  écailles  d'un  poisson. 

37.  Peirolada,  f.  s.  Vai  à  la  pairolada:  il  va  pêcher  pour 
manger,  pour  les  besoins  du  jour.  Baila-me  la  peirolada  :  don- 
nez-moi de  quoi  faire  ma  soupe. 

38.  Matas,  f.  p.  — Rochers  isolés  sur  un  fond  de  sable. 

39.  CouRÉN,  f.  s.  —  Le  courant.  Le  mot  paraît  féminin  à 
Palavas. 

40.  Gregau,  m.  s.  — Grec.  Vent  d'est. 

41.  Magistrau,  m.  s.  —Mistral.  Vent  de  nord-ouest. 

42.  Vbn  intre,  m.  s.  —  Vent  qui  souffle  entre  le  nord-ouest 
et  le  pic  de  St-Loup .  Lou  vbn  es  mai  intre,  ou  mén  intre,  selon 
qu'il  se  rapproche  du  pic  de  St-Loup  ou  du  mistral. 

43.  St.  Loup,  m.  s.  —  Vent  qui  vient  du  pic  St-Loup. 

44 .  Vbn  larg,  m .  s  .  — ^  Vent  d'ouest . 

45.  MiÉjouR,  m.  s. — 46.  Sut, m.  s. — Vents  venant  du  sud, 
que  je  n'ai  pas  bien  pu  distinguer. 

47.  Grbgalada,  f.  s. — Coup  de  vent  grec.Zow  nibou  monta, 
aurén  una  bella  gregalada:  les  nuages  montent,  nous  aurons 
un  bon  coup  de  grec. 

48.  Largada,  f.  s.  -—  Coup  de  vent  d'ouest.  Lou  tén  dinirà 
per  una  bella  largada^  e  lou  mati  ranbersà  per  un  cop  de  magis^ 
trau  :  le  temps  est  fortement  à  l'ouesty  et  passe  le  matin  au 
mistral. 


142  TBRMB8  DB  IfÀRfME  BT  DB  PâCHB 

49.  Prouvençalas,  f.  p.  t*-  Naages  venant  de  Test.  Las 
Prouvençalas  se  vésoun,  aurén  h  gregalada.  ' 

50.  Man  de  terra,  f.  s. — 61.  Man  de  fora,  f.  s. —  52. 
Man  de  pounen,  f.  s.—  53.  Man  de  lbvan,  f .  s.  —  Côté  de 
la  terre,  du  large,  du  couchant,  du  levant.  Expressions  qui 
remplacent  celles  de  tribord  et  bâbord. 

54.  Galanga,  f.  s.  — Petit  abri  sur  la  côte. 

VI.  — -  Poissons,  crustacés,  etc. 

1.  MouoNA,  f.  S.— Goujon(?)  Petit  poisson  bon  pour  friture, 
mais  trop  chargé  de  frai. 

2.  MouNA,  f.  s. — Merlane(nom  vulgaire). 

3.  Plana,  f.  s.  — Plie. 

4.  JoRGA,  f.  S.  —  Plie  qui  a  jeté  son  frai. 

5.  JoL,  m.  s. —  Petit  poisson  pour  friture  (Âzaïs):  goujon. 
,  6.  Sauqubna,  f.  s. —  Dorade. 

7.  Mbjana,  f.  s.  —  Jeune  dorade  qui  prend  sa  deuxième 
année. 

8.  Sar,  m.  s. —  Espèce  de  dorade  (Âzaïs:  sarguet,  sargue 
commune). 

9.  Cauta,  f.s. —  Ressemble  au  sar. 

10.  Pataglet,  m.  s.  —  Ressemble  à  un  petit  sar. 

11.  Chigairb,  m.  s. —  Espèce  de  sar. 

12.  Pagbl,  m.  s. — Pageau. 

13.  Padre,  m.  s.,  ou  pagel  bastard.  -r-  Sorte  de  gros  pa- 
geau . 

14.  Cabota,  f.  s. —  Grondin. 

15.  PiNAU,  m.  s.  — Espèce  de  grondin. 

16.  Clavelada,  f.  s.  — Raie. 

17.  Pelousa,  f.  s.  — 18.  Blanqueta,  f.  s.  —  Espèces  de 
raie. 

19.  MiRAiET,  m.  s.  — Raie  tachetée. 

20.  FuMAT,  m.  s. —  Raie  à  museau  pointu. 

21.  RouN  CLAVELAT,  m.  S. —  Turbot. 

22.  Passar,  m.  s.  —  Espèce  de  turbot  sans  clous  (Azaïs; 
plie). 

23.  SoiiA,f«  s.  —-Sole» 


TERMES  DE  MARU^  ET  DE  PÊCHE  143 

24.  Palaigà,  f.  s. —  Jeune  sole. 

25.  Bbrrtjgada,  f.  s.  —  Espèce  de  sole  qui  se  tient  sur  le 
bord  de  la  plage . 

26.  MuoE,  m.  s.  —  Muge,  mulet  de  mer. 

27.  BouTARGAT,  m.  S.  —  Mulet  ayant  son  frai  (Azaïs  :  bon- 
targOy  œufs  de  muges  salés). 

28.  Lbssa,  f.  s.  —  29,  Cabot,  m.  s.  —30.  Gatjta  roussa, 
f.  s.  —  31.  LiMPOTJZA,  f.  s.  —  Variétés  de  mulet. 

32.yEiRAT,  m.  s. —  Maquereau. 
SB.Yeiradel,  m.  s.  — Petit  maquereau. 

34.  Rascassa,  f.  s. —  (Azaïs  :  scorpène  rascasse.) 

35.  Doumaisêla,  f.  s. —  Poisson  blanchâtre,  de  sable  (Mis- 
tral :  girolle) . 

36.  GiRÂLA,  f.  s.  — Poisson  de   rocher,  couleurs  variées 
(Azaïs:  Jutis  vulgarts), 

37.  CouNGRE,  m.  s. —  Congre.  Murœna  conger, 

38.  Gascou,  m.  s.  — Sorte  de  maquereau. 

39.  BoGA,  f .  s. — Variété  de  gascou,  se  rapprochant  du 
mulet  (Azaïs:  bogue). 

40.  RoTJCAU,  m.  s.  — (Azaïs:  poisson  du   genre  labre,  qui 
se  cache  dans  les  rochers.) 

41.  Clavieira,  f.  s.—  42.  Roussignôu,  m.  s.—  Sortes  de 
roûcau. 

43.  EscARPA,  f.  s.  —  Carpe . 

44.  Capblan,  m.  s.  —  Merlan  commun  (Mistral  :  gadus  mi' 
nutus) . 

45.  Merlan,  m.  s.  — Merlan  (Mistral:  gadus  merlangus), 

46.  Bernieira,  f .  s. —  Petit  poisson  ressemblant  au  loup. 

47.  Loup,  m.  s.  —  Loup. 

48.  Sarran,  m.  s. —  Ressemble  au  loup. 

49.  Thoun,  m.  s.  — Thon. 

50.  Saupa,  f .  s.  —  Petit  poisson  ayant  la  forme  du  thon. 

51.  BouNiTA,  f.  s. —  Poisson  de  2  à  3  kilogr.,  rappelant  le 
thon  et  le  maquereau . 

52.  Sarda,  f.  s. —  53.  Sardina,  f.  s.  —  Sardine. 

54.  Lauza,  f.  s.  —  Ressemblant  à  une  grosse  sardine  ;  2  à 
3  kilogr. 

55.  Pbi  voulan,  m.  s.  -  Hirondelle  de  me^ . 


144  TBiUiBSS  PB  ^àiUI)^  BT  DB   PêcmS 

56.  Pei  oumbra,  m.  s. —  IJjut?être  oumbrino  d'Az|B^ïs.  Ombre 
barbu.  Se  tient  à  Tombre  des  bateaux. 

57.  Pblamyda,  f.  s. —  Pelamjde commun. 

58.  BouiDRAu,  m.  s,  — Baudroie. 

59.  MouRBNA,  f.  s.—  Sorte  de  merlane.  Poisson  de  roeher. 

60.  Porc  marin,  m.  s. — Porc  marin.  Poisson  de  Tordre  des 
sélaciens  (Azaïs). 

61.  GrAL,  m.  s.  —  Poisson  St- Pierre. 
62   Lampresa, f.  s. — 63.  MANJA-PBaA,m.  s.  —  Lamproie. 

64.  Cat  de  roc,  m.  s,  —  Grande  roussette  (?) 

65.  Anchoia,  f .  s. — Ancbois. 

66.  Haren,  m.  s.  —  Hareng.         "^ 

67.  MousTELA,  f.  s. — Poisson  à  forme  de  congre,  tigré- 
jaunâtre,  vivant  dans  les  rochers,  à  dent  très-venimeuse,  dit- 
on.  Taille,  1  mètre  environ. 

68.  Choucha,  f.  s.  —Poisson  à  forme  très-élargie,  à  queue 
mince  et  très-longue,  à  la  naissance  de  laquelle  se  trouve  en 
dessus  un  dard  de  proportions  considérables,  que  Ton  dit  très- 
venimeux. 

69.  Ibaona,  f.  s*  — Vive,  Araignée  de  mer.  Poisson  veni- 
meux. 

70.  Gallina,  f.  s.  — Torpille. 

71.  PouGAu,  f.  s.  —  Grosse  anguille  fine. 

72.  Ressot,  m.  s.  —  Grosse  anguille  commune. 

73.  Empereur,  m.  s.  — Espadon. 

74.  EsPASA,  f.  s.  —  Gros  poisson  dont  la  queue  a  la  forme 
d'un  sabre,  à  peu  près  aussi  long  que  Tanimal. 

75.  Lamia,  f.  s. — Requin. 

76.  MissoLA,  f.  s. — Emissole  commune  (Azaïs).  Squale. 

77.  Cagnot,  m.  s. —Petit  squale  bleu. 

78.  Cat  de  mar,  m.  s.— (Azaïs  :  chien  de  mer,  aiguillât). 
Squale. 

79.  Pei  anjou,  m.  s.  —  (Azaïs  :  ange  de  mer,  squalm  aqua- 
{                            ttna) . 

'  80.  Maracou,  m.  s.  — Toute  espèce  de  poisson   du  genre 

squale  ou  s'en  rapprochant. 

81    Pei  luna,  m .  s  .  —  Marteau . 

82.  Daxjphi,  m.  s. —  Marsouin. 
'  83.  Agulha,  f.  s.  —  Aiguille. 


TBRMES   DB  MARINS  BT  BB  PÊGHB  145 

84.  Caramota,  f.  s. —  Crevette. 

85.  LoRifAND,  m.  3. —  Homard. 

86.  LANGOusTA,f.  s.  —  Langouste. 

87.  Crano,  m.  s.  —  Crabe.  Pém.  cranca  (Azaïs:  cancer 
mcenas). 

88 .  Cabra,  f .  s .  —  Grand  crabe . 

89.  Cranc  ROUQxnÉ,  m.  s. —  Crabe  velu. 

90.  CiGALA,  f .  8. — Crustacé  ressemblant  à  une  grosse  écre- 
visse. 

91.  Oursin, m.  s.  — 92.  Castagnola,  f.  s.  —  Oursin. 

93.  PoupRB,  m.  s.  —  Poulpe.  Vit  dans  les  rochers  (Azaïs  : 
sepia  octopedia). 

94.  Muscadin,  m.  s. — Petit  poulpe.  Vit  sur  le  sable . 

95.  Sbpia,  f.  s. —  Seiche. 

96.  Glaujôu,  m.  s.  —  Calmar  (?)  (Azaïs  :  sepia  loligo.) 

97.  PoTA,  f.  s.  —  Méduse. 

98.  Chival  marin,  m.  s. — Cheval  marin. 

99.  Arcbli,  m.  s. —  Clovisse. 

100.  Bèda,  f.  s. — Espèce  de  clovisse,  moins  fine.  Palourne(?) 

101.  BiCHUS,  m.  s.  —  Sorte  d'ascidie  qui  se  mange. 

102.  Muscle,  m.  s. —  Moule. 

103.  BuDOU,  m.  s. —  Escargot  de  mer. 

104.  Lapbta, f.  s. — Patelle. 

105.  CouTÈLA,  f.  s.— Varech. 

[A  suivre,) 


LOU  DIEU  DE  MARSIHO 

FANTA8IÉ  FBLIBRBNGO 
dedioado 
Au  jouine  Marias  Bkrnard,  de  TEscolo  felibrenco  de  la  Mar 


Clino  la  ciho, 

Muso,  ma  mio, 

Davans  Marsiho 

Qu'eilabas  briho, 
Bagnado  emai  negado  en  un  deluvi  d*or  ! 

Vè  si  gourriero 

Lôngui  carrière  ; 

Vè,  largo,  fiero, 

Sa  Canebiero 
Que  s'abrivo^  galpio,  i  poutoun  de  soun  port  I 

Sémpre  cremanto, 
Esbarluganto, 
La  gau  qu'encanto, 
La  glôri  santo 
Dôù  grand  astre  couchant  Tinoundo  de  si  flot  I 

Jamai  de-bado 
L'escandihado 


LE  DIEU  DE  MARSEILLE 

Fantaisie  félibrique 

dédiée 

AU  jeune  Marius  Bernard,  de  l'École  des  félibres  de  la  Mer 


Baisse  le  cil,  —  Muse,  ma  mie,  —  devant  Marseille  —  qui  brille 
là-bas, —  baignée  et  noyée  dans  un  déluge  d'or!  — Vois  ses  riches 
—  et  longues  rues  ;  —  vois,  large  et  fière,  —  sa  Cannebière  —  qui  se 
précipite,  joyeuse,  au-devant  des  baisers  de  son  port  ! 

Toujours  brûlante, —  éblouissante,  —  la  joie  qui  enchante, —  la 
gloire  sainte  —  du  grand  astre  couchant  Tinonde  de  ses  flots  !  —  Ja- 


» 


liOU  DIEU  DB  MÀRSIHO  147 

Fai  sis  aubado 
I  coulounado 
De  soun  blanc  castèu  d'aigo  entrouna  sus  lou  ro  ^  ! 

E  tout  artiste, 

E  tout  touristo, 

Quito  à  sa  visto 

Ço  que  Tatristo, 
E  s*aubouro  i  cim  clar  de  rôurrour  di  yaloun  ; 

B  sa  pensado 

Enamourado 

Fai  la  pregado 

Qu'à-n-éu  agrado 
A.U  gai  Dieu  de  la  Grèço,  à  Fèbus-Apouloun  I 

Mau-grat  Timage 

Que,  d'âge  en  âge, 

Dintre  Taurage, 

Mando  i  naufrage 

Un  sourrire  meirau,  de  soun  cresten  blancas^; 

Mau-grat  lis  alo, 

Crous,  domo,  salo, 


mais  en  vain  —  le  rayonnement  —  ne  fait  ses  aubades  —  aux  colon- 
nades—  de  son  blanc  château-d'eau  trônant  sur  le  rocher! 

Et  tout  artiste,  —  et  tout  touriste, — délaisse  à  sa  vue —  ce  qui  Tat- 
triste —  et  s'élève  aux  cimes  claires  de  Thorreur  des  vallons  ';  —  et  sa 
pensée,  —  éprise  d'amour,  —  fait  la  prière  —  qui  lui  plaît —  au  dieu 
souriant  de  la  Grèce,  à  Phœbus-ApoUon  ! 

Malgré  l'image  —  qui  d'âge  en  âge,  — parmi  l'orage,  —  envoie  aux 
naufragés — un  sourire  de  mère,  du  haut  de  sa  blanche  crête  de  mon- 
tagne;—  malgré  les  ailes,  —  les  croix,  les  dômes,  les  salles —  de  sa 

1  Noun  i*  a  'n  Franco,  pas  mai  qu*en  Europo  (à  moun  vejaire)  mounumènt 
mai  amirable  qu'aquest.  Â  subre-passa  (causo  estranjo  !)  tôuti  11  pantai  preli- 
minàri  de  moun  imaginacioun.  Glôri  dounc  à  *n  Esperandiéul  le  mande  mi 
salut  i  coulounado  de  l'Empirèio. 

*  L'estatnio  couloussalo  de  la  Vierge  subre  sa  baselico,  lusento  coumo  nno 
luno  d'or  is  erso  mouvedisso  de  la  poblacioun  marsiheso,  emai  i  pàuri  marinié 
brandouia  jour  e  niue  sus  la  mar. 

'  Traduction  moins  littérale  :  préfère  les  sommets  aux  vallées. 


148  LBS  PARPALHOLS  DE  FLOD-DSHPRUNIE 

De  s«k  ponrpdio 
Grand  catedr^o, 
Lou  vrai  Dieu  de  Marsiho  es  tu,  bèu  Soulèias\ 

William-C.  Bonapartb-Wyse. 
Marsiho,  sus  TEspIanado  de  Nosto-Damo-de-la-Gàrdi,  29  mars  1882. 

grande  —  cathédrale  empourprée,-*-  le  vrai  Dieu  de  Marseille  est  toi, 

beau  Soleil  I 

WiUiam-Ç.  ^onapaïitk-Wtse. 

Marseille,  sur  TEspIanade  de  ^otre-Damer^e^la-Garde,  29  mars  1882. 


LES  PARPALHOLS  DE  FLOU-DE-PRUNIE 

A  'n  Clar  Glbizos 

Uelhs  en  amello,  pots  daurats  e  gauto  liso, 
En  loung  penchenadou  de  sedo  roso  e  griso, 
Broudat  de  milo  flous,  cintasso  verdo  as  rens, 
Negris  bandèus  levats  dambe  espillos  d'escato, 
Dreito,  en  patins  defust,  subre  T  teatre  esclato, 
Jouve  Flou-de-Pruniè,  gaio  coumo  un  primtems. 

Es  coussudo  e  riseiro  à  'spanta  les  bourgeses, 

LES  PAPILLONS  DE  FLEUR-DE- PRUNIER 

{Oumé-nO'Hana) 

A  Clair  Glbizrs 


Yeux  en  amande,  lèvres  dorées  et  joue  lisse,  — -  en  long  peignoir 
de  soie  rose  et  grise,  —  brodé  de  mille  fleurs,  —  grande  ceinture  verte 
aux  reins,  noirs  bandeaux  levés  avec  épingles  en  écaille,  —  droite,  en 
patinsde  bois,  sur  le  théâtre  resplendit,— jeune  Fleur-de-Prunier,  gaie 
comme  un  printemps. 

Elle  est  cossue  et  rieuse  à  étonner  les  bourgeois,  —  et  comme  aux 

.  .  .  .        , 

'  Provençal  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône).  Orthographe  des  félibres 
d*  Avignon. 


LfiS  PARf'ALHOLS  DB  FL0U-*DB-*PRUNIÂ  149 

£,  coumo  pes  blasouns  des  princes  japouneses, 
Oant  se  vei  esplandit,  per  armo,  le  ventalh, 
S'alato  al  miei  del  sien,  sus  un  yert  de  baragno, 
L*escur  Jamma  Tslo,  parpàlbol  de  mountag^o, 
Que  barroun,  de  guingois,  sous  ungles  de  couralb. 

A.  daissat  le  Japoun  flourit  à  Fouro  d*arô, 
Ë,  dins  river  maiàsant  que  nous  rufo  la  caro, 
Es  vengudo,  al  darré  d'uno  troupe  d*a-bas, 
Moustra  soun  pouUt  biais  à  la  foulo  badairo 
Des  grandis  Casinos,  la  besiado  jounglairo 
Que  sap  ventalbega,  le  pugnet  jamai  las. 

Sautejo  lestoment  dreit  à-n-uno  tauleto 
De  laco  ount  soun  pausats  un  lum  et  'no  tasseto 
.    Mirgalhado  e,  prenènt  un  fulbet  de  papiè, 
Vivo,  le  plègo  en  quatre,  e  de  Tounço  l'esquisso  : 
Es  un  parpalhol  blanc  que,  frrrttt  !  de  sous  digl^  glisso. 
Montre  que  balho  d'aire  al  voulatum  laugiè. 

Voulastrejo,  fadot  ;  se  mau  à  dreito,  à  'squerro  ; 
Va,  ven,  mounto,  devalo  à  vous  frega  la  terro, 
Capriciousoment,  sens  jamai  s'alassa. 
Elo,  tout  en  fasent  de  vent  subre  la  seno, 

blasons  des  princes  japonais,  —  où  Font  voit  épanoui,  comme  arme, 
Téventail,  —  ouvre  ses  ailes  au  milieu  (de  son  éventail)  sur  un  vert  de 
haie,  —  le  noir  Jamma-Taio,  papillon  de  montagne,  — que  barrent, 
(posés)  de  travers,  ses  ongles  de  corail. 

Elle  a  laissé  le  Japon  fleuri  à  cette  heure,—  et,  par  Thiver  mauvais 
qui  nous  ride  le  visage,  —  elle  est  venue,  à  la  saite  d'une  troupe  de 
là-bas,  —  montrer  son  joli  talent  à  la  foule  bayeuse —  des  grands 
Casinos,  la  jongleuse  charmante  —  qui  sait  manier  l'éventail,  le  poi- 
gnet jamais  las. 

Elle  va  lentement,  à  petits  sauts,  droit  à  une  tablette  —  de  laqué  où 
sont  placées  une  lumière  et  une  petite  tasse  —  peinte  de  mille  cou- 
leurs, et,  prenant  un  feuillet  de  papier,  —  vive,  elle  le  plie  en  quatre, 
et  du  bout  du  doigt  le  déchire  :  —c'est  un  papillon  blanc  qui, /rrr«/ 
de  ses  doigts  glisse,  — tandis  qu'elle  donne  de  l'air  au  volatile  léger. 

Il  voltige,  folâtre  ;  il  va  de  droite  à  gauche  ; —  il  va,  vient,  monte, 
descend  à  frôler  la  terre,— capricieusement,  sans  jamais  se  lasser. — 
Elle,  tout  en  faisant  du  vent  sur  la  scène,  -»  sait  créer  une  amie 


15Ô  LBS  PARPALHOLS  DB  FLOU-DB-PRUNlâ 

Te  sap  créa  'no  amigo  à  le  que  se  remeno 
A-n-un  pel  de  sa  gauto  e  prest  à  la  baisa. 

Se  vesoun,  toutis  dons  ;  —  lèu-lèa  se  coussegnissoun, 
L'un  al  dessus  de  Tautre,  africs,  e  se  jugnissoun  ; 
S'acaroun  doucement  :  se  soun  poutounejats. 
Se  descapoun  suF  cop  e,  puei,  cadun  acimo 
Un  canton  de  ventalh,  qu'à  peno  balho  d'imo. 
Mais  s'enfujoun  d'aqui,  frezinants,  airejats. 

Anem  I  Le  parpalhol  costo  la  parpalholo 
S'enlairo  tourna-mai  e  veslas  frises  volo; 
L'amagagno,  la  fringo  en  galant  arderous. 
Puei,  te  cerco  guirguilh,  dins  rés,  à  sa  femelo  ; 
Enûns,  apazimat,  toumbo,  proumte,  dambe  elo 
Sul  se  de  la  mainado  ount  i  a  'n  bouquet  audous. 

Le  parelb  es  partit.  Piano,  descend,  rasejo 
La  boupo  de  l'artisto  e,  gar'  le,  viroulejo 
Fer  veni  s'amaga  dins  la  tasso  un  moument; 
Prend  sa  voulado  encaro  ;  e,  vite,  al  lum  se  cremo. 
S'en  va,  Flou-de-Pruniè,  la  poulido  bouemo  ! 
E  r  mounde  i  fa  tinda  mai  d'un  aplaudiment. 

Auguste  FouRâs. 

20  de  julhet  1882. 

à  celui  qui  se  remue  —  tout  près  de  sa  joue  et  prêt  à  la  baiser. 

Ils  s'aperçoivent,  tous  les  deux;  bientôt  ils  se  poursuivent, —  Tun 
sur  l'autre,  ardents,  et  ils  se  joigpient  ;  —  ils  s'aflfrontent  doucement  : 
ils  se  sont  baisés.  — Ils  se  désunissent  sur-le-champ  et,  puis,  chacun 
se  plante  sur  un  angle  de  l'éventail,  frémissants,  aérés. 

Allons  !  Le  papillon  à  côté  de  sa  papillonne  —  s'élève  de  nouveau 
et  vers  les  frises  s'envole  ;  —  il  la  caresse,  lui  fait  la  cour  en  galant 
plein  d'ardeur.  —  Puis,  il  cherche  noise,  en  un  rien  (de  temps),  à  sa 
femelle;  — enfin,  apaisé,  il  tombe,  prompt,  avec  elle, —  sur  le  sein  de 
la  fillette,  où  il  y  a  un  bouquet  odorant. 

Le  couple  est  parti.  11  plane,  descend,  frôle  —  la  bouche  de  l'artiste; 
et,  voyez-le,  il  tournoie  <—  pour  venir  se  cacher  dans  la  tasse  un  mo- 
ment;—  il  prend  la  volée  de  nouveau  et,  vite,  à  la  fiamme  se  brûle. 
—  Elle  8*en  va.  Fleur- de-Prunier,  la  jolie  bohème  !  -^Et  les  specta- 
teurs font  retentir  (vers  elle) plus  d'un  applaudissement. 

A    F 
20  jumell882. 


LA  BATOUSO 


A.  'n  Anatol  BoucharIo 


Es  leste.  La  recolto  es,  certos,  miraclouso  : 
La  bladeto  a  rajat  e  coumo  à  plen  oanèl  ; 
Atabes,  la  soulenco  es  estado  gaujouso  : 
An  dansai  sus  Taiero  al  sou  del  caramel. 

La  machino  à  vapou  que  meno  la  batouso 
Se  fa  tira,  'n  bruzint,  per  un  parelh  manèl  ; 
Va,  negro  de  cadais  e  de  fum,  roubilhouso, 
—  Cheminiero  enrennado  al  mitan  del  fournèl. 

Les  dous  biôus  enjoucats  à  la  loucoumoubilo, 

Sens  se  brico  sutta,  passoun  dedins  la  vilo. 

Romioun  ;  —  sembloun  countents  de  traîna  le  moustras 

Que  se  diriô  sourtit  de  fargo  cicloupenco, 
E  que  les  sousto,  quand,  à  la  calou  'stivenco, 
Fa  batre  les  espics  pezucs  de  belis  gras. 

Auguste  FouRÉs. 
8d*agoustl882. 

LA  BATTEUSE 

A  M.  Anatole  Boucherib 


Tout  est  terminé.  La  récolte  est,  certes,  merveilleuse  :  —  le  blé  a 
ceulé  (sur  le  sol),  et,  comme  à  plein  tuyau;  —  aussi,  joyeuse  a  été 
la  fête  des  moissons  :  —  on  a  dansé  sur  Taire  au  son  du  chalumeau . 

La  machine  à  vapeur  qui  met  en  train  la  batteuse  —  se  fait  tirer, 
en  bruissant,  par  une  paire  (de  bœufs)  maniable  ;  —  elle  va,  noire  de 
cambouis  et  de  fumée,  rouillée, — la  cheminée  inclinée  en  arrière  au 
milieu  du  fourneau. 

Les  deux  bœufs  attelés  par  le  joug  à  la  locomobile,  —  sans  se 
hâter,  passent  dans  la  ville.  —  Ils  ruminent  ;  ils  semblent  heureux  de 
traîner  le  grand  monstre 

Que  l'on  dirait  sorti  d'une  forge  cyclopéenne,  —  et  qui  les  allège, 

quand,  à  la  chaleur  estivale,  —  il  fait  battre  les  épis  lourds  de  beaux 

grains. 

A.  F. 
8  août  1882. 


SOULELH  COULC 


A.  *N  Camilh  Chabanèu 


Vau  escalant  un  paech,  aploumbat  joubs  Tergnasso 
Que  mountl  douçoment  coumo  V  roc  sisifenc, 
Dins  le  luscre  engrisaire,  e,  tiri,  Tarmo  lasso 
De  Festanalhadis  d*un  terrible  delenc. 

AfrouSf  le  soulelh  toumbo,  e,  subre  la  sîeu  traço, 
Le  cel,  miech  estelat,  es  derengut  rougenc  ; 
Ves  el,  uno  niboul  semblo  un  vèutour  que  casso, 
Le  colh  rete,  alatat  del  constat  de  Toumbrenc. 

Jeu,  toutjoun  pensatieu  de  la  tristo  cazenso 
Des  vincuts  erouics,  de  Ihour  malo  soufrenso, 
Sur  penjal  mal-planxè,  cop  sec,  m'arresti  lêu. 

Agachi.  L'aucelas  atenh,  d'un  grand  cop  d'alo, 

Le  soulelh  cramezit  qu'adeja  le  regalo, 

Parieu  al  cor  sannous  de  Fardit  Proumetèu. 

Auguste  FouRÊs. 
28de8ètembrel882. 

SOLEIL  COUCHANT 

A  M.  Camille  Chabaneâu 


Je  vais,  gravissant  un  puy,  accablé  sous  le  lourd  ennui  —  que  je 
monte  doucement  comme  le  roc  de  Sisyphe,  —  dans  le  crépuscule  qui 
rend  (tout)  gris,  et  je  peine,  Fâme  lasse  — du  tenaillement  d'une  ter- 
rible fièvre. 

Affreux,  le  soleil  tombe,  et,  sur  sa  trace,  —  le  ciel,  étoile  à  demi, 
est  devenu  rougeâtre  ;  —  au-dessus  de  lui,  un  nuage  semble  un  vau- 
tour qui  chasse,  —  le  cou  raide,  lés  ailes  toutes  grandes  ouvertes  du 
côté  du  nord. 

Moi,  toigours  pensif  de  la  triste  chute  —  des  vaincus  héroïques,  de 
leur  aigre  souffrance,  —  sur  le  penchant  abrupte,  subitement  je  m'ar- 
rête bientôt. 

Je  regarde.  Le  grand  oiseau  atteint,  d'un  grand  coup  d'aile,—  le 
soleil  cramoisi  qui  déjà  le  régale, — pareil  au  cœur  saignant  du  hardi 
Prométhée.  A.  F. 

28  septembre  1882. 


BIBLIOGRAPHIE 


Bomancerillo  catalan,  Canciones  tradicionales.  Segunda  edicion^refundida 
y  aumentada)  por  D.  Manuel  Mila  y  Fontanals.  Barcelona,  Verdaguer,  1882; 
in-So,  xvii-458  p. 

Ce  précieux  recueil,  dont  le  savant  professeur  de  l'Université  de 
Barcelone  vient  d*enrichir  le  domaine  de  la  poésie  populaire,  quoique 
très- volumineux,  ne  forme  pourtant  que  la  moitié  de  l'ouvrage .  Il 
contient  le  texte  des  chants  que  Fauteur  avait  appris  dans  son  en- 
fance et  ceux  qu'il  a  recueillis  dans  une  période  de  quarante  années . 
Un  second  volume  réunira  lés  observations,  notes  et  appendices. 
.  La  première  édition  fut  publiée  à  Barcelone  en  1853,  sous  le  titre 
d^Ohservadones  sobre  la  poesia  popular,  con  muestras  de  romances 
catalanes  ineditos.  C'était  une  brochure  d'environ  200  pages,  donnant 
le  texte  de  70  chants  populaires  catalans.  La  collection  s'est  accrue 
dans  une  énorme  proportion  ;  aucun  recueil  connu  ne  contient  de  ri- 
chesses semblables  à  celles  que  M.  Milà  a  accumulées  dans  son  Ro- 
mancerillo.  Tous  les  chants  sont  accompagnés  de  leurs  difiEérentes 
versions  ;  pour  un  grand  nombre,  on  en  trouve  jusqu'à  quinze  * .  Les 
variantes  ont  été  soigneusement  notées  par  un  procédé  aussi  simple 
qu'ingénieux.  C'est  dire  assez  les  patientes  recherches,  la  volonté,  le 
courage  à  toute  épreuve  qu'il  a  fallu  pour  récolter  une  aussi  abondante 
moisson.  Sachant  par  expérience  les  difficultés  auxquelles  on  se 
heurte,  les  résistances  qu'il  faut  vaincre  souvent  pour  obtenir  la  com- 
munication désirée,  nous  ne  saurions  trop  féliciter  l'homme  dévoué, 
le  laborieux  chercheur  qui  a  su  sauver  de  l'oubli,  où  ils  disparaissent 
tous  les  jours  davantage,  ces  témoignages  si  intéressants  de  l'esprit 
et  des  coutumes  de  nos  pères. 

Le  recueil  est  divisé  en  cinq  séries  : 

I.  Chants  religieux  et  légendaires. — II.  Chants  historiques; —  III. 
Chevaleresques.  —  IV.  Coutumes .  —  V .  Satiriques,  danses,  etc .  Il 
s'est,  de  plus,  augmenté  de  quarante  mélodies  dont  la  transcription 
musicale  a  été  confiée  à  un  habile  musicien,  qui,  dans  l'accomplisse- 
ment de  cette  tâche,  a  fait  preuve  d'un  profond  savoir  et  d'une  scru- 
puleuse exactitude.  Cette  amélioration  sera  vivement  appréciée,  car 
la  poésie  populaire  est  inséparable  de  la  imélodie,  si  l'on  veut  lui  con- 
server dans  toute  son  intégrité  sa  physionomie  originale. 

En  attendant  la  publication  annoncée,  qui  ne  sera  pas  la  partie  la 
moins  intéressante  de  l'œuvre,  étant  connue  la  haute  compétence  de 

*  El  Conde  Arnau,  p.  67,  n'en  compte  pas  moins  de  28. 


154  CHkONIQUE 

son  auteur,  la  splendide  collection  formée  par  M .  Mîlà  s^mpose  k 
l'admiration  des  amis  de  la  poésie  populaire,  et  c'est  avec  nn  senti- 
ment de  profonde  reconnaissance  que  le  Romancerillo  catcUan  sera 
accueilli  par  les  folhlorktes  de  tous  les  pays. 

L.  Lambbrt. 


CHRONIQUE 


Communications  faites  dans  lbs  séances  de  la  Société.  — 
21  février.  —  Pièce  de  poésie  en  patois  de  la  Lozère  (Fraissinet),  par 
M.  Ganch,  instituteur. 


LIVRES  REÇUS  PAR  LA  REVUE 

Bona  Annada,  par  Charles  Gros  (dialecte  de  Montpellier);  1883, 
2  pages. 

Bono  Annado,  par  Roumieux  (en  provençal)  ;  1«'  janvier  1883,  2  p . 

Un  félibre  irlandais  :  W.-C.  Bonaparte- Wyse,  par  Paul  Mariéton. 
Lyon,  1882  ;  in-4®,  19 pages. 

L'Escriveta,  poésie  populaire  languedocienne,  traduite  en  macédo- 
roumain,par  Tascu  Ilîe8cu(de  Crusôva,  Macédoine) .  Montpellier,  1882  ; 
in-8o,  31  pa^es. 

Lo  Fia  ^rmonèlû  loûrain,  l^'^^paUmé  et  français  pe  Chan  ffevrlin. 
Quouétrieume  ènaye.  Strasbourg;  petit  in -8%  80  pages. 

Anecdotes»  contes  et  chants  populaires  écrits  la  plupart  en  patois 
lorrain.  Un  court  glossaire,  inséré  à  la  fin  de  Talmanach,  en  rend  la 
lecture  très-facile.  On  ne  peut  que  souhaiter  bon  succès  à  cette  inté- 
ressante publication,  due  à  l'intelligente  initiative  de  notre  confrère 
M.  le  docteur  Estre,  médecin  cantonal  de  Rémilly. 

Le  Chanoine  Michel  (Extrait  de  VÉcho  des  BoucTies^u-RMne  du 
20  février  1883)  ;  8  pages.     . 


«  • 


dons  faits  a  la  société 

Par  M.  Clair  Gleizes  : 

Almanach  des  Petits  Jeux  floraux  de  Marseille  pour  Tannée  1883. 
28  pages. 

Fragment  manuscrit  sur  papier,  transcrit  au  commencement  du 
XVIIIe  siècle  (Description  d'une  propriété).  8  pages. 

Par  M.  A.  Roux: 

Le  Patriote  (18  février  1883). 

* 

Une  nouvelle  revue,  à  laquelle  nous  souhaitons  le  meilleur  suc- 
cès, va  paraître  sous  la  direction  de  notre  excellent  confrère  et  colla- 
borateur le  baron  Charles  de  Tourtoulon.  La  Revue  du  Monde  latin 


CHRONIQUE  155 

(tel  est  son  titre)  se  propose  de  faire  connaître  les  peuples  et  les  pays 
latins  dans  leur  présent  aussi  bien  que  dans  leur  passé  ;  de  rechercher, 
de  concilier  et  de  défendre  leurs  intérêts  divers  ;  de  préparer  leur 
union  permanente  dans  un  dessein  de  paix  générale,  s^il  est  possible  ; 
de  préservation  commune,  s^il  est  nécessaire,  et  surtout  de  progrès 
matériel,  intellectuel  et  moral. 

Elle  s'interdit  absolument  toute  propagande  religieuse  ou  antireli- 
gieuse, toute  manifestation  de  nature  à  provoquer  un  changement 
dans  la  forme  d'un  gouvernement  quelconque.  Elle  est  opposée,  en 
principe,  à  la  guerre,  à  la  conquête,  et  particulièrement  à  tout  acte 
tendant  à  favoriser  une  nation  latine  au  détriment  d'une  autre  nation 
latine. 

Elle  considère  la  Grèce  et  les  pavs  helléniques  comme  devant  faire 
partie  de  TUnion  latine,  et  accueille  les  travaux  et  les  documents  qui 
les  concernent. 

Sans  rien  sacrifier  de  l'intérêt  qu'une  publication  de  ce  genre  doit 
offrir  aux  gens  du  monde,  la  Direction  de  la  Revue  s'attachera  à  don- 
ner la  plus  grande  sonmie  possible  de  faits,  de  documents  et  de  ren- 
seignements utiles  ;  à  résumer  et  à  exposer  les  grandes  questions  in- 
ternationales, de  façon  que  le  lecteur  puisse  s'en  faire  une  idée  claire 
et  suffisamment  complète.  Ce  recueil  sera  pour  les  diplomates,  pour 
les  savants,  pour  les  commerçants,  une  source  précieuse  d'informa- 
tions exactes  en  même  temps  qu'un  répertoire  d'un  usage  commode, 
grâce  à  des  tables  alphabétiques  détaillées  et  à  des  renvois  aux  travaux 
publiés  dans  tous  les  pays. 

La  Mevue  du  Monde  îatin  aura  cinq  éditions  (française,  espagnole, 
italienne,  portugaise  et  roumaine).  Ces  éditions  difEéreront  seulement 
par  la  langue  dans  laquelle  serolit  écrites  les  seize  premières  pages, 
comprenant  le  Bulletin  mensuel  politique  et  diplomatique .  Le  reste 
de  la  livraison  sera  le  plus  souvent  en  &ançais,  et  quelquefois  en  d'au- 
tres langues  ou  dialectes  d'origine  latine,  avec  la  traduction  française 
en  regard. 

La^^vue  du  Monde  latin  paraîtra  le  10  de  chaque  mois,  par  nu- 
méros de  huit  feuilles  (128  pages)  in-S»  de  grand-raisin.  Elle  formera 
par  an  trois  volumes  de  plus  de  500  pages  chacun.  Il  sera  publié,  à 
la  fin  de  chaque  année,  une  table  alphabétique  et  analytique  des  ma- 
tières . 

Le  prix  d'abonnement  est,  pour  tous  les  pays,  de  36  fr.  pour  un  an, 
et  de  12  fr.  50  pour  quatre  mois  (un  volume). 


SOMMAIRE   DE  LÀ  REVUE  LT0NNAI8B 

(15  janvier  1883) 

Henri  Bbaune  .  Un  manuscrit  de  la  reine  Marie-Antoinette.—  Fré- 
déric Mistral.  L'Ome  poupulàri,  conte  provençal,  avec  traduction  de 
Ch.  Boy. — Allmbr.  Epigraphie  lyonnaise  [suite). — Alphonse  Pal- 
MARiNi.  Les  lettres  inédites  du  comte  de  Cavour.  —  Germain  Picard. 
Poésies.  — y.  DE  Valous.  Documents  inédits.  Lettres  patentes  de 
pardon  et  de  rémission  pour  cause  de  meurtre  en  1682.  —  Charles 
La  VENIR.  Histoire  du  sentiment  de  la  nature,  par  M.  Victor  de  La- 
PRADE. —  Charles  Lavenir.  La  Révolution,  par  M.  Ch.  d'Héricault. 
^-L.  MoRBL  de  Voleine.  Les  Oisivetés  du  sieur  duPuitspelu,  Lyonnois. 


156  CHRONIQUE 

—  A.  Vaohbz,  Une  description  de  Lyon  au  seizième  siècle.  —  Léo- 
pold  NiBPCB.  Les  Chambres  de  merveilles  ou  Cabinets  d'antiquités  de 
Lyon,  depuis  la  Renaissance  (suite). —  Bibliographie. —  Sociétés  sa- 
vantes.—  Chronique. —  Spectacles,  Concerts.  — Gravure:  l'Azergue 
à  Chasay,  eau-forte,  par  M.  Joannès  Deeveï. 

15  février  1883 

Joseph  SouLARY.  Pêche  à  la  ligne  (sonnet  inédit). — Georges  Guicwje. 
Le  Garcabeau  du  péage  de  Givors,  texte  en  langue  vulgaire  des  trei- 
zième et  quatorzième  siècles. —  Ccnnte  de  Charpin-Feuqebolles. 
Documents  inédits  sur  les  guerres  de  la  Ligue  dans  le  Lyonnais  et 
dans  le  Forez. — A.  de  Gagnaud.  Sonnets.  —  L.  Moeeldb  Vôleinb. 
Petite  Chronique  lyonnaise. — Paul  Mariéton.  Le  Félibre  A.  Fourès. 
^  Auguste  FouRÈs .  Les  Dous  Vielhs.  As  Amouriès,  per  lès  tisseires 
de  sedo  liouneses,  poésies  languedociennes.  — René  de  Colavazou. 
Les  Crès  de  Bouscardon,  mœurs  et  paysages  cévenols. — V.  de  Valous. 
Lettres  de  naturalité  pour  Claude  Corneille  de  la  Haye,  peintre  du 
roi  (document  inédit)  — Léopold  Niepcb.  Les  Chambres  de  mer- 
veilles ou  Cabinets  d'antiquités  de  Lyon,  depuis  la  Renaissance  (suite). 

—  A.  Vachez.  Les  Missions  catholiques  (2  gravures).  —  Charles  La- 
VENIR.  Le  Costume  au  moyen  âge,  d'après  les  sceaux  (7  gravures) .  — 
Bibliographie:  —  Compte  rendu  de  l'Académie  des  sciences,  belles- 
lettres  et  arts  de  Lyon.  —  Sociétés  savantes.  —  Chronique. 

(15marsl88î) 

Hatalis  RoNDOT.  La  Médaille  de  Philibert  le  Beau  et  de  Marguerite 
d'Autriche  (1592). — Alphonse  D'Asq.  Le  Salon  lyonnais.  —  Stetert. 
Le  Cartulaire  des  francs  fiefs  du  Forez .  —  Abbé  Le  pitre.  Le  Congo 

[premier  article).  —  A.  de  Gagnaud.  Sonnet.  —  Léopold  Nibpoe.  Le 
Uartidaire  de  Bourg-en- Bresse.  —  F.  Mistral.  Lou  Troubaire  Ca- 
telan. — Th.  Aubanbl.  La  Soreno. — Félix  Gras.  Responso  à  Victor 
JBLugo.  — Mondragon.  Chronique  félibréenne.  —  Bibliographie.  Re- 
vue critique  des  livres  nouveaux.  —  Sociétés  savantes. —  Chronique. 
— Spectacles,  Concerts — Sommaire  des  Revues. 


Additions  et  corrections 

No  de  septembre  1882.  Traduction  provençale  du  roman  de 
Merlin,  p.  106,  ligne  21,  mettre  en  note  :  «  effusier.  »  Lis.  ou  corr. 
offiscier  =  livre  des  offices  ou  graduel,  comme  resposser  =  livre  des 
répons  ou  antiphonaire.  Voy.  Durand,  Rationale  divinorum  officio' 
rum,  liv.  VI,  on.  i, 

N»  de  janvier  1883,  p.  22,  l.  18:  «  par  M.  Bartsch.  »  Lis.  par 
M.  Pcml  Meyer  et  par  M.  Bartsch. 


Le  Gérant  responsable:  Ernest  Hamelin 


Dialectes  Anciens 


SERMONS  ET  PRÉCEPTES  RELIGIEUX  EN  LANGUE 

D'OC  DU  Xlle  SIÈCLE 


NOTES  (Suite) 


G, —  Préceptes  bsligieux 

Le  cahier  qui  renferme  la  deuxième  série  des  sermons  suit  immé- 
diatement ceux  qui  forment  la  première.  Viennent  ensuite  deux  ca- 
hiers de  cinq  feuillets  doubles  chacun  (f®^  35-54),  du  même  format  que 
le  précédent,  ne  contenant  que  du  latin,  aliqua  theologica,  comme 
dit  la  table  inscrite  sur  la  feuille  de  garde  du  ms.  L'écriture,  régulière 
et  assez  soignée,  est  la  même  d'un  bout  à  l'autre.  Ces  deux  cahiers 
ne  sont,  du  reste,  que  des  fragments  d'un  volume  qui  en  contenait 
probablement,  avant  comme  après,  et  aussi  entre  les  deux,  un  certain 
nombre  d'autres . 

C'est  dans  le  cahier  suivant,  qui  lui-même  n'est  aussi  probable- 
Bient  qu'un  débris,  que  se  trouvent  les  préceptes  en  langue  d'oc.  Le 
format  en  est  un  peu  moins  haut  et  un  peu  plus  large  que  celui  des 
deux  parties  précédentes  du  ms.  (f** 27-44).  Ce  cahier  est  formé  de 
quatre  feuilles  doubles,  de  parchemin  comme  tout  le  reste,  dont  les 
deux  premières  ont  eu  leur  première  moitié  coupée.  On  n'aperçoit 
sur  l'étroit  liseré  qui  en  reste  aucune  trace  d'écriture .  Il  se  compose 
donc,  dans  son  état  actuel,  de  six  feuillets  simples  (f""  55-60  du  ms .  ), 
soit  douze  pages.  Les  sept  premières  sont  tout  entières  en  latin.  C'est 
à  la  huitième  page  (f*  58  v®),  et  après  le  premier  tiers  seulement,  que 
commencent  les  textes  limousins.  Le  latin  reparaît  à  la  page  sui« 
vante,  avec  un  exemple  qui  en  occupe  plus  de  la  moitié.  Puis  le  li- 
mousin reprend  et  se  poursuit  sans  interruption  jusqu'à  la  fin  du 
cahier.  Le  tout  paraît  être  de  la  même  main.  Peut-être  cependant  y 
en  a-t-il  deux.  L'œuvre  de  la  seconde  commencerait,  dans  ce  cas,  au 
milieu  du  f*  59  r°,  c'est-à-dire  à  la  reprise  des  textes  limousins .  L'écri- 
ture, dans  la  partie  exclusivement  latine,  est  très-fine  et  extrêmement 
serrée,  surtout  aux  f^  55  v°,  56,  57  et  58  r°. 

Dans  son  ensemble,  ce  cahier  est  un  recueil  de  préceptes  moraux, 

Tome  ix  db  la  troisiâme  série. —  avril  1883.  12 


* 


158  SERMONS  ET  PRECEPTES  RBLiaiEUX 

d'extraits  de  rËcriture  ou  des  Pères,  et  de  ces  anecdoctes  ou  exem^ 
pies  dont  on  aimait  alors  à  émailler  les  sermons  ^,  composé  peut-être 
par  quelque  moine  de  Saint-Martial  à  Tusage  des  prédicateurs  du 
couvent.  Je  rapporterai  ici  un  de  ces  exemples,  qui  m'a  paru  très- 
curieux.  On  trouvera  un  peu  plus  loin  celui  qui  interrompt  les  textes 
limousins  et  dont  j'ai  déjà  fait  mention. 


[po  56  v»]  Quidam  miles  fuit  qui  habebat  quemdam  armi- 
gerum  qui  habebat  rem  cum  uxore  ejus.  Quod  ciebant  vicini. 
Post  longum  tempus,  miles  audivit  a  murmure  populi  quod 
uxor  sua  meretricaretur,  sed  nescivit  cum  quo,  et  dixit  vicinis 
suis  si  sirent  aliquem  qui  siretvatisinare,  quod  cifum  argenti 
amiserat  et  quereret  ab  eo  quis  furasset  illud.  Et  dixerunt  ai 
quod  in  tali  villa  erat  una  mulier,  que  loquens  cum  diabolo 
omnia  quecumque  volebat  vaticinabat.  Quo  audito,  dixit  ar- 
migero  qui  cum  eo  erat  :  «  Sterne  equm  et  palefredum,  quia 
ibimus  in  villa  tali.  »  Quo  audito  armigerus  timuit,  sciens  quod 
ad  mulierem  vaticinantem  vellet  ire  interogare  aliquid.  Et 
sic  credens  ivit  ad  ecclesiam  et  confessus  fuit  sacerdoti  pec- 
cata  sua  cum  magna  contricione.  Post,  stratis  equis,  ivit 
cum  domino  suo  et  venerunt  ad  mulierem  vaticinantem  '.  Oui 
dixit  miles:  «  Quid  intendis  de  uxore  meaî»  —  a  Adultéra  et 
nequam  est  uxor  tua.  jo  Dixit  miles  :  «  Indica  mihi  cum  quo 
peccat.»  — «  Usque  hodie  ad  primam  civi,  set  necio  modo;  set 
queram  a  domino  meo  et  cito  revertar  ad  te.  »  Et  ingressa  in 
domum  sicitavit  diabolum,  qui  statim  dixit  ei  :  <(  Quid  vis?  » 
Dixit  mulier  :  et  Die  mihi  cum  quo  homine  peccat  uxor  talîs 
militis.  »  Et  diabolus,  apperiens  quemdam  librum  maximum, 
volvit  et  revolvit  et  dixit  :  a  Ego  scripsi  nomen  ejus,  sed  de- 
leotum  (sec)  est  peccatum  ejus  per  confecionem.  »  Et  régressa 
mulier  dixit  militi  quod  dimissum  fuerat  ei  peccatum  et  ideo 
nesciebat.  Videns  autem  miles  quod  nihil  certum  diceret  ei, 
regressus  est  domi,  non  credens  ampli  us  maledicta  uxoris  sue. 
Sic  confessio. 

*  Sur  les  exemples  et  sur  le  large  emploi  que  firent  les  prédicateurs  de  ce 
moyen  facile  d'intéresser  leur  auditoire,  voyez  Lecoy  de  la  Marche,  la  Chaire 
française  au  moyen  âge,  p.  275. 

^  Ms.  uati. 


SERMONS  BT  PRÉCEPTES  RELIGIEUX  159 

Voici  maintenant  ce  qui  précède  immédiatement  les  textes  limou- 
sins, au  verso  du  folio  58  du  ms .  Le  morceau  commence  avec  la 
page. 

[F°  58  V**]  Triplex  est  transitas  honorum:  primu^  est  de 
culpain  gratiam;  secundus  de  virtute  in  virtutem  ;  tercius  de 
labore  in  requiem.  In  primo  educimur  de  Egipto  in  deserto  ; 
in  secundo  de  mansione  in  mansionem,  id  est  de  virtute  in 
virtutem;  in  tercio  de  deserto  in  Terram  Promissionis,  id  est 
demundo  adpatriam.  In  primo  transitu  labor  et  dolor;  in  se- 
cundo lapor  (sec)  et  décor;  in  tercio  gloria  ethonor.  In  primo: 
a  Sitivit  anima mea  ad  Deumfontem  viventemM>;  in  secundo: 
«  Sunt  lacrime  mee  panes  die  ac  nocte*  ;  »  in  tercio  :  a  In  lo- 
cum  tabernaculi  admirabilis  usque  ad  domum  dei^»  Béné- 
dicité corde,  ore,  opère.  De  primo,  adEfesios:  «  Gantantes  et 
spallentes  {sic)  in  cordibus  vestris  Domina*.  »  De  secundo: 
«  Semper  laus  ejus  in  ore  meo^.  »  De  tercio  Augustinus*  :  Non 
«  cessât  benedicere  qui  non  cessât  bene  agere.  » 

Stat  foris  ante  fores  qui  vult  in  paupere  paci 
A  te,  qui  voluit  pro  te  de  virgine  nasci. 

C'est  dans  le  blanc  laissé  à  droite  par  les  deux  vers  précédents  que 
l'on  a  écrit,  sur  deux  lignes,  la  rubrique  et  les  cinq  premiers  mots 
du  premier  morceau  limousin,  lequel,  non  plus  que  les  suivants,  n'a 
de  numéro  d'ordre  dans  le  ms. 

I,  — Le  ms.  22543  delà  B.  N.,  au  î°  139,  renferme  quelques  lignes 
sur  le  sujet  traité  dans  ce  paragraphe  et  dans  les  suivants,  c'est-à- 
dire  sur  l'instruction  chrétienne.  Je  donne  ici  ce  morceau,  qui  est  très- 
court,  d'après  M .  Bartsch,  qui  Ta  publié  le  premier  dans  ses  Denk- 
mœler  (p.  306),  afin  qu'on  puisse  le  comparer  à  nos  préceptes, 

Los  set  sagramens 


3  premier  sagramen  es  bateyar,  lo  segon  cofermar,  lo  ters  peni- 
ia,  lo  cart  corpus  Cristi,  lo  quint  lo  sant  orde,  lo  vi.  matrimoni, 
II-  lieroliamen. 


tencia,  lo  cart  corpus 
lo  VII.  peroliamen 

*  Psalm.  XLi,  3.  Trad.  de  saint  Jérôme.  11  y  Sifortem  virum  dans  la  Vul- 
gate.  Ms.  fôte  ui. —  *  Ps.  xli,  4.—  •  Ps.  xli,  5. 

*  Ephes.  V,  19.  —  s  Psalm,  xxxin,  2.  —  •  Ms.  aug,  avec  le  signe  abré- 
viatif  de  us  au-dessus  du  point. 


160  SERHOIÏS  BT  PRéCEPtES  RBLiaîEUX 

Las  set  bontatz, 

La  premieira  bontatz  humilitatz,  la  segonda  benîgnîtatz,  la  tôrsa 
large tatz,  la  carta  parsitatz,  la  quinta  castetatz,  la  sesta  strenuitatz, 
la  seteua  caritatz. 

Los  set  peccatz  mortals, 

Lo  premier  erguelh,  lo  segon  eveja,  lo  ters  avareza,  lo  cart  gola, 
lo  quint  luxuria,  lo  ti  .  acxidia,  lo  vn.  ira. 

Las  set  vertutz, 

La  premieyra  es  fes,  la  segonda  esperansa,  la  tersa  caritatz,  la 
carta  savieza,  la  quinta  forteza,  la  sesta  tempransa,  la  vu.  drechura . 

Los  detz  mandamens, 

Lo  premier  :  non  auras  dieus  estrans .  Lo  segon  :  non  penras  lo 
nom  de  Dieu  en  va.  Lo  ters  :  col  lo  dissapte.  Lo  cart  :  onra  ton  paire 
e  ta  maire.  Lo  quint:- non aussiras.  Lo  sest:  no  faras  furt.  Lo  sete  : 
no  mecharas.  L'octau  :  non  parlaras  contra  ton  pruesme  fais  testimoni. 
Lo  IX.:  non  cobezegaras  lo  molher  de  ton  pruesme.  Lo  x.:  non  dezi- 
raras  lo  sieu  ser  ni  sa  serva. 

10.  «  au[ra].  »  au  termine  une  ligne  ;  mais  il  y  a  un  peu  de  blanc 
à  la  suite,  sans  qu^on  aperçoive  la  trace  de  lettres  effacées. 

11.  — 5.  «  acoceple].  »  acoce  termine  une  ligne;  le  reste  du  mot, 
qui  commence  la  suivante,  est  devenu  absolument  illisible .  Je  le  ré- 
tablis par  conjecture. — 12.  Après  sap,  une  petite  ligne  ondulée  rouge, 
occupant  seulement  la  place  d*un  mot  ou  deux,  pour  indiquer  sans 
doute  qu'on  passe  à  un  autre  sujet  et  tenir  ainsi  lieu  de  rubrique.  Les 
premiers  mots  de  l'article  suivant  continuent  la  ligne . 

III.  — 1.  «  c'om  se.  »  Ms.  cô.  La  lettre  qui  suit  n'est  plus  lisible. 
Je  suppose  que  c'était  un  s,  et  ce  qui  s'en  laisse  encore  apercevoir  ou 
deviner  ne  contredit  pas  l'hypothèse.  Ue,  qui  est  très-lisible,  termine 
la  ligne .  Au  commencement  de  la  suivante,  plusieurs  lettres  effacées, 
dont  les  deux  dernières  paraissent  être  un  l  et  un  a.  Comme  il  y  a 
bien  place  avant  pour  trois  autres  'lettres,  on  peut  conjecturer  doila, 
qui  conviendrait  ici  on  ne  peut  mieux . 

1-2.  «  e  que.  »  Ms.  c  que,  c'est-à-dire  en  que,  qu'il  eût  peut-être 
n^ieux  valu  garder. 

2.  «cofece.  »  Ms.  cobece;  peut-être  y  avait- il  cofece,  La  partie 
inférieure  de  1'/*,  dans  ce  cas,  serait  effacée.  A  la  suite,  fin  de  la  ligne, 
place  de  trois  ou  quatre  lettres  devenues  complètement  illisibles. 
Tout  à  fait  à  la  fin,  un  trait  apparaît  encore  qui  pourrait  appartenir 


f. 


SERMONS   ET  PRECEPTES  RELIGIEUX 

à  une  5.  Les  deux  ou  trois  premières  lettres  de  la  ligue  suivante  sont 
effacées .  Elles  formaient  peut-être  le  commencement  d'un  adverbe, 
dont  mamen  ou  inamen  (car  il  n'y  a  que  amen  de  sûr),  qu'on  lit  en- 
suite, serait  la  fin. 

3.  «  almornas.  »  Ce  mot,  que  j'ai  rétabli  par  conjecture,  termine 
une  ligne.  On  n'en  distingue  plus  sûrement  que  aln;  le  jambage  sui- 
vant parait  plus  long  que  les  deux  premiers.  —  4.  «  autras  chau- 
sas.  »  —  La  fin  de  ce  dernier  mot,usas,  commence  une  ligne.  Le  reste 
est  illisible,  aussi  bien  que  la  fin  du  mot  précédent,  dont  on  ne  distin- 
gue plus  que  aut,  surmonté  d'un  signe  abréviatif. —  4.  «  cum.  »  Ms. 
c,  surmonté  d'un  tilde.  J'écris  cum  plutôt  que  com  ou  con,  parce  que 
plus  loin  (par  exemple,  IV,  7  et  10}  le  ms.  a  un  w  {cû). — 5.  «  cofe- 
sors.  »  La  dernière  syllabe  de  ce  mot,  qui  termine  une  ligne,  est  de- 
^  venue  illisible,  comme  la  fin  des  trois  lignes  précédentes. 

5.  a  comanda.  »  Ici  finit  le  folio  58.  La  série  des  textes  limousins 
est  interrompue  en  cet  endroit,  comme  je  l'ai  déjà  remarqué  ci-dessus, 
par  un  exemple  en  latin,  qui  occupe  un  peu  moins  des  deux  tiers 
(20  lignes  sur 33)  du  recto  du  folio  suivant.  Voici  ce  morceau  : 


[F*  59  P°]  EXBMPLUM 

Legitur(?J  *  in  quodam  libro  greco  quod  quidam  unicornis, 
quadam  die,  quendam  hominem  secutus  est,  ut  eum  inter- 
ficeret,  oui  nichil  mortale  resistere  potest.  Qui,  cum  ab  eo 
fugaretur,  cecidit  in  quandam  foveam  profundam  et  latam. 
Cumque  esset  quasi  in  média  via  versus  fundum  fovee,  in  qua 
erant  serpentes,  bufones  et  bestie  crudelissime,  adesit  cuidam 
arbori  quam  ascendit,  et  ibi  se  retinuit.  Sub  arbore  erant  due 
bestie,  una  alba  et  altéra  nigra,  corrodentes  radicem  arbo- 
ris,  preterea  quidam  dracho  horribilis  paratus  ad  devorandum 
hominem  illum  in  locoreptilium.  Ecce  quadruplex  periculum: 
unicornis  expectans  supra  foveam,  due  bestie  corrodentes, 
Draconis  timor  ne  eum  absorberet,  et  vermes  et  reptilia  sub 
arbore.  Ille  vero  miser  quoddam  pomum  in  arbore  vidit  vel 
parum  mellis,  quo  accepto,  propter  ejus  dulcedinem,  omnium 
periculorum  oblitus  est  predictorum,  cum,  cadente  arbore, 
predicti  intus  vermes. . . .'  Non  iste  est  ille  qui  mundum  dili- 

*  Mot  illisible.  —  2  Lacune  non  Indiquée  dans  le  ms.  Peut-être  y  en  a-t-il 
une  autre  après  non,  et  la  proposition  qui  suit  n'est-elle  pas  interrogative. 


162  SERMONS   ET   PRECEPTES   RELIGIEUX 

git  ?  unicornis,  mors  ;  vallis  profunda,  infernus  ;  arbor,  vite  is- 
tius  miseria  ;  due  bestie,  alba  et  nigra,  dies  et  noctes  qui  vi- 
tam  hominum  consumunt;  dracho,  diabolus?Pomuin  vel  mel 
sunt  illa  temporalia,  quorum  delectacio  facit  miserum  homi- 
nem  ydiotorum  oblivisci  et  cadere  in  foveam,  in  infernum. 
Atende,  miser,  quidam  tibi  manum  porrigit  ut  te  a  predictis 
periculis  liberet.  Manibus  ergo  bonorum  operum  manum  Do- 
mini  teneamus,  ut  predicta  pericula  evadere  possimus. 

Le  livre  grec  auquel  se  réfère  l'auteur  de  cet  exemple  est  sans 
doute  le  roman  de  Barlaam  et  Josaphai  *,  attribué  à  saint  Jean  Da- 
mascène,  où  figure,  en  effet,  parmi  beaucoup  d'autres,  la  parabole  de 
l'homme  poursuivi  par  une  licorne .  On  ne  sera  peut-être  pas  fâché 
d'en  lire  ici  une  version  provençale.  Je  l'extrais  de  la  traduction  com" 
plèteque  l'on  possède  en  cette  langue  de  ce  curieux  ouvrage  (B.  N  , 
ms.  fr.  10492). 

[F°  190  r°  ]  E  sels  que  volon  recemblar  los  amix  de  Dieu,  coven 
que  mesprezon  lo  segle  et  aco  [que]  i  es,  car  tôt  es  vanetat.  E  tug  sil 
que  [amar]  lo  volran,  sapias  que  son  semblant  ad  .i.  homme  que  fu- 
gia  ad  una  bestia  que  a  nom  unicorn.  Quant  aquel  vi  venir  aquella 
bestia  que  a  nom  unicor[n],  comenset  a  fugir  per  paor  quel  dévores. 
E  domens  que  corria,  esdevenc  si  que  cazet  en  una  fossa,  e  domens 
que  cazia,  près  si  ad  un  albre,  et  en  aquel  tenc  si  fortmens.  Et  en 
aquella  fossa  avia  barta  en  que  tenc  sos  pes.  E  regarda  si  e  vi  ai  • 

*  Barlaam  et  Josaphat  n'est  autre  chose,  comme  on  le  sait  aujourd'hui*, 
qu'un  rifaccimento  chrétien  de  la  légende  de  Boudha,  qui  a  obtenu  ainsi, 
grâce  au  crédit  dont  jouit  autrefois  ce  roman  pieux,  la  singulière  faveur  d'être 
admis  par  l'Eglise  catholique  au  nombre  des  saints.  Josaphat,  qui  est  Boudha 
lui-même  —  mutato  nomine  —  figure,  en  effet,  avec  son  maître  Barlaam,  au 
martyrologe  romain, ^sous  la  date  du  27  novembre. — Notons,  en  passant,  que 
la  bibhothèque  de  saint  Martial  de  Limoges  possédait  deux  Barlaam  (les 
nos  8  et  145  du  Catalogue  de  Bernard  Itier).  Voyez  Léopold  Delisle,  le  Cabi- 
net  des  manuscrits^  I,  p.  493. 

2  Ce  ms.  est  encore  inédit.  M.  Bartsch,  dans  son  Lesebuch  et  sa  Chresto- 
mathie;  MM.  Zotenberg  et  Paul  Meyer,  dans  leur  édition  du  Barlaam  fran- 
çais de  Gui  de  Cambrai,  en  ont  seulement  publié  des  extraits.  La  parabole  de 
Thomme  à  la  licorne  est  un  de  ceux  qu'ont  donnés  MM.  Zotenberg  et  Meyer, 
mais  ils  n'ont  pas  transcrit  le  morceau  en  entier. 

*  Toy.  l'excellent  mémoire  de  M.  F.  Liebrecht,  intitulé  die  Quellen  des  Barlaam  und 
Josaphat,  dans  le  t.  II,  p.  314-334,  du  Jahrbuch  fur  romanische  und  englische  Literatur. 
Une  traduction  italienne  de  ce  mémoire,  due  à  M.  E.  Teza,  a  été  insérée  par  M,  A. 
d'Ancona  au  t.  II,  p.  146-162,  de  son  précieux  recueil  de  Sacre  Rappresentazioni  (Fi- 
renze,  1872). 


SBRMONS  ET   PRECEPTES   RELIGIEUX  163 

ratz,  .1.  blanc  et  autre  nègre,  que  ades  rozian  la  razis  d'aquel  albre. 
Et  avian  la  tant  roza  que  volia  cazer.  E  consiret  si  la  pregoneza  de 
la  fossa  e  vî  al  fons  estar  .i.  drago  de  fer  esgardament  ;  e  gitet  fuec 
per  la  gola  que  ténia  badada  per  devorar  aquel.  Et  regardet  si  e  vi 
que  de  la  barta,  en  que  ténia  sos  pes,  eysian  .nu.  caps  de  colobres.  E 
leva  SOS  huelhs  e  vi  que  de  Talbre  en  que  si  ténia  degotava  .i.  fil  de 
mel,  e,  per  amor  de  la  dousor  del  mel,  oblidava  totz  aquels  mais  que 
Tenvironavan.  Aquesta  semblansa  es  en  totz  sels  que  aman  aquest 
segle.  La  esposicion  es  aytals.  Unicom  figura  la  mort,  que  tôt  jorn 
persec  e  dezira  penre  Tuman  linage .  La  fossa  figura  aquest  mont  que 
es  plens  de  totz  mais.  L'albre  que  era  ros  de  .11.  ratz  figura  la  vida 
de  cascun  home,  que  cascun  dia  se  vay  mermant  per  las  oras  del  dia 
e  de  lanueg.  Los  .iiii.  colobres  figuran  los  .iiii.  elemens  dezacordans 
per  los  cors  que  non  podon  estar  en  pas.  E  lo  dragon  que  era  tant  fers 
e  tant  cruels  figura  lo  ventre  d'enfem,  que  cobeyta  devorar  aquels  que 
aman  lo  delieg  d'aquest  prezent  mont,  per  que  le  dyable  toi  ad  home 
e  non  li  laysa  aver  salut. 

Sur  les  autres  sources  plus  ou  moins  lointaines  de  cette  parabole, 
voyez  le  mémoire  précité  de  M.  Liebrecht,  pp.  330-1,  et  un  autre  tra- 
vail du  même  auteur,  zur  Geschichte  derromantischen  Poésie,  publié 
également  dans  le  t.  II  du  Jahrhuch  fur  r,und  e,  L.,  p.  127-8.  Elle 
jouit  au  moyen  âge  d'une  vogue  extraordinaire.  M.  Hermann  Oes- 
terley,  à  la  p.  739  de  son  édition  des  Gesta  romanorum,  recueil  dont 
elle  forme  un  chapitre,  donne  une  longue  liste  de  livres  où  Ton  peut 
aussi  la  lire.  Elle  a  été  mise,  isolément,  envers  français  dans  le  dit  de 
Vunicorne  et  du  serpent,  pièce  anonyme  dont  on  possède  d'assez 
nombreux  mss.  (il  y  en  a  un  à  Montpellier),  et  qui  a  été  publiée  par 
M.  A.  Jubinal  dans  son  Nouveau  Recueil  de  fabliaux,  t.  II,  p.  113. 
Voyez  l'article  consacré  à  cet  ouvrage  dans  V Histoire  littéraire  de 
la  France,  t.  XXIII,  p.  25-8.  On  peut  voir,  en  outre,  dans  le  Yiolier 
des  histoires  romaines  (ancienne  trad.  fr.  des  Gesta),  p.  389  de  l'édi- 
tion Jannet  (1868),  une  note  instructive,  bien  que  fort  incomplète,  de 
M.  G.  Brunet. 

IV. — 4,  «  Aquest  ))=:  a  aquest.  Cf.  1.  21,  aisso=  a  aisso, 
5.  «  sorsaria.  »  Ancien  français  sorcerie.  «  Aicest  jorn»,  c'est-à- 
dire  le  1er  janvier,  dit  Maurice  de  Sully  (Boucherie,  le  Dialecte  poi- 
tevin au  XIII®  siècle,  p.  30-31),  «  soient  li  malvais  crestien,  segont 
la  costume  dau[s]  paï[en]s,  faire  lor  mezines  e  charrais*,  e  par  les 

^  C'était  à  peu  près  la  même  chose  que  les  brefs,  dont  il  est  question  un  peu 
plus  loin.  Voy.  Du  Cange,  sous  caracter  (la  forme  française  et  la  forme  prov. 


164  SERMONS   ET   PRECEPTES   RELIGIEUX 

sorceries  soient  espérimenter  les  aventures  qui  sunt  à  venir.  »  Sur  la 
divination  parles  sorts,  qui  est  le  sens  propre  et  fondamental  de  sor- 
saria,  et  les  divers  modes  de  la  pratiquer,  on  peut  voir  ma  récente 
publication  les  Sorts  des  Apôtres,  texte  provençal  du  XIII^  siècle 
(Revue  des  l.  r.,  t.  XVIII),  et  les  auteurs  qui  y  sont  cités. 

5.  «  argur.  »La  croyance  aux  augures  était  encore  au  moyen  âge 
extrêmement  vivace.  Parmi  les  nombreux  textes  qui  en  témoignent  et 
qu'on  pourrait  citer,  je  n'en  rapporterai  que  deux  ou  trois,  tirés  d'au- 
teurs provençaux .  Peire  de  Corbiac,  dans  son  Trésor,  se  vantant  de 
toutes  les  sciences  qu'il  possède,  après  avoir  énuméré  la  nécromancie, 
la  géomancie,  les  sorts,  etc . ,  arrive  à  la  science  augurale  (v.  745)  : 

E  sim  vuelh  entremetre,  sai  prôn  d'aguramens, 
D'encontre  e  de  demandas  e  dels  auzels  prenens, 
Los  destres  els  senestres,  les  anans  els  venens, 
D'albanel  *,  de  gavaah,  d'autres  auzels  ferens, 
■  Del  corp  e  de  la  gralha,  les  cridans,  los  tacens. 

Nat  de  Mons,  dans  une  pièce  encore  inédite,  que  je  publierai  pro- 
chainement, avec  les  autres  ouvrages  de  cet  auteur  : 

Car  a  mans  homes  ve. . . 
Vesios  en  durmen, 
0  velhan  per  agurs 
0  per  senhals  segurs, 
Col  deu  endevenir. 

(B.  N.,  ms.  22543,  f»  125  vo,  col.  4.) 

car  ah,  carag,  renvoient  plutôt  à  *caractum).  Cf.  le  passage  suivant  d'une  or- 
donnance de  Philippe  le  Bel  (Cérémonies  des  gages  de  bataille,  Paris,  Cra- 
pelet,  1830, p.  18)  :  «  Item,  que  se  son  ennemy  avoit armes  forgées  par  mauvais 
art  et  briefz,  charroiz  ou  invocacions  d'ennemis, soit  le  faulx  et  mau- 
vais puny  comme  ennemy  de  Dieu,  traître  ou  murtrier,  selon  la  condition  du 
cas.  >  Et  plus  loin  (Serments  des  champions):  «Et  pour  ce loiaument, par 
les  seremens  que  j'ay  fais,  je  n'entens  porter  sur  moi  ne  sur  mon  cheval  i>aro- 
les,  pierres, herbes, charmes,  chan'oiSyHQ  conjurations, invocations  d'ennemis, 
ne  nulle  autre  chose  oùj'aye  espérance  qui  me  puisse  ayder,  ne  a  lui  nuire.  » 
—  L'éditeur  de  ce  texte  explique  assez  singulièrement  chantais  par  «  cha- 
riot, pour  charmes,  enchantements,  par  allusion  au  chariot  d'Artus.  » 
*  Voy.  Du  Cange  sous  Albanellus,  et  Cf.  Marcabru  : 

Crezez  en  l' argur  dels  albas  ; 
et  la  Chanson   de  la  Croisade  albigeoise  (w.  2085-9)  : 

Venon  al  Castel  nou  don  se  moc  un  alban 
Que  venc  devas  senestre  sai  a  la  destra  man 
Et  anec  tan  can  poc  encontra  susvolan. 
Donc  dits  Martis  Algais:  «  Sira,  per  sant  Joan! 
Cornent  que  lo  plaitz  prenga,  nos  sirem  sobiran.  » 


SERMONS    ET   PRECEPTES   RELIGIEUX  165 

Le  biographe  de  Bertran  de  Born,  dans  la  raso  du  sirventés  Ges  de 
far  sirventés  nom  tartz  : 

«  E  30  fon  un  dia  de  dilus  en  loqual  era  tais  ora  e  tais  poinz  que 
segon  la  razon  dois  agurs  ni  dels  poinz  e  d'astrolomia  non  era  bon 
comensar  negun  gran  fach .  » 

Cette  superstition  était  encore  assez  répandue  au  XVII*  siècle*. 
C'est  ce  dont  témoignent  le  canon  du  Concile  provincial  de  Narbonne 
de  1609,  qui  excommunie  ceux  qui  la  pratiquent,  et  ce  passage  du 
Tahleu  de  la  vido  del  parfet  crestia,  du  père  Amilha,  dont  la  pre- 
mière édition  est  de  1673,  dans  le  chapitre  intitulé  :  l'Examen  de  las 
super  sticius  : 

Aurios  tu  counsultat  le  courbas  o  Tagasso  ? 
Es-te  fouadat  sul  cant  de  qualqu'auzel  de  passe? 

Voy .,  d'ailleurs,  Thiers,  Hist.  des  superstitions,  t.  I«',  livre  III, 
chap.  2. 

6.  «  Car  aqo  es  cum  a  Deus. . . »  Cf.,  dan»  un  traité  vaudois,  publié 
par  Léger,  I,  196:  «  Al  bal  la  se  col  la  persona  laquai  s'estudian  de 
servir,  dont  di  S .  Hierosme  que  lo  dio  d'un  chascun  es  ca  que  se  col 
et  ama  sobre  totas  cosas.  »  Ce  qui  fait  allusion,  sans  doute,  à  ce  pas- 
sage du  Comment. sur  JèrémieQxh.lW,  cap.  xvu):«  Quia  derelique- 
runt  me  patres  vestri,  ait  Dominus,  qui  vobis  praesunt  in  Ecclesiis, 
et  abierant  post  deos  alienos,  quorum  Deus  venter  est,  et  avaritia  et 
luxuria,  et  gloria  in  confusione  eorum,  et  servierunt  eis.  A  quo  enim 
quis  vincitur,  ejus  et  servus  est.  Et  adoraverunt  eo5;  adorât  enim 
unuaquisque  quod  diligit.  » 

7.  «  cel.  »  On  lit  plutôt  eel  dans  le  ms. 

10.  Ms,  lo  nepbres.Cî.le  passage  suivant  d'un  sermon  d'Olivier 
Maillard  :  «  Blasphéma  turpiloqua  est  quando  quis,  exquisito  modo, 
membratim  dividende  humanitatem  redemptoris  nostri,  sic  turpiter 
jurât:  Fer  oculos  Dei!  Fer  ventrem  Dei!  Fer  sanguinem  Dei!  Fer 
caméra,  per  corpus,  per  caput,  et  cetera  membra,  per  plagas,  per 
mortem,  etc.  0  popule  Christiane,  ut  quid  iterum  vis  crucifigere  Re- 
demptorum  tuum  !  »  —  Gautier  de  Coinsi,  dans  un  de  ses  Miracles  de 
la  Vierge,  dont  je  n'ai  pu  lire  le  texte,  qui  est,  si  je  ne  me  trompe, 
encore  inédit,  parle,  dit  Barbazan  (Ordene  de  chevalerie,!^.  202),  d'un 
ribaut  qui  «  démembra  Dieu,  c'est  à  dire  jura  par  les  froissures,  les 
courailles,  les  entrailles  de  Dieu,  par  le  poumon,  le  foie,  les  plaies, 

'  Toute  trace  o'en  a  même  pas  encore  disparu  de  dos  campagnes.  L'expres- 
sion tt  oiseau  de  malheur  »  ou  «  de  mauvais  augure  »  n'est  pas  partout  une  mé- 
taphore. La  rencontre  d'une  pie,  d'un  pinson,  et  peut-être  d'autres  oiseaux, 
est  considérée  en  divers  lieux  comme  un  présage  funeste. 


166  SERMONS  ET  PRECEPTES  RELIGIEUX 

c'est-à-dire,  comme  on  dit  à  présent,  il  prit  Dieu  par  tous  les  bouts, 
ou  par  les  pieds  et  par  la  tête,  il  jura  même  la  boutine  ou  boudiné  de 
saint  Fiacre,  c'est-à-dire  son  nombril  ;  mais  il  ne  voulut  jamais  dé- 
membrer Notre-Dame,  et  dit  pour  raison  : 

Se  je  corroçoie  Nostre  Dame, 
Qui  me  feroit  ma  pais  a  Dieu?» 

Citons  encore  Folquet  de  Lunel  (^Romans  de  mundana  vida)  : 

Et  l'autre  dels  .  i"i-  cartiers 
De  Dieu  dira  descrezensa. 

V.  —  3.  «argurers.  wVoy.  ci-dessus,  sur  IV,  5. 

3-4.  «  enchantadre.  »  Voy.  Du  Cange  sous  incantare.  On  trouve  sur 
les  enchanteurs,  dans  l'ancienne  Coutume  de  Bordeaux,  un  paragraphe 
très-curieux .  Le  voici  tout  entier  dans  le  texte  original  : 

w  §  46.  Cumdiu  estre  punhit  encantador  ni  qui  desepelis  home 
mort,  quant  es  sehelit, 

»  Avinguo  se  a  Bordeu,  et  asso  plusors  de  bets,  que  aucunas  gens 
malifaitors  et  encantadors  foren  près  a  Bordeu  et  justiciats  per  so 
quai*  raubaben  las  gleysas  et  descepelissen  los  cos  eus  enfans  au- 
bats  ;  per  que  ad  ataus  gens  tota  ley  et  tota  franquessa  los  es  dene- 
gada  :  et  après  avingo  se  que  a  St  Miqueu  vinren  aucunas  gents 
de  nuits  qui  dessepelissen  los  enfants  aubats  et  prenen  ne  los  bras  de 
l'enfant  et  portabant  ne  en  la  man  de  l'enfant  luts  encantada,  et 
ubren  los  hostaus  et  entraben  dedents,  et  vos  belharits  et  no  poiret 
mot  dire  ni  persona  qui  vis  la  luts  ni  la  man;  et  que  los  balharets  las 
claus  de  vostre  argent,  et  lendoman  no  sabrets  qui  se  fora  estât.  Sy 
que  foren  spiats  et  trobats  et  menats  a  S.  Elege,  et  aqui  fo  jutgat  que 
for  ni  ley  de  terra  no  los  deve  valer,  quar  eran  sacrilegis  et  layrons 
et  encantadors  ;  et  que  artaben  poden  ausire  home  o  panar  sa  filha  o 
la  molher  cum  l'argent,  per  lor  encantament;  per  que  foren  traginats 
et  penduts  *.  »  (Coutumes  du  ressort  du  parlement  de  Guyenne,  par 

•  Pierre  de  Marca,dans  son  Histoire  de  Béarn  (Paris,  1640,  p.  552),  raconte 
un  fait  du  même  genre  et  non  moins  singulier  :  «  On  trouve  dans  les  vieux  li- 
vres censiers  des  communautés  de  cette  vallée  [d'Aspe],que  les  Aspois  estans 
entrés  avec  armes  dans  la  vallée  de  Lavedan,  qui  est  assise  dans  les  mon- 
tagnes de  Bigorre,  un  abbé  laique  d'un  village  proche  du  monastère  de  Saint- 
Savin  monta  sur  un  suseau,  et,  ayant  leu  quelques  coujurations  dans  un  livre 
de  magie,  troubla  le  sens  et  l'entendement  des  Aspois,  en  telle  sorte  qu'ils  fu- 
rent mis  hors  de  défense  par  la  force  des  enchantements  et  demeurèrent  ex- 
posés à  la  discrétion  de  leurs  ennemis  du  Lavedan  qui  en  firent  une  sanglante 
boucherie  et  les  tuèrent  tous  de  sang  froid .  »  —  Le  lecteur  curieux  de  ces 
histoires  de  fascination  en  trouvera  d'autres  tout  aussi  étranges,  quoique 
moins  tragiques,  dans  les  Otia  imperiala  (111,  83)  de  Gervais  de  Tilbury. 


FERMONS   ET   PRECEPTES   RELIGIEUX  167 

deux  avocats  au  même  parlement.  Bordeaux,  1768,  t.  I,  p.  38).  — 
La  croyance  à  l'efficacité  des  enchantements  et  des  conjurations  n'a 
pas  tout  à  fait  disparu  de  nos  campagnes.  Au  XVIIo  siècle,  elle  était 
encore  assez  répandue  pour  que  plusieurs  évêques  aient  jugé  néces- 
saire, non-seulement  de  condamner  de  nouveau  ces  pratiques,  mais 
encore  de  les  défendre  aux  prêtres  et  aux  clers.  Voyez  Thiers,  Hist, 
des  superstitions ,  t.  I,  1.  VI,  chap.  1  et  2,  et  cf.  Charles  Nisard, 
Histoire  des  livres  populaires,  I,  168,  où  il  est  justement  question 
du  mode  d'enchantement  employé  par  nos  malfaiteurs  bordelais,  c'est- 
à-dire  de  la  main  de  gloire, 

5.  «  e  leio  breus  »  :  e  lei  o  breus  ne  donnerait  pas  ici,  à  ce  qu'il 
semble,  un  sens  satisfaisant;  leio  pourtant  m'est  suspect,  parce  que 
ce  serait  dans  notre  texte  le  seul  exemple  de  troisième  personne  plu- 
riel en  0,  forme  qui  est  étrangère  et  antipathique  au  dialecte  du  haut 
Limousin.  Peut-être  le  copiste  a-t-il  transcrit  par  erreur  leiè  en  leio. 
Quoi  qu'il  en  soit,  leio  breus  (=  ligant  —  et  non  legunt  —  brevia) 
donne  un  sens  tres-plausible.Voy.  Du  Cange  sous  brevia.  Les  brefs 
s'appelaient  aussi  ligatures  (cf.  ibid.  ligaturœ),  à  cause  de  l'usage  de 
les  porter  attachés  au  cou,  aux  bras,  aux  jambes  ou  à  d'autres  par- 
ties du  corps.  La  fameuse  amulette  de  Pascal  était  proprement  un 
bref.  Cette  superstition  a  duré  longtemps,  et  il  n'est  pas  sûr  qu'elle 
ait  encore  totalement  disparu.  C'est  une  de  celles  que  l'Eglise  a  pris 
le  plus  de  peine  à  déraciner.  Voy.  Thiers,  ouvrage  cité,  t.  I,  passim, 
et  spécialement  livres  IV  et  V.  Le  père  Amilha,  dans  le  Tableu,  déjà 
cité,  de  la  bido  del  par f et  crestia,  fait  en  ces  termes  mention  des 
brefs  au  chapitre  de  VExamen  de  las  supersiicius  : 

Aurios  pourtat  per  breu  la  talpo,  la  cernailho, 
La  mouster  o  grapaut  que  le  sourcié  te  bailho*? 
Auriôs  pourtat  al  col,  sul  cor  o  joux  le  bras, 
Uo^escrlut  doun  le  sens  dou  se  coumprengo  pas? 

D'après  Léger  {Hist.  générale  des  Eglises  évangéliques  des  val- 
lées  du  Piémont),  les  soldats  piémontais  envoyés,  en  1663  et  1664, 
contre  les  Vaudois  avaient  été  munis  de  brefs  imprimés  en  rouge. 
K  Je  conserve  »,  dit-il  à  la  p.  25  du  1. 1,  «  des  billets  dont  on  munis- 
soit  au  tems  des  massacres  ceux  qui  se  disposoient  à  les  exécuter  : 
en  vertu  desquels  billets  imprimés  on  leur  faisoit  accroire  qu'ils 
n'avoient  rien  à  craindre,  ou  même  que  s'ils  mouroient  en  cette  guerre 
sainte,  ils  alloient  recevoir  des  auréoles  dans  le  ciel,  comme  plusieurs 
prisonniers  me  l'ont  souvent  protesté.  Ces  billets  estoient  la  plus 

*  On  voit  par  là  que  le  nom  de  breu  pouvait  être  donné,  par  extension,  à 
des  amulettes  de  tout  genre,  et  oon  pas  seulement  à  des  écrits  ou  brevets. 


168  SERMONS    ET   PRECEPTES  RELIGIEUX 

part  de  cette  teneur  :  Potentia  Dei  f  Patris  Sapientia  Dei  f  Filii  et 
Virtus  Spiritus  f  Sancti  per  intercessionem  Sanctissimae  Virginis  Dei 
genitricis  Marise,  Sancti  Francisci,  Antonii  etbeatorum  Didaci,et  Sal- 
vatoris,  liberet  te  Dominas  ab  omni  febre  peste  et  improvisa  morte. 
Amen.  »Cf.  t.  II,  p.  181  du  même  ouvrage. 

Les  exemples  anciens  de  breu,  dans  le  sens  spécial  qu'a  ce  mot 
dans  notre  texte,  ne  sont  pas  communs .  Rst^ynouard  n'en  rapporte 
aucun.  En  voici  un  que  me  fournit  Guilhem  de  Berguedan  : 

No  sai  sius  portatz  peir'  o  brieu 
Qu'en  aissim  faitz  fondre  com  nieu. 

Cf.  la  note  1  de  la  page  163  ci-dessus . 

13.  «  nols.  »  Ms.  noll  (les  deux  l  barrées). 
15.  «  otena.  »  Corr.  o{i]tena? 

19-20. Les  mots  que  je  place  ici  entre  parenthèses  sont  évidemment 
à  supprimer.  Le  copiste,  après  les  avoir  écrits  à  tort  pour  ceux  qui 
suivent,  aura  oublié,  en  se  reprenant,  de  les  effacer. 

VI .  —  On  avait  d'abord  écrit  tôt  hom.  Mais  ces  deux  mots  ont 
été  biffés  et  on  a  écrit  à  la  suite  toz  om, — 20.  Ms.  la  paricio. —  31. 
«  essehinnansa.  »  Ms.  essehninansa ;  Vi  est  certain,  il  est  marqué. 
D'autres  manuscrits  présentent  parfois  la  même  faute.  Cf.,  par  exem- 
ple, seniner,  pour  seinner,  dans  l'épître  farcie  de  la  Saint  Etienne 
publiée  par  M.  Gandin,  au  t.  II  de  la  Revue  des  langues  romanes 
(p.  138).  Pour  le  groupe  hin  =  nh,  cf.  ci-dessus  I,  10,  sehinor. 

43.  Après  qe,  on  lit  dans  le  ms.  anset,  à  quoi  je  ne  sais  trouver 
aucun  sens*;  après  laisas  (corr.  laisar?)  un  ou  deux  mots  illisibles. 

VII.  —  Cette  pièce,  bien  que  rimée,  est  écrite  à  lignes  pleines  dans 
lems.  — 6.  Ms.  cors.  -—9.  Ce  vers  ne  rime  pas;  peut-être  en  mao- 
que-t-il  un  avant  ou  après.  — 12.  «  faire.  »  Ms. /ar. 

14.  Encore  un  vers  qui  ne  rime  pas.  Faut-il  en  faire  deux  en  cor- 
rigeant fesisses  (cf.  le  vieux  français)  ou  seulement,  en  admettant  une 
rime  par  à  peu  près,  fesesses  :  suffrisses  ? 

18.  «  ades.  »  Corr.  adens  pour  rimer  avec  desconoicens  ?  Anes  rime- 
rait, par  à  peu  près,  avec  Luciabels  du  vers  précédent,  qui  devrait 
dès  lors  en  faire  deux. 

29 .  Suppr.  car  ?  Ce  vers  aurait  ainsi  la  même  mesure  que  les  deux 
précédents 

33.  «  Honors.  Ms.  honees.  Le  premier  e  est  douteux,  mais  le  se- 
cond est  sûr.  C'est  peut-être  homenes  en  abrégé  (hôêes)  qu'il  y  avait 
dans  l'original  et  que  le  copiste  a  mal  lu.  La  bonne  correction  con- 

*  On  pourrait  séparer  ans  =  ante;  mais  que  faire  de  et  ? 


SERMOl^S  ET  PRECBPTBS  RELIGIEUX  169 

sisterait  dès  lors  à  rétablir  ce  mot  et  à  supprimer  Ve  qui  suit,  pour 
conserver  au  vers  sa  juste  mesure.  —  «  de  lauvamens.  »  Il  y  a  seu- 
lement e  et  non  de  dans  le  ms.  Ce  que  j*avais  pris  pour  un  d  est 
un  signe  de  renvoi  précédant  ces  deux  mots,  qui  avaient  été  oubliés 
et  qu'on  a  écrit,  au-dessus  de  prêt  ai  volgut,  dans  l'interligne.  Du 
reste,  lauvamens  n'est  qu'une  correction,  qui  m'a  paru  indiquée  par 
le  sens  et  par  la  rime,  car  le  ms .  porte  lauuamu  es.  Ces  deux  der- 
nières lettres  sont  séparées  du  reste  par  la  partie  supérieure  de  1'^  de 
volgut,  avec  laquelle  une  autre  lettre,  qui  serait  un  t,  aurait  bien  pu 
se  confondre,  car  cette  l  parait  être  plus  longue  que  de  raison.  Ce  se- 
rait alors  lauuamuies  qu'on  aurait  écrit. 

34.  «  tôt.  »  La  dernière  lettre  est  presque  presque  entièrement  ef- 
facée dans  le  ms.  Mais  ce  qui  en  reste  se  rapporte  plutôt  à  un  ^  qu'à 
un  z, —  39.  Ms.  sobreros. 

40.  (cvertaders.  »  Ici  se  termine,  avec  le  folio  60  et  le  cahier  8  du  ms., 
notre  pièce  n®  Vil,  qui  paraît  complète. 

11  ne  reste  rien  de  celles  qui,  d'après  le  titre  même  de  cette  pièce, 
devaient  la  suivre,  au  nombre  de  six  au  moins.  Les  neuvième  et  dixième 
cahiers  dums.,  qui  en  senties  derniers  (folios  61-74),  ne  contiennent 
que  du  latin.  Le  neuvième  est  composé  de  trois  feuillets  doubles,  le 
dixième  de  quatre.  Il  n'y  a  pas  de  lacune  entre  les  deux  et  rien  ne  man- 
que à  la  fin,  comme  l'indique  le  mot  explicit,  inscrit  à  la  cinquième 
et  dernière  ligne  du  dernier  feuillet,  dont  le  reste,  aujourd'hui  mu- 
tilé, est  resté  en  blanc,  sauf  quelques  lignes  écrites  après  coup  et 
qu'on  a  grattées.  Mais  un  ou  plusieurs  cahiers  manquent  au  commen- 
cement, c'est-à-dire  avant  le  folio  61. 

C.  C. 
(A  suivre,) 


0m 


Dialectes  Modernes 


GLOSSAIRE  DES  COMPARAISONS  POPULAIRES 
DU  NARBONNAIS  ET  DU  CARCASSEZ 

(Suite  et  fin) 

Tabat.  —  Prene  detabat  coumo  un  ase  de  bren. 

SE  dits: 

—  Se  bos  fuma,  croumpo  de  tabat. 

—  Mai  d'un  cop  Ton  fumo  sans  tabat. 

Tabatou  ou  TABATAiRB.  —  De  narros  negros  coumo  un  taba- 

tou, 
Talha  ou  coupa  coumo  un  rasou  ;  —  coumo  un  coutèl  sanna- 

dou;  —  coumo  uno  lanceto;  —  coumo  un  coutèl  de  fe- 

niant.  —  Talhent  das  dous  coustats  coumo  un  coutèl  de 

tripiè. 

PBR  TRUFARIB  : 

Talha  coumo  uno  dago  de  ploumb  ;  —  coumo  uno  ra^- 
sègo  ;  — coumo  un  ginoul  de  bièlho  ;  —  coumo  s'i  béi. 

Talhat  ou  bastit  coumo  un  tambour-mèstre  ou  major  ;  — 
coumo  un  sapin  ;  —  coumo  un  barri. —  Talhat  coumo  un 
souisso  de  catedralo. 

Talho.  —  Uno  talho  primo  coumo  un  fus;—  coumo  un  fouis- 
soulou  ;  —  coumo  uno  damo  de  gandolo. 

Talhounat.  —  Talhounat  coumo  un  sahi  ;  —  coumo  un  sal- 
cissot  ;  —  coumo  uno  caroto. 

Talpo.  —  Moucha laura  coumo  la  talpo;  —  nègre  coumo 

uno  pèl  de  talpo.  —  Cambia  lous  èls  per  la  cougo  coumo 
la  talpo.  —  S'i  béi  pas  dal  loung  d'el,  coumo  la  talpo.  — 
Destrùssi  coumo  uno  talpo. 

Tambour.  —  Rasouna  coumo  un  tambour-de-bascou.  —  Peta 
coumo  uno  pèl  de  tambour.  —  Fa  marca  lou  pas  coumo 
un  tambour.  — Faire  coumo  lou  tambour,  que  cambio  de 
pèl  quand  es  crebat.^-Tanat  coumo  uno  pèl  de  tambour. 


COMt»ARAlSOMS  PÛI'ULAIRBS  l7l 

Tambourin. — Arriba  àpunt  coumo  un  tambourin  à  las  noços. 

—  Mètre  en  trin  coumo  lou  tambourin. 
Tambourina. — Tambourina  sus  las  bitros  coumo  un  desubrat, 

—  Tambourinât  coumo  un  charlatan. 

Tana  ou  batre  quaucun  coumo  un  quèr.  —  Batre  la  semelo 
coumo  un  pegot.  — A  lou  bentre  tanat  coumo  la  pèl  d'un 
caïman.  —  La  pèl  dal  bentre  tanado  coumo  un  quèr  de 
Russie. 

Tancat  ou  tampat  coumo  uno  porto  de  prison  ;  —  coumo  la 
porto  d'un  couben  ;  —  coumo  un  cagarau  de  souco  ;  — 
coumo  uno  cauquilho.  —Tança  e  dourbi  coumo  la  porto 
d'un  aboucat. 

Tarât.  —  Tarât  coumo  un  bièl  rabe  ;  —  coumo  lou  cor  d'un 
sacripan. 

Tarrible. —  Tarrible  coumo  lou  sort; — coumo  la  mort  ;  — 
coumo  la  guerre.  —  Tarrible  e  rapide  coumo  un  boulet 
de  canou. 

Tasta.  —  Tasta  dal  bout  de  las  dents  coumo  s'en  abio  pou  de 
s'empouisouna.  —  Tasta  lou  bi  coumo  un  ibrougno  :  à 
plen  gandil. —  Tastin-tastoroun  coumo  lous  gargoutiès. 

Temps.  —  Bièl. . .  .fi. .  .cambiable  coumo  lou  temps.  —  Prene 
lou  temps  coumo  ben  e  las  gens  coumo  soun. 

SE  dits: 

—  Lou  mounde  parle,  l'aîgo  coulo, 
Lou  bent  fioulo  et  lou  temps  s'escoulo. 

—  Disoun  que  lou  temps  passe  : 
Piots  !  es  el  que  nous  passe  ! 

Tendre.  —  Tendre  coumo  d'aigo  ;  —  coumo  un  fourmatjou  ; 
— r  coumo  un  crèissilhou  ;  —  coumo  de  burre  ;  —  coumo 
uno  pèl  de  cebo  ;  —  coumo  un  poutou  de  mut.  —  Tendre 
coumo  lou  cor  d'une  bouno  maire. 

PER  TRUFARIÈ: 

Tendre  coumo  un  clabèl  d'un  sôu  ;—  coumo  uno  gransolo 
ou  bato  d'esclop  ;  —  coumo  las  ancos  de  l'escaliè  ;  — 
coumo  un  adoubaire  de  postes  d'estoumac  ;  —  coumo 
un  bourrôu. 

Tenb.  —  Se  tene  à  chabal  coumo  Sant  Jôrdi.—  Se  tene  dreit 


I 


Ht  COMPARAISONS   POPULAIRES 

coumo  per  miracle  ;  —  coumo  per  ressort. —  Se  tene  sus 
un  pèd  coumo  uno  cigogne.  —  Se  tene  fresc  coumo  un 
pèis  e  galhard  coumo  un  Turc. — Tene  Talé  coumo  un  ca 
bessaire,  —  Tene  un  repais  à  miech  gousiè  coumo  un 
court- d'apetis  deju. — L'estoumac  i  ten  coumo  per  un  fiai 
de  lano,  de  tant  qu'a  talen. 

PER  trufarib: 

Se  tene  à  chabal  coumo  un  parel  de  mourdassos  ou  d^es- 
tanalhos.  —  Tene  Taigo  coumo  un  curbèl  ;  —  coumo 
un  paniè  sans  tioul. 
Tèsto.  —  A  de  tèsto  coumo  un  filousofo  ;  —  coumo  un  gros 
sabent.  —  Tèsto  leng  de  la  cougo  coumo  la  merlusso.  — 
Tésto  sus  cougo  coumo  d'anchoios  en  barialo  ou  coumo 
d'alencadous. —  Tèsto  cruso  coumo  un  sant  de  gèis.  — A 
pas  mai  de  tèsto  qu'une  piuse. 
Têstut  ou  caparrut  coumo  un  Bretoun; — coumo  un  ase  gris  ; 

—  coumo  uno   mulo  sourde;  —  coumo  un  bardot;  •  — 
coumo  unboto-rodo. — Testut  coumo  un  màchou  ou  miol  ; 

—  coumo  un  cascoul  de  poumpiê  ;  —  coumo  uno  masso- 
ascladouiro  ;  —  coumo  un  mal  de  fargatou. 

SB  dits: 

De  caparrut  à  caparrut, 
Diâcillomen  i'a  councordo. 

TèuGNB.  —  Tèugne  coamo  uno  moustèlo  ;  — coumo  uno  bou- 
gneto;— coumo  uno  dentèlo  ; — coumo  un  fui  de  papiè; — 
coumo  uno  fèlho  d'aubre. 

TiBA.  —  Tiba  coumo  un  arquet  ;  —  coumo  uno  pèl  de  tam- 
bour;—  coumo  un  cung. —  Tibat  coumo  un  boutifarro. 
— Tibado  coumo  uno  poutèto  de  bren. —  Fa  tiba  la  guèto 
coumo  un  tambour-major.  —  Bentre  tibat  coumo  un  pe- 
soul. 

TiLHA  ou  FA  d'estiros  coumo  de  besc  ;  —  coumo  de  mèl  ;  — 
coumo  de  jalèo  ;  —  coumo  de  pego  ;  —  coumo  de  triaco  ; 

—  coumo  de  moust; — coumo  un  macaroni. 

TiNDA.  «—  Tinda  coumo  uno  campano  ;  — coumo  uno  esquilho; 

—  coumo  un  simboulet  ;  —  coumo  un  clapou  ;  —  coumo 
uno  sounalho  d'eguetado; — coumo  l'argent  ; — coumo  un 


COMPARAISONS  POPULAIRES  173 

sac  d'anougos;  —  coumo  de  clinquetos  ou  castagnetos. — 
Tiiïdarêl  coumo  un  sou  de  pifre  ;  —  coumo  uno  clarineto 
d'abugle. 

SB  dits: 

Qui  fa  tinda  l'argent  quand  croumpo, 
Lou  marchand  es  gus  se  lou  troumpo. 

Tira. —  Tira  coumo  un  chabal  à  la  carreto  ;  —  coumo  un  biôu 
àFaraire. — Tira  de  las  armos  cqumo  unAgenés  ; — coumo 
un  prebot  de  regimen.  — Tira  foc  de  las  dents  coumo  uno 
pèiro  de  molo.  —  Tira  d'aqul  coumo  d'un  fourmatge  ou 
d'un  cambajou. 

PBR  TRUFARIÈ: 

Tira  dréit  coumo  un  chabal  demalhucat. 

SE  dits: 

—  Bal  mai  tira  qu'escoupi. 

—  De  loungo-tiro  coumo  lous  michantis  pagaires. 

Tissous.  — Tissons  coumo  uno  mousco  d'ase  ;  —  conmo  mous- 
cos  en  temps  de  plejo;  —  coumo  mouscalhous  al  lèit. 

Tort.  — Tort  coumo  uno  S;  — coumo  lou  cami  de  Dabeja. 

ToiicA.  — Touca  ma  coumo  maquignouns  que  fan  pacho. —  Se 
touca  la  paleto  ou  las  cinq  sardos  coumo  de  bounis  amies. 

—  Touca  de  Tarpo  coumo  Dàbid  ;  —  coumo  un  filou  roum- 
put  à  la  musico  das  escuts.    • 

TouMBA.  —  Toumba  coumo  un  ploumb  ;  —  coumo  un  souc  ;  — 
coumo  uno  groulho  ;  —  coumo  un  esclop  ;  —  coumo  un 
palet;  —  coumo  un  sac  de  blad  ;  — coumo  la  plèjo;  — 
coumo  la  grello  sul  paure  mounde  ;  —  coumo  uno  mito  ; 

—  coumo  un  Sabatas  ;  —  coumo  un  petas  de  bard  ;  — 
coumo  un  santi-belli  ;  — coumo  un  perdigal  engranalhat 
per  lou  cassaire  ;  —  coumo  las  graulos  sus  uno  fabièro  ; 
—coumo  un  bol  d'estrounèls  sus  rasins. — Toumba  coumo 
las  prunos  al  mes  d'agoust;  —  coumo  las  mouscos  en 
temps  plèjous.—  Toumba  coumo  la  misèro  sus  paures.— 
Toumba  rette  coumo  uno  barro.—  Toumba  sus  las  quatre 
patos  coumo  un  gat.  —  Toumba  sul  bentre  coumo  uno 
gragnoto  desancado. --Toumba  espës  coumo  uno  grello 
de  julh6t.^Toumba  de  flio  coumo  d^  capucins  de  cartos. 

13 


174  COMPARAISONS  POPULAIRES 

—  Toumba  sas  quaucun  coumo  lous  pîots  sus  d*amoaros. 
— Toumba  coumo  de  las  naos  sans  que  digus  bous  atende. 

—  La  trîgèo  toumbo  as  souldats  coumo  lous  aglans  ou  las 
amellos  jisclados. 

SB  dits: 
—  Souben  toumbo  qui  trop  galaupo. 
—  L'orne  que  s'es  espatarrat 
Pot  pas  leba  ion  qu'es  toumbat. 

TouNSURAT.  —  Tounsurat  coumo   un  carme  ;  —  coumo  uno 

mounino. 
Tourmenta. —  Se  tourmenta  coumo  un  ase  trop  singlat;   — 

coumo  uno  crabo  estacado  per  un  paisslu. 
Tourna. —  Tourna  cad'  an  coumo  Tarmanat  ;  —  cado  mes 

coumo  laluno; — cado  jour  coumo  lou  soulel.  — Tourna 

à  soun  sicut  era  coumo  un  repapiaire. 
ToussB  ou  Toussi  coumo  un  bourrée  gamat  — coumo  un  asma- 

tic  ;  —  coumo  un  chabal  poussif  ;  —  coumo  un  biôu  qu'en- 

goulits  uno  plumo. 

SE  dits: 

Lou  chantre  que  perd  sa  note, 
Sul  cop  se  met  à  toussi. 

Toussi.  — Se  toussi  coumo  un  jounc;  —  coumo  uno  cordo  ;  — 
coumo  uno  camiso  bagnado. 

Trabalha.  —  Trabalha  coumo. un  galérien;  — coumo  un  nè- 
gre ;  —  coumo  un  Cifèr  ; — coumo  un  ase  ;  —  coumo  uno 
bèstio  ;  —  coumo  un  malurous  ;  —  coumo  un  Samsou.  — 
Trdbalha  de  tèsto  coumo  lous  alhets. 

PER  trufarib: 

Aima  lou  trabal  coumo  lous  gousses  lou  fouet. 

SB  dits: 

— Demandario  de  trabal,  se  sabioqu'in  rafudessoun. 

—  Qui  trabalho, 
Dius  i  balho. 
—  Qui  s'apauso  dégourdit, 
Cal  que  trabalhe  raât. 
—  S'en  trabalhant  Ton  benio  riches, 
Lous  ases  pourtarion  bast  d'or. 


GOMPÀRÀUmS  POPULAIRSS  175 

Trabalhat.  ^  Un  camp  trabalhat  coumo  un  ort. 

Trabbs. — Se  tene  de  trabès  coumo  lou  sant  de  Bajos. —  Tout 

margat  de  trabés  coumo  un  debigoussat. 
Trac  ASSIS. —  Tracassiè  coumo  un  empruntaire  ; —  coumo  lous 

amies  de  Job,  sans  parla  de  sa  fenno. 
Trairb-psno.  —  Fa  traire-peno  coumo  un  agounisant  ;  — 

coumo  un  asmatic;  — *  coumo  un  quèque;  —  coumo  un 

mainatjou  qu'a  la  cacalucbo. 
Traite.  —  Traite  coumo  Judas  Iscarioto  ;  —  coumo  un  Grec  ; 

—  coumo  la  fahino. 

Trambla  ou  tremoula  coumo  un  jounc  ;  —  coumo  uno  fèlho 
d'aubre  ;  —  coumo  uno  cougo  de  baco  ou  de  mandro  ;  — 
coumo  un  boulur;—  coumo  un  tioul  d'agassou. 

Tranquille.  —  Tranquille  coumo  un  sôu  ;  —  coumo  Batiste  ; 

—  coumo  la  bèlo  aigo  ;  —  coumo  un  banc  ;  —  coumo  un 
sant  de  gèis  ;  —  coumo  uno  borno  ;  —  coumo  uno  clouco 
susiôus; — coumo  un  ange;  —  coumo  un  perot;— coumo 
lous  pèis  dins  sa  gaugno  ;  —  coumo  uno  lèbre  abant  Ten- 
benciu  de  la  casso. 

8E  dits: 

—  Tranquilletat  e  pax  dal  cor, 
Baloun  mai  que  de  saquets  d'or. 

Trantala  ou  trantalha  coumo  un  apostoul  de  Bacus  qu'a 
lous  dous  pèds  dins  la  bigno. — Trantalha  coumo  un  home 
que  ben  de  reçaupre  uno  pruno  de  ploumb. 

Tratable.  —  Tratable  coumo  un  agnèl  ;  —  coumo  un  efantou 
de  dous  ans. 

Trauca.  —  Trauca  coumo  un  birou  ;  —  coumo  d'aigo-fort.  — 
Trauca  das  èls  coumo  de  cops  de  talaires. 

Traucat.  —  Traucat  coumo  un  ariè  ;  —  coumo  un  curbèl  ;  — 
coumo  uno  tourièro  ;  —  coumo  uno  escumadouiro.  —  Fa 
la  traucado  coumo  un  moussegne. 

Trauquiliiat. —  Trauquilhat  coumo  un  dedal  de  courduro  ;  — 
coumo  uno  dentèlo; — coumo  uno  passadouiro  ; — coumo 
uno  espoungo  ;  —  coumo  uno  bresco  ;  —  coumo  uno 
pèiro-de-groto  ;  —  coumo  de  fourmatge  de  gruièro  ;  — 
coumo  de  pèiro-pounso. 

Trbboul  ou  treblb  coumo  de  bard  ;  — coumo  de  bol; — coumo 


175  COMPARAISONS  POPULAIRES 

de  lessiu  ;  —  coumo  de  traupo  ;  —  coumo  de  poustèmo  ; 

—  coumo  de  fraugno  ;  —  coumo  uno  gourgo-bandièro  de 
canards  ;  —  coumo  de  bi  de  rauso. 

Trelusent. —  Trelusent  coumo  For;  —  coumo  un  soulel  ;  — 

coumo  un  arcange. 
TREMOULANT.—  Tremoulant  coumo  un  cant  de  cigalo  ;— coumo 

uno  boues  de  crabo.  —  Tremoulejant  de  joio  coutno  un 

reinard  que  rencountro  de  galinos. 
Trempât  ou  trempe  coumo  uno  soupo  ; —  coumo  de  pa  boulit  ; 

—  coumo  un  gous  qu'a  nadat;  —  coumo  uno  bugado.  — 
Trempât  de  suzou  coumo  un  estibadiè  que  biro  Tamoulat 
en  plen  miechjour.  —  Trempe  coumo  un  gourg. 

SE  DITS  : 

Ço  que  Dius  trempo,  Dius  asseco. 

Trigoussa.  —  Se  trigoussa  coumo  un  bièl  engrepesit.  — Tri- 
goussa  la  garro  coumo  un  bièl  gendarme.  —  Trigoussa 
Talo  coumo  un  bièl  aucèlas.  —  Trigoussa  sa  bîdo  coumo 
un  boulet  de  galèro.  —  Trigoussa  coumo  uno  carrau- 
gnado. 

SE  dits: 

— Dins  aqueste  mounde,  cadun  trigosso  sa  carcasso  coumo 
pot. 

—  Qui  pot  pas  pourta  trigosso. 

Trima. —  Trima  coumo  un  nègre  ;  —  coumou  un  Samsou  ;  — 
coumo  un  galérien.  —  Trima  la  galèro  coumo  un  ase 
pelât. 

Trioumfant.—  Trioumfant  coumo  Pescoulan  qu'a  rempourtat 
lou  lauriè  ; —  coumo  un  souldat  qu'arrancat  un  drapèu  à 
Tenemic  ;  —  coumo  un  gênerai  après  la  bitôrio. 

Tripo. —  Mol flac  coumo  uno  tripo.  —  Rena  coumo  de 

tripos  bidos.  — Las  tripos  i  gourgoulhoun  coumo  de  ti- 
rons. 

SE  dits: 

—  Atoujour  uno  tripo  douberto  per  lous  amies. 

—  Qui  a  d'argent,  manjo  de  tripos. 

Tris.  —  Tris  coumo  de  pebre  ;  —  coumo  de  farino  ;  —  coumo 


COMPARAISONS   POPULAIRES  177 

depoulset;  ~  coumo  de  jaubert  achat. — Trissat  coumo  de 
sal. —  Trissa  ou  manja  coumo  un  ogre  deju  ;  —  coumo  un 
Gargantua  ;  —  coumo  un  ase  descabestrat. 
Triste. — Triste  coumo  la  mort;  —  coumo  la  passiu  ;—  coumo 
uno  michanto  noubèlo  ; —  coumo  un  cèdre  de  cementèri  ; 

—  coumo  un  capou  engagelat  ;  —  coumo  uno  souco  de 
bigno  desramado  ; — coumo  tout  aubre  desfelhat. — Triste 
coumo  lou  plagnun  d'un  chot  ;  —  coumo  uno  bouneto  de 
néit  ;  —  coumo  un  clas  ;  —  coumo  un  atahut  ;  —  coumo 
un  catafalc  ;  —  coumo  la  malin fourtuno. 

SE  dits: 

—  A  mal  de  cor,  ôli  de  souco. 

—  Cent  liuros  de    tristesso  pagoun  pas  dous  liards   de 
doutes. 

Trouba.  —  Se  trouba  pertout  coumo  lou  Gloria  Patri.  —  SU 
trobo  de  tout  coumo  à  la  fièro  ;  —  coumo  dins  Tarcho  de 
Noué. 

SE  dits: 

Qui  serco  e  trobo  perd  pas  tout  soun  temps. 

Troussa. —  Se  troussa  coumo  un  bèr  escapitat; —  <5oumo  uno 
couloubro  partachado  pel  mièch  ; —  coumo  quaucun  que 
toumbo  dal  mal-de-la-terro. — Troussât  coumo  un  faisset 
de  cordos  d'esparrou  ;  —  coumo  uno  bano  de  souco. 

Trouta.  — Trouta  coumo  un  Bascou  ;  —  coumo  un  cêrbi  ;  — 
coumo  un  gat  magre; — coumo  un  ase  fouissat  dal  mous- 
calhun  ;  — -  coumo  uno  ègo.  —  Trouta  gamberle  ou  de 
guingoi  coumo  un  gous  que  beii  de  bèspros. 

SE  DITS  : 

Filho  troutièro  ou  finestrièro, 
Raromen  bouno  mainatgèro. 

TkucA  ou  TUSTA  coumo  un  sourd  ;  —  coumo  uno  masse  ;  — 
coumo  sus  un  enclumi  ;  —  coumo  sus  un  budèl  que  ban 
pela. 

Trufa.  —  S'en  trufa  coumo  de  TAlcouran  ou  de  Tan  qua- 
rante. 

Trul  ou  cqRAT  coumo  un  biic; — ^coumo  uno  çuitaro  ;— coumo 


178  COMPARAISONS   POPULAIRES 

un  bièl  sause  sans  mesoulho  ;  —  coumo  un  tiradou  de 
paure. 

TuFAT.  —  Tufat  coumo  un  poul-alambert  ;  —  coumo  un  ca- 
landre ;  « —  coumo  un  apuput. 

Turc.  —  Fort  coumo  un  Turc.  —  Fuma  la  pipo  coumo  un 
Turc. —  Sèit  e  lous  pèds  crousats  coumo  un  Turc. 

TusTA.  —  Tusta  coumo  un  asclaire  de  soucs  ;  —  coumo  un 
barriè  de  presse  ; — coumo  un  sans-èime  ; — coumo  un  en- 
ratjat  ;  —  coumo  un  tentât  ;  —  coumo  un  sourdagno  ;  — 
coumo  un  martinet. —  Tusta  sus  Tariscle  coumo  sul  tam- 
bour ;  —  coumo  un  destimbourlat.  —  Se  tusta  ou  se  pata 
coumo  dous  marras  jalouses. 

SB  dits: 
Tal  crei  tusta  que  tuo. 

Umble.  —  Umble  coumo  lou  besoun  ;  —  coumo  la  biouleto  ; — 
coumo  la  âour  das  camps;  — coumo  la  sabato  d'un  em- 
brumaire. 

Unit. — Unit  coumo  la  rusco  à  Taubre  ; —  coumo  la  car  à  Tos; 

—  coumo  lamico  à  lacrousto. — Units  coumo  dous  fraires 
amies. 

Urla.  —  Urla  coumo  un  ours  blassat  ;  —  coumo  un  loup  afa- 
mat. 

Urous.  — Urous  coumo  un  Dius  ;  —  coumo  un  paure;  — 
coumo  Adam  abant  de  fa  pèco  ;  —  coumo  un  escoulan  en 
bacanços.  —  Urous  coumo  un  droUe  que  cargo  bragos  pel 
premiè  cop  ;  —  coumo  un  lausèrt  al  soulel  ;  —  coumo  un 
pèisdins  Faigo  ;— coumo  un  jour  de  première  coumeniu. 

—  Urous  coumo  se  lous  anges  bous  pourtaboun. —  Urous 
coumo  un  porc  à  Tengrais. 

PER   TRUFARIÈ: 

Urous  coumo  un  crebat;  — coumo  lou  gousde  Brisquet, 
que  lou  loup  mangèt  lou  premiè  cop  qu'anèt  al  bosc. 

SB  dits: 

—  Ta  pas  de  pus  uroùs  que  lou  que  sU  trobo. 


COMPARAISONS  POPULAIRES  179 

—  Urous  es  lou  qu'es  countent 
Dal  pauc-metéu  que  Dius  i  mando. 

Usât.  —  Usât  coumo  uno  bièlho  sabato  ;  —  coumo  uno  pèiro 
de  passatge  ;  —  coumo  un  bièl  chabal  de  posto  ou  de  re- 
mounto. — Usât  coumo  lou  tioul  de  las  caussos  d'un  pous- 
tilhou. 


ZouNZouNA  ou  zouNzouNEJA  coumo  Tabelho. 
ZiozAGUEJA.  —  Zigzagueja  coumo  un  ibrougno. 

Achille  MiR. 


BIBLIOGRAPHIE 


Étude  sur  le  dialecte  anglo-normand  du  IIV«  liôcle.  —•  Tlièse  pour 
le  dodoj'at,  par  Johan  Vising,  licencié  es  lettres, —  Upsala,  1882,  Esaias 
Edquist  ;  petit  in-8o,  104  p. 

M.  Vising  a  pris  pour  base  de  son  travail  :  1°  le  Voyage  de  S,  Bran- 
dan;  2°  VEstorie  des  Engleis  de  Gaimary  et  3°  la  Chronique  de  Jor- 
dan Fantasme,  Il  l'a  divisé  en  quatre  parties,  consacrées  :  la  première,  à 
la  classification  des  mss.  et  à  la  détermination  de  chaque  texte  ;  la 
deuxième,  à  la  versification  ;  la  troisième,  à  la  phonétique,  et  la  qua- 
trième, à  la  flexion.  Il  a  oublié  d'y  joindre  un  Index  contenant  les 
principales  divisions,  avec  renvoi  aux  pages.  Cela  est  fâcheux,  car  un 
secours  de  ce  genre  est  toujours  utile  même  pour  les  ouvrages  de  peu 
d'étendue . 

En  fait  de  versification,  M.  Vising  s'est  occupé  tout  particulièrement 
de  celle  du  S.  Brandan.  Quant  aux  vers  de  la  Chronique  de  Jordan 
Fantosme,  il  ne  fait  guère  que  résumer  les  opinions  de  ses  devan- 
ciers, et  les  combattre  en  ce  qu'elles  lui  paraissent  avoir  d'excessif. 
Sa  conclusion  est  que  la  versification  de  cet  auteur  était  assez  irrégu- 
lière, et  qu'en  cet  état  <3:  elle  ne  peut  servir  d'appui  pour  l'étude  de  sa 
langue.  » 

Il  est  plus  affirmatifen  ce  qui  concerne  la  versification  à\i  S.  Bran- 
dan,  et,  comme  c'est  une  des  parties  les  plus  importantes  de  son  tra- 
vail, c'est  aussi  celle  que  j'examinerai  de  plus  près. 

Avec  Diez,  il  observe  que  les  octosyllabes  de  ce  poëme,  tout  à  fait 
différents  en  cela  de  l'immense  majorité  des  octosyllabes  ordinaires, 
sont  construits  d'après  le  même  système  que  ceux  du  BreviaH  d'amor, 
c'est-à-dire  que  l'atone  delà  rime  féminine  y  compte  comme  huitième 
syllabe,  au  même  titre  que  la  finale  tonique  de  la  rime  masculine.  Il 
croit  aussi  que  cette  particularité  est  imputable  à  l'auteur  lui-même,  et 
il  se  fonde  pour  cela  sur  deux  faits  distincts  et  même  opposés,  dont 
la  coexistence  ne  s'explique  bien  que  par  une  supposition  de  ce  genre. 
En  effet,  deux  mss.,  justement  les  plus  anciens,  les  mss.  B,  C,  sont 
d'accord  pour  ne  laisser  aux  vers  féminins  que  huit  syllabes,  y  com- 
pris l'atone  finale.  C'est  là  la  première  preuve  ;  la  seconde,  ou  plutôt 
la  contre-épreuve,  est  fournie  par  le  ms.  A,  qui,  lui,  restitue  aux  vers 
féminins  leur  neuf  syllabes  habituelles  ;  mais,  comme  l'observe  l'au- 
teur de  cette  étude,  il  n'arrive  à  ce  résultat  qu'au  moyen  d'un  arti- 
fice assez  grossier,  consistant  à  intercaler  chaque  fois  un  monosyl- 


BIBLIOGRAPHIE  W 

labe  de  remplissage .  Je  partage  cette  manière  de  voir,  et  je  ne  doute 
pas  que  le  copiste  du  ms.  A  n'ait  eu  sous  les  yeux  un  texte  analogue 
â  celui  du  groupe  B,  C,  où  les  vers  féminins  ne  comptaient  que  huit 
syllabes. 

Jusqu'ici  les  apparences  favorisent  M.  Visîng,  et  l'on  doit  croire 
avec  lui  que  l'auteur,  représenté  par  B,  C,  qui  sont  les  deux  plus 
anciens  mss.,  est  bien  et  dûment  responsable  de  ce  raccomcissement 
systématique  do  l'octosyllabe  féminin .  Mais  cette  explication  a  contre 
elle  deux  autres  faits  dont  il  faut  également  tenir  compte,  à  savoir  : 
premièrement,  que  quelques-uns  des  vers  féminins  du  S,  Brandan 
sont,  dans  tous  les  mss.,  au  complet  de  leurs  neuf  syllabes  ;  seconde- 
ment, que  la  syntaxe  des  vers  féminins  est  très-sensiblement  plus  gê- 
née et  moins  correcte  que  celle  des  vers  masculins . 

De  ces  deux  difficultés,  la  première  seule  a  été  signalée  par  M.  V.; 
nous  verrons  tout  à  l'heure  comment  il  prétend  la  résoudre .  Quant  à 
la  seconde,  il  ne  l'a  point  remarquée,  et  a  encore  moins  prévu  les 
conséquences  qu'on  en  peut  tirer.  Cette  particularité  cependant  n'au- 
rait pas  dû  lui  échapper,  car  elle  est  suffisamment  visible,  comme  le 
prouvent  les  exemples  qui  suivent.  Je  mets  entre  crochets  les  mots 
qui  me  paraissent  nécessaires  pour  le  8ens  ou  pour  la  correction. 

V.  311,  Mistl'en  talent  [de]  prendre  en  emble. 

V.  493.  De  ruge  [e  de]  blanc  taceledes. 

V.  725.  Apparut  lui  [uns]  Deu  message. 

V.  890.  Puis  apelet  [le]  filz  Marie. 

V.  990.  Or  vust  succurt  par  [la]  Deu  grâce. 

V.  1024*  Li  grips  est  granz,  [li]  dragun s  maigres. 

En  supprimant  l'article  devant  draguns,  on  est  obligé  ou  tout  au 
moins  tenté  de  comprendre  «Le  griffon  est  un  grand  dragon  maigre  », 
ce  qui  serait  un  non-sens. 

V.  1082.        Li  sacraires  fud  ['de]  sardoine, 

Li  pavemenz  [de]  calcédoine. 
V.  1128.        [Les]  estenceles  od  les  lammes, 

[Les]  roches  ardanz  e  les  flammes 

Par  tel  air  [e]  tant  hait  volent. 

L'article  fe«  est  nécessaire  devant  estenceles  et  devant  roches,  du 
moment  qu'on  le  laisse  devant  lammes  et  de\&iït  flammes.  Si  on  le  sup- 
prime, comme  le  fait  le  ms.  C,  devant  les  deux  premiers,  il  faut  le 
supprimer  aussi  devant  les  deux  derniers,  de  cette  manière: 

Estenceles  od  lammes 
Roches  ardanz  e  flammes,  etc. 

V.  1289.        E  despinis  [le]  corouneint. 
Y.  1656.        Cum  aprisment  [se]  paît  la  nue, 


182  BIBLIOGRAPHIE 

Le  sens  exige  absolument  d  se  part  :i>  =  8e  partage,  se  divise,  et  non 
ce  part»  =  s'en  va. 

V.  1682.        As  gutes  d'or,  [as]  grisolites. 
V.  1685.        De  topaze,  [del  grisopase, 

De  jargunce,  [de]  calcédoine. 

De  smaragde,  e  [de]  sardoine. 

[Les]  jaspes  od  les  ametistes 

Forment  [re]luisent  par  les  listes. 
V.  1742.        D'arbre  ne  [d*]erbe  n'i  ad  mie 

Ki  (p.  cui)  suat[um]ene  rechrie. 

Suate  =  suvaita  pour  suavitaa  peut  rester  et  permet  de  ne  laisser 
que  buit  syllabes  à  ce  vers  ;  mais,  quant  à  la  préposition  de  devant 
herbe,  dans  le  vers  précédent,  elle  est  absolument  nécessaire. 

On  voit  maintement  combien  est  pénible,  embarrassée  et  même  in- 
correcte, cette  syntaxe  des  vers  féminins  à  septième  tonique  et  à 
huitième  atone,  tandis  qu^on  ne  remarque  rien  de  pareil  dans  les  vers 
masculins.  Or  comment  expliquer  cela  si  ce  n'est  en  supposant  l'in- 
tervention d'un  copiste  qui,  s'improvisant  correcteur,  aura  voulu  faire 
rentrer  après  coup  les  vers  féminins  dans  le  cadre  strictement  octo- 
syllabique  du  dimètre  iambique  latin,  qui  avait  servi  de  modèle,  en 
effet,  à  l'octosyllabe  roman  ?  A  l'inverse  de  ce  que  fit  plus  tard  le  co- 
piste du  ms.  A,  il  a  dû  retrancher  les  monosyllabes  qui  le  gênaient . 
Cela  est  infiniment  plus  vraisemblable  que  de  supposer,  ce  à  quoi  il  fau- 
drait bien  se  résoudre,  si  Ton  acceptait  sur  ce  point  les  idées  de  M.  V., 
qu'un  auteur  une  fois  décidé  à  employer  tel  ou  tel  mètre  n'aura  été  aisé, 
correct,  que  dans  les  vers  qui  ont  une  rime  masculine;  n'aura  été  gêné, 
incorrect,  que  dans  ceux  qui  ont  une  rime  féminine. 

Voilà  pour  la  syntaxe. 

Quant  à  la  versification,  «  à  la  métrique  »,  comme  dit  Itf.  Vising, 
nous  arrivons,  chose  curieuse,  au  même  résultat,  à  savoir  qu'il  n'y  a 
guère  de  difficultés,  en  fait  de  rbythme,  que  dans  les  vers  féminins. 
C'est  aussi  ce  que  reconnaît  implicitement  M,  Vising  lui-même,  lors- 
qu'il observe  que  «  l'irrégularité  métrique  propre  à  la  plupart  des  poè- 
mes anglo-normands  ne  peut  être  prouvée  pour  les  vers  masculins  du 
saint  Brandan  »,  p.  44. 

Ainsi  le  vers  féminin  est  toujours  la  pierre  d'achoppement,  qu'il 
s'agisse  de  versification  ou  qu'il  s'agisse  de  syntaxe.  Et  ce  n'est  pas 
tout.  M.  V.,  tout  le  premier,  observe  consciencieusement  que  quinze 
vers  féminins  ont  et  doivent  garder  neuf  syllabes  (p.  49),  puisque  les 
mss.  sont  d'accord  pour  les  leur  .attribuer.  Mais  il  retire  ou  détruit 
complètement  cette  concession,  en  ajoutant  que,  sur  ce  nombre,  «  six 
ont  un  f  atone  que  le  mètre  des  Anglo-Normands  peut  négliger  »,  et 


BIBLIOGRAPHIE  183 

que  les  neuf  autres  se  ramènent  par  de  faciles  corrections  à  la  mesure 
strictement  octosyllabique. 

Mauvaise  argumentation,  comme  on  le  voit,  car  M.  V.,  pour  se  tirer 
d'embarras,  est  obligé  de  pratiquer  des  corrections,  c'est-à-dire  de 
préjuger  la  question  en  procédant  par  pétition  de  principe.  Et  cela  ne 
suffit  pas.  Pour  six  de  ces  vers  récalcitrants,  il  est  encore  obligé  de 
supposer  qu'un  auteur  de  la  bonne  époque,  comme  est  celui  du  Saint 
Brandan,  écrivant  au  moins  dans  les  premières  années  du  XIP  siè- 
cle, un  versificateur  raffiné  en  fait  de  rime,  —  M.  V.  est  le  premier  à 
le  reconnaître,  —  a  pu,  chaque  fois  qu'il  s'est  mis  à  composer  des 
vers  féminins,  changer  du  tout  au  tout  et  devenir  instantanément 
l'émule  en  incorrections  métriques  des  Anglo-Normands  de  la  déca- 
dence ! 

Évidemment  cela  n'est  pas  admissible.  On  ne  comprend  pas  que 
le  même  poëte  ait  pu  s'infliger  à  lui-même  de  telles  contradictions.  Il 
faut  en  revenir  à  la  supposition  que  j'ai  déjà  émise,  à  savoir  qu'un 
correcteur,  puriste  à  contre-temps,  a  pu  seul  retoucher  ainsi  le  texte 
primitif  et  le  troubler  aussi  profondémen  et  aussi  maladroitement 
dans  sa  syntaxe  et  dans  sa  versification. 

Quant  au  fait  en  lui-même,  à  cette  mutilation  systématique  du  vers 
féminin  de  huit  syllabes  ramené  à  l'octosyllabisme  strict  du  vers  mas- 
culin, il  n'en  reste  pas  moins  authentique,  pour  n'être  plus  imputable 
à  l'auteur  du  poëme,  et  d'une  antiquité  fort  respectable  encore,  puis- 
qu'il a  dû  se  produire  dans  une  copie  antérieure  même  aux  deux  mss. 
les  plus  anciens. 

Quoiqu'en  désaccord  avec  M.  Vising  sur  un  point  assez  important, 
je  suis  heureux  de  reconnaître  que  son  étude  est  soignée  et  apporte 
des  lumières  sur  la  question,  encore  si  obscure,  du  dialecte  anglo- 
normand.  Je  dois  ajouter,  en  ma  qualité  de  lecteur  français,  que  je  lui 
suis  très-reconnaissant  d'avoir  pris  la  peine  d'écrire  sa  dissertation  en 
notre  langue.  C'a  été  un  utile  exercice  pour  lui  et  un  grand  avantage 
pour  nous .  Puisse-t-il  trouver  des  imitateurs  ! 

Voici  maintenant  quelques  critiques  de  détail,  qui  termineront  et 
compléteront  ce  bref  compte  rendu  : 

P.  43.  «  La  rime  amoneste  =  reste, v.  223,  est  écartée  par  le  ms.  A, 
d'après  lequel  on  doit  lire  le  vers  224  dans  CD  :  Que  Deus  les  guart 
de  tempeste.  »  Il  n'y  a  rien  à  changer  à  la  leçon  du  ms.  principal. 

Li  abcs  dune  les  amonestet 
Que  curages  une  ne  cesset , 

Il  suffît  de  lire  cestet  =»  cessitat,  ou  mieux  cespitat,  chope,  bronche. 
Cf.  Etienne  de  Fougères,  V.  912  : 

Mi^s  a  noalz  fere  ne  ceste^ 


184  BIBLIOGRAPHIE 

Cf.  aussi  les  exemples  que  cite  Godefroy  à  Cester, 

P.  43.  Celebrient,  proposé  en  note  comme  pouvant  rimer  avec 
8*ublient,  est  inadmissible,  attendu  que  ient  =«  eient  ou  oient  (cele- 
hnentf  celehreient,  coiehroient)  ne  saurait  correspondre  à  ient  =  itant 
du  latin. 

P.  69.  CZaer  pour  cler  est  régulier.  Il  dérive  du  doublet  fictif,  mais 
supposable,  *clariu8,  ia,  ium,  qui  a  servi  à  former  esclairer  =  *eX'Cla- 
Hare,  comme  *tardiu8,  ia,  ium,  a  servi  à  former  larjer  par  l'intermé- 
diaire de  *tardiare.  Nouvelle  occasion  pour  moi  de  rappeler  ce  que 
j'ai  déjà  dit  de  la  possibilité  de  supposer  des  doublets  avec  i  interca- 
laire, à  côté  de  chaque  nom  et  de  chaque  adjectif  latin. 

P.  75.  Pourquoi  point  =  poenat,  enneint  =  insignat,  meint  =  minât 
à  la  p.  75,  et  paint  =  *poenet  à  la  p.  79?  Il  fallait  poenet,  insignet, 
minet,  formes  qui  correspondent  mieux  que  les  formes  en  at  à  la 
première  personne  du  singulier,  qui,  ayant  été  ou  ayant  dû  être  pain, 
ensein,  mein,  ne  pourrait  admettre,  en  fait  d'équivalent  étymologique, 
que  poenem,  insignem,  minem, 

P.  76.  Fui  (puteus),  cestui  (v.  171).  Je  comprends  podium,  hau- 
teur. Puteum  donnerait  puiz  cm  puis, 

P.  78.  Pourquoi  dire  que  «  l  est  pour  r  dans  seril  :  péril  i>,  du  ,v.l303  ? 
On  peut  supposer  un  dériv.  *sericulum  de  serire,  v.  fr.  asserir,  analo- 
logue,  comme  formation,  kperîculum  de  perire  =  *periri  de  escperiri. 

A.  B. 


Toloza,  geste  provençale,  par  Félix  Gras.  —  Paris,  Fischbacher,  18^. 

Nous  n'avons  pas  à  annoncer  aux  lecteurs  de  la  Revue  la  publica- 
tion du  nouveau  poërae  de  Félix  Gras  Le  succès  en  a  été  assez  grand 
et  a  eu  assez  de  retentissement  pour  que  ceux-là  mêmes  qui  n'ont  pas 
lu  le  poëme  sachent  que  le  public  a  fait  à  Toloza  un  accueil  aussi 
flatteur  qu'à  li  Carhounié.  Si  des  causes  indépendantes  de  notre  volonté 
ont  retardé  l'insertion  dans  la  Revue  du  présent  compte  rendu,  ce 
retard  nous  offre  du  moins  cet  avantage,  qu'en  insistant  sur  le  mérite 
littéraire  de  cette  moderne  chanson  de  geste,  nous  n'avons  qu'à  servir 
d'interprète  au  public  qui  s'intéresse  activement  à  notre  littérature 
provençale.  Les  journaux  du  Midi,  ceux  de  Paris,  naguère  encore  le 
compte  rendu  de  la  dernière  Félibrée  de  Marseille,  ont  déjà  apprécié 
ce  qu'a  de  puissant  et  d'original  le  poëme  de  Gras,  et  nous  ne  pou- 
vons mieux  faire  que  de  nous  borner  à  résumer  leurs  appréciations. 

On  connaît  la  caractéristique  du  talent  de  Félix  Gras  ;  il  a  cher- 
ché, après  l'auteur  de  Calendau,  et  plus  exclusivement  que  celui-ci,  à 
démontrer  par  l'exemple  que  la  langue  d'oc  n'est  pas  seulement  un 


mBLiOGRAPHîE  m 

instrument  admirable  pour  rendre  les  pensées  délicates,  gracieuses 
et  tendres,  mais  qu'elle  peut  encore  s'élever  à  la  hauteur  de  l'épopée 
héroïque .  Il  lui  a  même  semblé  que  les  qualités  simples  et  larges  de 
cette  langue  lui  permettaient  de  se  rapprocher  des  formes  sous  les^ 
quelles  l'épopée  a  reparu  dans  notre  vieille  littérature,  et  c'est  dans 
cette  pensée  qu'a  été  conçue  et  exécutée  la  geste  de  Toloza, 

L'auteur  n'a  pas  voulu  refaire  la  Canso  de  la  Crosada,  Sans  con- 
tester lïntérêt  qui  s'attache  à  ce  récit  poétique,  la  Canso  ne  saurait 
être  considérée  comme  une  épopée.  Félix  Gras  a  voulu  reproduire 
dans  un  cadre  épique  les  événements  principaux  dont  la  Ckmso  a 
conservé  la  mémoire  ;  mais  il  lui  a  fallu,  pour  cela  faire,  concevoir 
une  fable  poétique  dans  le  tissu  de  laquelle  ces  événements  viendraient 
prendre  place  sans  en  détruire  l'unité,  tout  en  empruntant  un  intérêt 
puissant  à  l'histoire  terrible  dont  ils  font  partie.  Dans  Toloza,  le  vé- 
ritable héros  est  bien  le  Midi  luttant  pour  sa  civilisation  et  son  indé- 
pendance; mais  ce  héros  impersonnel  s'incarne  dans  un  personnage 
qui  en  retrace  les  qualités  brillantes  et  la  chevaleresque  énergie.  — 
Jean-Pierre,  fils  de  la  comtesse  de  Montbrun,  élevé  loin  des  soins  de 
sa  mère  dans  la  modeste  condition  de  berger,  est  retrouvé  et  reconnu 
par  elle  sous  les  vêtements  grossiers  qui  le  cachent.  Il  devient  un 
parfait  chevalier,  et  sa  renommée  remplit  déjà  les  Cours  d'amour,  au 
moment  où  vient  à  gronder  le  vent  de  guerre  qui  souffle  du  Nord. 
Trois  chevaliers  qui  doivent  devenir  les  compagnons  inséparables  du 
héros,  Blacas,  Mauléon  et  Miraval,  viennent,  au  nom  du  vicomte  de 
Béziers,  Eoger-Trencavel,  lui  demander  son  aide  pour  repousser  les 
envahisseurs.  Ni  la  comtesse,  ni  Jean-Pierre,  n'hésitent  un  moment, 
et  celui-ci  quitte  sur-le-champ  son  château,  abrité  par  le  Ventour, 
pour  rejoindre  les  troupes  réunies  par  le  vicomte. 

Ce  premier  chant  est  une  idylle  charmante,  dont  la  grâce  tranche 
sur  le  fond  sombre  du  poëme,  qui  désormais  va  retentir  du  fracas  des 
armes  et  des  cris  des  combattants.  Tous  les  lecteurs  apprécieront  le 
sentiment  qui  a  déterminé  l'auteur  à  lui  donner  pour  théâtre  les  plai- 
nes que  domine  le  Ventour.  En  chantant  le  Midi  tout  entier,  il  a  tenu 
à  faire  de  son  héros  un  compatriote. 

Les  quatre  chevaliers  sont  rejoints  sur  les  bords  du  Lez  par  Bernard 
de  Ventadour,  et,  dépassant  Montpellier,  se  dirigent  vers  Béziers. 
Mais  ils  arrivent  trop  tard  :  Béziers  est  déjà  la  proie  des  flammes. 
Jean-Pierre  se  glisse  dans  le  camp  des  Croisés  et  surprend  la  con- 
versation de  l'évêque  de  Cahors  avec  sa  nièce,  Angélique  de  Si- 
miane  : 

Bloundo  coume  uno  mespoulo, 

Une  enfant,  uno  chato  en  vièsti  de  guerrié. 


186  BIBLIOGRAPHIE 

Es  grando  e  linjo  e  se  devino 
Rèn  qu'au  biais  de  sa  taio,  à  soun  lue  mistoulio 
Que  flouris  si  quinge  an  e  que  i'a'n  cors  divin 
Que  genço  amourousi  souto  Tauberc  aurin 

Qu*oundro  la  crous  de  Paiestino. 

Sa  man  ausso  Tuiau 

De  soun  èume  d'argent.  —  0  gràci  ! 

Digas,  bèus  astre  de  l'espàci, 

S'avès  jamai  vist  talo  fàci 
Sus  terro,  e  dlns  lou  céu-,  empèri  de  Tuiau  !  (P.  60.) 

La  vaillante  jeune  fille  s'est  croisée  pour  combattre  les  hérétiques  ; 
sous  l'armure  d'un  chevalier,  elle  a  suivi  son  oncle,  l'évêque  de  Ca- 
hors  ;  elle  a  pris  part  au  siège  de  Béziers  et  est  entrée,  victorieuse, 
dans  la  ville,  après  avoir  accompli  des  exploits.  Mais  son  cœur,  qui 
supporte  les  sanglantes  émotions  de  la  bataille,  n'a  pu  résister  à  la 
pitié,  quand  elle  a  vu  massacrer  dans  Saint-Nazaire  une  population 
sans  défense.  Elle  s'est  retirée  sur-le-champ  dans  sa  tente,  et  exprime 
à  l'évêque  toute  son  indignation,  sans  se  douter  qu'elle  est  écoutée 
par  un  chevalier  provençal.  Jean-Pierre  ne  reste  pas  insensible  aux 
charmes  de  l'intrépide  jeune  fille  : 

.  * Esbalauvi,  près  d'une  fernisoun 

S'entorno  à  grand  cambado  eilalin  dedins  Tort, 
Ounte  a  laissa  soun  fin  coiirrèire. 
Mai  n'es  pas  sens  regarda  'rèire . 
Déjà  languis  de  la  revèire  ! 
«  Moun  Dieu,  crido,  moun  Dieu  !  fasés  mouri  moun  cor  î  »  (P.  82.) 

Il  la  revoit  plus  tard  pendant  le  siège  de  Carcassonne,  que  l'auteur 
décrit  d'une  manière  remarquable  ;  il  a  retrouvé,  pour  chanter  ces 
combats,  un  riche  vocabulaire  où  est  décrit  tout  l'arsenal  guemer  du 
XlIIe  siècle .  Ces  temps  héroïques  reprennent  vie  dans  ses  tableaux, 
et  l'on  est  entraîné,  avec  le  poëme,  dans  le  tumulte  de  la  bataille,  où 
sonnent  les  buccins,  volent  les  javelines,  étincellent  rondaches  et 
épées,  et  retentissent  les  armures  sous  les  coups  répétés  de  la  lance  ou 
de  la  hache. 

C'est  à  l'issue  d'une  de  ces  batailles  que  Jean-Pierre  se  retrouve  en 
face  d'Angélique,  qui,  couverte  de  son  armure,  vient  affronter  le  che- 
valier victorieux .  Lui  reconnaît  la  jeune  fille,  et,  au  lieu  de  répondre 
à  ses  provocations,  il  la  couvre  de  son  corps,  pour  la  garantir  d'une 
javeline  lancée  du  haut  des  remparts.  Angélique  s'arrête  étonnée  ; 
Jean- Pierre  lève  la  visière  de  son  casque  et  lui  déclare  qu'il  ne  peut 
combattre  avec  elle  : 

«  Ëstello  de  moun  amo  !  o  soulèu  de  moun  cor  ! 
Demande  que  fugues  ma  rouino  o  moun  trésor. 


BIBLîOaRAPHIE  187 

Dounas-me  voste  amour,  o  dounas-me  la  paort, 

E  m'aurés  fa  bèn  grando  gràci.  » 
«  Noble  guerrié,  respond  la  bello  emé  grandeur, 

Un  sarramea  me  tén  ligado 

Quarante  jour  à  laCrousado. 

La  Santo  Gleiso  courroussado 
Dins  'quéu  'tems  me  desfènd  de  douna  moun  amour . 

Mai  tre  passa  la  quaranteno, 
Sus  lou  barri  poudrés  aussa  voste  penoun  : 
Lôu  miéu  vous  respoundra   —  Se  se  tèn  de  clinoun. 
Voudra  vous  dire  si  ;  s'es  dret,  dira  de  noun.  »  (P.  162.) 

Et  elle  s'éloigne.  —  Telle  est  la  première  entrevue  de  Jean-Pierre 
et  d'Angélique  ;  elle  sera  la  dernière.  Le  poëme  est  plein  d'eux  ;  mais 
les  deux  amants  ne  se  retrouvent  plus. 

Angélique  partage  l'amour  qu'elle  a  inspiré  à  Jean -Pierre.  Mais 
l'évêque  de  Cahors,  qui  voulait  lui  donner  pour  époux  le  fils  de  Mont- 
fort,  surprend  son  secret  et  la  livre  à  l'Inquisition .  Jean-Pierre,  averti 
par  un  écuyer  fidèle,  poursuit  sa  délivrance  à  travers  les  divers  inci- 
dents delà  guerre.  Nous  assistons  à  la  trahison  qui  livre  Roger  Tren- 
cavel  à  Montfort  ;  à  l'entrée  des  Croisés  dans  Carcassonne  abandon- 
née, à  la  bataille  de  Montjoire,  à  la  prise  de  Lavaur  et  au  supplice  de 
ses  défenseurs.  —  Angélique  a  été  livrée  à  Folquet,  évêque  de  Tou-, 
louse,  celui  qui  est  resté  pour  les  troubadours  du  Midi  le  grand  traître 
infidèle  à  la  cause  nationale.  Jean-Pierre,  après  s'être  signalé  pendant 
le  siège  de  Toulouse  et  dans  la  bataille  livrée  sous  les  murs  de  cette 
ville,  par  des  exploits  tels  qu'on  les  accomplit  quand  on  est  le  héros 
d'une  geste,  quitte  Toulouse  pour  aller  délivrer  Angélique,  retenue 
prisonnière  par  Barnavelle,  sa  rivale,  dans  le  château  de  Cabaret.  A 
lui  tout  seul  il  fait  le  siège  du  château,  s'en  empare  et  en  massacre  la 
garnison.  Mais  c'est  en  vain  qu'il  sacrifie  à  sa  colère  Barnavelle  et 
révêque  de  Cahors:  Angélique  a  été  conduite  à  Toulouse  par  les  sol- 
dats de  Folquet  Le  vainqueur  reprend  seul  la  route  de  cette  ville  ; 
mais  il  s'arrête  en  chemin  chez  un  ermite,  qui,  reconnaissant  en  lui 
l'ennemi ,  invincible  des  Croisés,  lui  fait  boire  un  vin  empoisonné . 
Simon  de  Montfort  cependant  a  vaincu  Pierre  d'Aragon  à  Muret,  pris 
Toulouse  et  assiégé  Beaucaire.  11  lève  le  siège  pour  revenir  défendre 
la  capitale  du  Midi,  menacée  par  le  comte  Raymond.  Sur  sa  route,  il 
trouve  Jean-Pierre  endormi  par  le  narcotique  de  l'ermite  et  le  trans- 
perce de  son  épieu. 

La  trahison  a  triomphé  du  héros  provençal.  Mais  le  poëme  n'est  pas 
fini  ;  il  ne  s'arrête  qu'à  la  mort  de  Montfort  et  à  la  défaite  des  Croisés. 
Le  comte  Raymond  est  rentré  dans  sa  capitale.  Il  a  délivré  Angélique. 
Celle-ci  revêt  les  armes  qu'elle  avait  prises  pour  soutenir  les  Croisés  et 


1^8  BIBLIOGRAPHIE 

se  précipite  au  devant  de  Montfort,  dans  les  plaines  de  Toulouse. 

L'aviso  au  moumen  que  sus  l'anco 
A  soun  blouquié  vira,  ié  mande  l'esparroun. 


Pico  bèD  en  faveur  dintre  lou  fendascloun  ; 

Estrasso  lou  bleiau,  trauco  la  blanco  car, 
S'emplanto  dins  lou  cor  en  jusqu'au  fèu  amar. 
Mountfort  trais  un  crid  rau,  lacho  soun  dagoun  clar. 

La  tressusour  cuerb  soun  visage; 
Racant  lou  sang  di  narro  e  di  jour  de  Tuiau 

Es  empourta  pèr  soun  courrèire. 


E  li  femo  autant  lèu  lou  vèire 
D'en  aut  de  la  paret  bandisson  li  caiau. 

Coume  passe  avau, 

De  loung  di  contro-braio  un  roc  d'un  mié-quintau 
Vous  i'  escracho  lou  cap,  lou  toumbo  de  chivau. 

Tant  lèu  es  pudènt  soun  cadabre. 
Sèt  jour,  sèt  niue  li  cler  canton  de  Profundis, 

Miserere,  perèu  l'absouto. 

Pièi  soun  armadp  s'es  deirouto.  (P.  498.) 

Telle  est  l'épopée  consacrée  par  Félix  Gras  à  chanter  la  lutte  où 
devait  succomber  l'indépendance  du  Midi.  C'est  bien  une  véritable 
chanson  de  geste.  Mieux  que  tout  autre,  Gras,  avec  son  inspiration 
toujours  grande  et  forte,  avec  sa  langue  simple  et  concise,  pouvait 
aborder  un  genre  interdit  à  nos  langues  épuisées  par  le  travail  analy- 
tique de  huit  siècles.  Mais  il  a  apporté,  en  outre,  à  l'achèvement  de 
son  œuvre,  une  érudition  philologique  remaïquable,  relativement  à 
tout  ce  qui  touche  aux  choses  de  la  guerre,  qui  mérite  tous  les  éloges. 

Un  mot  avant  de  finir  :  les  motifs  religieux  qui  furent  invoqués  par 
les  compagnons  de  Montfort  à  l'origine  de  la  Croisade  ont  laissé  dans 
l'âme  de  l'auteur,  patriotique  avant  tout,  une  profonde  rancune,  qui 
éclate  à  chaque  strophe  du  poëme  et  qui  en  dicte  la  conclusion  : 

Tant  que  tendran  la  mémo  routo. 

N'en  periclitaran  lis  afaire  dôu  Crist  ! 


Mais  on  se  demande  pourquoi  il  affecte  de  ne  présenter  comme  hé- 
ros que  des  partisans  de  la  doctrine  albigeoise.  Les  défenseurs  du  Midi 
surent  oublier  leurs  divisions  religieuses  pour  combattre,  réunis  sous 
le  même  drapeau,  le  grand  combat  de  Tindépendance.  Nos  contempo- 
rains n'ont  certes  pas  à  oublier  cette  vérité  ni  cette  leçon. 

A.  G. 


PÉRIODIQUES 


Zeitschrift  fttr  romanischo  philologie.  —  V,  2-3.  P.  181. 
Tobler,  Mélanges  de  grammaire  française  (suite).  —  P.  209.  Kœrting, 
Analecta  sur  Boccace.  I.  Lieu  de  naissance  de  Boccace  (Florence). 
II.  Boccace  et  Fiammetta, —  P.  233.  Baist,  Étymologies,  —  P.  249. 
Schuchardt,  die  Cantes flamencos  (Cl.  Rom.,  X,  468).  —  P.  323.  Ebe- 
ring,  Éludes  syntaxiques  sur  Froissart. 

MÉLANGES.  —  I.  Histoire  littéraire.  1.  P.  376.  Gaspary,  Réponse  à 
V  article  de  M.  Kœrting  sur  la  lettre  de  Boccace  àNelli  (Cf.  Rom.,  X, 
443).  — 2.  P.  379.  Stengel,  Sur  «  l'Entrée  en  Espagne  t>  (Cf.  Rom., 
XI,  147^).  —  II.  Manuscrits.  1.  P.  381.  Stengel,  le  Ms.  du  Vatican^ 
fonds  de  la  reine  Christine,  1682  (beaucoup  de  ressemblance  avec  le 
ras  B.  N.  fr.  24429,  décrit  par  M.  Grœber.  (Voy,./?om.,  X,  301).— III. 
Exégèse.  P.  335.  Vollmœller,  Sur  le  a  Pèlerinage  de  Charlemagne  » 
p.p.  Kochwitz  (explication  de  maiske  et  des  deux  sens  de  membre). 
—  IV.  Étymologies.  —  P.  385.  Neumann,  fr.  êtres  (de  exteras,  scil. 
partes  domus;  Ci.  hibernum,  diumum,  etc.);fr.  branche  (de  bi-ra- 
mica).  —  V.  Grammaire,  P.  386.  Hornung,  le  Subjonctif  dans  les 
phrases  comparatives  en  ancien  français. 

Comptes  RENDUS.  P.  392.  Jung,  die  RomanischenLandschaf tendes 
rœmischen Reiches  (Budinsky).  —  P.  393.  Braga,  Pamaso  de  Luiz  de 
Camoes  (C.  M.  de  Vasconcellos) . —  P.  403.  Pitre,  Proverbi  siciliane 
(Liebrecht). — P.  408.  Pitre,  Spettacoli  et  f este  siciliane  (Liebrecht). — 
P.416.Z.  Consiglieri  Pedroso,  Contribuiçôesparauna  Mythologia popu- 
lar portugueza  (Liebrecht). — P.  422.  Castets,  Turpini  ffiatona (Baist). 
Buhlmann,  die  Gestaltung  der  Chanson  de  geste  Fierabras  in  Italien- 
ischen  (Mori) . — P.  443.  Adam,  les  Patois  lorrains {Aptelstedi;  livre  à 
refaire  avec  les  matériaux  amassés).  —  P.  446,  Zemlin,  der  Nachlaut 
i  in  den  Dialecten  Nord  und  Ost-Frankreichs  (Apf elstedt) .  —  P.  448. 
Giomale  di  Filologia  romanza,  III,  1-2  (Gaspary).  —  P.  452.  H 
PropugnatorCy  XIV,  1  (Gaspary).  —  P.  453.  Romanische  Studien,  V, 
2  (Varnhagen). 

V,  4. — P.  471.  A.  von  Flugi,  Deux  Drames  ladins  du  X Vie  siècle 
[le  Mauvais  Riche  et  Lazare  et  les  Trois  Jeunes  Gens  dans  la  fournaise, 
fragments). —  P.  480,  Decurtins,  Un  livre  populaire  sur selvain.  C'est 
une  traduction  de  Pieuse  de  Provence  en  dialecte  ladin  de  Sopraselva 
(XV Ile  siècle).  —  P.  498.  C.  Weber,  Sur  la  Langue  et  la  Source  du 
saint  Georges  français  (Cf.  iJowi.,  X,  319  et  XI,  442).  —  P.  521 . 
Bartscli.  Chansons  populaires  françaises  du  XV I<^  siècle  (d'après  M.  G. 


190  PERIODIQUES 

Paris,  Eom.,  XI,  442;  elles  sont  du  XVII«  siècle).—  P.  550.  Baist, 
Étymologiea  espagnoles.  Pour  tepe  =gr.  tuttiq,  cf.  gascon  tepe,  tertre  ; 
le  mot  existe  d'ailleurs,  avec  le  même  sens,  dans  plusieurs  provinces 
de  la  Turquie  et  dans  le  Turkestan:  Geok-Tepe,  etc. 

MÉLANGES. —  I.  Hiêtoire  littéraire  A ,  P.  565.  C.  Miçhaelis  de  Vas- 
concellos,  Sur  le  Cancioneiro <£'-ÊJvora.  —  2.  P.  571.  Bartsch,  Sur  le 
Roman  de  la  Poirejêhea  chansons  ou  débuts  de  chansons  qui  y  sont 
intercalés  ne  sont  pas  de  Tauteur,  comme  le  croit  M.  Stehlich,  mais 
se  trouvent  citées  ailleurs,  pour  la  plupart.  —  II.  Critique  des  textes. 
P.  575.  Fœrster,  Joufroi,  v.  613  {foie  doit-être  corrigé  en  suie). 

Comptes  rendus. —  P. 576.  Ar.  Baragiola,  Italianische  Grammatik 
(Gaspary,  livre  mal  fait).  —  P.  577.  Ar.  Baragiola,  Crestomazia  ita- 
liana  ortqfonica  (Gaspary,  favorable).  — P.  578.  Rodrîguez  Marin, 
Jwaw  del  Puehlo  (Schuchardt). —  P.  580.  Baissac,  Étude  sur  U  patois 
créole  mauricien  ;  Coelho,  Os  Dialectos  rom^anicos  na  Africa,  Asia  e 
America  (Schuchardt). —  P.  582.  Treutler,  die  Otinelsage  in  Mti- 
telatier  (QdiTig&Tt) .  —  P.  585.  De  Queux  de  Saint-Hilaire,  Œuvres  com- 
plètes d'Eustache  Deschamps,  II  (Knauer).  —  P.  500.  Ascoli,  Una  let- 
tera  glottologica  (Fœrster,  article  important,  où  l'auteur  expose  ses 
vues  particulières  sur  les  sujets  abordés  par  le  savant  critique  italien). 

—  P.  593.  //  Propugnatorcy  t.  XIV,  1881  (Gaspary).  —  P.  599.  Nou- 
velles remarques  de  MM.  Kœrting  et  Gia-spary  sur  la  lettre  de  Boc- 
cace  à  Fr.  Nelli.  — P.  601.  Réponse  de  M.  Hartwig  à  M.  P.  Meyer 
{Ci.  Rom.,  X,  626  et  XI,  443). 

VI.  1 .  Freymond,  Sur  la  Rime  riche  dans  les  anciens  poètes  fran- 
çais.—  P.  37.  C.  Miçhaelis  de  Vasconcellos,  Palmeirimde  Inglaterra. 

—  P.  64.  Decurtins,  Un  recueil  de  cliansons  de  Sottoselva  (X  Ville  siè- 
cle).— P.  94.  Horak,  le  Lai  deMélion  (nouvelle  édition,  d'après  les 
deuxmss.  connus:  Arsenal,  283;  Turin,  4,  33,  lesquels  dérivent  d'un 
original  commun. 

MÉLANGES.  —  I.  Critique  des  textes.  P.  107.  Lindner,  Sur  les  Ser- 
ments de  Strasbourg .  —  II.  Étym^logies.  1.  P.  108.  Fœrster,  Étymo- 
logies  romanes  (suite). —  2.  P.  116.  Baist,  Étymologies.  —  3.  P.  119. 
Schuchardt,  Étymologies. —  III.  Lexicographie.  P.  121 .  Tobler,  Dro- 
guit  =  ce  basané?  d.  Dans  Rambaud  de  Vaqueiras  (El  marquas),  le 
vers  Guerreia  lai  blancs  e  droguitz  doit  être  lu  :  Guerreia  Blacs  et 
Droguïtz  (ou  Drogovitz)  z=  Drugubitœ  (les  Valaques  et  les  Drougo- 
vites).—  IV.  Grammaire,  P.  123.  Bischoff,  Sur  le  Subjonctif  dans  les 
phrases  comparatives  en  ancien  français  (Cf.  ZHtschr. ,  V,  306). 


I 

i 


PBRI0DIQUB8  191 

Comptes  rendus. —  P.  125.  Wagner,  Visio  Tnugdali  (Baist  :  très- 
favorable).  —  P.  127.  Graevell,  die  CharaJcteristik  der  Personen  im 
RolandsUede  (W'i99ma.nn,  faible).— P.  128.  Graîf  Roma  nella  memoria 
e  neile  imaginazioni  del  medio  eoo,  I  (Liebrecht  :  analyse  et  additions). 

—  P.  136.  Les  Littératures  populaires  de  toutes  les  nations,  t.  I-V 
(Paris,  Maisonneuve  et  C^).  —  I.  Sébillot,  Littérature  orale  de  la 
haute  Bretagne  ;  II  et  III,  Luzel,  Légendes  chrétiennes  de  la  basse 
Bretagne;  IV,  Maspéro,  Contes  populaires  de  l'Egypte  ancienne  ;  V 
Bladé,  Poésies  populaires  de  la  Gascogne  (Liebrecht:  remarques  inté- 
ressantes sur  cette  importante  coltection,  qui  fait  honneur  à  l'éditeur 
aussi  bien  qu'aux  auteurs).  —  P.  145.  Coelho ,  Revissa  d'EthnoIogia  e 
de  Glottologia (Liebrecht) . —  P.  149.  G.  Pitre  e  S.  Salomone-Marino, 
Archivio  per  lo  studio  délie  tradizioni  popolari  (Liebrecht)  — P.  150. 
Almanach  des  traditions  populaires  (Maisonneuve  et  C^,  1882)  (Lie- 
brecht).— P.  150.  Herrîg's  ^rcAii?,  t.  LXIII-IV  (Grœber,  Mangold). 

—  P.  157.  Zeitschrift fur  neufranzœsische  Sprache und Literatur,  I-II 
(Grœber,  Mangold).  —  P.  162.  Giomale  di  Filologia  romanza,  III, 

'8-4  (Gaspary).— P.164.  H  Propugnatore,  XIV,  2  (Gaspary).— P.  165. 
Romania,  X,  1-2  (Kœhler,  Tobler,  Baist,  Grœber).  —  P.  175-6.  Ob- 
servations de  M.  Godefroy  à  M .  Tobler  à  propos  de  Tarticle  de  ce 
dernier  sur  son  Dictionnaire. 

VI,  2-3.  —  P.  177.  Freymond,  Sur  la  Rime  riche  dans  les  anciens 
poètes  /rança£«  (suite  et  fin). —  P.  216.  G.  Michaelis  de  Vasconcellos, 
Palmeirim  de  Inglaterra  (suite  et  fin). —  P.  256.  Zeitlin,  les  Adverbes 
de  temps  en  ancien  français.  Étude  intéressante  et  consciencieuse;  un 
peu  de  vague  dans  certaines  règles. —  P.  290.  Decurtins,  Une  coutume 
deSursetta  (traduction  de  Johann  Anton  Pedretti,  faite  au  commen- 
cement de  ce  siècle  sur  un  texte  imprimé  allemand  de  1712). — P.  325. 
Ulrich,  Trois  Miracles  deCrautier  de  Coincy.  I,  25,  lis.  covive  ou  con- 
vive, au  lieu  de  covine  ;  38,  lis.  avec  le  ms.  qui  (=  cui)  l'am^or  des 
anfanz  acore;  370,  lis.  laisso^^  ;  424,  s'aquiaut;  521,  et  cist  encui  (f); 
617,  en  ot;  III,  170,  mHr,  300,  dist  il;  449,  prince;  498,  s'aiole.  — 
P.  347.  Martin,  Une  fable  de  Renard.  —  P.  352.  F.  Lindner,  Un  ca- 
lendrier français  du  commencement  du  XVe  siècle.  Ce  calendrier,  qui 
se  trouve  en  tête  d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque  universitaire  de 
Kostock  (théol.  22),  n'est  guère  remarquable  que  par  les  erreurs  nom- 
breuses dont  l'auteur  ou  le  copiste  l'a  émaillé  ;  il  ne  nous  apprend 
rien,  d'ailleurs,  sur  la  province  où  il  a  été  composé.  L'éditeur,  qui  a 
pris  la  peine  de  rechercher  le  nom  latin  correspondant  au  nom  fran- 
çais de  chaque  saint,  a  dû  renoncer  à  identifier  67  de  ces  noms.  La 
connaissance  approfondie  de  listes  de  saints  propres  à  chaque  diocèse 
de  France  serait  d'un  grand  secours  pour  mener  à  bien  l'entreprise  ; 


I9t  PÉRIODIQUES 

encore  serait-on  peut-être  obligé  d'y  renoncer  dans  certains  cas  trop 
difficiles.  Il  y  a  quelques  fautes  de  lecture,  qu'il  faut  peut-être  attri- 
buer au  scribe  (dans  ce  cas,  l'éditeur  aurait  dû  corriger),  en  particulier 
la  confusion  du  c  et  du  t,  de  \'n  et  de  Vu:  Mapolite  pour  MapoUce, 
Maudint  pour  Mauduit  (Maudetus  n'a  rien  à  faire  ici),  Nauis  pour 
Narcis  =  Narcissius,  Odonart  pour  Odoiiart  (Audouart),  Piguesine 
pour  Piguesme,  Tarte  pour  Tarce,  Vandrille  pour  Vaudrille  =  Bau- 
drille  =  Baudilius.  Voici  quelques  observations  que  nous  donnons 
en  suivant  l'ordre  alphabétique:  Alhaire  est  peut-être  Alvera,  vierge 
et  martyre,  fêtée  le  6  mars  ;  Anaistaise,  au  2  mai,  est  plutôt  Atha- 
nase  (métathèse  dont  il  y  a  ici  même  d'autres  exemples);  Biece  rap- 
pelle le  nom  de  famille,  commun  dans  le  Midi,  Bieyêse  {Bieiso)  =  b .  - 
lat.  hesca,  hessa,  pelle  à  retourner  la  terre  ;  Cir  =  Sergius  (honoré 
dans  le  diocèse  de  Rodez);  Gist  =  Xystus  ;  Crois,  3  mai  =  l'Invention 
de  la  Sainte  Croix  ;  de  même  Croix,  14  septembre,  =  l'Exaltation  de 
la  Croix  ;  Donne,  au  24  mai  (=  dominae),  coiTespond  à  la  fête  de  N.-D. 
Auxiliatrice  ;  Flour,  15  juin  n'est  pas  Flore,  mais  sans  doute  saint 
Flour,  honoré  le  15  mars  dans  les  diocèses  de  Rodez  et  de  Saint-Flour; 
Gabriel  ne  peut  être  que  l'archange  ordinairement  honoré  le  16  oc- 
tobre ;  Gohert  =  Godebertus  est  aussi  légitime  que  Goberte,  que  sup- 
pose Godeberta  ;  Landry  =  l'Andry;  Libanie  =  Libanius  ;  Mair  ren- 
drait mieux  Marins,  honoré  le  19  janvier  au  diocèse  de  Rodez,  que 
Marcus  ;  Marguerite  =:Margarita,  non  Magerita  ;  Maidme,  au  29  mai, 
représente  Maximinus  ;  Osfran  ne  doit-il  pas  être  lu  Osfrau  =  ossi- 
fragus  /  Piast  =  Piatus  (Cf.  Beast  =  Beatus);  Priache,  avec  un  sigle 
sur  IV  (=  Petracius  pour  Patriciusf)^  doit  être  lu  i^erriache  (Cf.  Per- 
rache,  quartier  de  Lyon);  Signe  =  Cycnus  ne  représente  nullement 
un  accusatif,  comme  le  dit  l'éditeur,  p.  371 . —  P.  372,  Vising,  Sur  le 
Français  le  représentant  le  Latin  à. 

MÉLANGES.  I.  Histoire  littéraire.  —  1 .  P.  386.  Suchîer,  Johan  den 
Tkuin.  Deux  mentions  de  Jean,  avoué  de  Thuin  (1277),  qui  semblent 
se  rapporter  à  l'auteur  de  V Histoire  de  Jules  César,  en  prose,  récem- 
ment publiée  par  M.  Settegast.  —  2.  P.  387.  Bartsch,  Recherches  an- 
ciennes sur  une  traduction  allemande  de  Dante,  —  P.  387.  Schultz, 
Sur  Jehan BodeLha,  pastourelle  publiée  par  Bartsch  ( A Z(/r.  Rom.  und 
Past.  III,  40),  et  attribuée  par  Paulin  Paris  à  Jean  Bodel,  ne  saurait 
remonter  à  1187  (cf.  Rom.,  IX,  217).  —  IL  Étude  des  manuscrits.  1. 
P. 390.  Bartsch,  Un  ms.du  Brut  de  Wace.—2.  P.  390.  Stengel,  le  Ms. 
Rawlinson,  Miscellanea  1370,  ancien  1262.  Ce  ms.  de  laBodléienne  à 
Oxford  contient,  outre  des  fragments  anglais,  des  fragments  français 
appartenant  à  14  mss.  différents.  L'éditeur  nous  donne:  1**  un  frag- 
ment d'un  romaû  dont  le  héros  semble  être  un  certain  Gandes.  et  qui 


PERIODIQUES  193 

doit  être  assez  voisin  du  roman  d^Ypomédon  (en  réalité,  c'est  un  frag- 
ment du  Protasilaus  de  Huon  de  Rotelande);  2*  un  fragment  du  ro- 
man inédit  à'Ypomédony  dont  un  ms.  se  trouve  au  British  Muséum 
(Cott.  Vespas .  A  VII),  et  un  autre  semble  être  en  la  possession  du 
libraire  Quaritch,  à  Londres.  — P.  403.  Stengel,  Fragment  de  la 
Chanson  de  geste  de  Garin  de  Montglane  (se  trouve  à  la  bibliothèque 
de  Trêves). —  3.  P.  413.  Bartsch,  Chansons  populaires  italiennes.  — 
IV.  Critique  des  textes,  1.  P.  414,Fœrster,  &ur  la  Quatrième  Édition  de 
la  Chrestomathie  de  Vancien  français  de  Bartsch  (excellentes  correc- 
tions.— 2.  P.  419.  Tohler,  Sur  risopet  de  Lyon  {nombreuses  et  im- 
portantes corrections). —  3.  P.  422.  Fœrster,  ;Sur  Z«  v.  6  du  fragment 
de  /'Alexandre  de  la  Laurenticnne  (il  faut  lire  :  Poys  hu  (=  locum) 
mefaym'enfirmitas), — V.  Étymologie. — 1.  P .  423 . 1-3 .  Schuchardt, 
Baist,  Étymologies  hispano-portugaises,  —  4  et  6.  P.  435.  Horning, 
Suchier,  Étymologies  françaises,  —  VI.  Grammaire,  —  1.  P.  439. 
Horning,  Sur  la  Déclinaison  dans  l'ancien  français  et  dans  l'ancien 
provençal.  En  règle  générale,  les  noms  d'êtres  vivants  avaient  seuls 
à  l'origine  (et  encore  pas  tous)  la  double  forme  du  nominatif  et  de 
l'accusatif,  dans  les  noms  imparisyllabiques  de  la  troisième  décli- 
naison. Explication  séduisante  du  changement  de  genredans  les  mots 
féminins  venant  des  noms  latins  en  or;  réfutation  de  l'opinion  de 
Littré.  —  2.  P.  445.  Suchier,  Exclamations  avec  quel  en  ancien  fran- 
çais. C'est  la  forme  de  l'accusatif ,  et  non  celle  du  nominatif,  qui  est 
employée . 

Comptes   rendus.  —  P.  447.  Les  Littératures  populaires  de  toutes 
les  nations,  t,  VI-X  (Liebrecht).  —  VI  et  VII.  Bladé,  Poésies  popu- 
laires de  la  Gascogne  (t.  II  et  III  de  l'ouvrage). —  VIII.  Ed.  Lan- 
cereaWj H itopadesa,  ou  l'Instruction  utile,  trad.  du  sanscrit. —  IX  et  X. 
P.  Sébillot,  Traditions  et  Superstitions  de  la  Haute- Bretagne. — P.  456. 
P.  Sébillot,  Contes  populaires  de  la  haute  Bretagne,  3e  série:  Contes 
des  marins  (Liebrecht). —  P.  459.  P.  Fœrster,  Spanische  Sprachlehre 
(Baist).  —  P.  462.  L.  Constans,  la  Légende  d' Œdipe,  étudiée  dans 
l'antiquité,  au  moyen  âge  et  dans  les  temps  modernes,  en  particulier 
dans  le  Roman  de  Thèhes,  texte  français  du  XÏI^  siècle .  Paris,  Maison- 
neuve  et  C«,  1881  (Stengel).  Excellentes  observations,  dont  je  remercie 
sincèrement  l'éniinent  critique.  Je  compte  en  faire  mon  profit  dans 
l'édition  du  Rom>an  de  Thèhes,  que  je  prépare,  travail  dont  la  publi- 
cation a  été  notablement  retardée  par  la  perte,  dans  un  incendie,  de  ia 
copie  des  mss.  de  Paris.  —  P.  467.  Wœlfflin,  Ueher  die  Allitteriren- 
de7i  Verhindungen  der  lateinischen  Sprache  (Grœber). — P.  470.  Kosch- 
witz,  les  Plus  Anciens  Monuments  de  la  langue  française  (Grœber). — 


194  PERIODIQUES 

P.  471.  Stengel,  Ausgahen  und  Ahïiandlungen  ans  dem  Gébietedtr  Bo" 
manischen  Philologie,  XI  und  XllJdkr,  La  Cançun  de  saint  Alexis 
und  einige  kleinere  altfr,  Gedichte  des  (Grœber). —  P.  476. i^oTwania, 
n«'  39  et  40  (Grœber,  Baist,  Kœhler,  Varnhagen,Suchier).— P.  284. 
Romanische  Siudien,  Heft,  XVI  (Grœber). — P.  4^1, Romaniache  Fors- 
chungen,  I,  1  (Grœber). 

L.    CONSTANS. 


Zeitschrift  fur  rom.  Philologie.— VI,  2,  34.  P.  325.  Trois  Mi- 
racles de  Gautier  de  Coincy  (Ulricb). Voici  quelques  observations  pour 
faire  suite  à  celles  que  M.  Constans  a  présentées  sur  le  même  texte. 
I.  33,  34.  Je  préférerais  la  variante ^/ama,  laissa.  La  rime  est  plus 
riche,  et  Gautier  de  Coincy  n'était  pas  homme  à  négliger  cette  consi- 
dération .  Le  sens  est  «  son  amour  pour  son  enfant  le  domina  telle- 
ment, etc ...»  V.  41  42 ... ,  Dieus  vost  Dieu  plot,  car  so8t=  sapuit  pa- 
raît bien  problématique .  V.  45,  aperçut  vaut  mieux  qu'apparut,  V.  77, 
quiert,  1.  qu'  iert.  V.  102,  fauvoia,  1.  faunoia.  V.  140,  1.  aouvrir.N , 
164,  supprimez  il,  1.  que  il  quiert,  V.  170^  voissez,  1.  voiliez,  Y .221 , 
qu'an  dit,  que  ceste  dame  saintisme,  1.  qu'an  dit  que  c'est  dame  saintisme. 
V .  294, 1 .  Déçoit  tout  le  monde  et  conchie .  V .  350,  l^aissiez  vos,  mestre 
taisiez  cui,  1 .  taisiez.  Oui  (=  cogito)  vous  me  voulez  tenir  si  cort,  etc . . . 
V.  460,  mercie,  1.  merci,  V.  637,  Ce?  que,  etc.,  1.  ce  que.  V.  720,  les, 
1.  ces,  II,  V.  22,  maintenue  [et  si]  longuement.  V.  178,  la  bonne  leçon 
est  en  variante.  V .  223,  224,  mauvaise  ponctuation  ;l,Ja  n'iert  en  leu 
ne  soit  trovée  Et,  si  sera  prise,  provée,  V.  314,  l'abesse,!.  s'abesse, 
V.  367,  amahles,  1.  amiables.  V.  398,  mes  f et,  1.  mes/et.  III,  v.  65, 
n'est  pas  merveille,  1.  n'est  merveille,  V.  124,  pandois,  1.  pandoit,  V. 
217,  21S  y  N'atendist  mie  jusqu'à  none,  Qui  li  donast  ,i.  mui  d  avoine, 
lisez  d'anone  =«:  annona  (blé),  V.  554,  endurementj  1.  en  durement, 

A.B. 


NECROLOGIE 


ANATOLE  BOUCHERIE 


La  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes  vient  d'être 
frappée  du  coup  le  plus  cruel  qui  pût  l'atteindre,  en  la  per- 
sonne de  son  secrétaire,  M.  Anatole  Boucherie,  chargé  du  cours 
de  philologie  romane  à  la  Faculté  des  lettres,  mort  le  3  avril 
courant. 

La  Revue  des  langues  romanes  publiera,  dans  un  de  ses  pro- 
chains numéros,  une  notice  sur  notre  regretté  confrère.  Au- 
jourd'hui, nous  ne  pouvons  que  reproduire  les  discours  pro- 
noncés sur  sa  tombe,  le  5  avril,  par  M.  Castets,  doyen  de  la 
Faculté  des  lettres,  au  nom  de  la  Faculté  ;  par  M.  Revillout, 
professeur  à  la  même  Faculté,  au  nom  de  la  Société  des  lan- 
gues romanes  ;  par  M.  Bernard,  professeur  au  lycée,  au  nom 
du  Lycée;  les  allocutions  prononcées  par  MM.  A.  Roque-Fer- 
rieret  L.  Roumieux:  la  première,  la  veille  des  funérailles,  en 
séance  ordinaire  de  la  Société  des  langues  romanes  ;  la  se- 
conde, dans  une  fête  de  famille  qui  eut  lieu  quelques  jours 
après,  et  à  laquelle  Boucherie  avait  été  convié  ;  enfin  quatre 
articles  nécrologiques,  publiés,les  trois  premiers,  dans  les  trois 
journaux  de  Montpellier  ;  le  dernier,  particulièrement  honora- 
ble pour  la  mémoire  de  Boucherie,  dans  le  Journal  des  Débats. 

Nous  faisons  suivre  ces  documents  d'une  lettre  adressée 
par  M.  le  docteur  Obédénare,  premier  secrétaire  de  la  léga- 
tion de  Roumanie  à  Rome,  au  Président  de  la  Société. 


106  ^ÉCR0L0G1E 


Allocution  de  M.  A.  Roque-Ferrier 

Messieurs, 

Lorsque  cette  réunion  fut  décidée,  nous  étions  loin  de  prévoir  le 
coup  si  brusque  qui  devait  frapper  la  Société.  Boucherie  n'est  plus 
depuis  hier  soir  I  Nous  ne  perdons  pfas  seulement  en  lui  un  ami  de 
toutes  les  heures,  de  tous  les  instants,  un  collègue  aux  relations  sû- 
res, aimables  et  cordiales,  à  la  science  aussi  précise  qu'élevée  ;  nous 
perdons  surtout  le  guide,  la  lumière  philologique  de  notre  Compagnie. 
Il  avait  puissamment  contribué  à  la  faire  naître,  et,  ce  qui  est  souvent 
plus  difficile,  à  la  faire  vivre  et  prospérer.  Il  nous  est  donc  permis  de 
voir  en  lui  l'homme  qui  pourrait,  à  autant  de  titres  que  Cambouliù, 
être  considéré  comme  le  fondateur  de  la  Société  des  langues  romuL es. 
Mieux  que  je  ne  saurais  le  faire  ici  par  ces  quelques  paroles,  M.  le 
professeur  Révillout  dira  demain  les  regrets  que  cette  mort  éveille 
dans  le  cœur  de  chacun  de  nous.  Mais  vous  m'en  voudriez  de  toute 
l'amitié  que  je  portais  à  Boucherie,  si  je  ne  vous  proposais  point  de 
lever  la  séance  en  signe  de  deuil,  et  de  renvoyer  à  la  deuxième  réunion 
d'avril  la  communication  des  travaux  qui  ont  été  inscrits  à  notre  or- 
dre du  jour,  alors  que  rien  ne  faisait  présager  le  dénoûment  que  vous 
déplorez  aussi  profondément  que  moi  !  i> 


Discours  de  M.  Gastets 

Messieurs,  il  y  a  quelques  jours  à  peine  nous  accompagnions  à  sa 
dernière  demeure  un  de  nos  jeunes  étudiants,  frappé  sur  le  seuil  même 
de  la  vie,  et  nous  voici  encore  rendant  un  pareil  devoir  à  un  de  nos 
collègues;  après  l'élève,  c'est  le  maître  qui  nous  est  ravi,  et  pour  l'un 
comme  pour  l'autre,  nous  disons  douloureusement:  Quoi!  sitôt!  car 
ce  n'est  pas  à  cinquante-trois  ans  qu'un  homme  a  achevé  sa  tâche, 
alors  surtout  qu'il  a  conservé  intacte  toute  la  jeunesse  du  cœur  et  de 
l'esprit. 

L'Université  et  la  science  font  une  grande  perte  par  la  mort  de 
Boucherie  :  tel  a  été  notre  premier  cri  ;  et,  plus  Ton  arrête  sa  pensée 
sur  la  vie  si  pleine  de  notre  regretté  collègue,  plus  devient  vif  et 
poignant  le  sentiment  de  ce  tort  qui  est  fait  à  l'enseignement,  à  la 
science  et  à  notre  Faculté,  où  Boucherie  tenait  si  honorablement  sa 
place. 


NECROLOGIE  197 

Boucherie  est  entré  jeune  dans  l'Université.  A  l'âge  de  dix-huit  ans, 
nous  le  voyons  déjà  maître  répétiteur  au  lycée  d'Angoulême.  En  1855, 
il  débuta  dans  l'enseignement  au  lycée  de  la  Rochelle  ;  en  1858,  il  était 
reçu  agrégé  et  nommé  professeur  titulaire  de  sixième  au  lycée  dô 
Poitiers.  Il  revint  deux  ans  après  dans  sa  ville  natale  ;  mais  déjà  sa 
santé  était  compromise  par  les  efforts  qu'il  avait  dû  faire  dans  cette 
conquête  laborieuse  d'une  position  digne  de  lui.  Il  fut  obligé  de  pren- 
dre un  congé  qui  dura  trois  ans,  et  c'est  seulement  en  1864  que  ses  for- 
ces lui  permirent  de  remonter  en  chaire.  L'administration  lui  confiait 
la  classe  de  cinquième  au  lycée  de  Montpellier.  On  espérait  qu'un  cli- 
mat plus  doux  pourrait  retarder  ou  conjurer  les  progrès  du  mal  dont 
il  avait  senti  la  première  atteinte .  Boucherie  a  rempli  pendant  qua- 
toize  ans,  au  lycée  de  Montpellier,  les  modestes  et  utiles  fonctions  de 
professeur  de  grammaire. 

Nous  savons  tous  ici  ce  qu'il  fut  dans  sa  classe.  Entouré  de  l'affec- 
tion et  du  respect  de  ses  élèves,  il  était  leur  père  autant  que  leur  maî- 
tre, et  tous  ont  gardé  de  ses  leçons  le  souvenir  le  plus  reconnaissant. 

Tout  faible  de  corps  qu'il  était,  et  bien  qu'il  ne  se  fît  pas  illusion 
sur  l'état  de  sa  santé.  Boucherie  poursuivait  un  double  idéal  ;  à  la 
pratique  la  plus  consciencieuse  du  devoir  professionnel,  il  voulait  et 
savait  allier  le  souci  des  travaux  qui  de  bonne  heure  lui  ont  fait  une 
si  légitime  réputation .  Doué  d'une  aptitude  naturelle  pour  les  recher- 
ches de  la  philologie,  nous  le  voyons,  à  peine  arrivé  à  Montpellier, 
fouiller  dans  les  manuscrits  de  nos  bibliothèques  et  y  faire  de  véri- 
tables découvertes,  étudier  les  origines  de  notre  langue  dans  les  textes 
bas-latins  des  époques  mérovingienne  et  carlovingienne,  discuter  et 
compléter  les  théories   allemandes  sur  la  formation  des  langues  ro-  , 

mânes.  Un  savoir  solide,  une  rare  finesse  d'esprit,  la  justesse  de  fon 
jugement,  donnent  à  ses  travaux  une  valeur  qui  fut  appréciée  par  les 
savants  les  plus  éminents  de  notre  époque.  Ils  étaient  heureux  de  re- 
connaître en  leur  auteur  un  de  ceux  qui  contribuent  au  progrès  de  la 
science,  et  l'Université  de  France  était  fière  de  le  compter  au  nombre 
de  ses  membres . 

Boucherie  fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  pour  l'étude  des  lan- 
gues romanes,  et,  depuis  quelques  années,  il  était  membre  de  l'Aca-  ^ 
demie  des  sciences  et  lettres .  Je  n'insisterai  pas  sur  les  services  de 
toute  sorte  qu'il  rendit  aux  sociétés  savantes  de  Montpellier;  à  cet 
égard,  son  éloge  sera  fait  par  ses  confrères,  qui  partagent  nos  regrets 
et  notre  deuil.  Je  ne  puis  cependant  négliger  de  dire  que  c'est  surtout 
à  sa  longue  et  remarquable  collaboration  à  la  Revue  des  langues  ro- 
manes que  Boucherie  a  dû  d'être  chargé  de  l'enseignement  de  la  phi- 
lologie romane  à  notre  Faculté  des  lettres . 


198  NECROLOGIE 

La  science  qu'il  représentait  ne  figurait  pas  dans  les  cadres  anciens 
des  Facultés.  On  créa  un  cours  pour  que  M.  Boucherie  eût  le  droit  de 
professer  à  côté  de  nous,  et  nous  applaudîmes  tous  à  cet  acte  de  jus- 
tice et  d'intelligente  administration.  Mais  le  changement  de  situation 
ne  changea  rien  aux  habitudes  de  notre  collègue.  Il  fut  pour  nos 
élèves  ce  qu'il  avait  été  pour  les  élèves  du  lycée  :  le  modèle  des  mai' 
très.  Et,  tout  en  préparant  à  la  licence  et  à  l'agrégation  les  étudiants 
qui  lui  étaient  confiés,  il  continuait  ses  recherches  et  ses  travaux  per» 
sonnels . 

Il  aurait  pu  se  prévaloir  du  titre  de  son  enseignement  pour  se  dés- 
intéresser du  labeur  des  préparations  aux  grades,  ou,  du  moins,  pour 
nous  mesurer  son  concours  avec  quelque  parcimonie.  Il  nous  donna 
sa  collaboration  sans  aucune  réserve.  Son  orgueil  était  que  la  philo- 
logie romane  obtînt  tous  les  jours  une  plus  large  place  dans  les  pro- 
grammes universitaires,  et  c'était  un  bonheur  pour  lui  que  d'expliquer 
à  nos  étudiants  la  Chanson  de  Roland  ou  de  leur  exposer  l'histoire  de 
notre  langue  et  de  notre  littérature  du  moyen  âge.  Cet  enseignement  a 
déjà  porté  ses  fruits,  et  les  leçons  de  Boucherie  ont  eu  certainement 
une  part  aux  succès  de  nos  candidats  aux  agrégations  des  lettres  et 
de  grammaire . 

Nos  élèves  perdent  un  excellent  maître,  la  science  un  travailleur 
instruit  et  sagace.  La  collaboration  de  Boucherie  à  la  Revue  des  lan- 
gues romanes,  devenue  plus  lourde  depuis  quelque  temps,  n'épuisait 
pas  son  activité.  Il  avait  sur  le  métier  des  travaux  importants,  dont 
plusieurs  pouvaient  être  considérés  comme  prêts  pour  l'impression. 
Les  scrupules  infinis  de  Boucherie,  son  respect  de  la  science,  le  besoin 
de  l'information  la  plus  exacte,  ont  retardé  la  publication  des  résul- 
tats de  ses  recherches  ;  et,  d'ailleurs  pourquoi  se  serait-il  pressé  ?  Ha- 
bitué à  contempler  avec  un  calme  stoïque  la  pensée  d'une  mort  pro- 
chaine, il  agissait  comme  s'il  eût  été  assuré  de  longs  jours.  Il  luttait 
sans  colère,  mais  avec  une  patiente  énergie,  contre  le  mal,  dont  il 
suivait  les  progrès.  Sans  inquiétude  et  la  conscience  tranquille, il  rem 
plissait  ses  devoirs  envers  l'Université  et  la  science.  Que  lui  importait 
de  publier  une  œuvre  de  plus  ou  de  moins  ?  Il  ne  songeait  qu'à  nous 
laisser  un  monument  durable  dans  le  souvenir  d'une  vie  intègre  et  bien 
remplie. 

Adieu,  cher  collègue  !  En  nous  quittant  au  milieu  de  la  carrière,  vous 
nous  laissez  d'amers  regrets.  Les  professeurs  et  les  étudiants  de  la 
Faculté  des  lettres  avaient  en  vous  un  ami  sûr  et  bienveillant.  Nous 
regrettons  votre  science,  votre  dévouement  à  nos  travaux  communs, 
et  les  relations  simples  et  cordiales  que  vous  entreteniez  avec  tous. 
Vous  avez  passé  en  faisant  le  bien,  et  plus  d'un  ici  en  pourrait  porter 


i 


NECROLOGIE  109 

témoignage  :  reposez  dans  la  paix  due  aux  âmes  droites  et  bonnes. 
L'hommage  qui  vous  est  rendu  aujourd'hui  est  la  seule  consolation 
que  nous  puissions  offrir  à  votre  famille  dans  les  larmes  ;  nous  com- 
prenons et  partageons  la  douleur  de  ceux  qui  vous  étaient  unis  par  le 
sang,  car  vous  nous  étiez  unis  par  de  bien  étroits  liens,  et  la  mort 
seule  pouvait  les  rompre. 

Adieu,  Boucherie!  cher  collègue,  adieu  ! 


Discours  de  M.  Revillout 


Messieurs,  une  douleur  trop  naturelle  et  trop  poignante  ferme  la 
bouche  aux  membres  de  la  Société  des  langues  romanes  qui  pour- 
raient parler  avec  compétence  des  services  et  des  travaux  de  M.  Bou- 
cherie . 

A  leur  défaut,  j'essayerai  de  vous  rappeler  en  quelques  mots  tout  ce 
notre  Société  doit»à  cet  excellent  confrère . 

Si  cette  Association,  déjà  vieille  de  quatorze  ans,  existe  et  prospère, 
c'est  à  M.  Boucherie  qu'elle  en  est  redevable  ;  si  dans  le  monde  sa- 
vant elle  occupe  une  certaine  place,  c'est  encore,  en  partie  du  moins, 
à  ses  productions,  à  la  forte  impulsion  scientifique  qu'il  a  su  lui  don- 
ner, qu'il  en  faut  rapporter  l'honneur.  Chacun  le  sait  et,  ce  qui  re- 
double l'amertume  de  nos  regrets,  chacun  se  demande  comment  nous 
pourrons  remplacer  un  collègue  aussi  nécessaire. 

La  formation  de  notre  Société,  ses  progrès,  son  crédit  à  Paris  et 
ailleurs,  son  influence  et  son  action  sur  le  développement  des  études 
romanes  et  philologiques,  tout  cela,  nous  lo  devons  surtout  à  M.  Bou- 
cherie ;  c'est  principalement  l'œuvre  de  son  inspiration,  de  son  acti- 
vité remuante  et  féconde,  de  son  ardeur,  que  la  maladie  même  ne  pou- 
vait ralentir,  de  sa  foi  passionnée  et  imperturbable. 

Lorsque,  au  commencement  de  1869,  de  concert  avec  MM.  Cam- 
bouliù,  Ch.  de  Tourtoulon,  Paul  Glaize  et  Achille  Montel,  il  eut  l'idée 
de  fonder  à  Montpellier  une  association  pour  l'étude  des  langues  ro- 
manes, il  était  déjà  connu  par  ses  essais  philologiques.  Un  travail 
solitaire  et  persévérant  l'avait  familiarisé  avec  les  découvertes  des 
Guessard,  des  Diez  et  des  Littré  ;  un  instinct  secret  l'avertissait  qu'avec 
son  esprit  curieux,  pénétrant,  hardi,  il  allait  devenir  un  maître  dans 
cette  science  encore  naissante.  Ses  associés  étaient  plus  ou  moins 
poursuivis  par  l'ambition  de  rendre  son  éclat  à  la  vieille  langue  méri- 
dionale ;  lui,  tout  entier  à  ses  recherches  de  prédilection,  investiga- 


200  NECROLOGIE 

,teur  enthousiaste  de  nos  origines  linguistiques,   songeait  surtout  à 
donner  un  vif  éclat  à  des  études  alors  trop  négligées  en  France . 

Je  le  vois  encore,  car  le  souvenir  en  est  resté  vivant  dans  mon 
esprit,  employant  avec  M .  de  Tourtoulon  les  vacances  de  Pâques  de 
1869,  pour  préparer  à  Paris  le  succès  de  sa  chère  et  future  Société. 

Sollicitations  dans  les  ministères,  démarches  auprès  des  savants, 
courses  de  toute  espèce,  rien  ne  leur  coûtait.  Boucherie  avait  l'ardeur 
entraînante,  la  confiance  qui  ne  connaît  pas  d'objections,  ce  zèle  de 
missionnaire  et  d'apôtre  que  rien  ne  saurait  démonter. 

Ils  réussirent  au  delà  de  toute  espérance,  et  concilièrent  dès  lors  à 
leur  œuvre  des  amis  puissants  et  persévérants,  MM.  Egger,  Bréal, 
Gaston  Paris  et  tant  d'autres,  qui  partagent  maintenant  notre  dou- 
leur. 

Depui»  lors,  M.  Boucherie  ne  vécut  plus  que  pour  la  Société,  cette 
Société  si  intimement  confondue  dans  son  esprit  avec  Tavenir  même 
des  études  romanes  et  de  la  philologie  néo-latine.  Mettre  ces  chères 
études  en  lumière;  en  répandre  le  goût  autour  de  lui  par  la  parole,  par 
la  plume,  par  l'enseignement,  quand  notre  Faculté  des  lettres  lui  fut 
ouverte  ;  leur  susciter  des  adeptes  dans  tous  les  rangs,  dans  tous  les 
partis,  jusque  dans  les  villages  perdus  au  sein  des  montagnes,  ce  fut 
son  ambition  de  tous  les  instants,  et  il  y  réussit,  à  l'aide  de  nos  réu- 
nions, de  notre  Revue,  du  zèle  de  ses  collaborateurs. 

Ses  premiers  associés  lui  furent  enlevés  par  la  mort  ou  par  l'éloi- 
gnement:  il  en  trouva  d'autres. 

Avec  les  nouveaux  comme  avec  les  anciens,  il  se  montra  toujours 
le  même  :  homme  de  science,  d'initiative,  d'enthousiasme  ardent  et 
communicatif .  Le  premier  sur  la  brèche,  toujours  prêt  à  tout,  trou- 
vant tout  simple  et  facile,  il  était  confiant  quand  les  autres  doutaient. 

Cette  âme  si  bonne  et  si  bienveillante,  qui  ne  connaissait  ni  le  fiel 
ni  la  rancune,  ne  savait  pas  abandonner  une  idée  qu'elle  croyait  vraie, 
renoncer  à  une  cause  qu'elle  estimait  juste,  désespérer  d'une  entre- 
prise dont  elle  entrevoyait  l'utilité.  Sa  main  cordiale,  faite  pour  les 
étreintes  de  l'affection  et  de  l'amitié,  s'armait  alors  en  guerre,  et  ses 
coups  étaient  vifs,  rudes  et  pressés.  Mais  qui  pouvait  en  vouloir  à  un 
homme  si  sincère  et  si  loyal,  qui  partout,  même  parmi  ses  contradic- 
teurs et  ses  adversaires,  n'a  rencontré  que  des  amis  ? 

Dire  tous  les  services  qu'il  a  rendus  à  la  Société  dont  il  a  été  plu- 
sieurs fois  le  président,  et  dont  il  était  devenu  le  secrétaire  en  1882, 
ce  serait  raconter  notre  histoire.  Il  a  été  mêlé  à  tout  ce  qu'elle  a  fait. 
Il  y  a  quatre  jours  encore,  quand  il  fut  saisi  par  la  crise  dernière  et 
fat^e  d'une  maladie  inexorable,  il  travaillait  pour  elle  et  préparait 
l'organisation  de  notre  quatrième  Concours. 


NBOROLOGIE  2ÔI 

Aussi,  Messieurs,  la  Société  des  langues  romanes  ne  saurait  pro- 
clamer trop  haut  la  grandeur  de  ses  regrets.  M.  Boucherie,  dont  toute 
la  vie  a  été  consacrée  à  la  philologie,  sera  apprécié  comme  il  le  mérite 
partout  où  ses  travaux  et  notre  Revue  ont  porté  son  nom,  c'est-à-dire 
en  France,  en  Espagne,  en  Italie,  en  Allemagne,  dans  toute  l'Europe 
et  jusqu'en  Amérique.  Les  Roumains  lui  donnèrent  leur  ordre  royal 
de  la  Cou'  onne  de  Roumanie.  De  nombreux  amis  étrangers,  MM.  Milà 
y  Fontanals,  Obédénare,  Balaguer  y  Merino,  Ascoli,  Monaci  et  Foers- 
ter,  pour  ne  citer  que  les  plus  illustres,  s'associeront  à  notre  deuil . 
Mistral  et  les  félibres  n'oublieront  jamais  son  souvenir. 

Mais  c'est  ici,  à  Montpellier,  dans  notre  Société  pour  l'étude  des 
langues  romanes,  que  ce  souvenir  réveillera  toujours  les  plus  ardentes 
sympathies.  Nous  l'avons  vu  tous  à  l'œuvre,  nous  l'avons  tous  estimé, 
nous  l'avons  tous  aimé.  Car,  s'il  était  l'un  des  fondateurs  et  le  plus 
ferme  soutien  de  notre  Association,  s'il  était  un  érudit  laborieux  et 
pénétrant,  il  était  encore  et  par-dessus  tout  un  cœur  bon,  droit,  sin- 
cère, complaisant,  serviable,  en  un  mot  un  homme  de  bien  ! 


Discours  de  M.  Bernard 

Au  nom  du  lycée,  je  viens  dire  un  dernier  adieu  au  collègue,  à 
l'ami.  Je  dis  adieu  à  l'honnête  homme,  àPhomme  de  cœur.  Deux  cultes 
ont  rempli  et  honoreront  sa  vie:  il  a  vécu  pour  sa  mère  et  pour  l'étude  ; 
j'ajouterai  pour  l'amitié,  qui  pour  lui  fut  une  fraternité.  C'est  pour- 
quoi ceux  qui  l'ont  connu,  qui  l'ont  aimé,  seront  fidèles  à  son  souve- 
nir. 


Allocution  de  M .  Roumieuz 


M'es  un  grand  ôunour,  m'es  subre-tout  un  grand  bonur  de  veire 
omé  quet  af ougamen  avès  respoundu  à  ma  moudesto  couvidacioun . 
Vous  n'en  gramacie  de  tout  cor,  au  noum  de  moun  brave  paire  emai 
au  miéu  ;  lou  farai  d'un  autre  biais,  quand  lou  moumen  di  brinde  e  di 
cansoun  sara  vengu.  Mai,  avans  de  donna  lou  vanc  i  refrin  de  toute 
meno  que  trefoulisson  de  s'escapa  de  vôsti  bouco,  leissas-me  vous 
dire  lou  dôu  cousent  que  sente  à  la  visto  d'un  sèti  demoura  vuege  à 
l'entour  d'aquesto  taulo  freirenalo.  Vautre  peréu,  mis  ami,  sarias  es- 
panta  de  pas  retrouba  pèr  eici  noste  confraire  regreta,  se  noun  sabias 


202  NéCROLOGIB 

la  crudelo  encauso  de  soun  aueènço Paure  Boucherie!  Sa  letro 

fugue  la  bello  premiero  di  noumbroùsi  responsoque  me  sounvengudo. 
—  <c  Me  demandas  se  vendrai  à  vosto  f èsto  de  f amiho  î  m'escrivié  ; 
o,  moun  brave  Roumiéu,  ie  vendrai  emé  gau  ;  e,  se  li  cambo  qu'ai 
àmoun  servici  disien  de-noun,i'  anariéu  de  quatre  pauto  te  dire  touto 
moun  amistanço,  te  prouva  coume  m'es  agradivo  ta  coumpagno,  courae 
aquelo  de  tôuti  li  f elibre  qu'âme  tant  !....» 

E  l'endeman  dôu  jour  que  sa  man  traçavo  aquéli  rego,  lou  paure 
ami  s'aliechavo  e,  mens  d'uno  semano  après,  rendié  soun  amo  à 
Dieu  I . . . 

Es  bèn  de  garapachoun  qu'es  sourti  de  soun  oustau  campèstre  ;  mai, 
pecaire  I  pas  pèr  se  rendre  à-n-aquesto  bastido  qu'aurié  fa  trelusi  de 
tôuti  li  pampaieto  de  soun  esperit  d'elèi  I . . . . 

Mi  paraulo  vous  entristesisson,  mis  ami!  Doumaci,  lou  coumprene  ; 
mai  oubli  dés  pas  que  lou  paure  mort  es  quand  même  au  mié  de  nosto 
felibrejado,e  que  d'amoundaut  sourrira  à  nôsti  cansouneto  autant  bèn 
que  s'avian  lou  bonur  de  lou  vèire  aquito  à  la  plaço  d'ôunour  que  ie 
gardavian  ! 

A  la  memôri  de  Boucherie,  que  nous  perdounara,  n'en  siéu  segur, 
l'alegresso  d'aquest  acamp  felibren  !!!.... 


ARTICLES  NÉGROLOGIOUES 


Notre  enseignement  supérieur  a  fait  une  perte  considérable,  — 
nous  pourrions  dire  irréparable,  sans  trahir  notre  pensée,  —  en  la 
personne  de  M.  Anatole  Boucherie,  chargé  du  cours  de  philologie 
romane  à  la  Faculté  des  lettres  de  notre  ville,  secrétaire  et  membre 
résidant  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes,  membre  de 
l'Académie  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier,  de  la  Société  ar- 
chéologique de  la  Charente,  de  la  Société  de  linguistique  de  Paris, 
officier  de  l'instruction  publique  et  de  l'ordre  de  la  Couronne  de  Rou- 
manie, décédé  le  3  avril,  après  une  maladie  de  quelques  jours. 

M.  Boucherie  était  né  à  Challignac  (Charente),  le  29  mars  1831 .  Il 
avait  été  nommé  professeur  au  lycée  de  Montpellier  en  1864.  L'ex- 
cellence de  son  cœur,  l'aménité  d'un  esprit  pour  lequel  notre  littéra- 
ture du  moyen  âge  n'avait  pas  conservé  de  secrets,  les  relations  scien- 
tifiques qu'il  avait  su  se  créer  à  Paris,  à  Barcelone  et  à  Bucharest, 
aussi  bien  que  l'autorité  d'un  enseignement  plein  de  savoir  et  de  se- 


NÉOROLOaiB  m 

duction,  lui  avaient  créé  parmi  nous  des  sympathies  qui  survivront 
longtemps  à  sa  mort . 

Ses  obsèques  ont  lieu  hier,  en  l'église  Saint-Pierre,  à  trois  heures 
du  soir;  M.  Régismanset,  inspecteur  d'académie,  représentant  M.  le 
recteur  Chancel,  souffrant  depuis  quelques  jours,  et  les  membres  de 
nos  quatre  Facultés,  accompagnaient  en  corps  et  en  robes  les  deux 
frères  du  regretté  défunt,  MM.  Adhémar  Boucherie,  chef  de  batail- 
lon au  42e  de  ligne,  et  Aristide  Boucherie,  percepteur  à  Brossac  (Cha- 
rente). 

A  la  suite  se  pressaient  un  nombre  très-considérable  d'amis  et  de 
personnes  qui  avaient  suivi  les  cours  de  Téminent  professeur  au  lycée 
de  Montpellier  et  à  la  Faculté  des  lettres,  où  sa  parole  si  brusquement 
étouffée  par  la  mort  se  faisait  entendre  encore  le  mois  dernier . 

Trois  discours  ont  été  prononcés  au  cimetière,  par  MM.  Ferdinand 
Castets,  Charles  Revillout  et  Bernard. 

{Messager  du  Midi,  avril  1883). 


■  

Nous  apprenons  avec  le  plus  vif  regret  la  mort  de  M.  A.  Bou- 
cherie, maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres,  où  il  occupait, 
avec  une  autorité  incontestée,  une  des  deux  chaires  de  philologie  ro- 
mane créées,  il  y  a  quelques  années,  à  Montpellier. 

L*un  des  cinq  fondateurs  de  la  Société  des  langues  romanes,  qui  a 
tant  grandi  depuis  quatorze  ans  et  qui  s'est  fait  une  place  si  hono- 
able  dans  le  monde  savant,  en  grande  partie  grâce  à  ses  travaux  per- 
sonnels, il  avait  été  à  plusieurs  reprises  président  de  cette  Associa- 
tion et  en  était  en  ce  moment  le  secrétaire.  Il  était  également  membre 
de  notre  Académie  des  sciences  et  lettres,  officier  de  l'instruction  pu- 
blique et  de  la  Couronne  de  Roumanie . 

Notre  compatriote  depuis  dix-huit  ans,  d'abord  comme  professeur 
au  Lycée,  puis  à  la  Faculté  des  lettres  ;  maître  aussi  consciencieux 
qu'éclairé,  aussi  bienveillant  que  ferme  à  l'occasion,  il  emporte  les  re- 
grets unanimes  de  ses  anciens  élèves.  Ses  remarquables  études  sur  les 
origines  de  notre  langue,  ses  longues  et  patientes  recherches,  l'éru- 
dition et  la  sagacité  qu'il  y  apportait,  et  dont  ses  œuvres  portent  la 
marque  indiscutable,  lui  avaient  valu  l'estime  et  l'amitié  des  plus  cé- 
lèbres philologues  de  l'Europe,  au  premier  rang  desquels  l'illustre 
Littré . 

Quant  à  ceux  qui  l'ont  approché,  qui  ont  suivi  de  près  cette  noble 
et  modeste  existence,  toute  faite  de  travail  désintéressé  et  de  senti- 
ment du  devoir;  qui  ont  pu  apprécier  cette  nnture  ouverte,  profondé- 


?Ô4  NÉCROLOGIE 

ment  bienveillante  et  bonne,  héroïque  devant  la  cruelle  maladie  qu'il 
savait  ne  pas  devoir  lui  pardonner  et  dont  il  combattait  stoïquement 
les  souffrances  par  l'étude,  ils  garderont  de  Boucherie  un  de  ces  sou- 
venirs qui  ne  s'effacent  pas . 

Il  entrait  dans  sa  cinquante-troisième  année.  Ses  obsèques  ont  eu 
lieu  hier  à  trois  heures . 

-  Les  professeurs  des  différentes  Facultés,  la  plupart  en  robe  ;  ceux 
du  lycée,  les  membres  des  Sociétés  savantes  qui  ont  pu  être  prévenus 
à  temps,  ainsi  que  de  nombreux  amis,  accompagnaient  le  cercueil  de 
cet  excellent  et  savant  homme.  Cinq  draps  d'honneur,  portés  par  les 
étudiants  de  la  Faculté  des  lettres,  les  membres  du  Félibrige,  de  la 
Société  des  langues  romanes  et  de  l'Académie  des  sciences  et  lettres, 
et  par  les  professeurs  des  Facultés,  précédaient  le  char  funèbre . 

Dans  deux  remarquables  allocutions,  M.  Castets,  doyen  de  la  Fa- 
culté des  lettres,  au  nom  de  l'Université  ;  M.  Revillout,  professeur  à 
la  même  Faculté,  au  nom  de  la  Société  des  langues  romanes,  ont  re- 
tracé à  grands  traits  la  vie  et  les  travaux  du  regretté  défunt.  M.  Ber- 
nard, professeur  de  philosophie  au  lycée,  a  prononcé  aussi  quelques 
touchantes  paroles  d'adieu  au  nom  de  ses  collègues. 

L'assemblée  s'est  retirée  profondément  émue. 

{Peut  Méndional,  7  avril  1883.) 


La  Faculté  des  lettres  vient  de  perdre  un  de  ses  membres  les  plus 
distingués.  M.  Boucherie,  chargé  du  cours  de  philologie  romane,  est 
décédé  et  a  été  reconduit,  hier,  à  sa  dernière  demeure,  par  le  corps 
enseignant  tout  entier.  Les  quatre  Facultés  en  robe,  cinq  draps  d'hon- 
neur et  un  nombreux  cortège  d'amis,  d'élèves  et  de  collaborateurs,  for- 
maient, autour  de  la  famille  du  défunt,  un  deuil  imposant  du  monde 
scientifique,  dont  Boucherie  avait  été  l'honneur. 

Les  adieux  que  ses  collègues  lui  ont  adressés  sur  sa  tombe  ont  déjà 
dit,  avec  plus  d'autorité  que  nous  ne  pourrions  en  avoir,  ce  qu'il  a  été 
comme  savant.  C'est  uniquement  comme  ami  que  nous  tenons  à  lui 
dire  ici  un  dernier  adieu.  Bien  qu'étranger  à  notre  ville,  Boucherie 
n'y  était  fait  de  solides  affections,  par  des  qualités  de  cœur  exception- 
nelles. Tout  le  portait  vers  les  jouissances  de  la  vie  intime.  Délicat 
comme  toutes  les  organisations  maladives,  épris  de  calme  et  de  re- 
cueillement comme  tous  les  hommes  d'étude,  son  existence  solitaire, 
ses  manières  affectueuses,  son  tour  d'esprit  fin,  rêveur  et  un  peu  sub- 
til, contrastaient  singulièrement  avec  les  mœurs  bruyantes,  les  habi- 
tudes vaniteuses,  les  instincts  égoïstes  de  notre  sièole.  C'était  comme 


NÉCROLOGIE  205 

«ne  réminiscence  des  intérieurs  de  Bénédictins  que  cette  villa  aux 
^ands  arbres,  aux  belles  perspectives,  où  il  a  longtemps  habité,  en- 
touré de  travailleurs  comme  lui.  On  Ty  trouvait  toujours  penché  sur 
ses  livres,  souriant  à  tous  ses  amis,  et  ne  se  passionnant  que  pour  for- 
mer le  goût  des  élèves  d'élite  que  lui  confiaient  les  hautes  études  uni- 
versitaires. Quand  ces  élèves  seront  devenus  des  maîtres,  ils  ne  se  rap- 
pelleront pas  sans  émotion  les  heures  intimes  de  cet  enseignement^ 
où  l'exquise  bonté  du  maître  donnait  du  charme  aux  recherches  les 
plus  arides,  où  la  finesse  exquise  de  son  esprit  s'alliait  si  heureuse- 
ment aux  formes  naïves  et  originales  de  notre  ancienne  langue  fran- 
çaise, dont  il  leur  révél£dt  les  secrets. 

Boucherie  a  su  être  un  savant  dans  un  temps  d'études  trop  superfi- 
cielles, un  homme  de  cœur  dans  un  temps  d'égoïsme,  un  mérite  mo- 
deste dans  un  siècle  de  vanité.  Il  laisse  des  affections  vraies  là  où  bien 
•d'autres  ne  laisseront  que  du  bruit. 

(L'Éclair,  7  avril  1883.) 


lie  poète  A. -F.  Robert.  — Le  philologue  A.  Boucherie. 


Douze  jours  à  peine  ont  séparé  la  mort  d'un  poëte  bien  distingué 
-et  celle  d'un  bien  savant  philologue,  tous  deux  mes  amis  depuis  de 
longues  années,  et  que  l'on  me  permettra  de  rapprocher  ici  pour  ren- 
dre un  pieux  hommage  à  leur  mémoire. 

Une  certaine  communauté  d'études  rattachait  à  Auguste  Robert 
M.  Anatole  Boucherie,  qui  l'a  précédé  de  quelques  jours  dans  la  tombe, 
car  ils  se  connaissaient  et  s'estimaient  l'un  l'autre,  pour  avoir  tous 
■deux  cultivé  notre  vieille  langue  du  Nord  et  même  un  peu  celle  du 
Midi.  Mais  l'un  n'en  avait  fait  qu'un  accessoire  à  d'autres  études,  le 
second  s'y  était  voué  aussi  complètement  qu'avaient  pu  le  lui  per- 
mettre les  devoirs  de  l'enseignement  universitaire.  Boucherie  fut  un 
modèle  de  curiosité  patiente  et  désintéressée  pour  les  recherches  scien- 
tifiques ;  mais,  avant  tout,  ce  fut  un  professeur  exemplaire,  et  cela 
malgré  la  faiblesse  d'une  santé  qui  ne  l'a  pas  conduit  sans  effort  jus- 
qu'à l'âge  de  cinquante-deux  ans.  Il  avait  débuté  par  les  plus  modes- 
tes fonctions  de  nos  collèges  :  d'abord  maître  répétiteur,  puis  chargé 
d'une  classe  comme  licencié,  puis  agrégé  de  grammaire  et  professeur 
de  cinquième,  avec  une  poitrine  débile,  une  voix  faible,  et  pourtant 
-11  ne  parfaite  autorité  dans  la  direction  de  sa  classe,  qu'il  dominait 

15 


206  NECROLOaiB 

par  le  respect,  par  l'affection,  par  la  clarté  d'une  excellente  méthode^ 
Tel  je  le  connus,  en  possession  de  l'estime  générale,  dans  sa  chaire  du 
lycée  de  Montpellier,  et  je  redoublai  bientôt  de  sympathie  pour  ea 
personne,  en  voyant  que  ce  maître  consciencieux  était  à  la  fois  un 
énidit,  un  fouilleur  de  vieux  livres,  imprimés  et  manuscrits .  Mont- 
pellier déjà,  avec  ses  deux  riches  bibliothèques,  ouvrait  bien  des 
trésors  à  la  curiosité  d'un  philologue.  Mais  Paris  ne  tarda  pas  à  l'at- 
tirer; puis,  je  crois,  Lyon,  sans  parler  d'une  correspondance  qui  le 
mettait  en  rapport  avec  les  savants  nos  voisins, en  Espagne,  en  Italie? 
en  Allemagne.  Placé  d'ailleurs  au  milieu  d'une  population  enthou^ 
siaste  pour  sa  vieille  langue,  rallié  de  bonne  heure  à  la  Société  des 
félibres  provençaux,  il  devint  un  des  fondateurs  et  resta,  jusqu'à  ses 
•derniers  moments,  un  des  plus  fermes  soutiens  de  la  Revue  des  lan- 
gues romanes,  qui  fait  tant  d'honneur  à  la  jeune  école  philologique  de 
Montpellier.  C'est  ainsi  qu'il  mérita  d'être  appelé  à  diriger  une  confé- 
rence de  langue  d'oïl  auprès  de  la  Faculté  de  cette  ville ,  et  à  côté  de 
son  ami ,  presque  de  son  frère,  Camille  Chabaneau,  chargé  d'y  diriger 
l'étude  de  Pancienne  langue  des  troubadours.  Tous  ces  titres  lui  ont 
valu  de  bien  touchants  témoignages,  dont  je  trouve  l'expression  dans 
les  discours  prononcés  sur  sa  tombe  par  MM.  Revillout  et  Caste ts^ 
et  dans  une  courte  allocution  de  M.  Roque-Ferrier  devant  la  Société 
des  langues  romanes.  Pour  ma  part,  qu'il  me  soit  permis  de  signa- 
ler et  d'apprécier  spécialement,  dans  l'œuvre  méritoire  d'une  vie  trop 
courte,  certaine  publication  qui  demandait  avant  tout  l'intelligence 
d'un  helléniste  et  d'un  paléographe.  Nous  possédons  peu  de  manuels 
classiques  de  la  haute  et  de  la  moyenne  antiquité.  C'est  donc  une  chose 
curieuse  pour  nous  de  retrouver  un  recueil  de  dialogues  familiers, 
en  grec  et  en  latin,  qui  porte,  indûment  peut-être,  le  nom  d'un  rhé- 
teur du  deuxième  siècle  après  Jésus-Christ,  Julius  PoUux,  mais  qui 
(m  tout  cas  nous  intéresse  comme  preuve  de  l'intimité  familière  des 
deux  langues,  en  Italie,  sous  les  Césars.  Le  meilleur  et  le  plus  ancien 
manuscrit  appartenait  à  la  bibliothèque  de  Montpellier.  M.  Bouche- 
rie se  donna  la  tâche  de  le  publier,  non  sans  recourir  aux  manu- 
scrits partiels  qui  en  existent  ailleurs,  et  il  accomplit  sa  tâche  avec  une 
exactitude  et  des  scrupules  d'éditeur  passionné.  Une  autre  fois,  il 
«'attachait  à  déchiffrer  la  première  écriture  d'un  palimpseste  de  Pris- 
cien,  encore  une  œuvre  qui  demande  les  yeux  exercés  du  paléographe. 
Ces  deux  travaux  ont  pris  place  dans  un  des  recueils  publiés  par  notre 
Académie  des  inscriptions-  Et  voilà  comment  M.  Boucherie  était  de- 
venu le  client  aimé  de  tous  ceux  qui,  chez  nous,  s'occupent  de  roma- 
nisme  et  des  littératures  classiques  de  l'antiquit  é . 

Les  vertus  de  l'homme  étaient,  chez  lui,  dignes  des  qualités  du  sa- 


NECROLOGIE  ?07 

Tant.  On  Ta  vu,  pendant  vingt  ans,  entourer  de  respect  et  de  soins 
pieux  sa  vieille  mère,  qui  n'a  pas  eu  la  douleur  de  lui  survivre  ;  en- 
tretenir avec  sa  famille,  avec  ses  collègues,  avec  ses  maîtres  et  ses 
élèves,  le  plus  doux  commerce  d'affection  ou  l'échange  des  commu- 
nications utiles  à  la  science.  Ce  sage  esprit  et  ce  noble  ccem*  laisse 
donc  un  précieux  souvenir  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu,  un  exemple 
aux  jeunes  gens  qui  s'engagent  dans  notre  laborieuse  carrière .  En 
écrivant  ceci,  j'ose  m'adresser  à  vous,  Messieurs  les  régents,  les  maî- 
tres d'étude  ou  maîtres  répétiteurs,  de  quelque  nom  qu'on  vous  ap- 
pelle dans  nos  collèges  ou  dans  nos  lycées.  Depuis  bien  longtemps  se 
renouvellent,  dans  les  journaux  et  ailleurs,  vos  doléances  sur  les  dif- 
ficultés des  fonctions  que  l'Université  vous  impose.  Naguère  encore, 
une  commission  fut  chargée  de  recueillir  et  d'examiner  l'expression 
de  ces  plainte  s  et  la  justice  de  ces  réclamations .  Le  Conseil  supérieur 
écouta  là-dessus  avec  bienveillance  un  rapport  concluant  à  plus  d'une 
amélioration  dans  le  service  dont  vous  êtes  chargés .  Rien  n'était  plus 
légitime  ;  mais,  croyez -moi,  si  la  voie  des  requêtes  est  toujours  ou- 
verte sous  une  administration  libérale,  celle  du  journalisme  bruyant, 
celle  des  insinuations  malveillantes  contre  vos  chefs,  ne  sont  pas  les 
meilleures  pour  corriger  ce  que  nos  règlements  ont  de  vicieux  et  pour 
améliorer  votre  sort.  Avant  tout,  n'entrez  dans  nos  établissements 
que  si  vous  aimez  la  jeunesse,  si  vous  aimez  les  lettres  savantes» 
si  vous  n'avez  pas  peur  de  certaines  privations  qu'impose  à  des  maî- 
tres de  tous  les  degrés  la  loi  de  leur  devoir.  Il  avait  commencé  comme 
vous,  l'homme  dont  je  viens  d'esquisser  trop  brièvement  l'attachante 
figure  ;  il  avait  souffert,  travaillé  avec  patience,  avec  confiance  dans 
la  justice  de  ses  chefs;  et,  finalement,  s'il  ne  s'est  ni  enrichi,  ni  élevé 
bien  haut  dans  la  hiérarchie  de  notre  profession,  il  s'y  était  fait  une 
position  calme  et  douce,  au  milieu  des  joies  de  l'étude,  et  il  y  est 
mort  entouré  d'une  estime  qui  est  la  juste  récompense  de  sa  vie,  rem- 
plie par  les  plus  honorables  dévouements . 

E.  Egqer.      ** 

{Journal  des  Débats,  22  avril  1883.) 


LETTRE  DE  M .  OBËDÉNAHE 

Rome,  le  7  avril  1883 
Monsieur  et  très-honoré  Collègue, 

Il  n'est  plus  !  lui,  si  doux  ;  lui,  si  bon  ;  lui,  le  travailleur  par  ex- 
cellence, Pune  des  plus  fermes  colonnes  de  cette  institution  latine 
qui  grandit  à  vue  d'œil,  et  dont  les  bienfaits  s'étendent  sur  les  deux 
continents  ! 


108  CHRONIQUE 

Modeste  parmi  les  modestes,  d'une  érudition  profonde  et  possédant 
une  méthode  de  mathématicien,  notre  ami  bien  regretté  prenait  Tair 
et  l'attitude  d'une  personne  à  laquelle  on  rend  un  service  signalé, 
alors  qu'il  nous  faisait  l'amitié  de  nous  instruire,  de  nous  prodiguer 
des  explications  nettes,  précises,  sur  les  sujets  les  plus  ardus  de  la 
philologie  romane . 

Quel  charme  et  quel  attrait  dans  ses  discours  et  ses  petites  confé- 
rences journalières  ! 

Autant  que  vous  tous,  mes  amis  du  Languedoc,  je  sais  combien  la 
perte  que  vient  d'éprouver  notre  Société  est  profondément  doulou- 
reuse ! 

Que  son  souvenir  soit  pour  nous  tous  un  exemple  à  suivre,  un  en- 
louragement  à  redoubler  d'activité  et  de  zèle  dans l'accomjJissement 
de  la  tâche  que  nous  nous  sommes  proposée  :  la  Fédération  de  Ums  les 
Latins  sur  le  terrain  littéraire. 

Je  propose  à  la  Société  d'ouvrir  une  souscription  pour  faire  le  buste 
de  notre  ami. 

Il  faut  que  l'image  de  Boucherie  soit  placée  dans  la  salle  des 
séances  de  notre  Société. 

Veuillez  bien  agréer.  Monsieur  et  très-honoré  Collègue,  l'assurance 

de  ma  haute  considération. 

Obédénare. 

Le  Président  de  la  Société  a  répondu  officiellement  qu'une 
réunion  plénière  des  membres  de  la  Société  serait  convoquée 
et  que  la  proposition  de  M.  Obédénare  lui  serait  soumise. 

CHRONIQUE 


La  séance  publique  du  quatrième  Concours  philologique  et  litté- 
raire de  la  Société  des  langues  romanes  sera  tenue  à  Montpellier,  le 
dimanche  delà  Pentecôte (13  mai),  dans  la  salle  des  assises  du  Palais 
de  justice. 

Elle  sera  présidée  par  MM.  Frédéric  Mistral  et  Gaston  Paris. 

MM.  Milâ  y  Fontanals,  président  de  l'Académie  royale  de  Barce- 
colone  ;  Ernest  Monaci,  professeur  à  l'Université  té  de  Rome  ;  le  vicomte 
Henri  de  Bornier,  et  Arsène  Darmesteter,  professeur  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paris,  ont  bien  voulu  accepter  d'être  les  vice-présidents  de 
MM.  Gaston  Paris  et  Misti-al. 

La  félibrée  annuelle  de  la  maintenance  de  Languedoc  aura  lieu  le 
lendemain  lundi  (14  mai),  à  la  villa  Louise,  où  M"®  et  M.  Westphal- 
Oastelnau  veulent  bien  prêter  territoire  au  Félibrige. 

Un  banquet  terminera  ces  fêtes  littéraires  et  philologiques. 

Le  Gércnit  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Dialectes  Anciens 


FRAGMENTS  D'UNE  TRADUCTION  DE  LA  BIBLE 

EN  LANGUE  ROMANE 

(Manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Garpentras,  Xllle  siècle] 


La  Bibliothèque  de  Carpenlras,  fondée  en  1746  par  Mgr  d'Inguim- 
bert,  un  des  évêques  les  plus  éminents  de  Tancienne  capitale  du 
Comtat  Venaissin,  est  peut-être  la  plus  riche  de  la  Provence  en  ma- 
nuscrits précieux. 

Il  nous  a  été  souvent  donné  de  voir  de  près  ses  richesses  biblio- 
graphiques; et,  grâce  à  Tobligeance  de  son  savant  bibliothécaire, 
M.  Barrés,  à  qui  nous  sommes  heureux  de  rendre  ici  un  vif  témoi- 
gnage de  reconnaissance,  nous  avons  choisi  et  copié  plusieurs  frag- 
ments de  la  Bible  romane  du  Xllle  siècle,  dite  Bible  des  Vaudois, 
nous  réservant  d'en  publier  plus  tard  d'autres  parties. 

Pour  aider  à  l'intelligence  du  texte  roman,  souvent  très-peu  facile  à 
déchiffrer,  nous  avons  cru  devoir  supprimer  les  abréviations.  Le  texte 
latin,  dont  la  traduction  est  presque  littérale,  nous  a  été  d'un  grand 
secours,  quoique  sa  division  soit  différente. 

Nous  reproduisons  ici  l'article  que  M.  Lambert  consacre  à  cette 
version,  dans  son  rare  et  savant  Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bi- 
bliothèque de  Carpentras. 

Henry  de  la  Combe. 


N»  9*.  Novum  Testamentum,  Proverbia,  Ecclesiastes,  Cantica,  Sapientia, 
Ecclesiasticus,  in  linguà  romanensi,  ad  usum  Valdensium.  In-4o  de 
325  f.  vél.,  écrits  sur  deux  colonnes,  plus  2  f.  de  garde  ou  papier,  rel.  v. 

Version  en  langue  romane,  à  l'usage  des  Vaudois.  Beau  caractère  de 
la  fin  du  Xni«  siècle  ou  du  commencement  du  XI V^;  titres  en  rougè, 
initiales  de  diverses  couleurs,  dont  plusieurs  ornées  d'arabesques, 

*  Catalogue  descriptif  et  raisonné  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de 
Carpentras,  par  C.-G.-À.  L^mbrrt.  Carpentras,  Rolland,  1862  ;  1. 1,  p;  4. 

TOMB  IX  DB  LA   TROISIÈME  SÉRIB.—  MAI   1883.  16 


M  ttlAbUGTlÔN  t)E  LA  ÔIBLË 

se  terminent  en  figures  d'oiseaux  ou  de  dragons.  Le  frontispice  man- 
quait avant  qu'on  refît  la  reliure,  qui  paraît  être  du  XVlIe  siècle.  Le 
titre  incomplet  qu'on  lit  sur  la  garde  est  du  commencement  du  siècle 
dernier.  A  l'intérieur  de  la  couverture,  on  lit  : 

((  Raymond  Béranger  ou  Béranguier,  comte  de  Barcelone,  fut  aussi 
»  comte  de  Provence,  par  son  mariage  avec  Douce,  fille  unique  de 
)»  Gilbert,  comte  de  Provence,  en  1131.  Il  fut  heureux  en  toutes  ses 
»  entreprises  ;  il  aymoit  les  gens  de  lettres.  Ce  fut  luy  qui  fit  les  sta- 
»  tuts  provençaux  desquels  nous  nous  servons  en  Provence.  Il  fit 
»  traduire  plusieurs  livres  en  langue  vulgaire.  Il  y  a  grande  appa- 
»  rencequece  Nouveau  Testament  et  les  trois  autres  livres  qui  y  sont 
»  ne  soient  de  son  temps.  »  Le  reste  du  volume  est  sans  aucune  in- 
dication de  temps,  de  lieu,  de  traduction  ni  de  copiste.  La  note  ano- 
nyme précédente  manque,  sous  plusieurs  rapports,  d'exactitude.  Sans 
parler  du  mariage  de  Raymond  Bérenger,  qui  est  de  l'an  1112  et  non 
de  1131,  on  ne  trouve  nulle  part  que  ce  prince  ait  fait  faire  une  tra- 
duction des  Saintes  Ecritures. 

Le  manuscrit  de  Carpentras  contient  probablement  une  copie  de  la 
version  faite  en  1169  par  Etienne  d'Emsa  ou  d'Ansa  pour  Pierre 
Valdo,  auteur  ou  propagateur  de  la  secte  des  Vaudois.  Elle  est  dans 
le  même  dialecte  que  la  Nohla  Leyçon  et  autres  pièces  vaudoises  pu- 
bliées par  Jean  Léger,  Histoire  des  Églises  évangéliques  des  vallées 
du  Piémont  (Leyde,  1668,  in-fol.),  et  par  M.  Renouard,  (sic)  Choix 
des  poésies  originales  des  troubadours  (Paris,  1817,  in-8**),  t.  II. 

Ce  volume  appartenait  au  président  de  Mazaugues,  qui  ne  nous  ap- 
prend point  d'où  il  l'avait  tiré.  Il  est  mentionné  dans  la  Bibliotheca 
sacra  de  Jacques  Lelong  (Paris,  1723,  in-foL,  p.  369),  et  contient  dans 
l'ordre  suivant  :  les  quatre  Évangiles  de  S.  Mathieu,  S.  Marc,  S.  Luc 
et  S.  Jean  ;  les  sept  Épitres  canoniques  ;  l'Apocalypse  (omise  par  Jac- 
ques Lelong)  ;  les  quatorze  Épîtres  de  S.  Paul  et  les  Actes  des  Apô- 
tres; les  Proverbes  de  Salomon;  l'Ecclésiaste  ;  le  Cantique  des  Can- 
tiques ;  les  dix  premiers  chapitres  du  livre  de  la  Sagesse  et  les  quinze 
premiers  chapitres  de  l'Ecclésiastique. 

Rien  ne  manque  à  la  fin  ni  dans  le  corps  du  volume.  Tous  les  ti- 
tres sont  en  latin.  Chaque  livre  est  précédé  d'un  prologue.  Quelques- 
uns  de  ces  prologues  sont  littéralement  traduits  du  latin,  les  autres 
sont  abrégés  ou  paraphrasés. 

On  convient  généralement  que  Pierre  Valdo  est  le  premier  qui  ait 
traduit  ou  fait  traduire  en  langue  vulgaire  le  Nouveau  Testament 
entier  et  plusieurs  livres  de  l'Ancien  Testament.  Les  circonstances 
relatives  à  cette  traduction  sont  rapportées  par  divers  historiens, 
notamment  par  Etienne  de  Bourbon  ou  de  Belleville,  auteur  contem- 


EN   LANGUE    ROMANE  211 

poraio,  cité  dans  les  Scriptores  ord»  prœd.  de  Quetif  et  Echard  (Pa- 
ris, 1719,  in-fol.),  p.  192.  Mais  quelle  était  cette  langue  vulgaire? 
Les  expressions  dont  les  historiens  se  servent  à  cet  égard  sont  équi- 
voques, surtout  en  latin,  où  les  mots  lingua  romana^  lingua  gallica, 
peuvent  également  signifier  le  français  ou  roman  du  Nord  et  le  ro- 
man méridional  ou  langue  romane  proprement  dite.  Deux  historiens  de 
la  ville  de  Lyon,  Guillaume  Paradin  et  Claude  de  Rubys,  disent  que 
c'est  en  français  que  Yaldo  fit  traduire  les  Saintes  Ecritures  ;  mais  il 
est  probable  qu'ils  sont  dans  l'erreur,  et  que  la  traduction  originale 
de  Valdo  fut  rédigée  en  langue  romane.  Cette  langue  était  efiecti- 
vement,  sauf  quelques  dialectes,  l'idiome  vulgaire  du  Lyonnais,  du 
Dauphiné,  de  la  Provence  et  du  Piémont,  provinces  où  Valdo  prêcha 
d'abord  sa  doctrine. 

Une  lettre  du  pape  Innocent  III,  citée  par  Jacques  Lelong,  et  in- 
sérée dans  le  recueil  de  Baluze,  prouve  évidemment  que,  vers  la  fin 
du  XII®  siècle,  il  existait  dans  le  diocèse  de  Metz  une  traduction 
française  delà  Bible  à  l'usage  des  Vaudois,qui,  depuis  plusieurs  an- 
nées, étaient  fort  nombreux  en  Lorraine.  Cette  Bible,  célèbre  dans 
le  temps,  a  pu  être  exécutée  sur  celle  de  Valdo;  mais  il  n'en  reste 
aujourd'hui  aucune  copie  authentique.  Cependant  M.  Paulin  Paris, 
dont  l'autorité  est  d'un  si  grand  poids,  conjecture  que  cette  version 
est  la  même  que  celle  qui  est  parvenue  jusqu'à  nous  sous  le  nom  de 
Bible  des  Pauvres  y  et  diont  le  plus  ancien  manuscrit,  n°  726822,  fonds 
Colbert,  lui  paraît  remonter  au  commencement  du  XIII*  siècle. 

Quant  à  la  Bible  romane,  il  en  existe  encore  sept  manuscrits,  savoir  : 

1°  Le  manuscrit  de  Carpentras,  dont  il  est  ici  question  ; 

2°  Le  manuscrit  du  collège  de  la  Trinité  à  Dublin,  en  dialecte  vau- 
dois,  coté  A,  4,  n°  13,  du  Catalogue  de  cet  établissement  ; 

3°  Le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Grenoble,  n**  488,  même  dialecte; 

4°  Le  manuscrit   de  la    bibliothèque    de  Zurich,  même  dialecte, 

no  169/     ^  o  • 

5°  Le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Lyon,  n°  60,  même  dialecte  ; 

6°  Le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  dialecte  pro- 
vençal, n°  8086  ; 

7°  Le  manuscrit  de  la  môme  bibliothèque,  n°  6833,  dialecte  pro- 
vençal ou  catalan. 

T.ous  ces  manuscrits,  excepté  celui  de  Carpentras,  ont  été  décrits 
dans  la  savante  introduction  placée  en  tête  de  l'ouvrage  anglais  in- 
titiilé  ;  the  Romaunt  Version  of  the  Gospel  according  to  St  John, 
from  msSé  preserved  in  Trinity  Collège  Dublin,  and  in  the  Biblio^ 
théque  du  roi,  Paris,  wiih  an  introductory  history  and  remarks 
on.  the  teoGts  ofthe  Dublin,  Paris^  Grenoble,  Zurich  and  Lyons  mss., 


èlê  *RAbUCÎ*i'ON   DE   LA.   felÈLË 

of  that  version  ;  èy  William  Stephkn  Gilly,  d.  d,  canon  of  Î>ut- 
ham  andvicar  of  Norham .  houdon,  1848,  in-8°*. 

On  peut  juger,  par  les  fac-similé  qui  accompagnent  ces  descrip- 
tions, qu'aucun  de  ces  manuscrits  n'est  antérieur  au  XIII«  siècle.  Ceux 
de  Carpentras,  de  Dublin,  de  Grenoble  et  de  Zurich,  ont  entre  eux  la 
plus  grande  affinité  et  sont  vraisemblablement  des  copies  d'un  même 
original. 

La  version  romane,  faite  sur  le  latin  de  la  Vulgate,  est  plus  litté- 
rale que  la  traduction  française  appelée  Bible  des  Pauvres,  et  surtout 
que  la  Bible  Historiale  de  Guyard  des  Moulins.  Cette  dernière  n'est 
guère,  comme  on  le  sait  communément,  que  la  traduction  faite  en 
1295  de  VHistoire  scholastique  de  Pierre  Comestor. 

Manuscrit  de  Carpentras,  première  page  :  «  Incipit  Prologus  Sancti 
»  Jeronymi  secundùm  Mathseum.  Cum  Mathio  aguessa  primierament 
»  predica  lavangeli  en  Judea.  Volent  trapassar  a  las  genç.  scris  pre- 
»  mierament  lavangeli  en  abrayc,  etc..  Incipit  Evangelium  secundùm 
»  Mathaeum,  Liber  generationes  Yeshu  Xristi  filii  Abram.  Ma  Abram 
»  engenre  Ysac.  Ma  Isac  engenre  Jacob,  ete...» 

'  Sans  nous  arrêter  aux  additions  et  aux  rectifications  que  comporterait  la 
notice  de  M.  Lambert,  disons  que  VÉvangile  selon  saint  Jean,  du  ms.  36  de 
la  bibliothèque  du  Palais  des  Arts  de  Lyon  (ancien  n°  60)  a  été  publié  dans 
la  Revue  des  langues  romanes,  par  M.  Windelin  Foersier  (2e  série,  t.  V, 
p.  1(B,  livr.  du  15  mars  1878).  Il  serait  vivement  à  désirer  que  les  remarques 
grammaticales  promises  par  le  savant  romaniste  vinssent  compléter  au  plus 
tôt  son  édition.  Le  livre  de  Gilly  contient  le  texte  provençal  du  même  évangile, 
d'après  les  manuscrits  de  Dublin  et  de  Paris  (8086),  ainsi  que  le  premier  cha- 
pitre, d'après  les  textes  de  Grenoble,  Zurich,  Lyon  et  Paris  (6833). 

ChampoUion-Figeac  a  donné  en  1809,  p.  113-115  de  ses  Nouvelles  Recher- 
cherches  sur  les  patois  ou  idiomes  vulgaires  de  la  France,  la  parabole  de 
TEofant  prodigue,  d'après  le  manuscrit  de  Greuoble. 

Comme  le  remarque  M.  Foerster,  le  texte  de  Paris  (8086)  a  été  réédité  en 
186S,  à  Berlin,  par  M.  WoUenberg,  qui  ne  connaissait  pas  l'ouvrage  de  Gilly. 

Dans  son  excellent  Recueil  d'anciens  textes  bas-latins,  provençaux  et 
français  (Paris,  Vieweg,  1877,  p.  32  et  suiv.),  M  Paul  Meyer  a  publié  le  trei- 
zième chapitre  de  saint  Jean,  d'après  le  ms.  du  Musée  britannique,  Harl.  2928, 
fol.  187.  Au  bas  de  ce  texte  se  lit  le  chapitre  équivalent  du  manuscrit  dQ  Du- 
bjin,  d'après  Gilly,  et  celui  de  la  Bibliothèque  nationale,  fonds  français  (2425). 
Ces  trois  mss.  diffèrent  assez  notablement  entre  eux. 

Postérieurement  à  la  copie  des  fragments  que  l'on  va  lire,  notre  savant  col- 
lègue M.  C.  Chabanèau  a  transcrit  le  Cantique  des  Cantiques  du  manuscrit  de 
Carpentras,  et  il  se  propose  de  le  publier  prochainement  dans  la  Revue, 

Il  existe  une  traduction  de  VÉvangile  selon  saint  Jean  (vraisemblablement 
limousine  de  dialecte),  dont  MM.  Hofman,  Fr.  Michel  (Psautiej*  d'Oxford)  et 
en  dernier  lieu  M.  Bartsch  {Çhrestomathie  provençale,  2*  édition,  p.  7),  ont 
publié  uafraçmeat.  (H.  pb  u  C.) 


EK  LANGUE  ROMAKE  219 

«  F.  6,  caput  VI.  E  cum  vos  aora  non  sare  enayraa  li  empocrit  li 
»  cal  istant  aman  aorar  en  las  sînagogàs  e  en  li  canton  de  las  plaças 
»  quilh  sian  vist  de  home.  Yo  die  verament  a  vos  ilh  receopron  la  lor 
»  marci.  Ma  cum  ta  aorares  intra  en  la  tua  cambra  e  claus  lus  aura 
»  lo  tio  payre  en  rescos  e  lo  tio  payre  lo  cal  ve  en  rescos  o  rendre  a 
»  tu.  Ma  aorant  non  volhamot  parlar  enayma  fan  li  pagan.  Car  pen- 
»  san  esser  eysauci  en  li  lor  mot  parlar.  Donca  non  volha  resemilhar 
»  a  lor.  Car  lo  vostre  payre  sap  cal  cosa  sia  besognivol  a  vos  de- 
»  vant  que  vos  la  demande  a  luy.  Donca  vos  aorare  enaysi.  0  tu  lo 
»  nostre  payre  lo  cal  sies  en  li  cel.  lo  tio  nom  sia  sanctifica.  lo  tio 
»  règne  veyna.  La  toavolonta  sia  fayta  enayma  ilh  es  fayta  al  cel  sia 
>>  fayta  en  la  terra.  Dona  nos  encoy  lo  nostre  pan  cotidian  e  pêrdona 
»  a  nos  li  nostre  peca  enayma  nos  perdonen  a  quilh  que  an  peca  de 
»  nos  et  non  nos  menar  en  temptacion.  ma  deyliora  nos  de  mal. 
»  Amen.  » 

Evangile  de  saint  Jean,  Prologue,  f.  90,  verso  :  «  Aquest  es  Johan 
'>  evangelista  un  de  li  deciple  del  segnor.  lo  cal  es  eylegu  de  Dio 
»  vergene.  lo  cal  lo  segnor  apelle  de  las  noças,  volent  noceiar.  A  la 
»  vergenita  del  cal  es  dona  en  ayço  doble  testimonj  en  lavangeli.  lo 
»  cal  es  dit  ama  del  segnor  plus  que  li  autre.  E  aquest  lo  segnor 
»  pendent  en  la  croc  recomande  la  soa  mayre,  que  lo  vergene  gardes 
»  la  vergena.  Finalment  demonstrant  en  lavangeli  quel  faaeseyme  era 
»  de  parola  non  corumpivol.  acomençant  lobra  la  sola  parolla  esser 
»  fayta  carn.  e  testimoneia  lo  lume  non  esser  compres  de  las  tene- 
»  bras,  pansant  lo  primier  segnal  lo  cal  lo  segnor  fey  en  las  noças. 
»  demonstrant  quel  meseyme  era  quel  demostres  a  li  logent  que 
»  aqui  al  calluoc  lo  segnor  es  invida  lo  vin  de  la  noças  dea  defalhir. 
»  que  las  velhas  cosas  mudas  totas  cosas  ordena  de  Xrist  apparey- 
»  san  no  vas.  El  scris  aquest  Evangeli  in  Asia  depoys  que  el  scris  lA- 
»  pocalips  en  lisola  de  Pathmos.  Que  al  cal  es  derant  nota  en  Genesi 
»  començament  de  li  canonj  començament  non  corumpivol.  Aci  rendent 
»  a  lui  fin  non  corumpivol  per  la  vergena  en  lApocalips  dicent  Xrist 
»  oy  soy  alpha  et  o.  Aquest  es  Johan  lo  cal  sabent  que  lo  dia  del  sio 
»  departiment  fossa  avenir  ensemp  apelle  li  sio  deciple  en  Phesia 
»  deysendent  en  la  fossa  al  luoc  de  la  soa  sepautura  fayta  lauracion 
»  fo  pausa  a  li  sio  payron  et  atroba  esser  eytan  sença  la  dolor  de  la 
»  mort  coma  sença  la  coropcion  de  la  carn. 
»  Incipit  Evangelium  secundum  Johanem. 

»  Lo  filh  era  al  començament  et  lo  filh  era  enapres  Dio,  et  Dio 
»  era  lo  filh.  Ayço  era  al  començament  enapres  Dio.  Totas  cosas 
))  faytas  per  lui  et  àlcuna  cosa  non  es  fayta  sença  lui.  Ço  que  fo  fayt 
»  en  lai  era  vita  et  la  vita  era  luç  de  li  orne.  E  la  luç  lucic  en  las 


2U  TRADUCTION   DE  LA  BIBLE 

»  tenebras  e  las  tenebras  non  compreseron  lei.  Home  fo  trames  de 
»  Dio  al  cal  era  nom  Johan.  Aquest  venc  en  testimonj  quel  dones  tes- 
»  timonj  de  lume,  que  tuit  cresesan  per  lui.  El  non  era  luç.  ma  quel 
»  dones  testimonj  de  lume.  Luc  era  veraya  la  cal  enlun^ena  tôt  home 
»  venent  en  aquest  mont.  Era  al  mont  et  lo  mont  fo  fayt  per  lui  e  lo 
»  mont  non  conoc  lui.  El  venc  en  las  proprias  et  li  sio  non  reeeopron 
»  lui.  Ma  cal  que  cal  reeeopron  lui  done  a  lor  poesta  esser  fayt  fîlh 
M  de  Dio  aquilh  li  cal  creseron  al  nom  de  lui.  Li  cal  non  son  de  sanc 
»  ni  de  volunta  de  carn  ni  de  deleyt  de  baron,  ma  son  na  de  Dio.  E 
»  la  paroUa  fo  fayta  carn  et  abite  en  nos.  E  nos  veguen  la  gloria 
»  de  lui,  gloria  enayma  d'un  engenra  del  payre  plen  de  gracia  e  de 
»  verita.  » 


I 
ÉVANGILE  SELON  SAINT  LUC 


CHAPITRE  II 

NAISSANCE  DE  JÉSUS-CHRIST 

Mas  fo  fait  en  aquelh  dia  comandament  issic  de  César  Au- 
gust  que  tota  la  redondeça  fos  scrita.  Aquesta  primiera  des- 
cricion  fo  faita  de  Cirino,  prevost  de  Siria.  E  tuit  annavan 
quilh  se  confessesan  un  cascun  en  la  soa  cipta.  Mas  Joseph 
monte  de  Galilea,  de  la  cipta  de  Naçaret,  en  Judea,  cipta  de 
David,  lacal  es  apella  Betelem.  E  inperço  quel  fos  de  la  mai- 
son e  de  la  familha  de  David,  quel  se  confesses  cum  Maria  sposa 
a  si  molher  gravia. 

Mas  fo  fait,  cum  el  fos  aqui  que  li  dia  foron  compli  quelh 
partures,  e  parturic  lo  sio  filh  primer  engenra,  e  envolope  lui 
en  pane  e  pause  lui  en  la  crepia.  Car  luoc  non  era  a  lei  em- 
priva.  Mas  pastor  eran  en  aquella  mesejcima  région,  velhant 
e  gardant  las  vegilias  de  la  noit  sobre  li  lor  grec.  E  venos 
Tangel  del  Segnor  iste  josta  lor,  e  la  clarita  de  Dio  resplandic 
en  cerque  de  lor.  E  tenseron  de  grant  temor.  E  Tangel  dis  a 
lor  :  Non  volha  temer.  E  ve  vos.  Yo  annuncio  a  vos  grant  goj, 
local  sere  a  tôt  lo  pople,  car  Salvador  es  encoy  na  a  vos,  lo- 
cal es  segnor  Christ  en  la  cipta  de  David.  Aquesta  ensegua 


BN  LAKOUB  ROMANS  215 

sere  a  vos.  Vos  trobare  lo  fantin  envolopa  em  pane  e  pausa  en  la 
crepia.  E  manteça  de  la  cavaleria  de  Tost  celestial  fo  faita  cum 
Tangel  subitament  lauvant  Dio  e  diçent  ;  Gloria  sia  a  Dio  en 
las  auteças  e  paç  en  terra  a  li  orne  de  bona  volonta.  E  fo  fait 
pois  que  li  an  gel  se  departiron  de  lor  al  cel,  li  pastor  parlavan 
entre  lor,  trapassan  entor  en  Bethelem  e  vegian  aquesta  pa- 
rolla  lacal  s  faita,  lacal  lo  segnor  demostre  a  nos.  E  vengron 
acojtant  e  atroberon  Maria  e  Josep  e  lo  fantin  pausa  en  la 
crepia. 

Mas  vesent,  conogron  de  la  parola,  lacal  era  dita  a  lor 
d'aquest  fantin.  E  tuit  aquelh  que  auviron  s'emerevilheron 
d'aquelas  cosas  que  eran  ditas  a  lor  de  li  pastor.  Mas  Maria 
ensemp  gardavatotas  aquestas  parollas,  ensemp  portant  al  sio 
cor,  e  li  pastor  s'en  retorneron  glorificant  e  lauvant  Dio  en 
totas  las  cosas,  lascals  ilh  avian  auvy  e  vist,  enayssi  fo  dit  a 
lor.  E  poys  que  li  oyten  dia  foron  compli  que  lo  fantin  fos  cir- 
cumcis,  lo  nom  de  lui  fo  apella  Jeshu,  local  fo  apella  de  Tangel 
premierament  quel  fos  conceopu  al  ventre.  E  poys  que  li  dia 
de  la  purificacion  de  ley  foron  compli  segont  la  ley  de  Moy- 
sent,  porteron  lui  en  Jerosalin,  quelh  presentesan  lui  al  Se- 
gnor. Enayssi  es  script  en  la  lei  del  Segnor.  Car  tôt  mascle 
naisent  primierament  sere  apella  sant  al  Segnor,  e  que  ilh 
dovesan  hostias  segont  ço  qu'es  scrit  en  la  ley  del  Segnor,  pa- 
relh  de  tortoras  o  dui  paucin  de  colombas.  Evenos  home  era 
en  Jerosalin  alcal  era  nom  Symion.  Aquest  home  era  just  e 
temeros,  sperant  la  consolacion  d'Israël.  E  lo  Sant  Spirit  era 
en  lui.  Car  avia  receopu  respost  del  Sant  Sperit  si  non  veser 
mort,  si  premierament  non  vegues  lo  Christ  del  Segnor.  E  venc 
en  sperit  al  temple,  e  cum  li  pairon  de  lui  dintremenesan  lo 
fantin,  Jeshu,  quelh  fecesan  per  lui  segont  la  costuma  de  la 
ley.  El  receop  lui  on  li  sio  braç,  e  beneysic  Dio,  e  dis  :  0  Se- 
gnor, tu  laysas  ara  lo  tio  serf  empaç,  segont  la  toa  parolla. 
Car  li  mio  olh  vegron  la  toa  salu,  lacal  tu  aparelhies  derant  la 
facia  de  tuit  li  poble.  Lume  a  revelacion  de  las  genç  e  gloria 
al  tio  poble  Israël. 

Mas  Josep  e  Maria  la  mare  de  lui  eran  merevilhant  sobre 
aquelas  cosas,  las  cals  eran  ditas  de  lui.  E  Symion  benecic  a 
lor  e  dis  a  Maria  la  maire  de  lui  :  Yete,  aquest  es  pausa  en 
trabucament  en  resurecion  de  moti  en  Israël.  E  ensegna  a 


216  TRADUCTION  DE  L\  BIBLE 

lacal  sere  contradit.  Elo  glas  de  luitrapasare  latoa  arma  que 
las  cogitacîons  de  mot!  cor  sian  révélas. 

Mas  Anna,  filha  de  Samuel,  del  trip  d'Aser,  erapropheiairiç. 
Aquesta  avia  avança  en  moti  dia  e  avia  viscun  cum  lo  sio  baron 
set  Isluc  de  la  soa  vergeneta.  E  aquesta  era  veva  entre  a  oy- 
tanta  e  catre  anç,  lacal  non  se  partia  dal  temple,  servent  al 
Segnor  per  dia  e  per  noit  an  de  junis  e  an  preiras.  E  aquesta 
sobre  venent  en  aquesta  meseyma  hora,  confessa  al  Segnor  e 
parlava  de  lui  a  tuit  aquelh  que  speravan  la  redempcion  d'Is- 
raël. E  poys  quelh  perferon  totas  cosas  segont  la  lej  del  Se- 
gnor, s'en  retorneron  en  Galilea,  en  Naçaret,  la  lor  cipta.  Mas 

10  fantin  creisia  e  era  conforta  per  sperit  plen  de  sapiensia,  e 
la  gratia  de  Dio  era  en  lui.  E  li  pairon  de  lui  anavan  per  tuit 

11  an  en  Jerosalin,  al  dia  festival  de  la  Pasca,  e  cum  Jeshu  fosa 
fait  de  XII  anç,  lor  montant  en  Jerosalin  segont  la  costuma 
del  Dia  festival.  E  compli  li  dia. 

Cum  ilh  s'en  retornesan,  lo  fantin  Jeshu  remat  an  Jero- 
salin e  li  pairon  de  lui  non  o  conogron,  pensant  lui  esser  en 
la  compagnia  vengron  lo  viage  del  dia  e  quirian  lui  entre  li 
cosin  e  li  conegu,  e  non  atrobant  retorneron  en  Jerosalin,  que- 
rent  lui.  E  fo  fait  enapres  très  jorn,  troberon  lui  al  temple,  se- 
sent  al  mei  de  li  doctor,  auvent  lor,  e  demandant  lor.  E  tuit 
aquelh  que  auvian  lui,  s'estabusian  sobre  la  sapiensia  e  lo  res- 
post  de  lui  e  vesent  se  merevilhavan,  e  la  maire  de  lui  dis  a 
lui  :  0  filh,  per  que  feçis  a  nos  enaisi.  Ve-te,  lo  tio  paire  e  io 
dolent  querian  tu.  Et  dis  a  lor  :  Cal  cosa  es  per  lacal  queria 
my?  Non  sabia  .c.  (que)  mi  coventa  esser  en  aquelas  cosas 
que  son  del  mio  paire  ?  E  non  entenderon  la  parolla,  lacal  el 
parle  a  lor.  E  deysende  cum  lor,  e  venc  en  Naçaret.  E  era 
somes  a  lor,  e  la  maire  de  lui  ensemp  gardava  totas  aquestas 
parollas  ensemp  portant  al  sio  cor. 

E  Jeshu  profeytava  per  sapiensia  e  per  eita  e  per  gratia  en 
après  Dio  e  li  ome. 


EN  lanctue:  eomâke  sn 


II 

ACTES  DES  APOTRES 


CHAPITRE  IX 

CONVERSION  DE   SAINT  VXVL 

Mas  Saul  spirant  encara  de  manacas  e  de  batamenc  encon- 

A  9  9 

tra  li  deciple  del  Segnor,  se  appropie  a  li  princi  de  li  preyre  e 
demande  pistolas  de  loi  en  Damasc  a  las  synagogas,  que  si  el 
atrobes  alcuns  barons  o  fenas  d'aquesta  maniera,  li  amenés 
liga  en  Jerosalin. 

Mas  cum  el  faces  viage  s'endevenc  quel  s'appropies  en 
Damasc.  E  lue  resplandic  subitamen  del  cel,  encerque  lui,  e 
cagent  en  terra  auvic  vooç  dicent  ai  si:  Saul,  Saul,  perque 
me  persegues?  local  dis:  0  Segnor,  cal  sies?  E  el  responde  :  Yo 
soy  Jeshu  Naçario  local  tu  persegues.  Dura  cosa  es  a  tu  scal- 
queiar  encontra  Tagulhon.  E  trement  e  stabusent,  dis  :  O  Se- 
gnor, cal  cosa  voles  que  yo  fasc  ?  E  lo  Segnor  dis  a  lui  :  leva 
e  intra  en  la  cipta  e  sere  dit  a  tu  a  quai  cosa  covent  a  tu  far. 
Mas  li  baron  lical  acompagnavan  lui,  istavan  cum  lui  stabusi 
ac  auvent  la  vooc,  mas  non  vesent  alcun.  Saul  se  levé  de 
terra  e  ubert  li  olh  non  veya  alcuna  cosa.  Mas  tirant  lui  cum 
las  mans  lo  dintremeneron  en  Damasc.  E  era  aquel  per  très 
dias  non  vesent.  E  non  mange  ni  bec.  Mas  un  deciple  per  nom 
Ananias  era  en  Damasc.  E  lo  Segnor  dis  a  lui  en  vesion  :  0  Ana- 
nias.  Mas  el  dis,  o  Segnor,  vête  me  ;  e  lo  Segnor  dis  a  lui  : 
Leva  e  vay  al  bore  local  es  dit  dreyt,  e  quer  en  la  mayson  de 
Juda  Saul  per  nom  Tarsienc,  e  vête  el  ora,  e  veit  baron  per 
nom.  Ananias  intrant  a  si  e  pansant  a  si  las  mans  qu'el  recepia 
vesament.  Mas  Ananias  respondent  :  0  Segnor,  yo  auvic  de 
moti  d'aquest  baron,  canti  mal  el  aya  fayt  al  tio  sant  en  Jei^o- 
salin,  e  aquest  a  poesta  de  li  princi  de  11  preyre  de  ligar  tuit 
aquilh  lical  appellan  lo  tio  nom.  Mas  lo  Segnor  dis  a  luy:  Vay, 
car  aquest  es  anyvaysel  d'eylecion,  quel  porte  lo  mio  nom  de- 
vant li  rey,  e  devant  las  genç,  e  a  liôlh  d'Israël.  E  yo  demos- 
trarey  a  luy  cantas  cosas  covent  a  lui  suffrir  per  lo  mio  nom. 


218  TRADUCTIOK  DE  LA  BIBLE 

E  Ananias  auve  e  între  en  la  majson,  e  empausant  a  luj  las 
mans  al  nom  del  Segnor  Jesu  Christ,  dis  :  0  frajre  Saul,  lo 
Segnor  Jesu,  local  apparec  a  tu  en  la  via  per  lacal  tu  venias, 
trames  mi  a  tu  que  tu  veas,  e  sias  replain  del  Sant  Spirit,  E  via- 
çament  cagiron  de  li  olh  de  luj  enayma  scalhas  e  receop  vesa- 
sament.  E  levant  fo  bateja  :  e  cum  el  aguessa  receopu  lo  man- 
jar  fo  conforta.  Mas  Saul  fo  cum  li  deciple  lical  eran  en  Da- 
masc  per  alcanti  dia.  E  Saul  intre  viaçament  en  las  sinagogas 
e  predicava  Jesu  que  aquest  es  filh  de  Dio.  Mas  tuit  aquilh, 
lical  auvian  luj,  s*estabusian  e  diçian  :  Non  es  aquest  aquel, 
local  combatia  en  Jerosalin  aquilh  lical  appelavan  aquest  nom, 
e  ac  el  venc  çaj  aço  quel  amenés  lor  lia  a  11  princi  de  li  prejre. 
Mas  Saul  s^efbrçava  majorment  e  confondia  li  Judio,  lical  ha- 
bitavan  en  Damasc,  afermant  que  aquest  es  Christ.  Mas  cum 
moti  dia  fossan  compli  li  Judio  feron  conselh  quilh  aucises- 
San  luj.  Mas  li  agajt  foron  fajt  conegu  en  la  noit  a  Saul,  e 
ilh  gardavan  las  portas  per  dia  e  per  nojt  quilh  aucisessan 
luj.  Mas  li  deciple,  prenent  luj  en  la  nojt  lajseron  lui  per 
lo  mur  sotmetent  en  sporta.  Mas  cum  el  fossa  vengu  en  Jero- 
salin, s'ejsajava  a  jostar  a  li  deciple.  E  tuit  temian  luj,  non 
cresent  quel  fossa  deciple.  Mas  Barnaba  lo  prens  e  Tamene  a 
li  apostol,  local  recojnte  a  lor,  en  cal  maniera  el  aguessa  vist 
lo  Segnor  en  la  via,  e  cum  el  parlie  a  luj,  e  en  cal  maniera 
aguesa  fajt  ôdelment  en  Damasc  al  nom  de  Jesu.  Era  cum 
lor  intrant  e  ejsent  en  Jerosalin,  façent  ûdeiment  al  nom  del 
Segnor,  e  parlava  a  las  genç  e  desputava  cum  Ij  Grec.  Mas 
ilh  querian  lui  aucire.  Lacal  cosa  cum  Ij  frajre  aguessan 
conegu  ameneron  luj  de  nojt  en  Cesaria  e  lajseron  luj  en  Tar- 
sia. 

Acos  (?)  la  glejsa  avia  paç  per  tota  Judea  e  Galilea  e  Sama- 
ria,  e  eran  ediôca  avant  en  la  temor  del  Segnor.  E  era  replaina 
de  la  consolation  del  Sant  Sprit.  Mas  fo  fajt  dementre  que 
Pejre  trapasses  per  totas  las  régions,  e  vengues  a  li  sant, 
lical  habitavan  en  Ljdia.  Mas  el  atrobe  aqui  un  baron  per 
nom  Eneas,  jacent  al  lejt  per  viii  anç,  local  era  paralajsinos. 
E  Pejre  dis  a  luj  :  0  Eneas,  lo  Segnor  Jeshu  Christ  sane  tu. 
Leva  e  stent  te.  E  el  se  levé  viaçament.  E  tuit  aquilh  lical 
habitavan  en  Liddia  e  en  Sarona  vengron  a  luj,  lical  se  con- 
vçrtiron  al  Segnor.  Mas  una  decipla  per  nom  ThaMta,  lacal 


EN   LANGUE  ROMANE  219 

entrepetra  es  dita  Dorca  fo  en  lopia.  Aquesta  era  plena  de  bo- 
nas  obras  e  d'almonas  las  cals  ilh  façia.  Mas  fo  fajt  en  aquelh 
dia  que  enferma  mores.  Lacal  cum  ilh  Taguessan  lava  pause- 
ron  ley  al  sobejran  solier.  Mas  cum  Lidia  fossa  près  de  lopia, 
li  deciple  auvent  que  Peyre  fossa  en  ley,  trameseron  duy  ba- 
ron a  lui,  pregant  non  tarçar  venir  a  nos.  Mas  Peyre  levant 
venc  cum  lor.  E  cum  el  fossa  vengu  meneron  lui  al  solier.  E 
totas  las  vevas  isteron  en  cerque  lui,  plorant  e  demonstrant 
las  gonelas  e  las  vestimentas,  las  cals  Dorca  façia  a  lor.  Mas 
tuit  gita  fora  Peyre,  pansant  li  sio  janolh  ore  e  voota  al  cors 
dis  :  Tabitha,leva,  e  ilh  ubercviaçament  li  sio  olh,e  vist  Peyre 
reyressit,  e  donant  a  lui  la  man  dreyce  ley.  E  cum  el  agues  ap- 
pela li  sant  e  las  vevas  demostre  ley  viva.  Mas  ayço  fo  fayt  co- 
negu  per  tota  lopia,  e  moti  creseronal  Segnor  Jeshu  Christ. 
Mas  fo  fayt  qu'el  demores  moti  dia  en  lopia  en  après  un  Sy- 
mont  coyratier. 


III 
ÉPITRE  DE  SAINT  PAUL  AUX  ÉPHÉSIENS 


CHAPITRE  V 

Donca  sia  resemilhador  de  Dio  enayma  filh  carissime,  e 
ana  en  amor  enayma  Christ  ame  nos  e  liore  si  meseyme  per 
nos,  ufferta  e  hostia  a  Dio  en  odor  de  soyveça.  Mas  fornica- 
cion  e  tota  non  mondicia,  o  avaricia,  o  soçura,  o  jauglaïa,  o 
mal  parlar,  lacal  cosanon  perten  a  cosa  non  sia  nova  entre  vos, 
mas  majorment  façament  de  gratias  enayma  perten  a  li  sant. 
Mas  sapia  ayço  entendent  que  tôt  fornicador,  o  non  mont,  o 
avar,  lacal  cosa  es  serviment  d'idolas,  non  ha  hereta  al  règne  de 
Christ  e  de  Dio.  Alcun  non  vos  engane  en  vanas  parolas,  car 
rira  de  Dio  venc  en  li  filh  de  mescreseiiça  per  aquestas  cosas. 
Donc  nonvolha  esser  fayt  parçonier  de  lor.  Car  vos  araalavia 
tenebras,  mas  ara  se  luç  al  Segnor  anna  enayma  filh  de  lue. 

Car  lo  fruc  de  la  luç  es  en  tota  bonta,  en  justitiae  verita. 
Provant  cal  cosa  sia  ben  placent  a  Dio.  E  noiivosvolha  acom- 


m  TRADUCTiOîq  Bfî  LA  ÔIBLE 

pagnar  a  las  obras  non  fructuosas  de  tenebras,  mas  major- 
mentlasreprene.  Car  soça  cosa  es  dire  aquestas  cosas  que  son 
faytas  de  lor  en  rescos.  Mas  totas  las  cosas  que  son  repensas 
dellumoson  manifesta.  E  ço  qu'es  manifesta  es  lume,perlacal 
cosa  di  :  0  tu  que  dormes,  leva  e  leva  de  li  mort,  E  Christ  en- 
lumenare  tu.  Donc,  o  frayres,  veia  en  cal  maniera  vos  ave  sa- 
viament  non  enajma  non  savi,  mas  enayma  savi,  reyment  lo 
temps,  car  li  dia  son  mal.  Emperço  non  volha  esser  fayt  non 
savi,  mas  entendent  cal  sia  la  volonta  de  Dio.  E  non  volha 
esser  enubria  dal  vin  al  cal  es  la  luxuria.  Mas  sia  impli  del 
Sant  Sperit,  parlant  a  vos  meseymes  en  salmes,  e  en  ymnis, 
e  en  cant  spiritals,  cantant  e  salmeiant  al  Segnor  en  li  nostre 
cor.  Façent  gratias  a  Dio  tota  via  ço  es  aï  pajreper  totas  cosas 
al  nom  del  Nostre  Segnor  Jeshu  Christ.  Sia  somes  entre  vos 
en  la  temor  de  Christ.  Las  fenas  sian  somesas  a  li  lor  baron 
enayma  al  Segnor.  Carlo  baron  es  cap  de  la  fena  enayma  Christ 
es  cap  de  la  Gleysa.  El  meseyme  es  Salvador  del  cors  de  ley. 

Mas  enayma  la  Gleysa  es  somesa  a  Christ,  enayma  las  fenas 
a  li  lor  baron  en  totas  cosas.  0  baron,  ama  las  vostras  molhers 
enayma  Christ  ame  la  Gleysa,  e  liore  meseyme  per  ley,  quel 
sanctifiquesley,  mondant  ley  cum  lavament  d'ayga  en  parolla 
de  vita.  Quel  meseyme  dones  a  si  glorios  a  gleysa,  non  avent 
malha  o  rua,  o  autra  cosa  d'aquesta  maniera.  Mas  qu'elh  sia 
santa  e  non  soça.  Enaysi  li  baron  devon  amar  las  lors  mo- 
lhers, enayma  li  lor  cors.  Aquel  que  ama  la  soa  molher  ama 
si  meseyme.  Caralcunnon  ac  unca  en  hodi  la  soacarn.  Mas 
nuris  e  pays  ley  enayma  Christ  la  Gleysa.  Car  vos  seu  mem- 
bre dal  cors  de  ley,  e  de  la  carn  de  ley,  e  de  li  os  de  ley. 

Emperço  Tome  laysare  lo  payre  e  la  soa  mayre  e  ajostarese 
a  la  soa  molher,  e  seren  duy  en  una  carn.  Aquest  sacramentes 
grant.  Mas  yo  die  en  Christ  e  en  la  gleysa.  Emperço  vos  sen- 
gle  un  cascun  ame  la  soa  molher  enayma  si  meseyme.  Mas  la 
molher  tema  lo  sio  baron. 


j 


Dialectes  MoDEHNËâ 


POÉSIES    DE   DOM   GUERIN,    DE    NANT 

{Suite) 


Voici  l'œuvre,  sinon  la  plus  irréprochable,  au  moins  la  plus  popu- 
laire, de  notre  moine-poëte,  bien  qu'il  soit  vrai  de  dire  que  le  nom  de 
dom  Guérin  est  complètement  ignoré  des  lecteurs  du  célèbre  Dialo- 
gue de  r Ombre  de  Vabbé  de  Nant  avec  son  valet  Antoine. 

C'est  une  vive  satire  des  abbés  commendataires  de  Nant  en  géné- 
ral * ,  et  plus  particulièrement  de  l'un  d'eux,  messire  Jean-Jacques  de 
Febvre,  mort  en  1658  dans  les  environs  de  Montpellier,  où  il  avait  fixé 
sa  résidence.  Nous  ne  savons  jusqu'à  quel  point  dom  Guérin  avait  à 
se  plaindre  de  cet  abbé,  qu'il  représente  comme  un  avare,  un  pares- 
seux et  un  gourmand,  sans  parler  du  reste.  Ce  qu'il  en  dit  est  bien 
fort,  plus  fort  encore  ce  qu'il  raconte  de  la  rapacité  de  ses  héritiers, 
dont  le  tableau  est  fait  de  main  de  maître. 

Le  Dialogue  a  été  certainement  composé  peu  après  la  mort  de  dom 
de  Febvre  ;  mais  rien  ne  prouve  qu'il  ait  été  dès  lors  livré  à  une  re- 
tentissante publicité.  Ce  dut  être  apparemment,  dans  l'esprit  de  son 
auteur,  une  de  ces  pièces  malicieuses  auxquelles  on  s'est  plu  de  tout 
temps,  et  que  les  amis  et  les  proches  aiment  de  se  passer  de  main  en 
main  et  pour  ainsi  dire  sous  le  manteau  de  la  cheminée. 

La  famille  de  dom  Guérin,  qui  compta  après  lui  plusieurs  membres 
du  même  nom,  d'oncle  à  neveu,  pourvus  des  mêmes  bénéfices,  n'aura 
été  amenée  à  se  dessaisir  du  manuscrit  original,  selon  toute  appa- 
rence, que  vers  l'époque  où  les  moines  de  Nant  ont  été  sécularisés  ^ . 
C'est  alors  que  le  célèbre  Dialogue  aura  été  livré  à  l'impression. 

Il  résulte,  du  moins,  des  longues  et  minutieuses  recherches  aux- 
quelles nous  nous  sommes  livré  sur  ce  sujet,  que  la  plus  ancienne 
édition  ne  remonte   pas    au  delà  de  1730  ^,  Nous  en  connaissons  une 

'  L'abbé  coramendataire  était  ua  bénéficier  religieux  ou  laïque,  affranchi  des 
règles  monastiques  et  simplement  tenu  d'administrer  le  temporel  dont  il  per- 
cevait les  revenus  ;,  il  résidait  rarement  dans  son  abbaye.  Parmi  ses  commen- 
dataires, l'abbaye  de  Nant  compte  le  célèbre  cardinal  d'Ossat,  ambassadeur  de 
France  à  Rome  sous  Henri  IV. 

2  Vers  le  milieu  du  XVIII»  siècle,  la  commende  fut  généralement  remplacée 
par  un  bénéfice  simple,  attribué  à  un  évéque.  C'est  messire  Jacques-Antoine 
Phelypeaux,  évêque  de  Lodève,  qui  avait  l'abbaye  de  Nant,  lorsqu'elle  fut  sé- 
cularisée en  1743. 

3  Un  exemplaire  se  trouve  entre  les  mains  de  M.  Gandin,  bibliothécaire  de 
la  ville  de  Montpellier.  Il  a  été  imprimé  au  Bourg-Saint-Andéol  (Ardèche). 


2SÉ  t^OESIES  DE  DOM   GU^RÎM 

fort  curieuse,  par  les  vignettes  et  les  indications  typographiques  qui 
raccompagnent,  sous  le  millésime  de  1757.  Elle  est  en  dialecte  bas- 
languedocien  *.  La  troisième  en  date  est  ou,  du  moins,  était  naguère  à 
la  bibliothèque  de  Strasbourg,  imprimée  en  1776*,  probablement  en 
provençal.  Enfin,  dans  les  dernières  années  du  XVIII*  siècle,  Antoine 
Navarre,  imprimeur  à  Toulouse,  en  a  donné  une  nouvelle  en  sous- 
dialecte  toulousain.  Depuis  lors,  et  au  sortir  de  la  première  Révolu- 
tion, les  éditions  se  sont  multipliées  à  Montpellier,  Alais,  Avignon,  etc., 
avec  de  nombreuses  variantes,  sans  qu'il  soit  possible  de  retrouver 
les  exemplaires  qui  ont  servi  de  base  à  ces  divers  éditeurs'. 

L*original  que  nous  publions  aujourd'hui  permettra  d'apprécier  les 
mutations,  les  diverses  variantes  et  les  additions,  souvent  peu  intelli- 
gentes, que  lui  ont  fait  subir  les  imprimeurs  et  les  copistes.  Il  se  re- 
commande principalement  par  une  abondance  de  détails  typiques,  quel- 
qued  expressions  anciennes  et  des  allusions  qu'on  chercherait  en  vain 
dans  les  éditions  connues. 

Nous  avons  dit  ailleurs  que  ce  manuscrit  était  contemporain  de 
Fauteur*.  Nous  pouvons  ajouter  qu'il  a  été  probablement  rédigé,  sinon 
sous  sa  dictée,  au  moins  sous  son  inspiration,  car  il  a  fait  long- 
temps partie  de  ses  papiers  de  famille,  et  aujourd'hui  encore  son  dé- 
tenteur est  un  des  très-rares  descendants,  par  les  femmes,  de  la  lignée 
de  Guérin*. 

Nous  reproduisons  dans  son  intégrité  le  Dialogue  de  l'abbé  de  Nant. 
De  rares  corrections  ont  été  introduites  ça  et  là,  mais  on  trouvera 
toujours  dans  les  notes  les  leçons  rejetées  ^ . 

Mazkl  et  ViGouROux. 

'  Petit  ia-12  de  25  pages.  «  A  l'autre  monde,  chez  Pluton,  rue  des  Morts, 
à  rEoseigne  des  Ombres.  » 

L'exemplaire  que  nous  avons  eu  sous  les  yeux  appartenait  à  feu  M.  Germer- 
Durand,  le  savant  bibliothécaire  de  la  ville  de  Nimes. 

>  Bibliothèque  patoise  recueillie  par  M.  Oberlin,à  Strasbourg.  Ms.  13878  de 
la  bibliothèque  de  Nimes,  fonds  Séguier. 

«  Avignon,  1814-1840-1862;  Alais,  1836;  Montpellier,  1835  (?). 

Voici  ce  que  m'écrivait  un  de  ces  derniers,  le  plus  ancien  peut-être,  l'année 
dernière:  «  Ce  petit  opuscule  {le  Dialogue  de  VOmhre,  etc.),  que  j'ai  imprimé 
»  plusieurs  fois,  me  tomba  sous  la  main,  il  y  a  bien  longtemps,  vers  1814,  je 
»  ne  sais  de  quelle  part.  Je  serais  bien  en  peine  de  vous  donner  l'origine  de 
M  ce  Dialogue  ni  aucun  des  renseignements  auxquels  vous  paraissez  tenir, 
»  etc.,  etc.  » 

<  Voir  Revue  des  l.  r.,  t.  V,  p.  377. 

8  M.  Jules  Bruguière,  propriétaire,  à  Nant,  à  qui  nous  devons  la  connais- 
sance de  plusieurs  détails  sur  dom  Guérin,  qui  trouveront  leur  place  dans  une 
notice  biographique. 

6  Nous  ne  nous  sommes  pas  astreints  à  reproduire  la  ponctuation,  souvent 
très-défectueuse,  du  ms.,  et  ses  i  et  u  pour/  et  v. 


bfî  tîÀlN*  »23 


L^Ombre  de  Monseigneur  de  Nant 

QUI  VIENT  APPAROITRE  A  SON  VALET    DE  CHAMBRE  APPELLE  ANTOINE 


L OMBRE 

Antoine,  mon  amy,  mon  serviteur  fidelle, 
Interompt  ton  someil,  escoute  qui  t'appelle. 

ANTOINE 

Las,  mon  Dieux,  yeu  suy  mort,  yeu  ausisse  une  voix, 
Ma  moulié,  seinen-nous. 

l'ombre 

Le  signe  de  la  croix 
Ne  me  fera  pas  peur,  je  ne  suis  pas  le  diable  *. 

ANTOINE 

Paure  !  Quai  ses-vous  donc? 


L^Ombre  de  Monseigneur  de  Nant 

QUI   VIENT   APPARAITRE   A   SON   VALET   DE   CHAMBRE,    APPELÉ   ANTOINE 


LOMBRE 

Antoine,  mon  ami,  mon  serviteur  fidèle,  —  interromps  ton  sommeil, 
écoute  qui  t'appelle. 

ANTOINE 

Hélas I  mon  Dieu,  je  suis  mort:  j'entends  une  voix.  —Ma  femme, 
faisons  le  signe  de  la  croix. 

l'ombre 

Le  signe  de  la  croix  —  ne  me  fera  pas  peur.  Je  ne  suis  pas  le 
diable. 

ANTOINE 

Pauvre!  Qui  êtes-vous  donc? 

*  J'ai  cru  devoir  rétablir  ici  la  vraie  physionomie  du  texte,  bouleversé  dans 
le  ms.  et  dans  les  nombreuses  éditions  qui  ont  passé  sous  mes  yeux. 


224  t^OlèsiËS  DB   DOM   GUEtUK 

l'ombre 

Ton  mestre  déplorable. 

ANTOINE 

Mon  mestre  ! 

l'ombre 

Mon  ami,  n'en  doutes  nullement. 
Je  suis  ton  bon  seigneur. 

ANTOINE 

Vous  ses  Moussu  de  Nant  I 

l'ombre 

Je  suis  tel  que  tu  dis,  quitte  toute  ta  crainte, 
Remets  bien  ton  esprit,  parle-moi  sans  constrainte. 

ANTOINE 

[Al]  diable  seas-vous,  tant  de  pou  m'obés  fach  : 
Jamais  on  ay  abut  un  pus  furious  englach. 

[l'ombre] 
[Et  qu'apprehendais-tu  ?j 


L  ombre 
Ton  déplorable  maître. 

ANTOINE 

Mon  maître  ! 

l'ombre 
Mon  ami,  n'en  doute  nullement.  —  Je  suis  ton  bon  seigneur. 

ANTOINE 

Vous  êtes  Monsieur  de  Nant  ! 

l'ombre 
Je  suis  tel  que  tu  dis.  Quitte  toute  la  crainte  ;  —  remets  bien  ton 
esprit,  parle-moi  sans  contrainte. 

ANTOINE 

Au  diable  soyez-vous,  de  m'avoir  fait  tant  de  peur!. -^Jamais  je  n*ai 
eu  de  plus  furieuse  angoisse  ! 

l'ombre 
Et  qu'appréhendais-tu  ? 


DE  NANT  225 

ANTOINE 

Yeu  non  savié  que  creire 
De  m'ausy  mensouna  sans  qu'ieu  pougés  res  voire  ; 
Yeu  cresié  d'empremié  que  fouguesses  lou  drac, 
Jusques  qu'ay  remarquât  que  sentias  à  tabac. 

l'ombrb 
Ha  bien,  n'ayé  pas  peur,  reprens  ton  bon  courage. 
Je  ne  suis  pas  icy  pour  te  faire  domagte, 
Je  viens  pour  une  affaire  ou  tu  me  p[e]us  servir 

ANTOINE 

Saiqué  venés  crompa  de  tobac  ou  de  vi? 

L*0MBRE 

Ce  n'est  pas  pour  cela. 

ANTOINE 

Que  say  venés  donc  faire  ? 
Qu'avés-vous  oblidat?  Lous  morts  non  tournon  gaire. 
Per  que  venés  troubla  lou  moundé  quand  se  [dor]  ? 


ANTOINE 

Je  ne  savais  que  croire  —  en  m*entendant  appeler  (littéralement  : 
mentionner),  sans  que  je  pusse  rien  voir.  —  Je  croyais  tout  d*abord 
que  vous  étiez  le  drac  —  [et  je  Tai  cru]  jusqu'au  moment  où  j'ai  re- 
marqué que  vous  sentiez  le  tabac. 

l'ombre 
Hé  bien!  n'aie  pas  peur,  reprends  ton  bon  courage;  —  je  ne  suis 
pas  ici  pour  te  faire  dommage. — Je  viens  pour  une  affaire  où  tu  peux 
me  servir. 

ANTOINE 

Peut-être  venez-vous  acheter  du  tabac  ou  du  vin? 

l'ombrb 
Ce  n'est  pas  pour  cela. 

ANTOINE 

Que  venez-vous  donc  faire  ici?  — Qu'avez-vous  oublié  ?  Les  morts 
ne  reviennent  guère.  —  Pourquoi  venez-vous  troubler  les  gens  quand 
ils  dorment? 

17 


>  ^   ^        .  .    _     .       .       > 


226  Î^OÊSIES  Dfî  DOM  GUERIK 

L*OMBRB 

Je  reviens  tout  exprés  pour  quérir  mon  trésor. 

ANTOINE 

Certo,  aro  n*ay  pas  son;  cousy,  dins  l'autre  vido, 
Cal  tené  comme  aisj  toujours  bourse  garnido  I 

l'ombre 
n  me  faut  contenter  le  nautonier  Caron 
Qui  n'a  jamais  voulu  me  passer  l'Achéron  *, 
Sans  lui  payer  son  droit.  Cette  vilaine  hette 
Aus[s]ytost  qui  m*a  veu  m'a  dit  d'abort  :  «  Arreste, 
Paye  plutôt  qu'entrer  ou  bien  retire-toy  !  » 

ANTOINE 

[P]arlas-ty  tout  de  bon? 

l'ombre 
Je  te  dis  vray,  ma  foy. 
J'ay  bien  voulu  donner  des  marques  de  courage, 
Mais,  ma  foy,  quand  j'ay  veu  qu'il  entret  dans  [la  rage], 
Je  m'en  suis  enfui.  Et,  pour  te  parler  net. 
Je  viens  quérir  d'argent  que  j'ai  au  cabinet. 

l'ombre 
Je  reviens  tout  exprès  pour  quérir  mon  trésor. 

ANTOINE 

Certes  I  je  n'ai  pas  sommeil  maintenant  ;  comment,  dans  Tautre 
vie,  —  il  faut  toujours,  comme  ici-bas,  tenir  garnie  sa  bourse  I 

l'ombre 

Il  me  faut  contenter  le  nautonnier  Caron,  —  qui  n*a  jamais  voulu 
me  [faire]  passer  TAchéron,  —  sans  lui  payer  son  droit.  Cette  vilaine 
bête,  —  aussitôt  qu'elle  m'a  vu,  m'a  dit  d'abord:  «Arrête  !  —  paye 
plutôt  que  d'entrer,  ou  bien  retire-toi  !  » 

ANTOINE 

Parlez-vous  tout  de  bon? 


*  Ms.  Les  Caron,  (Dans  l'interligne,  une  main  inconnud  a  écrit,  mais  li- 
Bible  seulement  à  la  loupe,  lacheron.) 


DE   NANT  227 

• 

Je  me  sais  avisé  4e  venir  à'  bonne  heure, 

De  peur  qu'en  retardant  on  en  fit  Touverture. 

ANTOINE 

Ha  I  per  ma  fé,  Moussu,  vous  ses  endarrairat; 
On  espererou  pas  que  fougés  enterrât, 

l'ombre 
On  n'aura  pas  tout  pris. 

ANTOINE 

Tout  jusque  à  las  sarrailles. 
On  lay  au  rés  laisat  que  las  quatre  murailles. 
Messieurs  lous  héritiers  courisien  al  coval, 
Justomen  comme  fau  las  fedos  à  la  sal. 
Se  vous  oguesses  vist  quanios  gens  de  levàdo  : 
Leur  fasié  pessomen  de  laisa  la  tieulado. 
En  tout  lou  cabinet  non  trouvorios  clavel 
Que  vous  pougués  servj  per  penja  lou  mantel. 
Tout  laj  ou  au  virât,  sans  vrise  de  vergougne. 


L  OMBRE 

Je  te  dis  vrai,  ma  foi. —  J'ai  bien  voulu  donner  des  marques  de  cou- 
rage ;  —  mais,  ma  foi,  quand  j'ai  vu  qu'il  entrait  en  rage,  —  je  me 
suis  enfui;  et,  pour  te  parler  net,  —  je  viens  quérir  l'argent  que  j'ai 
au  cabinet. —  Je  me  suis  avisé  de  venir  à  cette  heure,—  de  peur  qu'en 

4 

retardant  on  en  fît  l'ouverture. 

ANTOINE 

Ah!  par  ma  foi,  Monsieur,  vous  vous  êtes  bien  arriéré,  —  et  l'on 
n'attendit  pas  que  vous  fussiez  en  terre. 

l'ombre 
On  n'aura  pas  tout  pris  I 

ANTOINE 

Tout,  jusques  aux  serrures  I  -^  Ils  ne  vous  ont  laissé  là-bas  que 
les  quatre  murailles.—  Messieurs  les  héritiers  couraient  à  votre  avoir 
(littéralement  :  à  vos  cabeaux)  —  justement  comme  les  brebis  cou- 
rent au  sel.  —  Si  vous  aviez  vu  quelles  gens  [ardents]  à  la  levée  1  — 
Ce  leur  était  un  souci  de  laisser  la  toiture.  —  Dans  tout  le  cabinet, 
vous  ne  trouvwiez  pas  de  clou  —  qui  pût  vous  servir  pour  suspendre 
im  manteau.  —  On  y  a  tout  tourné  sans  aucune  vergogne. —  (?)  Tous 


2«8  POESIES  DE  DOM   GUERIN 

Toutes  très  y  fosieu  jomay  talo  vesoni  *. 
S'obias  resquost  d'argen,  lou  vous  auran  trouvât, 
Car  on  ya  pas  mahon  qu'on  Tagou  soulleva[tl. 

l'ombre 
Tu  me  yeux  étonner. 

ANTOINE 

Diable  sié,  se  m'en  risé, 
[Se]  VOUS  lay  ou  vesias,  n'an  fach  may  q'ieu  non  dise. 

l'ombre 
Voy,  que  ferai-je  donc  ?  Je  suis  mal  à  cheval. 

ANTOINE  ' 

Vesés,  piey  que  voulias  ana  perquinàval, 
E  que  sabias  que  quai  passa  la  grand  rivieire, 
Dévias  prane  d'argen  ou  passa  un  jour  de  fiere, 
Perce  qu'an  aquel  jour,  al  contrat  es  emprés, 
Tout  ésprés  à  Caron  de  non  prené  pas  rés. 

trois  n'y  avaient  jamais  fait  une  telle  besogne  (?).  —  Si  vous  aviez  ca- 
ché de  l'argent,  ils  vous  l'auront  trouvé,  —  car  il  n'y  a  pas  brique 

qu'on  n'ait  soulevée. 

l'ombre 
Tu  me  veux  étonner. 

ANTOINE 

Diable  soit,  si  j'en  ris  I  —  Si  vous  pouviez  le  voir,  ils  ont  fait  plus 

que  je  ne  dis . 

l'ombre 

Oh!  que  ferai-je  donc?  Je  suis  mal  à  cheval. 

ANTOINE 

Voyez,  puisque  vous  vouliez  aller  par  là-bas  —  et  que  vous  saviez 
qu'il  faut  passer  la  grande  rivière,  —  vous  auriez  dû  prendre  de  l'ar- 
gent ou  passer  un  jour  de  foire,  — parce  que,  dans  ce  jour,  il  est,  au 
contrat,  ordonné  —  tout  expressément  à  Caron  de  ne  rien  prendre.  — 
Tous  les  autres  jours,  il  faut  payer  le  passage. 

l'ombre 
Je  ne  le  croyais  pas . 

4  Od  lit  dans  Dombre  d'exemplaires  : 

Tout  es  estât  birat  sans  bricou  da  vergougno« 
Jomay  pus  yeu  n'ay  bist  une  talo  besougno. 


DE  NANT  2Î9 

Toutes  lous  autres  jours  quai  pogua  lou  possatge. 

^  ■  « 

l'ombre 
Je  né  le  croyés  pas. 

ANTOINE 

Aquo's  pas  estre  satge 
De  dire  a  Non  cresié  »  ;  aquo*s  estré  flauniac. 
Saiqué  vous  souvenbe  qu'en  passan  à  Gignac  \ 
Vous  a  toujours  qualgut  mettre  man  à  la  mitto  ^^ 
Que  jamaj  vous  au  fach  credi  de  cap  de  pitto  '. 
Perqué  donc  cresias  vous  que  Caron  vous  possés 
Sans  li  poga  son  drech  ?  Aquo's  aro  un  proucés.   • 

l'ombre 

Je  n'aurés  jamais  cru  qu'il  eut  eu  Timpudence  * 
De  m'oser  demander  la  paje  par  avance. 

ANTOINE  . 

Vous  cresias  de  possa,  tant  de  nioch  que  de  jour^ 


ANTOINE 

Ce  n'est  pas  être  sage  —  de  dire  :  «  Je  ne  le  croyais  pas.  »  C'est 
être  paresseux.  —  Peut-être  vous  souvient-il  bien  qu'en  passant  à  Gi- 
gnac,  —  il  vous  a  toujours  fallu  mettre  la  main  à  la  mite,  —  et  que 
jamais  on  ne  vous  a  fait  crédit  d'une pite  (d'une  obole).  —Pourquoi 
donc  croyez-vQus  que  Caron  vous  passât  —  sans  lui  payer  son  droit? 
C'est  maintenant  un  procès . 

l'ombre 

Je  n'aurais  jamais  cru  qu'il  eût  l'impudence —  de  m'oser  demander 
par  avance  la  paye. 

ANTOINE 

Vous  pensiez  passer  aussi  bien  de  nuit  que  de  jour,  —  en  disant: 

t  Gignac,  chef-lieu  de  canton,  avait  à  cette  époque  un  bac  à  trailles  ;  il  a  été 
remplacé,  en  notre  siècle,  par  le  magoifique  pont  sur  l'Hérault,  où  passe  la 
route  nationale  de  Montpellier  à  Clerraont-Ferrand. 

^  Mettre  la  main  à  mite,  c'est-à-dire  mettre  la  main  à  la  bourse  pour  payer. 
Le  ms.  porte:  la  man. 

*  Pite,  menue  monnaie  de  cuivre,  valant  une  obole  ou  le  quart  du  denier, 
en  cours  principalement  dans  le  Poitou.  {Pictavensis,  d'où  son  nom.)  Le  ms. 
porte:  non  vous  nu  fach. 

-*  Ms.  l'imprudence. 


^0  POESIBS  DE   DOM   GUERIN 

En  disen:  «  Mon  ami,  pagaray  al  retour  ». 

Per  quai  lou  prenias-vous ?  El  non  es  pas  novice, 

El  es  despiey  long  temps  dins  oquel  exercice. 

Et  sa  bé  que  s*un  cop  ses  possat  dedolaj, 

Non  cal  pas  espéra  que  soj  tournés  jomaj. 

Lou  mieu  paire  loj  es,  amay  ma  paure  bello, 

Mais  depiey  que  lay  son,  non  n'aj  saupu  nouvelo. 

Poguas-lou,  que  que  sié  que  vous  satge  cousta, 

Car  el  non  trove  pas  son  conté  de  sousta. 

Yeu  cresé  qu'ay  dex  solz  per  lou  fons  de  mon  cofré, 

Tout  en  liards  et  dignes,  Moussu,  yeu  lous  vous  ofré. 

L*0MBRE 

Que  me  dis-tu?  dis  sols.  Il  veut  dix  mile  frans. 

ANTOINE 

Cousy,  paure  Moussu,  vous  doné  per  cent  ans. 
Ha  !  lou  traité  Caron  !  Ha  !  la  maudite  Parque  { 


«  Mon  ami,  je  payerai  au  retour.  »  —  Pour  qui  le  preniez- vous?  Il 
n'est  pas  novice.  —  11  est  dans  cet  exercice  depuis  longtemps,  —  et  il 
sait  bien  qu'une  fois  passé  de  l'autre  côté,  —  il  ne  faut  pas  espérer 
que  vous  reveniez  jamais  ici.  — Mon  père  y  est,  et  aussi  ma  pauvre 
belle-mère  [oM  bienma.  pauvre  Isabelle]; — mais, depuis  quïls  y  sont, 
je  n'en  ai  pas  eu  de  nouvelle.  —  Payez-le,  quoi  qu'il  vous  en  puisse 
coûter,  —  car  il  ne  trouve  pas  son  compte  d'attendre. — Je  crois  avoir 
dix  sols  dans  le  fond  de  mon  coffre,  -«  tout  en  liards  et  en  deniers  ; 
"je  vous  les  offre,  Monsieur. 

l'ombre 
Que  me  dis-tu?  dix  sols.  Il  veut  dix  mille  francs! 

ANTOINE 

Comment,  pauvre  Monsieur,  je  vous  donne  cent  ans  [pour  les  trou- 
ver]. —  Ah  !  le  traître  Caron  !  Ah  !  la  maudite  Parque  !  —  Elle  aurait 
dû  vous  laisser  vivre  ou  vous  permettre  d'entrer  dans  la  barque.  — 
Pour  trouver  tant  d'argent,  il  vous  faudrait  trop  rôder.  —  Vous  ne 
passerez  jamais  {littéralement  :  jamais  vous  ne  passez),  si  vous  ne  sa- 
vez nager. — Vous  avez  toujours  été  d'une  humeur  (?)  fort  humide (?); 
*—  vous  deviez  le  quereller  comme  fit  Alcide,  —  quand  il  alla  (liité" 


DE    NANT  231 

Vous  dieurié  laisa  vieuré  ou  vous  possa  la  barque. 

Per  trouva  tant  d'argen,  vous  quaudrié  trop  rouda. 

Jomay  vous  non  possas,  se  non  sovés  noda. 

Vous  ses  toujours  estât  d'un  humou  fort  umido. 

Lou  dévias  corela  comme  faguet  Alcido, 

Quand  lay  anet  cerqua  Thésée,  son  amie. 

Aro  vous  foursara  de  pagua  rie  à  rie  , 

Quand  vous  a  counouscut  poultron  comme  uno  vaco . 

Se  quelle  opinôstra,  non  pas  vira  casaque. 

l'ombre  ' 
Tu  en  aurés  tant  fait. 

ANTOINE 

(Car  el  aurié)  troubat  aquel  que  li  [quolié]. 

Se  vous  volias  quiquon,  tournarias  dins  sa  caze 

Ambé  un  bon  pistoulet  et  une  bone  espaze. 

l'ombrb 
J'aime  mieux  le  payer,  non  pas  que  j'aie  peur, 

ralement:  y  alla)  chercher  son  ami  Thésée.  —  Il  vous  forcera  main- 
tenant de  payer  ric-à-iic,  —  lorsqu'il  vous  a  connu  poltron  comme 
une  vache.  —  Il  fallait  vous  opiniâtrer  et  non  pas  tourner  casaque. 

l'ombrk 
Tu  en  aurais  fait  autant. 

ANTOINE 

Ah  !  pardine,  je  ne  Taurais  pas  fait!  —  car  il  aurait  trouvé  celui 
qu'il  lui  fallait.  —  Si  vous  valiez  quelque  chose,  vous  retourneriez 
dans  sa  maison  —  avec  un  bon  pistolet  et  une  bonne  épée. 

l'ombre 
J'aime  bien  mieux  le  payer  ;  non  pas  que  j'aie   peur,  —  mais, 

'  Il  faudrait  lire  : 

l'ombre 

Tu  en  aurés  fait  tant. 

ANTOINE 

Ah  !  pardy,  non  aurié  ! 
Emb  ieu  aurié  troubat  aquel  que  li  quolié. 
C'est-à-dire,  pardieu,  non,  car  il  aurait  trouvé  en  moi  celui  qu'il  lui  fallait 
(pour  lui  répondre). 
Nous  tfi^duisoas  cet  essai  de  restitution  t 


232  POESIES  DE   DOM  GUERIN 

Mais  yoîs-tu,  par  ma  foy,  ce  n'est  pas  mon  humeur. 

ANTOINE 

D'ont  aurés  tantd'argen?  Vostro  soumo  m'estouno  ; 
En  tout  Nant,  per  ma  fé,  ne  trouvorés  persouno 
Que  la  voulgués  presta  per  vostres  héritiés. 
Ay  pau  que  vous  voudrien  baila  tout^  de  digniez. 

l'ombre 

Tu  ^  railles,  maïs  tu  sais  que  l'honneur  les  engage 
De  fournir  ce  qu'il  faut  pour  faire  mon  voyage. 

ANTOINE 

Al  jour  d'ioy  l'intérêt'  es  pus  car  que  l'hounou. 
Que  me  penjou  d'abord,  ce  non  disou  de  nou. 

l'ombre 
Et  comment  le  sais-tu  ? 

ANTOINE 

Rès  que  per  conjecture, 
Amay  ou  jurorie  sur  la  Sainte  Escriture. 

vois-tu,  par  ma  foi  !   ce  n*est  pas  mon  humeur  [de  me  battre]. 

ANTOINE 

D'où  aurez-vous  tant  d'argent?  —  Votre  somme  m'étonne.  —  En 
tout  Nant,  par  ma  foi,  vous  ne  rencontrerez  personne  —  qui  la  voulût 
prêter  à  vos  héritiers  [seulement]. — J'ai  peur  qu'ils  vous  voudraient(?) 
donner  seulement  quelques  deniers  (?). 

l'ombre 
Tu  railles  ;  mais  tu  sais  que  l'honneur  les  engage  —  à  fournir  ce 
qu'il  faut  pour  faire  mon  voyage . 

ANTOINE 

Aujourd'hui  l'intérêt  est  plus  cher  que  l'honneur.  —  Que  l'on  me 
pende  immédiatement,  s'ils  ne  vous  disent  pas  non. 

*Tout  est  mis  ici  pour  cap. 

La  plupart  des  éditions  écrivent: 

Non  vous  voudrien  bailla  soulomen  des  dénies. 

C'est-à-dire:  Ils  ne  vous  avanceraient  pas  seulement  dix  deniers, 
s  Ms.  Tu  te, 
*  Ms.  Vinteret  es  pus  caré. 


DE  NANT  233 

Après  ce  quleu  ai  vist,  pode  porla  segur. 

l'ombre 

Eh  !  que  ferai-je  donc  dans  un  pareil  malheur? 
Peut-être  qu'en  cherchant  tu  trouvères  un  homme 
Qui  aurait*  volonté  de  prester  cette  somme. 
Je  m'en  obligerois  pour  qu'il  ne  perdit  rien. 

ANTOINE 

Et  en  cal  s'en  prendrien  ? 

l'ombre 

A  ceux  qui  ont  mon  bien. 
Ils  seraient  obligés,  pour  sy peu  qu'onles  presse, 
De  payer  tout  ce  qu'il  seroit  dans  ma  promesse. 

ANTOINE 

Cal  diable  cresés-vous  qu'ajé  tant  pauc  de  sen 
De  s'acheta  un  proucés  ?  Quai  sera  Tinnoucen  ? 


Et  comment  le  sais-tu  ? 


L*0MBRE 


ANTOINE 

Rien  que  par  conjecture.  —  Et  cependant  je  le  jurerais  sur  la 
Sainte  Ecriture.  —  Après  ce  que  j'ai  vu,  je  peux  parler  sûrement. 

L*0MBRB 

Eh!  que  ferai-je  donc  en  un  pareil  malheur?  —  Peut-être  qu'en 
cherchant  tu  trouverais  un  homme  —  qui  de  prêter  cette  somme  au- 
rait la  volonté.  —  Je  m'en  obligerais  pour  qu'il  ne  perdît  rien. 

ANTOINE 

Et  qui  aérait  resi^onsahle'!  (littéralement:  Et  à  qui  s'en  prendraient- 
ils?) 

l'ombre 

A  ceux  qui  ont  mon  bien.  —  Pour  si  peu  qu'on  les  presse,  ils  se- 
raient obligés  —  de  payer  tout  ce  qui  serait  dans  ma  promesse . 

ANTOINE 

Qui  diable  croyez-vous  qui  ait  si  peu  de  sens  —  de  s'acheter  un 
*  Ms.  qu'aurait  la. 


234  POÉSIES   DE    I)OM   GUBRIN 

Et  pieî  quai  cresés-vous  que  sié  tant  flac  de  teste 
De  presta  tant  d'argen  sans  saupre  à  cal  lou  preste  ? 

l'ombre 
;  Tu  respondras  pour  moi. 

ANTOINE 

f  La  tarrible  cautieu  : 

Ha  !  lou  bravé  guaran  qu'aurien  trouvât  anb'  ieu  ! 
Tout  esquas  al  loutgis  ond'aquo  de  Pernette, 
S'auzou  fiza  de  yeu,  possat  une  fouliette. 
Et  vous  volés  qu'ieu  trove  une  somme  d'argen 
Que  fay  saique  dex  cops  tout  ce  qu'ieu  ai  valen*. 
Vous  dieurias  aguacha  de  tourna  vieure  encare. 

l'ombre 

Helas  !  je  né  suis  pas  si  saint  que  le  Lazare  ; 
Des  miracles  si  grans  à  présent  n'ont  pas  cours. 

ANTOINE 

Vous  cal  fa  veire  donc  penden  sept  ou  ioch  jours, 


procès  ?  Qui  sera  l'innocent  ?  —  Et  puis,  qui  croyez-vous  qui  sera  si 
faible  de  tête  —  de  prêter  tant  d'argent  sans  savoir  à  qui  il  le  prête? 

l'ombre 
Tu  répondras  pour  moi. 

ANTOINE 

La  terrible  caution  ! —  Ah  !  le  bon  garant  qu'ils  auraient  trouvé  en 
moi  ! —  C'est  à  peine  si  au  logis  de  chez  Pernette  —  on  ose  se  fier  à 
moi,  passé  une  feuillette  [de  vin  à  crédit].  —  Et  vous  voulez  que  je 
trouve  une  somme  d'argent  —  qui  fait  peut-être  dix  fois  tout  ce  que 
j'ai  de  vaillant  [au  monde]  —  Vous  devriez  vous  arranger  afin  de  vi- 
vre encore. 

l'ombre 

Hélas  !  je  ne  suis  pas  si  saint  que  le  Lazare  !  —  Des  miracles  si 
grands  à  présent  n'ont  pas  cours. 

ANTOINE 

Il  faut  donc  vous  faire  voir  pendant  sept  ou  huit  jours  ; — car,  tant 

*  Autre  leçon  (préférable): 

Que  fay  dex  mille  cops  may  que  you  n'ay  valien. 


DE   NANT  2?5 

Car  tant  que  vous  serés,  comme  ses,  invisible, 
Non  trouvarés  pas  liard,  car  aquo's  trop  visible. 

l'ombre 

Cela  ne  se  p[e]ut  pas,  l'esprit  ne  se  voit  point; 
Il  faudroit  pour  me  voir  que  mon  corps  me  fut  joint. 
Si  je  n'en  puis  trouver  qu'en  faisant  qu'on  me  voie, 
Il  n'en  faut  plus  parler,  cherchons  une  autre  voye. 
Mais  je  te  presse  trop,  je  t'an  crie  pardon, 
Ya  dire  aux  habitans  qui  me  fassent  ce  don. 

ANTOINE 

Or  qu'ojas  per  cautieu  Moussu  de  Ventiboli, 
S'en  ovés  d'autre  grais,  forés  de  soupe  on  d'oli. 
Templa  lay  lous  avés  servits  dins  lous  besouns  ! 
Be  sériés  be  bengut*! 

l'ombre 

Ma  foy,  tu  as  raison  ! 
Au  lieu  de  les  servir,  quand  ils  souffrent  la  foule 
De  tant  de  regimens  qui  leur  plumait  la  poule, 


que  vous  serez,  comme  vous  Têtes,  invisible,  —  vous  ne  trouverez  pas 
un  liard,  c'est  chose  sûre  (^littéralement:  ^nsih\e), 

l'ombre 
Cela  ne  se  peut  pas  ;  Tesprit  ne  se  voit  point.  —  Il  faudrait  pour 
me  voir  que  mon  corps  me  fût  joint.  —  Si  je  n'en  puis  trouver  qu'en 
faisant  qu'on  me  voie,  —  il  n'en  faut  plus  parler,  cherchons  une  autre 
chemin.  —  Mais  je  te  presse  trop,  je  t'en  demande  pardon;  —  va  dire 
aux  habitants  qu'ils  me  fassent  ce  don. 

ANTOINE 

A  moins  que  vous  n'ayez  pour  caution  M .  de  Bentivoglio,  —  si  vous 
n'avez  pas  d'autre  graisse,  vous  ferez  la  soupe  à  l'huile .  —  Vous  les 
avez  si  bien  servis  dans  leurs  besoins,  ici!  —  Vous  seriez  bien  venu  ! 

l'ombre 
Tu  as,  ma  foi,  raison  ! —  Au  lieu  de  les  servir,  quand  ils  souffraient 
la  foule  —  de  tant  de  régiments  qui  leur  plumaient  la  poule,  —  au 

*  Messire  Jean  de  Bentivoglio,  successeur  de  dom,  de  Febvre,  pourvu  de 
l'abbaye  de  Nant  eu  septembre  1658,  Mort  en  1694. 


236  POESIES  DE  DOM  QUERIN 

Au  lieu  de  travailler  à  leurs  délogements, 

Je  prenais  sans  pitié  leurs  mauvais  tretaimen(s)*. 

ANTOINE 

f  Aro]  ou  trouvorés  tout. 

l'ombre 

Que  veux-tu  que  j'i  fasse  ? 
Sa  est  asture  ^  fait,  n'en  parlons  plus,  de  graee* 
Prenons  un  autre  biais. 

ANTOINE 

Fàguan  ce  que  voudrés  ; 
Yeu  executoray  ce  que  vous  resourdrés. 


lieu  de  travailler  à  leurs  délogements,  —  je  n'avais  nulle  pitié  pour 
les  mauvais  traitements  [qu'ils  enduraient]. 

ANTOINE 

Maintenant  vous  trouverez  tout. 

l'ombre 
Que  veux-tu  que  j'y  fasse? — C'est  fait  à  cette  heure;  de  grâce,  n'en 
parlons  plus.  — Prenons  un  autre  biais. 

ANTOINE 

Faisons  ce  que  vous  voudrez.—  Moi,  j'exécuterai  tout  ce  que  vous 
résoudrez. 

(A  suivre,) 

*  Ce  passage,  qui  manque  dans  (es  éditions  parues  jusqu'à  ce  jour,  est  une 
curieuse  allusion  aux  excès  des  garnisaires  de  Tépoque. 
'  Pour  :  à  cette  heure. 


GLOSSAIRE  DES  COMPARAISONS  POrtJLAIRES 
DU  NARBONNAIS  ET  DU  CARCASSEZ 


APPENDICE 

Agasso.  —  Babilhard  coumo  uno  agasso  borgno.  —  Es  à  rô- 

douls  coumo  Fagasso. —  Fi  coumo  uno  agasso.—  Marcha 

à  sautets  coumo  uno  agasso. 
Aimable.  —  {Per  trufariè)  Aimable  coumo  un  séquestre. 
Alandat.  —  Alandat  coumo  uno  encluso  ;  —  coumo  un  four. 
Alumat.  —  Alumat  coumo  un  gabèl  ;  —  coumo  un  punch  ou 

brullôu* 
Anant.  —  [Per  trufariè)  Anant  coumo  un  rosse. 
Apetissat*  — Apetissat  coumo  un  segaire. 
Aplatit.  —  Aplatit  coumo  uno  galeto. 
Arnat.  —  Arnat  coumo  un  màntoul  de  cent  ans. 
Arrapa.  —  S'arrapa  coumo  de  moufo  ;  —  coumo  de  muscles. 
Babardeja.  —  Babardeja  coumo  uno  bièlho  pourtièro, 
Balandreja.  —  Se  balandreja  coumo  un  barcot  susTaigo. 
BÊSTio.  —  Bèstio   coumo  trento-sièis  milo  toupis  ;  —  coumo 

las  aurelhos  d'uno  bourrico. 
Bestit.  —  Bestit  d'or  coumo  un  argelat  ;  —  coumo  un  ginèst. 
Babilha.  —  Babilha  coumo  dos  bièlhos  debotos  ;  —  coumo  la 

sounalho. 
BiSATGE.  —  Un  bisatge  coumo  de  teule  picat. 
Blanc.  — Blanc  coumo  un  subre-pelis. 
Boues.  — Uno  boues  coumo  un  chantre  de  catedralo.—  Boues 

restountissento  coumo  un  claroun  que  souno  la  cargo; — 

coumo  la  troumpeto  dal  foc. 
BouLTiJA. —  Boultija  coumo  un  parpalhol  al  tour  dal  calel  ;  — 

coumo  uno  fèlho  d'aubre  al  bent  de  cers. 
BotJMi  ou  GOUMi  coumo  un  gous  empouisounat. 
Brilha.  —  Brilha  coumo  un  astre. 
Brulla.  —  BruUa  coumo  uno  escaufeto  ;  —  coumo  un  encen- 

siè  ;  —  coumo  un  carbou  rousent. 
Cabessairb.  —  Tène  iou  tioul  en  sus  coumo  un  cabessaire. 
Caqueta.  —  Caqueta  coumo  un  parrouquet. 


s 


1^8  Comparaisons  populaires 

Catoulic. —  Catoulic  coumo  lou  Papo. 
CouTÉL-TiRAT.  —  Bioure  à  coutèl-tirat; 

Coumo  gous  amé  gat. 
Crida.—  Crida  coumo  un  estamaire  ;  —  coumo  un  amoulaîre. 
^  Dépendre.  —  Se  défendre  coumo  un  Miquelet. 

Dependut,  —  Defendut  coumo  de  tua  'n  ome  ;  —  coumo  de 
[  caga  al  lèit;  —  coumo  lou  Pater  as  ases. 

DiNTRA. —  Dintra  coumo  un  boulet  de  canou  que  trabèsso  uno 

paret. 
DouRMi^  — Dourmi  coumo  un  bièl  deute. 
*  Dous.  — *  Dous  e  caressant  coumo  un  bentoulet  dal  mes  de 

^  mai.  • 

El.  —  El  berd  coumo  uno  gragûotô. 

EifBÂUMANT.  —  Embaumant  coumo  on  broat  de  Jans^ni  ;  — 

coumo  un  branquil  d'albrespi. 
Empèiregat.  —  Empèiregat  coumo  lou  cami  dal  Paradis. 
Encoumbrat.  —  Encoumbrat  coumo   un  galatas  bourrât   de 
I  trastes . 

Enjauta.  —  S'enjautade  quicon  coumo  un  loup  d'esquilho. 
EscARCALHATS.  —  D'èls  cscarcalhats  coumo  de  tiouls  de  bou- 

telho. 
Escoupi.  —  Escoupi  Taigo  coumo  lou  bourracan  (se  dits  d'un 

ibrougno). 
EscRANCAT.  — Escrancat  coumo  un  A. 
EsPATAT.  —  Espatat  coumo  un  gous  al  soulel  ;  —  coumo   un 

ibrougno  qu'asseco  sa  pèl  ;  —  coumo  un  porc. 
EsPELi.  —  Espeli  facillomen  coumo  la  michanto  grano. 

ESTACAT  ou  BMPEGAT  OU  CRAMPOUNAT   COUmO    FuitrO  al  TOC  ;   — 

coumo  un  emplastre  de  pego  de  Bourgougno  as  rens. 
Fegnant.  —  Fegnant  coumo  un  lausert. 
Fi.  —  Pren  fl  coumo  touto  bouno  causo. 
Fier.  —  Fier  coumo  un  bourgés  decourat  de  fresc. 
Fort.  —  Fort  coumo  Samsou. 
Foundre.  —  Se  foandre  coumo  d'estam  dins  la  padeno  d'un 

estamaire. 
Fresc  b  tendre  coumo  uno  mato  d'erboulat. 
Frisât.  —  Frisât  coumo  un  canich. 
Galinos.  —  Faire  coumo  las  galinos,  qu'en  mai  fa  fred,  en 

mai  beboun.  —  Se  coucha  d'ouro  coumo  las  galinos. 


L 


COMPAtlAtSOKS  POPULAIRES  239 

Grabat*.  —  Grabat  coumo  un  molle  de  curbelet. 

Jaune.  —  Jaune  coumo  un  fiebrous. 

Jura.  —  Jura  coumo  un  marin  engrabat  ;  —  coumo  un  car- 

retiè  enfangat. 

Magre.  —  Magre  coumo  un  fus. 

Malecious  e  RUSAT  coumo  un  bièl  grato-papiès. 

Manja.  —  Manja  coumo  un  alefant.  —  Manja  e  beure  coumo 

un  porc. 

SE  dits: 

Bido  de  porc  :  courte  et  bouno. 

Marrit  ou  doulent  coumo  une  esteringlo. 

Maudit.  —  Maudit  coumo  un  tarif. 

MouRi  ou  s'en  ana  coumo  un  poulet. 

MousiLHA. —  Mousilha  coumo  uno  talpo  ;  —  coumo  un  porc  ; 

—  coumo  uno  trèjo-trufièro. 
Nègre.  —  Nègre  coumo  la  gulo  de  Tinfèr. 
Penche.  —  Crassous  coumo  uno  bièlho  penche  dentegado.  — 

Magre  coumo  uno  penche. 
Fermés.  —  Tout  i'  es  permés  coumo  à-n-un  fat. 
Pbrtout.  —  Se  fourra  pertout  coumo  lou  porc  de  Sant-An- 

tôni. 
Pesoulhous.  —  Pesoulhous  coumo  sant  Labre  ;  —  coumo  un 

bièl  Espagnol. 
Pesuc  e  patut  coumo  un  alefant. 

Plasé. — {Per  trufariè)  Fa  plasé  coumo  la  bisto  d'un  creanciè. 
Poulidouno  b  frbsqueto  coumo  uno  flour  de  mountagno. 
PouTous.  —  De  poutous  toutis  mèl  coumo  lous  de  TAmour. 
PuDENT.  —  Pudent  coumo  un  iôu  estantis. 
Raja.  —  Raja  coumo  uno  gargoulho  ;  —  coumo  un  tioul  de 

pescaire. 
Rebut.  —  Mes  al  rebut  coumo  un  bièl  capèl  crassous. 
Rettb. —  Rette  coumo  uno  barro  ;  —  coumo  uno  entorcho  ; — 

coumo  un  coucaril. 

RouMiA.  —  Roumia  coumo  uno  bièlho  crabo. 

Teta.  —  Teta  coumo  un  budèl  ;  —  coumo  un  cagnot. 

Trima.  —  Trima  coumo  un  bardot. 

Triste.  —  Triste  coumo  un  beu-Fôli. 

A.  MiR. 


LOU   DESTOURBI   DAS  AUCELS 

Souvenença  de  la  Cour  d'Amour  de  1881 

PRESIDADA  PER  MADAMA  GASTOUN  BAZILLE 


L'aucelalha  que  vieu  dins  lou  bos  soulombrous 
Qu'oumbreja  de  Meric  lou  castel  istourique, 
Sauprés  qu'un  jour  d'autouna,  embaimat,  sourelhous, 
Galet,  un  poulit  brieu,  soun  dous  e  bèu  cantique. 
Faliè  be  que  n'  V  aguesse,  amai  n'  i'  aguet  d'espés  ! 
Jujàs  un  p au  :  jamai  lous  braves  aucelets 
Avien  pas  vist  trevà  dins  las  verdas  aleias 
Que  Teste  majourau,  apensit  e  sounjous, 
Roumiant  dins  sa  cabessa  estât,  canaus,  denreias  ; 
Escoutant  sas  cansouns,  acampant  quauquas  flous, 
Per  entremens  cassa  lous  laguis,  las  pensadas, 
Que  de  Tome  d'elei  apoudesoun  lou  front, 
le  vesien  atabé,  sans  pou]  per  sas  nisadas, 
La  bêla  castelana  anant  de  largue  en  long, 
Escampant  en  camin  miquetas  e  granilha 
Que  veniè  bequejà  la  menuda  familha, 

LES  OISEAUX    CONTRARIÉS 
Souvenir  de  la  Cour  d'Âmoiir  de  I881 

QUI  FUT   PRÉSIDÉE  PAR  MADAME   GASTON  BAZILLE 

Les  oiseaux  qui  vivent  dans  le  bois  sombre  —  ombrageant  le  châ- 
teau historique  de  Meric,  —  vous  saurez,  qu'un  jour  d'automne 
embaumé,  plein  de  soleil,  —  [ces  oiseaux,  dis-je]  firent  taire,  un  bon 
moment,  leur  doux  et  beau  cantique. —  Il  fallait  un  motif  bien  grave, 
en  effet. — Jugez  un  peu  :  jamais  les  gentils  petits  oiseaux —  n'avaient 
vu  circuler  dans  les  vertes  allées  —  que  l'hôte  haut  placé,  pensif  et 
rêveur,  —  repassant  dans  sa  tête  état,  canaux,  denrées  ;  —  écoutant 
leurs  chansons,  cueillant  quelque  fleur,  —  pour  chasser  seulement  les 
ennuis,  les  pensées, —  qui  de  l'homme  d'élite  surchargent  le  front.  — 
Ils  y  voyaient  aussi,  sans  crainte  pour  leurs  nichées,  —  la  belle  châ- 
telaine allant  de  long  en  large  —  répandant,  en  chemin,  miettes  et 
graines,  —  que  venait  becqueter  la  mignonne  famille,  —  tout  en  vol- 


LOU   DESTOURBI   DAS  AUCELS  241 

Tout  en  voulastrejant,  en  foga,  à  soun  entour  ; 

E  pioi  quauques  amies,  d'aqueles  que  toujour 

Se  sarra  embé  plasé  la  man  fina  ou  rustassa. 

Quand,  un  bèu  jour,  s'alanda  en  plen  lou  grand  pourtau, 

Una  frapa  de  mounde  intra  e  per  tout  s'espassa, 

S'esclamant  chaca  fes  e  de  joia  e  de  gau: 

De  qu'es  ioi?  Ounte  vai  aquela  escoudriada? 

Jamai  s'era  pas  vist  foula  tant  mirgalhada  ! 

Ta  de  viels,  de  barbêus,  de  drolles,  de  jouvents, 

De  damas  de  la  granda,  avenentas  e  bêlas  ; 

E  tout,  barbèus  e  viels,  jouvenets,  jouvenelas, 

Vagoun  per  lous  carraus,  allègres  e  brusents. 

Mais,  dau  tems  que  lou  bos  ressountis  de  sa  joia, 

L'esfrai  vai  se  cabl  dins  Taubran,  jout  la  fiolha  : 

Un  crenls  per  sa  vida,  un  autre  per  soun  nis, 

L'autre  per  sous  nistouns,  tout  escàs  abarits; 

Talament  que,  calant  soun  galoi  roumanage, 

Cadun  s'aclata,  mute  siau,  dins  lou  brancage. 

Pamens,  à  bêles  paus,  lous  destourbaires  van, 

Toutes  entre-foulits,  s'arrambà  sus  lou  plan 

Ounte  lou  castelàs  doubris  sas  grands  intradas  : 

Set  damas  en  miech  eeucle,  aqui,  soun  assetadas, 

Caduna  à  soun  constat  soun  umil  servitou. 

tigeant,  empressée,  autour  d'elle  ;  —  et  puis,  quelques  amis,  de  ceux 
dont  toujours  —  on  serre  avec  plaisir  la  main  fine  ou  calleuse.  — 
Quand,  un  beau  jour,  le  grand  portail  s*ouvre  à  deux  battants; —  une 
foule  de  gens  entrent  et  se  répandent  partout,  —  éclatant  à  chaque 
pas  dejoie  et  de  plaisir. —  Qu'est-ce  aujourd'hui?  Où  va  cette  troupe? 
—  Jamais  on  n'avait  vu  foule  si  mêlée!  —  Il  y  en  avait  de  vieux,  de 
jeunes  ;  il  y  avait  des  enfants,  des  jouvenceaux,  —  des  dames  du  grand 
monde,  gracieuses  et  belles  ;  —  et  tous,  jeunes  et  vieux,  jeunes  hom- 
mes, jeunes  filles,  —  errent  par  les  sentiers,  réjouis  et  bruyants.  — 
Mais,  tandis  que  le  bois  retentit  de  leur  joie,  —  l'effroi  va  se  nicher 
dans  les  arbres,  sous  la  feuillée.  —  L'un  craint  pour  sa  vie,  un  autre 
pour  son  nid,  —  l'autre  pour  ses  pefits  à  peine  élevés  ;  —  à  tel  point 
que,  cessant  leurs  joyeux  ébats,—  chacun  se  tapit,  silencieux  et  muet, 
dans  les  branches. — Cependant,  petit  à  petit,  les  trouble-fête  vont  — 
s'assembler,  sémillants,  sur  la  place  où  le  château  ouvre  ses  grandes 
entrées  :  —  sept  dames,  en  demi-cercle,  sont  là,  assises,  —  chacune 

18 


ut  LOtt  DBStOUtlBI  DAS  AÛCEtÔ 

Au  mitan  d'aquel  round  s'avansa  un  auratou 
Que  fai  un  grand  discour,  e  las  mans  aplaudissoun  ; 
Un  autre  dis  de  vers,  lous  bravos  esclafissoun  ; 
E  lou  diseire  vai,  esmougut,  tremoulant, 
Per  reçaupre  soun  près  davanslamajourala, 
Qu'embé  gaubi  T  adus  un  bèu  grelhou  de  ram. 
E  toujour  lous  aucèls  restoun  muts  dins  Taubran. 
Tout  d'un  cop,  dins  lou  siau,  un  cascal  de  cigala 
Espeta,  e  la  segaira,  en  soun  parla  brusent, 
le  fai  :  —  «  Perque  calas  voste  cant  tant  plasent  ? 
Touta  la  gent  d'aqul  de  vautres  soun  aimaires; 
Lous  counouisse  de  longa,  aco  soun  mous  cantaires, 
Abrivats  de  tout  caire  en  aqueste  grantjour. 
Pas  pôu,  braves  amies,  aco  's  la  Cour  d'Amour  !  » 
0  jour  de  Dieu  !  Tant  lèu  ausi  'questa  paraula, 
E  lou  cant  das  aueels,  e  lou  dous  parauli 
E  lous  verses,  ensem  se  mescloun,  se  seguissoun, 
E  lou  bos  trementis  de  las  mans  qu' aplaudissoun. 
Aco  duret,  duret  jusquas  à  nioch-falit*. 

A.  Langlade. 

à  son  côté  son  humble  serviteur.  —  Au  milieu  du  cercle  s'avance  un 
orateur  —  qui  fait  un  grand  discours,  et  les  mains  applaudissent.  — 
Un  autre  dit  des  vers,  et  les  bravos  éclatent  ;  —  et  le  diseur  va,  ému, 
tremblant, —  recevoir  son  prix,  devant  la  présidente,  —  qui  lui  donne 
gracieusement  une  belle  tige  de  laurier. — Et  les  oiseaux  restent  tou- 
jours muets  dans  les  arbres. — Tout  à  coup,  dans  le  silence,  un  chant 
de  cigale  —  éclate,  et  la  moissonnei^se,  en  son  bruyant  langage^  — 
leur  dit  :  «  Pourquoi  cessez-vous  votre  chant  si  doux  ?  —  Tous  ceux 
qui  sont  là  vous  aiment  ;  —  je  les  connais  depuis  longtemps.  Ce  sont 
mes  chanteurs, —  accourus  de  tout  côté  en  ce  grand  jour  !  —  Ne  crai- 
gnez rien,  mes  bons  amis,  c'est  la  Cour  d'Amour.  »  —  0  jour  de  Dieu  ! 
aussitôt  cette  parole  entendue,  —  plus  fort  que  jamais  le  gazouille- 
ment se  déchaîne  ;  —  et  le  chant  des  oiseaux,  et  le  doux  langage,  — 
et  les  vers,  se  mêlent  ensemble,  se  suivent,  —  et  le  bois  est  ébranlé 
des  mains  qui  applaudissent. —  Cela  dura,  dura  jusqu'à  la  nuit  close. 

A.  Langlade. 

*  Languedocien  (Lansargues  (Hérault)  et  ses  environs).  Orthographe  mont* 
pelliéraioe* 


ALARÎC 

Grisas,  escalaïrous,  rufant  sa  forto  croupo, 
Retipo  le  Sant-Loup  e  porto,  pla  'spandit, 
Le  noum  fer  del  rei  got.  De  legendos  s'estroupo. 
Que  s'ausis  d'Alairac  e  Miramont  qu'a  dit? 

Alaric  dous  levet  tourres  à  flero  coupo 
A-n-aquelis  endreits  ount  se  sariô  brandit 
Dambe  V  Franc  per  toumba  mort  al  miei  de  sa  troupo, 
Ount  i  aviô  d'or  qu'à  Roumo  amanadet  l'Ardit. 

Aquel  mount  courbierenc  fousquet  d'uno  cadeno 
Menant,  per  Sant-Chinia,  d'en  Albero  en  Ceveno. 
Vuei,  sus  Aude,  aquital,  soulet,  a  l'acrin  naut. 

Cado  joun  ven  doumege.  Adieu  la  salvagiso  I 
De  Flouro  à  Mous,  se  vei,  plenis  de  galhardiso, 
Gausaires,  de  plantiès  vous  le  prene  d'assaut \ 

A.  FOURÉS. 

ALARIC 

D'un  gris  sombre,  escarpé,  ridant  sa  forte  croupe,  —  il  ressemble 
au  Saint- Loup2,  et  porte,  bien  étendu,  —  le  nom  sauvage  du  roi  goth. 
Il  s'enveloppe  de  légendes.  —  Qu'ouït-on  d'Alairac  '  et  qu'a  dit  Mi- 
ramont *  ? 

Alaric  II  dressa  des  tours  à  fière  mine  ^  —  en  ces  endroits  où  il  se 
serait  battu  —  contre  le  Frank,  pour  tomber  mort  au  milieu  de  sa 
troupe  **,  —  où  il  avait  mis  de  l'or  qu'à  Rome  empoigna  le  Hardi  ^ . 

Ce  mont  des  Corbières  fit  partie  d'une  chaîne  -;-  conduisant,  par 
Saint-Chinian,  des  Pyrénées  aux  Cévennes. —  Aujourd'hui,  au-dessus 
de  l'Aude,  là,  tout  seul,  il  a  la  cime  haute. 

Un  peu  tous  les  jours,  il  devient  moins  âpre.  Adieu  la  sauvagerie! 
—  De  Floure  à  Moux  *  on  voit,  pleines  de  vigueur  —  et  d'audace  des 
plantations  [de  vigne]  prendre  [Alaric]  d'assaut. 

A.   FOURÈS. 

*  Languedocien  de  Castelnaudary.  Orthographe  montpelUéraine. 

^  Pic  Saint-Loup  (Hérault).  — 3  Alairac,  canton  de  Montréal  (Aude).  — 
*  Miramont,  nom  porté  par  TAlaric.  —  *  On  assure  qu'Alaric  II  bâtit  deux 
forts  dans  les  environs  de  Carcassonne.  L'un  porte  aujourd'hui  le  nom  d'Alai- 
rac, l'autre  donne  son  nom  à  la  montagne  d'Alaric.  — 6  Mais  ce  que  l'on  dit 
sur  la  mort  d'Alaric  et  la  bataille  qu'il  aurait  livrée  auprès  de  la  montagne  où 
est  situé  Miramont  ne  mérite  aucune  créance.— ^  Surnom  d' Alaric  1er.  —  »  Vil- 
lages du  canton  de  Capendu. 


BONUR  DE  FAMIHa 

Sestino 

A  MOUN  AMI   P.    B, 

Uno  femo,  d'enfant,  de  bons  ami,  de  ]ibre, 
La  santa,  lou  travai  e  Tamour  dôu  bon  Dieu, 
Vaqui  tout  ço  que  fau  au  bonur  d'un  felibre. 

(Louis  ROUMIBDZ  ) 


Lou  bon  Dieu  t'a  douna  gento  e  bravo  famiho, 
Unofemo,  unofiho,  e  babeto  e  poutoun  ; 
E,  quand  Taueelounet  canto  dins  la  ramiho, 
Que  la  flour  s'espelis  e  que  lou  soulèu  briho 
Subre  l'acria  di  mourre,  i  draio  dou  valoun, 
Ami,  podes  canta  ti  plus  bèlli  cansoun  ! 

Canto,  canto  toujour,  ti  plus  bèlli  cansoun 
Au  fougau  amistous,  Tiver  dins  la  famiho, 
Long  dôu  camin  Testiéu,  quand  vas  dins  lou  valoun 
Veire  li  parpaioun  que  se  fan  de  poutoun 

BONHEUR  DE  FAMILLE 
Siztine 

A  MON   AMI   P.    B. 

Une  femme,  un  enfant,  de  bons  amis,  des  livres,  •—  la 
santé,  le  travail  et  l'amour  du  bon  Dieu,  —  voilà  tout  ce 
qu'il  faut  au  bonheur  d'un  félibre, 

(Louis  RouMiEux.) 

Le  bon  Dieu  t'a  donné  une  sage  et  charmante  famille, —  une  femme, 
une  fille,  et  caresses  et  baisers; — et,  lorsque  l'oiselet  chante  dans  les 
ramures,  —  que  la  fleur  s'ouvre  et  que  le  soleil  brille,  —  sur  le  som- 
met des  rochers,  sur  les  sentiers  du  vallon,  —  ami,  tu  peux  chanter 
tes  chansons  les  plus  belles  ! 

Chante,  chante  toujours  tes  chansons  les  plus  belles  —  au  coin  de 
l'amical  foyer,  l'hiver  parmi  ta  famille  ;  —  le  long  du  chemin,  l'été, 
lorsque  tu  vas  dans  le  vallon  —  regarder  les  papillons  qui  se  font  des 


BONUR  DE  FAMIHO  245 

Sus  la  roso  au  matin,  e  que  Teigagno  briho 
En  perlo  de  cristau  sus  la  verdo  ramiho. 

Dins  un  pantai  d* amour  souto  aquelo  ramiho 
Ai  pieutéja  souvent  mi  pichôti  cansoun, 
L'aubo,Çla  mar,  lou  cèu  e  restello  que  briho, 
L'enfantounet  au  brès,  la  maire  de  famiho 
Que  lou  prend  dins  si  bras  e  ie  fai  de  poutoun, 
Lou  murmur  de  Taureto  e  Tecô  dôu  valoun, 

Gai  oambarado,  eici,  nouni'a  de  fres  valoun  ; 
Fa  pas  d'aubrage  espès  ni  de  verdi  ramiho, 
Ounte  lis  amourous  se  fagon  de  poutoun, 
En  ausiguent  de  liuen  li  poulidi  cansoun 
Dôu  tendre  aucelounet,  à  Tescart  di  famiho. 
Mai  soulamen  la  mar,  qu'i  rai  dou  soulèu  briho. 

Lou  calabrun  fugis,  adeja  Vesper  briho; 
La  niue,  la  negro  niue  acato  li  valoun. 
L'ourfanèu,  sens  esper,  pantaio  sa  famiho, 
E  li  roussignoulet  i  branco  di  ramiho 
Fan  esclanti  sa  voues  e  si  doùci  cansoun  ; 
E  iéu  pleure  à  Mario  e  ploure  si  poutoun  I 

baisers  —  sur  la  rose  matinale,  et  que  la  rosée  brille  —  en  perles  de 
cristal  sur  la  verte  ramure . 

Dans  un  rêve  d'amour,  sous  cette  branche,  —  ami,  j'ai  souvent  ré- 
pété mes  humbles  chansons,  —  l'aurore,  la  mer,  le  ciel  et  l'étoile  qui 
brille,  —  le  petit  enfant  au  berceau,  —  la  mère  de  famille  —  qui  le 
prend  dans  ses  bras  et  lui  fait  des  baisers,  —  le  murmure  du  vent  et 
récho  du  vallon. 

Gai  camarade,  il  n'y  a  pas  ici  de  frais  vallon*;  —  il  n'y  a  pas  de  bois 
épais  et  de  vertes  branches,  —  où  les  amoureux  se  fassent  des  bai- 
sers,—  en  écoutant  de  loin  les  jolies  chansons  —  des  petits  oiseaux,  à 
l'écart  de  leur  famille,  —  mais  il  y  a  seulement  la  mer,  qui  brille  sous 
les  rayons  du  soleil. 

Le  crépuscule  fuit.  Vesper  brille  déjà  ;  -—  la  nuit,  la  noire   nuit 

cache  la  vallée. —  L'orphelin  sans  espoir  rêve  de  sa  famille, et  les 

petits  rossignols  aux  branches  des  arbres  —  font  entendre  leur  voix 
et  leurs  douces  chansons  ;  —  et  moi,  je'pleure  à  Marie  et  je  pleure 
ses  baisers  ! 

<  y  auteur  veut  parler  de  Cette , 


246  BOî^UR  DE  FAMIHO 

Quand  la  Muso  vendra  per  te  faire  un  poutoun, 
A  Touro  que  la  luno  emé  si  bano  briho, 
Prend  de  plus  fort  la  lire  e  canto  ti  cansoun. 
Ta  pensa  do  anara  de  valoun  en  valoun 
Cerqua  li  poulit  vers  au  founs  de  la  ramiho 
Pèr  n'en  faire  un  bouquet  pèr  tu  'mai  ta  famiho. 

Adieu,  famiho  !  adieu,  lou  bèu  tems  di  poutoun  ! 
Ramiho  amourousido,  aigo  dôu  riéu  que  briho, 
Valoun  ounte  ai  canta  mi  proumièri  cansoun  ^  ! 

V.  Rettnbr. 

« 

Quand  la  muse  viendra  pour  te  faire  un  baiser,  —  à  J'heure  où  la 

lune  fait  briller  son  croissant,  —  prends  de  plus  fort  la  lyre  et  chante 

tes  chansons.  —  Ta  pensée  s'en  ira  de  vallée  en  vallée  —  chercher 

les  vers  aimables  au  fond  des  bois,  —  afin  d'en  faii'e  un  bouquet  pour 

toi  et  ta  famille. 

Adieu,  famille  !  adieu,  le  beau  temps  des  baisers  !  —  adieu,  branches 

amoureuses,  eau  du  ruisseau  qui  brille,  —  vallée  où  j'ai  chanté  mes 

premières  chansons  ! 

V.  Rettner. 

*  Provençal  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône).  Orthographe   des  félibres 
d'Avignon. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  Correspondants  de  Peiresc—  Kl.  Jean-Jacques  Bouchard.  Lettres 
inédites,  écrites  de  Rome  à  Peiresc  (1633-1637),  publiées  avec  notes  par 
Philippe  Tamizey  de  Larroque.  (Paris,  Picard,  1881). —  IV.  Joseph  Gaultier, 
prieur  de  la  Valette.  Lettres  inédites,  écrites  d'Aix,  à  Peiresc,  de  1609  à 
1632,  publiées  et  annotées  par  le  même.  (Aix,  Marins  Illy,  1881).— V.  Claude 
de  Saumaise.  Lettres  inédites,  publiées  avec  avertissement,  notes  et  appen- 
dice, par  le  même.  (Dijon,  imprimerie  Darantière,  1882). 

On  sait  que  M.  Tamizey  de  Larroque  prépare,  depuis  plusieurs  an- 
nées, la  publication  de  la  correspondance  de  Peiresc,  rude  labeur  qu'un 
travailleur  aussi  intrépide  et  aussi  solidement  armé  pouvait  seul  entre- 
prendre. En  même  temps  qu'il  transcrit,  dans  les  différentes  bibliothè- 
ques où  elles  sont  disséminées,  Paris,  Aix,  Carpentras,  Montpellier,  etc., 
les  lettres  de  Tillustre  savant,  M .  Tamizey  de  Larroque  recueille  et 
publie,  à  mesure,  celles  de  ses  correspondants  qu'il  rencontre  et  qui 
lui  paraissent  offrir  de  l'intérêt  pour  l'histoire  de  la  littérature  ou  des 
sciences.  Cinq  fascicules  de  cette  collection  ont  été  jusqu'aujourd'hui 
mis  au  jour.  J'ai  rendu  compte  du  second  (Lettres  inédites  de  César 
Nostradamus)  dans  un  précédent  n°  de  la  Bévue*.  Ceux  dont  le  titre 
figure  en  tête  de  cet  article  se  font  remarquer,  comme  les  précédents 
et  comme,  au  reste,  toutes  les  publications  de  M. T.  de  L.,  par  l'abon- 
dance, l'érudition  et  la  sûreté  du  commentaire.  Quant  au  texte,  le  n°  4, 
bien  qu'il  n'y  soit  question  que  d'astronomie,  doit  être  signalé  ici  comme 
of&ant  un  intérêt  particulier  aux  romanistes.  Joseph  Gaultier  était  Pro- 
vençal, et  le  français  sous  sa  plume  se  déforme  plus  sensiblement  que 
sous  celle  d'aucun  de  ses  compatriotes  du  même  temps .  Il  est  curieux 
de  noter  dans  ses  lettres  lés  provençalismes  dont  elles  sont  émaillées. 
Je  relèverai  seulement  jpna;  fait  (p.  33)  au  sens  de  travail  (prov./Tre- 
fach):  €  Et  par  conséquent  M.  Morin  ne  sera  pas  sans  gros  prix  fait, 
nous  voulant  demonstrer  la  vérité  de  son  astrologie  judiciaire.» 

Le  n°  3  (Lettres  de  Bouchard)  présente  moins  d'intérêt  pour  la  phi- 
lologie romane';  mais  la  variété  des  sujets  traités  et  les  renseigne- 
ments qu'on  y  trouve  sur  divers  personnages  contemporains  lui  don- 


*  T.  XIX,  p.  95. 

^  Je  relèverai  pourtant  ce  trait  de  syntaxe:  «  Nous  ne  sommes  encore  peu 
rencontrer  ensemble  »,  dont  je  ne  connaissais  pas  d'exemple  aussi  récent. 
Bouchard  était  Parisien.  Cf.  Revue,  XYIII,  198,  1.  6  et  suivantes. 


2  iS  BIBLIOGRAPHIE 

nent,  comme  document  pour  la  biographie  de^Peiresc  et  l'hitoire  litté- 
raire, un  prix  supérieur,  malgré  l'indignité  de  l'auteur,  l'un  deshommes 
les  plus  méprisables  de  son  temps. 

Avec  le  n°  6,  nous  retrouvons  un  honnête  honmie,  qui  fut  aussi  un 
homme  illustre,  Claude  de  Saumaise .  Les  lettres  écrites  à  Peiresc  par 
ce  célèbre  érudit  ont  trait  à  la  philologie  ancienne  (grecque,  latine  ou 
orientale);  il  y  est  surtout  question  des  traités  grecs  et  latins  sur  la 
tactique.  A  la  suite,  M.  T.  de  L.  a  donné  en  appendice  vingt  et  une 
lettres  du  même  à  Jacques  du  Puy,  qui  sont  d'un  intérêt  plus  général  ; 
l'homme  s'y  montre  davantage  ;  les  détails  piquants  y  abondent,  ce  Si 
les  lettres  à  Peiresc  ï,  dit  très- justement,  dans  l'introduction,  le  sa- 
vant éditeur,  ce  semblent  ne  devoir  être  goûtées  que  par  des  initiés,  en 
revanche  les  lettres  à  Jacques  du  Puy,  qui  peuvent,  en  grande  partie, 
être  considérées  comme  des  fragments  d'une  attachante  autobiogra- 
phie, plairont  aux  plus  profanes  lecteurs,  d  Je  signalerai  en  particu- 
cuher  la  lettre  XVIII  et  le  très-curieux  récit  qui  la  remplit.  On  y 
verra  à  quelles  mésaventures  pouvait  être  exposé,  en  l'an  de  grâce 
1637,  un  honnête  Français  voyageant  en  Hollande. 

En  terminant  ce  compte  rendu,  mentionnons  une  autre  et  toute  ré- 
cente publication  de  M.  T.  de  L.,  Lettres  inédites  de  quelques  oratoriens 
(Paris,  Poussielgue  frères,  1883).  Parmi  ces  lettres,  adressées, —  moins 
la  dernière,  —  à  Louis  Thomassin  de  Mazaugues,  il  y  en  a  une,  la 
cinquième,  qu'il  convient  de  signaler  à  ceux  de  nos  lecteurs  qui  s'oc- 
cupent de  bibliographie  provençale.  Le  P.  Lelong  y  démande  à  M.  de 
Mazaugues  des  renseignements  sur  la  version  du  Nouvep,u  Testament 
ce  en  langue  vulgaire  provençale  d  que  celui-ci  venait  d'acquérir,  et 
qui  est  aujourd'hui  conservée  à  la  bibliothèque  de  Carpentras.  La  ré- 
ponse de  Mazaugues  se  trouve,  au  moins  en  substance,  dans  la  Bi- 
hliotheca  sacra  du  P.  Lelong,  p.  369. 

C.  C. 


PÉRIODIQUES 


Bulletins  de  la  Société  d^anthropoloiTi®  de  Paris,  3«  série, 
II,  1879.  — P.  22-5,  P.  Broca,  Sur  une  carte  de  la  langue  bretonne  de 
M,  Mauricet.  Au  moyen  de  VOrdo  du  Morbihan,  le  docteur  Alphonse 
Mauricet  (de  Vannes)  indique  sur  cette  carte  manuscrite  la  délimita- 
tion du  breton  et  du  français  en  1800  et  en  1878  ;  pour  les  Côtes-du- 
Nord,  il  indique  seulement  la  limite  actuelle.  La  communication  du 
docteur  Broca  est  suivie  d'observations  de  MM.  Henri  Martin,  Hal- 
léguen,  Mortillet.  Gustave  Lagneau  et  Broca  (p.  25-31).  A  la  séance 
suivante  de  la  Société  d'anthropologie,  M.  G.  de  Mortillet  a  présenté 
une  carte  manuscrite  de  M.  Micault  pour  les  Côtes-du-Nord  (p.  31-2); 
elle  est  dressée,  non  pas  d'après  VOrdo,  qui  n'indique  pas  en  quelle 
langue  on  prêche  dans  chaque  commune,  mais  d'après  les  renseigne- 
ments de  cette  nature  qui  existent  en  manuscrit  à  Tévêché  de  Saint- 
Brieuc.  En  somme,  on  a  maintenant,  après  les  cartes  ou  les  travaux 
de  MM.  Aurélién  de  Courson,  Hersart  de  la  Villemarqué,  Guibert, 
Broca,  Sébillot,  Mauricet,  Micault  et  autres,  de  bons  éléments  pour 
faire  graver  une  carte  linguistique  de  la  Bretagne.  Les  éditeurs  et  les 
cartographes  français  attendront-ils  qu'elle  leur  vienne  d'Allemagne? 

P.  68-69.  M.  Abel  Hovelacque  présente  une  carte,  dressée  par  lui, 
de  la  limite  septentrionale  du  catalan.  En  allant  de  l'est  à  l'ouest,  les 
dernières  localités  catalanes  sont  :  Salces,  Opoul,  Perillos,  Vingrau, 
Tautavel,  Estagel,  Montner,  Neffiach,  Ille,  Rodés,  Vinça,  Arboussols, 
Cornes,  Molitg,  Mosset,  Odeillo,  Puyvalador,  Ruitor,  Porté.  Les  der- 
nières localités  de  la  langue  d'oc  sont,  également  de  l'est  à  l'ouest, 
Leucate,  Fitou,  Embres,  Paziols,  la  Tour-de-France,  Belesta  de  la  fron- 
tière, Montalba,  Tarerach,  Campoussy,  Monf ort,  Counozouls,  Quérigut, 
Orlu,  Mérens,  l'Hospitalet.  M.  Hovelacque  dit  n'avoir  pas  eu  de  nom- 
breuses difficultés  de  détail,  comme  il  en  a  éprouvé  en  dressant  la  carte 
de  délimitation  du  niçard  et  du  génois.  Il  est  à  désirer  que  ces  deux 
cartes  soient  publiées. 

P/ 164-9.  Le  Culte  des  pierres  dans  les  Pyrénées  (pays  deLuchon), 
par  M.  Julien  Sacaze.  Cette  communication  fait,  en  partie,  double  em- 
ploi avec  la  note  sur  la  montagne  d'Espiaup  que  M.  Julien  Sacaze,  en 
collaboration  avec  M.  Edouard  Piette,  avait  déjà  fait  insérer  dans  les 
Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie  de  1877  (p.  245-251).  Les  deux 
articles  réunis,  par  les  détails  qu'ils  donnent  sur  le  culte  des  phallus 
mégalithiques,  des  pierres  et  des  sources  sacrées,  sont  des  plus  inté- 
ressants pour  les  personnes  c^vâ  étudient  la  mythologie  populaire  ;  en 


150  PÉRIODIQUEB 

même  tempe,  comme  ils  eont  entremêlés  de  mots  et  de  phrases  lo- 
cales, ils  ajoutent  par  surcroît  à  nos  connaissances  sur  la  topographie 
de  Farticle  gascon  et,  era. 

Cet  article,  employé  partiellement  dans  les  Basses  et  les  Hautes- 
P^énées,  ainsi  que  dans  la  région  gasconne  de  la  Haute-Garonne  et 
de  TAriége,  a  été  signalé  par  MM.  Lespy  (1858-1876),  Cénac-Moncaut 
(1863),  G.  Azaïs  (1878-1879),  Luchaire  (1878),  Banquier  (Romania, 
janvier  1879,  p.  118  en  note),  et,  antérieurement  à  ces  trois  derniers, 
par  André  Lefèvre  (Essais  de  critique  générale.  Études  de  linguistique 
et  de  philologie,  Paris,  1877.)  (Voir  dans  ce  livre  le  chapitre  sur  le  bi- 
gourdan,  qui  date  de  1864). 

Tous  les  lecteurs  de  la  Revue  des  langues  romanes  connaissent  le 
mémoire  de  M.  Alphonse  Roque-Ferrier  sur  les  Vestiges  d'un  article 
archaïque  roman  (3e  série,  II,  1879,  p.  114-138  ;  3e  série,  III.  1880, 
p.  145-147;  3«  série,  IV,  1880,  p.  40-41).  Ce  travail  fort  suggestif  sera 
continué  ;  mais,  pour  le  moment,  à  Texception  du  roman  gascon,  où 
nous  reconnaissons  avec  Fauteur  la  présence  de  l'article  et,  era,  ex- 
clusion faite  du  catalan,  dont  nous  ne  voulons  pas  parler,  il  nous  est 
impossible  d'admettre  Fezistence  de  Farticle  el  en  languedocien,  pro- 
vençal, niçard  et  tous  les  autres  dialectes  de  la  langue  d'oc  ;  nous  ne 
le  voyons  dans  aucun  des  exemples  cités,  sauf  un  (celui  de  D'Hombrea 
Firmas);  si  elae  trouvait  dans  le  génitif  del  et  le  datif  al  (qui,  d'après 
M.  Roque-Ferrier,  =  de  el,  à  eZ),  loin  de  le  dire  archaïque  et  d'en  si- 
gnaler les  vestiges t  il  faudrait  au  contraire  proclamer  que  cet  ar- 
ticle, vivant  et  bien  vivant,  s'emploie  exclusivement  à  tous  les  cas 
dans  quelques  pays  gascons  (et,  det,  at)^  et  que  dans  tous  les  autres 
patois  indistinctement,  au  moins  pour  le  masculin,  il  partage  l'empire 
avec  l'article  lou  ou  le:  celui-ci  se  réservant  le  nominatif  et  l'accusa- 
tif, celui-là  étant  obligatoire  au  génitif  ou  au  datif.  Que  le  lecteur  et 
M.  Roque-Ferrier  lui-même  veuillent  bien  pardonner  cette  digression. 
La  question  est  fort  importante  en  théorie  et  en  pratique  ;  si  la  So- 
ciété des  langues  romanes  admet  le  système  de  son  ingénieux  et  très- 
érudit  secrétaire,  il  convient,  sous  peine  de  solécisme,  de  changer  For- 
thographe  des  félibres,  celle  de  Montpellier  et  celle  de  Béziers*. 

Pour  en  revenir  aux  Bulletins  de  la  Société  d* anthropologie,  on  y 
voit  que,  dans  la  partie  gasconne  de  la  Haute-Garonne,  à  Luchon,  à 
la  Billière,  à  Saint-Aventin,  à  Poubeau,  à  Bourg -d'Oueil,  &  Jurvielle, 
à  Maylin,  à  Benqué,  et,  en  somme  (à  en  juger  par  ces  deux  articles  et 


*  La  deuxième  partie  de  mon  travail  sur  l'article  el  et  ses  variantes  dialec- 
tales a/,  au,  du,  etc.,  essayera  de  répondre  aux  divers  desiderata  soulevés 
par  le  savant  et  regretté  Joseph  Bauquier.  (A.  R.-F.) 


PBRIODIQUBS  m 

par  celui  de  M.  Roque-Ferrier,  i?6v.  des  Lr.,  3«  série,  III,  p.  145-146), 
dans  toute  la  vallée  du  Larboust,  Farticle  est  constitué  de  la  façon 
suivante  : 

ET,  devant  c*,  1 

'T  après  une  voyelle',  >  ÉRA  **. 

ÉCH  devant  h»,  | 

D'ÉT  devant  t*,  b",  c»,  m^,  p», > 

D'ÉCH  devant  a»,  M«,         '  '  '}  D'ERA^. 

AT  devant  b**  m  *t,  .      ^ 


AC  devant  c  **, 

ES*». 
DESW. 

09 


\ 


L'article  appuyé  féminin  singulier  est  ENA  **;  au  pluriel,  on  a  pour 
les  deux  genres  ENES*^.  Le  pronom  féminin  de  la  troisième  personne 
est  LA20. 

J.  Bauquieb. 


*  Bulletins,  1877,  pp.  247,  249. 
^  Couma't  pecatyR,-F.t  146. 
»  Bull.,  1879,  164. 
*R.-F.,  146. 

6  BulL,  1877,  247. 

•  BulL,  1877,  247. 
^  Bull.,  1877,  250. 
8  Bull.,  1879,  164. 
»  Bull,,  1879,  164. 
*•  Bull.,  1877,  249. 

**  R.-F.,  146.  On  trouve  AL  dans  la  locution  toute  faite  ii//oc  de  (au  lieu 
de),  R.-F.,  146. 

«^  Bull.,  1877,  238,  et  1879,  167. 

»»  Bull.,  1877,  247. 

»^  R.-F.,  146.  —  Bull.,  1877,  242,  245,  247,  et  1879,  164,  167. 

»*  R.-F.,  146. 

'«  R.-F.,  146.  -  Bull.,  1877,  242,  249,  232. 

"  R.-F.,  146.  —  Bull.,  1877,  227,  250,  et  1879,  165. 

«8  R.-F.,  156.  —  Bull.,  1877,  245. 

»9  R.-F.  et  Bw//. 

'•  R.-F.,  146.—  Bull.,  1877,  242,  et  1879, 167. 


LE  PROGRAMME 

DE  LA.   MAINTENANCE   LANGUEDOCIENNE  DU  FÉLIBRIGE 


La  Félibrée  annuelle  de  la  Maintenance  de  Languedoc  a  eu  lieu, 
à  Montpellier,  le  lundi  de  la  Pentecôte  (14  mai),  sous  la  présidence 
de  M.  Camille  Laforgue.  Nous  détachons  de  VAssabé,  qui  avait  été 
distribué  aux  membres  du  Félibrige,  le  programme  des  sujets  mis  au 
Concours  de  l'année  1883.  Trois  d'entre  eux  :  le  troisième  (Essai  sur 
les  jeux  populaires  de  Gignac,  Béziers,  Mèze,  etc.),  le  quatrième  (Dé- 
limitation du  provençal  de  Languedoc),  le  cinquième  (Recueil  de  con- 
tes), n'ont  été  l'objet  d'aucun  envoi  et  s'ajouteront,  par  conséquent, 
au  programme  de  l'année  1884. 


Le  Prix  de  la  Reine  sera  décerné  à  la  meilleure  œuvre  en  vers  pro- 
vençaux ou  languedociens,  composée  par  une  fename,  sur  un  sujet 
appartenant  au  passé  de  l'histoire  politique,  littéraire  ou  légendaire  de 
la  (Race  latine. 

Les  sept  prix  seront  donnés:  le  premier,  à  la  meilleure  traduction, 
dans  un  des  dialectes  méridionaux,  soit  d'un  ouvrage  écrit  en  roumain 
ou  par  un  Roumain,  soit  d'un  choix  de  textes  historiques,  littéraires  ou 
scientifiques,  appartenant  à  la  langue  roumaine . 

Si  les  textes  traduits  n'ont  pas  encore  été  publiés,  l'auteur  devra  lea 
placer  en  face  de  sa  traduction  ;  dans  le  cas  contraire,  il  aura  seule- 
ment à  faire  connaître  l'édition  ou  la  publication  qu'il  aura  suivie. 

Le  second,  à  lameilleure  imitation  ouàla  meilleure  traduction  en  vers 
d'une  ou  de  plusieurs  oeuvres  dramatiques,  choisies,  soit  dans  le  théâtre 
roumain,  soit  dans  les  théâtres  espagnol  (période  de  Lope  de  Vega  à 
Calderon)  ou  catalan,  soit  dans  le  théâtre  français  de  la  seconde  moi-- 
tié  du  XVIIe  siècle. 

En  aucun  cas,  les  œuvres  traduites  ou  imitées  ne  pourront  dépasser 
le  nombre  de  trois. 

Le  troisième,  à  l'étude  de  quelques-uns  des  jeux  et  des  divertisse- 
ments populaires  du  bas  Languedoc  (Sirmebelet  et  Ane  de  Gignac  *, 

'  Voyez  Damase  Arbaud,  Chants  pop»  de  la  Provence,  tom.  II,  pag.  184, 
une  version  provençale  des  vers  de  la  danse  des  Soufflets,  laquelle  est 
très-connue  à  Gignac,  Caerroont  (Héniult),  Uzès  (Gard),  etc, 


!^53  t>ROaRAMliiË 

Roumani  et  Chameau  de  Béziers  *,  Bœuf  de  Mèze  *,  Loup  de  Lou- 
pian^,  Poulain  de  Pézenas,  Foc^  deCapestang  *,  et  autres  analogues. 

L'auteur  devra  surtout  recueillir  les  traditions  populaires  ou  super- 
stitieuses, les  dictons,  proverbes  ou  chants  locaux,  qui  se  rattachent  à 
ces  fêtes  et  à  leurs  animaux  symboliques. 

Toutes  les  fois  que  cela  sera  possible,  la  notation  musicale  de  ces 
chants  devra  être  donnée  en  appendice. 

Le  quatrième,  à  la  délimitation  du  dialecte  provençal  ^  parlé  sur  la 
rive  languedocienne  du  Rhône,  où  il  englobe  les  populations  de  Vau- 
vert,  Nimes,  Remoulins,  Connaux,  Bagnols,  Pont- Saint-Esprit,  Bourg- 
Saint- Andéol,  etc. 

Cette  étude,  qui,  au  besoin,  pourra  être  bornée  à  une  partie  seule- 
ment des  départements  du  Gard  ou  de  TArdèche,  devra  être  complétée 
au  moyen  d'une  version  de  la  parabole  de  l'Enfant  prodigue  (Évangile 
selon  saint  Luc,  chap.  xv)  et  du  Chant  de  la  Race  latine  de  V.  Alecsan- 

*  Sur  le  Roumanïj  voyez  une  dissertation  de  Jacques  Azaïs,  Bulletin  de 
la  Soc.  archéol.  de  Béziers^  tom.  II,  pag.  SJ47,  et,  sur  les  différentes  parties 
de  la  fête  de  Caritachs,  une  seconde  dissertation  de  MM.  Fabrégat  et  Sabatier, 
même  recueil,  tom.  I*',  pag.  323. 

'  Une  chanson  du  Bœuf  de  Mèze  a  été  reproduite,  avec  diverses  indications 
historiques  et  locales,  dans  V Histoire  de  Mèze,  par  M.  Albert  Fabre.  (Nimes, 
Clavel-Ballivet,  1881  ;  in-8o),  pag.  89-94. 

3  Une  chanson  du  Loup,  certainement  composée  en  1878,  mais  qui  fait  al- 
lusion à  Torigine  provençale  du  Loup,  existe  en  manuscrit  dans  les  Archives 
de  la  Société  des  langues  romanes.  La  chanson  rééditée  par  M.  Albert  Fabre, 
dans  son  Histoire  de  Mèze,  fait,  au  contraire,  descendre  le  bœuf  du  haut 
Languedoc  dans  l'étang  de  Thau. 

*  On  doit  à  M.  Auguste  Babret,  de  Capestang,  une  Cansou  de  la  baquo  de 
Capestang  (Béziers,  Perdraut  [1878];  in-4o,  2  pages  ),  qui  fait  allusion  à  cer- 
tains détails  des  divertissements  populaires  de  cette  ville. 

*  Cette  portion  du  dialecte  provençal  a  toujours  été  négligée.  Elle  le  doit 
moins,  d'ailleurs,  aux  nuances  qui  la  différencient  de  l'idiome  d'Arles  et  d'Avi- 
gnon qu'à  la  dénomination  de  languedocienne,  qu'elle  porte  à  Nimes  et  dans 
quelques-unes  des  localités  indiquées  plus  haut. 

Les  textes  de  sa  littérature  écrite,  —  on  le  verra  par  les  litres  qui  suivent, 
— •  se  qualifient  presque  toujours  de  languedociens  : 

Aubanel  [de  Nimes]  :  Odes  d*Anacréon  traduites  en  vers  languedociens; 
nouvelle  édition,  revue  et  corrigée.  Nismes,  Gaude,  1814  ;  in-12,  108  pages. 

[Roustan  (Joseph)]  :  ton  Troubadour  languedocien,  ouvraje  nouvel.  Nimé, 
Durand-Belle,  1832;in-8«,  16  pages. 

Cappeau  (Placide)  :  le  Siège  de  Caderousse,  poëme  languedocien  de  V abbé 
Favre,  etc.,  et  poésies  languedociennes- françaises,  Paris,  Jouaust,  1876; 
in-12,  XL-404  pages. 

Dans  ses  Considérations  sur  les  avantages  et  les  inconvénients  des  idiomes 


J854  BÙ  FELIBRIdEi      i 

i 

dri  ^,  daHs  iè  langage  des  localités  les  plus  importantes  de  la  région 
linguistique  précitée. 

L'auteur  doit  s'attacher,  en  outre,  à  faire  connaître,  autant  qu'il  sera 
en  lui,  les  localités  où  l'a,  l'e,  l'o  et  l'ow,  sont  employés  comme  finales 
féminines;  rouki  rose,  roso,  ou  rosou  (rose);  taula,  taulo  ou  taulou 
(table),  etc. 

Le  cinquième,  à  un  recueil  de  quatre  ou  cinq  contes  populaires  {Pe- 
perelet,  Mitât  de  Gai,  Jan  de  VOv/rs  ^,  Pradet  de  Gange,  Cendrouset 
ou  Cendrouseta)y  accompagné  des  variantes  de  forme  et  de  fond  que 
ces  récits  présentent  sur  deux  ou  trois  points  du  Languedoc  et  des 
mentions  qui  en  ont  été  faites  dans  la  littérature  écrite  du  midi  de  la 
France. 

Ce  travail,  qui,  au  besoin,  pourra  être  réduit  à  un  seul  récit,  devra 
contenir  en  même  temps  et  le  texte  local  du  conte  et  sa  version  fran- 
çaise. 

Le  sixième,  à  la  meilleure  traduction  partielle,  soit  en  vers,  soit  en 
prose,  soit  même  en  prose  mêlée  de  vers,'  d'un  ouvrage  appartenant  à 
la  littérature  du  latin  ecclésiastique  ou  du  latin  moderne  (Confessions 
de  saint  Augustin,  Imitation  de  Jésits-Christ,  Consolation  de  la  philo- 
Sophie,  de  Boèce,  etc.). 

Les  versions  languedociennes  ou  provençales  d'ouvrages  étrangers  se 
sont  trop  fréquemment  inspirées  du  vocabulaire  des  formes  que  la 
langue  d'oc  doit  au  latin  classique  et  au  français  littéraire  :  hèutat, 
fratemitat  etfratemal,  grandou,  impouissança  etimpouissant,  infernal, 
impuretat  et  puretat,  santetat,  vielhessa,  etc.  La  Maintenance  engage 
donc  les  auteurs  à  recourir,  toutes  les  fois  qu'ils  le  pourront,  au  voca- 

propres  à  chaque  localité,  et  en  particulier  sur  l'origine  et  le  caractère  de 
Vidiome  languedocien.  (Notice  des  travaux  de  T Académie  du  Gard  pendant 
l'année  1807.  Nismes,  veuve  Belle,  an  1808;  in-8o^  p.  315-327),  Trélis  (+1831) 
qualifie  également  de  languedocien  le  langage  de  Nimes.  Michel  Nicolas  (His- 
toire de  Nimes,  année  1854,  tom.  111,  pag.  235-236)  ne  s'exprime  pas  autre- 
ment que  Trélis. 

*  Vasilie  Alecsandri,  Opère  complète  (vol.  IX),  Poesii  (vol.  III) .  Bucuresci, 
Socecu,  1880;  in-12,  pag.  1-2. 

^  Des  versions  de  Peperelet  et  de  Jan  de  VOurs  se  lisent  aux  pages  71-72 
et  95-99  de  Ylàu  de  Pascas  per  Vannada  1882.  Montpellier,  Imprimerie  cen- 
trale du  Midi,  1882  ;  in-12. 

Une  version  languedocienne  de  Mitât  de  Gai  a  été  publiée  dans  les  Quatre 
Contes  populaires  languedociens  recueillis  à  Gignac.  Paris,  Maisonneuve, 
1878;in-8o,  pag.  25^. 

Antérieurement  à  ces  deux  publications,  M.  Gaston  Paris  a  donné,  dans  le 
Petit  Poucet  et  la  Grande  Ourse  (Paris,  A.  Franck,  1875;  in-12,  vm-96  pag.), 
une  version  de  Peperelet  recueillie  à  Lansargues  par  M.  Langlade. 


bulaire^de  la  langue  populaire  ou  à  celui  de  l'idiome  classique,  qui,  à 
côté  des  formes  précitées,  contient  celles  de  helesa,  frairetat,  fratrie, 
frairenal  et  frairenc,  grandesa  et  grandetat,  impoudestat  et  impoude- 
rouSy  infernous,  impuresa  et  puresa,  santesa,  vielhige,  vielhownge  et 
vielhun. 

Le  Lexique  roman  de  Baynouard,  ainsi  que  la  plupart  des  recueils  de 
proverbes  et  de  comparaisons  populaires  des  dialectes  méridionaux, 
pourra  être  utilement  consulté  à  ce  point  de  vue. 

Le  septième,  à  la  meilleure  traduction  en  vers  roumains,  macédo-rou- 
maîns  ou  rumonscLes,  soit  d'un  recueil  de  textes  appartenant  à  la  pé- 
riode félibrique  de  la  littérature  méridionale,  soit  d'un  petit  choix  de 
chants  populaires  languedociens  ou  provençaux. 

Les  nuances  dialectales  du  roumain  dans  la  Transylvanie,  la  Bu- 
covine,  la  Bessarabie  et  TÉpire,  sont  aussi  admises  à  concourir. 

En  outre  des  rameaux  qui  viennent  d'être  énumérés,  la  Maintenance 
languedocienne  du  Félibrige  décernera,  le  xiv  mai  mdccclxxxiii,  sept 
rameaux  qui  sont  particulièrement  réservés  à  des  œuvres  de  poésie 
originale  (fable,  conte,  épitre,  poème,  drame,  comédie,  etc.). 

Tous  les  dialectes  du  midi  de  la  France  sont  admis  à  c^oncourir  * , 

N.  B,  —  Nous  publierons  prochainement  la  suite  de  ce  programme 
(années  1884  et  1885). 

•  Le  délai  d'envoi  au  Concours  de  l'année  1883  avait  été  fixé  au  1er  mai. 
Toutefois  la  Maintenance  s'était  réservé  le  droit  de  clôturer  le  20  avril  le 
Concours  du  prix  de  la  Reine  et  du  premier  rameau . 


ANATOLE  BOUCHERIE 


On  nous  saura  gré  de  compléter  les  documents  nécrologi- 
ques du  dernier  numéro  par  la  notice  suivante,  qui  a  paru  dans 
le  fascicule  d'avril  de  la  Revue  de  philologie  : 

La  Faculté  des  lettres  de  Montpellier  vient  de  perdre  un  de  ses 
professeurs  les  plus  distingués,  M.  Anatole  Boucherie,  chargé  du  cours 
de  philologie  romane.  On  sait  qu'il  jouissait,  comme  romaniste,  d'une 
réputation  étendue  et  bien  méritée.  C'est  sur  les  études  de  cet  ordre 
que  son  activité  s'est  concentrée  de  plus  en  plus  dans  ces  dernières 
années  ;  mais  il  est  juste  de  rappeler  ici  les  services  qu'il  a  rendus 
aussi  à  la  philologie  classique. 

Plusieurs  de  ses  publications  touchent  aux  deux  domaines .  Ainsi  le 
Fragment  de  Valenciennes,  Eocplication  du  mélange  de  mots  latins  et 
romans  dont  se  compose  cet  ancien  texte  (Mézières,  1866)  ;  les  Cinq  For- 
mules rhythmées  et  assonancées  (Montpellier,  1867);  la  Vie  de  sainte 
Euphrosyne  ("1872);  Un  Almanach  au  X^  siècle  (1872);  Iob  Formules 
de  conjuration  antérieures  au  IX^  siècle  (1873);  le  Commentaire  inédit 
sur  Virgile  (1874);  les  Mélanges  latins  et  bas-latins  (1876).  Ce  sont  de 
curieux  monuments  du  bas-latin,  tirés  de  différents  mss. ,  principa- 
lement de  Paris  et  de  Montpellier,  reproduits  avec  soin,  restitués  ha- 
bilement en  maints  endroits,  et  accompagnés  d'études  grammaticales 
et  lexicographiques  fort  intéressantes,  surtout  au  point  de  vue  de 
l'étude  du  vieux  français,  mais  sans  rien  négliger  de  ce  qui  peut  être 
utile  aux  latinistes.  Il  n'est  pas  inopportun  de  rappeler  l'attention  sur 
ces  travaux  au  moment  où,  de  plusieurs  côtés,  après  avoir  fouillé  les 
origines  de  la  langue  latine,  on  se  porte  avec  ardeur  vers  l'étude  de  ses 
destinées  finales.  On  remarque  dans  plusieurs  de  ces  opuscules  le  soin 
accordé  à  la  poésie  rhythmée .  C'est  en  effet  un  sujet  qui  intéressait 
beaucoup  Boucherie.  Il  avait  recueilli,  depuis  des  années,  de  nombreu- 
ses observations  sur  cette  matière  et  comptait  en  faire  un  ouvrage  spé- 
cial. Peu  de  jours  avant  sa  mort,  il  parlait  de  ce  projet  à  l'auteur  des 
présentes  lignes,  à  propos  du  livre  récent  de  W.  Meyer  {Ludus  de  An- 
tichristo). 

D'autres  ouvrages  sont  consacrés  à  la  véritable  antiquité,  à  des  au- 
teurs dont  la  philologie  classique  ne  peut  hésiter  à  réclamer  l'étude 
'  pour  elle.  C'est  d'abord  la  Notice  sur  le  palimpseste  de  Montpellier  (ms. 
141),  publiée  dans  les  Notices  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale, t.  XXIII,  2®  partie.  L'auteur  du  Catalogue  des  mss.  des  Uhlio- 


ANATOLE   BOUCHERIE  257 

thèques  des  départements,  ayant  lu  dans  ce  palimpseste  les  noms  de 
Priscien  et  de  Pompeius,  et  croyant  apercevoir  les  lettres  Fe  après  ce 
dernier  nom,  avait  espéré  qu'en  déchiffrant  le  reste  on  retrouverait 
des  fragments  de  l'ouvrage  si  important  de  Pompeius  Festus.  Cette 
espérance  fut  bientôt  reconnue  vaine.  Mais  il  valait  la  peine  encore 
de  dépouiller  un  ms.  du  Ville  siècle  contenant  certains  fi-agments 
de  Priscien  (livre  VIII)  et  de  Pompeius,  le  commentateur  de  Donat. 
C'est  ce  que  Boucherie  a  fait  avec  toute  l'exactitude  désirable.  Le 
même  volume  des  Notices  renferme  l'ouvrage  le  plus  considérable  de 
Boucherie  en  dehors  des  langues  romanes,  l'édition  princeps  des 
Ep/xyjvsûptara  d'après  le  ms.de  Montpellier  306,  et  delà  KaOïjpepevvj  ofxtkioL 
4e  PoUux  d'après  le  ms.  de  Paris  3049.  Il  croyait  alors  devoir  identi- 
fier ces  deux  écrits,  et  les  attribuer  tous  deux  à  Julius  PoUux,  l'auteur 
de  VOnomasticon.  Sur  ce  dernier  point,  du  moins,  il  s'exprimait  lui- 
même  plus  tard  avec  réserve .  On  sait  ce  que  sont  ces  ouvrages  :  une 
-espèce  de  guide  de  la  conversation  grecque  et  latine,  suivi,  dans  le 
ms.  de  Montpellier,  d'un  vocabulaire  composé  par  ordre  de  matières. 
Ils  ont  pour  nous  un  double  intérêt  :  celui  de  nous  faire  mieux  con- 
naître les  méthodes  employées  dans  l'antiquité  pour  l'étude  des  lan- 
gues vivantes,  et  de  nous  fournir  un  assez  grand  nombre  d'expressions 
grecques  et  latines  qui  ne  se  trouvent  pas  ailleurs.  Boucherie  lui-même 
en  a  dressé  la  liste  dans  des  index  rédigés  avec  le  plus  grand  soin. 
La  restitution  des  textes,  fort  altérés,  surtout  le  grec,  est  faite  avec 
prudence  et  sagacité. 

Le  mérite  de  Boucherie  est  d'autant  plus  considérable,  qu'il  a  dû 
tout  à  lui-même.  Il  n'a  été  élève  ni  des  écoles,  ni  des  Facultés.  La 
place  si  honorable  qu'il  a  fini  par  occuper  daus  le  monde  savant,  il  l'a 
conquise  en  suivant  pas  à  pas  l'humble  et  pénible  filière  du  maître 
d'étude,  du  chargé  de  cours  dans  les  lycées  de  province.  Il  a  dû  cher- 
cher lui-même  sa  voie,  et  tenir  ferme  par  sa  seule  énergie  dans  les 
travaux  personnels,  qui  n'étaient  pas  alors  en  faveur. 

Dans  l'enseignement  (et  encore  à  la  Faculté  il  est  revenu  plus  d'une 
fois  aux  études  classiques  pour  aider  le  professeur  de  littérature  la- 
tine). Boucherie  s'est  fait  aimer  et  apprécier  hautement  de  tous  ses 
élèves.  Il  a  décidé  de  la  vocation  de  plus  d'un.  Il  a  su  à  la  fois  les 
diriger  d'une  main  sûre  en  vue  des  épreuves  universitaires,  et  leur  in- 
.spirer  le  goût  de  l'étude  désintéressée. 

T. 


19 


CHRONIQUE 


Communications  faites  a  la  Société  des  langues  romanes.  — 
7  mars.  —  Une  tradition  populaire  relative  à  la  lune,  par  M.  A. 
Roque-Ferrier  ; 

Le  conte  avignonnais  de  Cenâroulet  (version  de  M.  Elzéar  Jou- 
veau),  par  M.  A.  Roque-Ferrier. 

21  mars.  —  Poésies  languedociennes  et  françaises  d'Auguste Rîgaud 
(de  Montpellier),  par  M.  le  docteur  Frédéric  Cazalis; 

Noëls  français  et  gascons,  par  M^®  Mathieu,  en  religion  sœur  Cé- 
cile. 

4  avril.  (M.  Boucherie  mourut  le  3.  La  séance  fut  levée  sur  la  pro- 
position de  M.  Roque-Ferrier  ;  les  communications  inscrites  à  l'ordre^ 
du  jour  furent  renvoyées  à  la  deuxième  réunion  d'avril.) 

18  avril.  —  Les  Poëtes  de  la  langue  d'oc.  Portraits  littéraires.  I. 
William-Charles  Bonaparte- Wy se,  par  M.  Frédéric  Donnadieu  ; 

Termes  de  fortification  et  noms  d'armes  en  provençal,  par  M.  Jean 
Brunet  ; 

Mabelais.  —  Le  Campanal  de  las  Primtanieros ,  —  Les  Plataniès, 
poésies  languedociennes  (Castelnaudary  et  ses  environs),  par  M .  Au- 
guste Fourès. 

La  séance  du  quatrième  Concours  philologique  et  littéraire  de  la  So- 
ciété a  été  tenue  à  Montpellier  le  13  mai  dans  la  grande  salle  du  Palais 
de  justice.  Elle  a  été  suivie,  le  lendemain,  de  la  félibrée  annuelle  de 
la  Maintenance  de  Languedoc. 

Le  numéro  de  juillet  sera  consacré  à  la  relation  de  ces  fêtes,  ainsi 
qu'à  la  publication  des  allocutions  de  MM.  Castets  et  Mistral,  et  des 
rapports  de  MM.  Ch.  Revillout,  P.-J.  Itier  et  Frédéric  Donnadieu. 


Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  la  lettre  par  laquelle  M.  le  docteur 
Obédénare,  premier  secrétaire  de  la  légation  de  Roumanie  à  Rome,, 
«lemandait  qu'un  buste  fût  érigé  à  Boucherie.  Une  assemblée  géné- 
rale des  membres  de  la  Société  et  des  amis  du  regretté  professeur  a 
eu  lieu  à  Montpellier  le  samedi  2  juin.  Elle  a  unanimement  accepté  la 
proposition  de  M.  Obédénare  et  constitué  un  Comité  chargé  de  résou- 
dre les  questions  de  détail  et  d'exécution. 

Le  bureau  de  ce  Comité  a  été  composé  de  la  manière  suivante  : 

Président  :  M.  Ferdinand  Castets,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres^ 
président  de  la  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes  ; 

Vice-présidents  :  MM.  Croiset,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,^ 
et  Westphal-Castelnau  ; 

Trésorier  :  M.  Louis  Lambert  ; 

Secrétaire  :  M.  A.  Roque-Ferrier. 

Une  première  et  déjà  nombreuse  liste  de  souscription  sera  publiée 
dans  le  prochain  numéro  de  la  Revue. 


♦  • 


Livres  et  manuscrits  donnés  a  la  bibliothèque  de  la  Société. 


CHRONIQUE  259 

—Anatole  Boucherie.  [Becueil  de  documents  nécrologiques  extraits 
de  la  Revue  des  langues  romanes].  Montpellier,  Imprimerie  centrale 
du  Midi,  1883  ;  in-8°,  20  pages  ; 

André  (Ferdinand):  Poésie  romano-provençale.  Paraphrase  du  Credo 
(XVe  siècle),  pages  377  à  380  inclus,  détachées  d*une  publication  in-8** 
(don  do  M.  Clair  Gleizes); 

Bonaparte-Wyse  (WilliamrC.):  li  Piado  de  la  Princesse,  pèr  l'au- 
tour di  «  Parpaioun  blu  »,  em'  un  avans-prepaus  francés  d'En  Anfos 
Roque-Ferrier.  Plymouth,  Keys,  1882;  in-12,  xxxvi-252  pages  ; 

Bory  (J.-T.)  :  Cantinella  provençale  du  Xle  siècle  en  l'honneur  de 
la  Madeleine,  chantée  annuellement  à  Marseille  le  jour  de  Pâques 
jusques  en  1712,  p. 63  à  77  inclus,  in-8^,  du  numéro  de  la  «Revue  de 
Marseille  »,  février  1861,  où  elle  fut  d'abord  publiée  par  M.  Bory  (don 
de  M.  Clair  Gleizes); 

Bremound  ( Aleissandrino):  li  Blavet  de  Mount-Majour,  pouësio  prou- 
vençalo,  em'  uno  versioun  fraoceso.  Mount-pelié,  Empremarié  centralo 
dou  Miejour,  1883  ;  in-8°,  28  pages  (don  de  la  Maintenance  languedo- 
cienne du  Félibrige)  ; 

Donnadieu  (Frédéric)  :  le  Félibrige  et  l'Idée  latine  à  Marseille,  le 
XXV  novembre  mdccclxxxii.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi, 
1883  ;  in-8**,  38  pages  (don  de  la  Maintenance  languedocienne  du  Fé- 
librige); 

Guillibert:  Brinde  d'en  Chapôli  Guillibert,  secretàri  de  l'Escolo  de 
Lar,  i  Jo  Flourau  de  la  mantenènço  lengadouciano  de  Mount-pelié 
(xiv  de  mai  mdccclxxxiii).  Ais,  Empremarié  felibrenco,  1883  ;  in-8°, 
4  pages  ; 

Guillibert  (Hippolyte)  :  le  Sénateur  V.  Alecsandri,  ancien  ministre 
de  Roumanie  à  l'Académie  d'Aix.  Aix.  Illy  et  Brun,  1883  ;  in-8**,  8  pa- 
ges ; 

Hennion  (Constant)  :  les  Fleurs  félibresques,  poésies  provençales 
et  languedociennes  modernes,  mises  en  vers  français  avec  les  textes 
en  regard,  des  notices  et  des  notes  (ouvrage  qui  a  gagné  le  rameau 
d'olivier  en  vermeil  aux  Jeux  Floraux  de  For calquier(  14-15  mai  1882). 
Aix,  Guitton-Talamel,  1883;  in-12,  532  pages  (don  de  M.  Guitton-Tala- 
niel)  ; 

nie  (Charles  d'):  l'Abbaye  de  Vol?  et  la  Chapelle  romane  de  Notre- 
Dame  de  Baulis.  Digne,  Barbaioux,  Chaspoul  et  Constans,  1883  ;in-8^, 
16  pages  ; 

Llagostera  y  Sala  (Francesch):  Aforistîca  catalana,  6  sia  colecciô  de 
refranis  populars  catalans.  Barcelona,  Estampa  espanyola,  1883;  in-12, 
48  pages  ; 

Lottin  de  Laval  :  Manuel  complet  de  lottinoplastique,  l'art  du  mou- 
lage de  la  sculpture  en  bas-relief  et  en  creux  mis  à  la  portée  de  tout 
le  monde,  etc.  Paris,  Dusacq,  1857;  in- 16,  96  pages; 

LuU  (Ramon):  Libre  del  orde  de  Cauayleria,  compost  a  Miramar  de 
Mallorca  per  mesti-e  Ramon  Lull.  Barcelona,  Al var  Verdaguer,  [1883]; 
in-8**,  XXXVI  pages  doubles,  papier  vergé  (fait  partie  de  la  «  Biblio- 
theca  d'obretes  singulars  del  bon  temps  de  nostra  lengua  materna 
estampades  enletra  lemosina  »)  (don  deM.  Aguilô  y  Fuster,  bibliothé- 
caire de  la  ville  de  Barcelone); 

Mariéton  (Paul):  le  Félibre  Auguste  Fourès.  Lyon,  Pitrat,  1883; 
in -8°,  8  pages  ; 

Michel  (Anfos):  Discours  ^prounouncia   lou  27  de  mai  1883  i  Jo 


260  CHRONIQUE 

Flourau  de  Sant-Rafèu.  Ais,  Empremarié  felibrenco,  1883  ;  in- 12, 
16  pages  ; 

Mistral  (Frederî):lou  Felibrige  e  l'Empèri  dôu  Soulèu,  charradissa 
de  Frederi  Mistral  au  Ciéucle  artisti  de  Marsiho,  lou  xxv  de  nouvèmbre 
MDOXJLXXXii  (avec  la  traduction  française  eti  regard).  Mount-pelié, 
Empremarié  centrale  dôu  Miejour,  1883  ;  in-8**,  16  pages  (don  de  la 
Maintenance  languedocienne  du  Felibrige); 

Monaci  (Ernesto):  Facsimili  di  antichi  manoscritti  per  uso  délie 
scuole  di  filologia  neolatina,  pubblicati  da  E.  Monaci,  fasc.  II.  Roma, 
JMartelli,  1883  ;  in-folio,  2  pages  de  titre  et  25  planches  hélîotypiques  ; 

Rigaud  (Auguste):  lous  Bans  dé  Sylvanez,  pouema[en  languedocien 
de  Montpellier],  Manuscrit  autographe  de  32  pages,  in-8**  (don  de 
M.  le  docteur  Frédéric  Cazalis); 

Rigaud  (Auguste)  :  Poésies  languedociennes  (Montpellier  et  ses  en- 
virons) et  françaises:  le  Pot,  —  Pot  pourri, —  la  Cansou  dé  la  Cigala, 
—  lou  Roussignolét,  —  lou  Soungé,  —  lou  Randé-vous.  Manuscrit 
autographe  de  40  pag.,  in-8°  (don  de  M.  le  docteur  Frédéric  Cazalis); 

Roque-Ferrier  (Alphonse):  la  Poésie  populaire  de  «  l'Escriveta  d  eu 
provençal,  en  languedocien  et  en  macédo-roumain .  Montpellier,  Im- 
primerie centrale  du  Midi,  1883  ;  in-8**,  16  pages  ; 

Sébillot  (Paul):  Essai  de  questionnaire  pour  servir  à  recueillir  les 
traditions,  les  coutumes  et  les  légendes  populaires.  Paris,  Maison- 
neuve,  1880  ;  in-8°,  16  pages  ; 

Spera  (Giuseppe):  il  Conte  Verde,  poema  eroico.  Firenze,  Le  Mon- 
nier,  1883;  in-12,  188  pages  ; 

Tavemier  (Eugène)  :  Paroles  prononcées  sur  la  tombe  de  M.  Louis 
Méry  au  nom  de  l'Académie  d'Aix.  Aix,  Illy,  1883  ;  in-8**,  8  pages; 

Soixante-un  journaux  donnés  par  MM.  Arnavielle  (1),  de  Berluc- 
Perussis  (1),  Firmin  Boissin  (1),  Charles  Boy  (1),  Alfred  Chailan  (1), 
Champeval  (1),  Frédéric  Donnadieu  (4),  Gaut  (1),  Clair  Gleizes  (4). 
Guillibert  (1),  Alph.  Michel  (1),  F.  Mistral  (S),  Saint-Just  Molinier  (4), 
Justin  Pépratx  (1),  A.  Roux  (1),  Roque-Ferrier  (28) .  le  frère  Savinien 
(1),  Mgr.  Tolra  de  Bordas  (2),  le  comte  de  Toulouse-Lautrec  (2)  et 
François  Vidal  (2). 


Addition   au  numéro  d^avril  1883 


Sermons  et  préceptes  religieux,  p.  158,  dernière  ligne  du  texte^ 
après  confessio,  mettre  en  note  : 

3  Ce  conte  se  retrouve  ailleurs.  Voy.  dans  Y  Histoire  littéraire  de  la  France, 
t.  XXVllI,  la  notice  de  M.  Gaston  Paris  sur  William  de  Wadington,  p.  205- 
206.  Il  y  en  a  une  curieuse  variante  dans  le  Recuit  de  eximplis  e  miracles, 
qui  fait  partie  de  la  Biblioteca  catatana  publiée  par  M.  Aguilô  y  Fuster» 
p.  139  :  Miracle  e  eximpli  de  qi^and  virtiit  que  ha  la  verdadera  comfessiOy 
segons  que  recompta  Cesarius  (sans  doute  Césaire  de  Heisterbach,  dont 
l'ouvrage  ne  se  trouve  pas  dans  les  bibliothèques  à  ma  portée). 


Le  Gérant  responsable  :  Ernest  Hamelin. 


Dialectes  Modernes 


LÀ  BISCO 

COUMÈDI   PROUVENÇALO   EN   DOUS  ATB  E  EN    VERS 

Representado,  pèr  la  premiéro  fes,  à  Mouot-pelié,  lou  3  janvié  de  1880 


PERSOUNAGE 

ESTÉ VE,  calignaire  de  Cecilo . 
SIMOUNET,  varlet  d'Estève . 
ALÈSSI,  rivau  d'Estève. 
BARJARIHO,  varlet  d'Alèssi. 
CECILO,  amanto  d'Estève. 
FLOURINETO,  servicialo  de  Cecilo  . 

La  sceoo  se  debano  sus  uno  plaço  de  Mount-pelié . 

LE  DÉPIT 

COMÊDIB  PROVENÇALE  EN    DEUX  ACTES  ET   EN   VERS 

Beprésentée,  pour  la  première  fois,  à  Montpellier,  le  3  janvier  1880 


PERSONNAGES 


ESTÊVE,  amoureux  de  Cécile. 
SIMONNET,  valet  d'Estève. 
ALEXIS,  rival  d'Estève. 
BARJARILLE,  valet  d'Alexis. 
CÉCILE,  amante  d'Estève. 
FLORINETTE,  servante  de  Cécile. 


La  scène  se  passe  sur  une  place  de  Montpellier. —  Banc  à  droite. 


■*■■■■■■••■ 


Tome  ix  de  la  troisième  série.—  .iul\  1883.  20 


itôî  LA  BlSOO 


ATE  PREMIÉ 

SCENO   PREMIERO 
Alèssi,  Barjariho 

BARJARIHO 

Eh!  de-qu'avansarés? 

ALÂSSI 

Mai  crese  que  sies  nèsci, 
De  pensa  que  siéu  las;  counèisses  pas  Alèssi. 
Anarai  jusqu'au  bout;  se  vos  pas  m'aduja, 
Es  pas  uno  resoun  pèr  me  descouraja. 
S'amon  déjà  bèn  proun  ;  se  li  leissave  faire, 
Sarié  rendre  trop  bèu  lou  jo  di  calignaire  : 
Estève,  chasque  jour,  empuro  lou  gavèu, 
E  Cecilo  au  brasas  s'enfioucarié  trop  lèu. 
Fau  sévira  de  biais  pèr  roumpre  aquéu  mariage, 


ACTE  PHEMIE 

SCÈNE  I 
Alexis^  Barjarille 

BARJâRILLB 

Eh  I  à  quoi  cela  vous  avancera-t-il  ? 

ALEXIS 

Mais  tu  es  niais,  je  crois, —  de  supposer  que  je  suis  las  ;  tu  ne  con- 
nais pas  Alexis.  —  J'irai  jusqu'au  bout  ;  si  tu  ne  veux  point  m'aider, 
—  ce  n'est  pas  une  raison  pour  me  décourager.  — Ils  s'aiment  bien 
assez  déjà  ;  si  je  les  laissais  faire,  —  ce  serait  rendre  trop  beau  le  jeu 
des  amoureux.  —  Estève,  chaque  jour,  attise  le  sarment,  —  et  Cécile 
au  brasier  s'enflammerait  trop  vite.  — Il  faut  s'arranger  de  manière 


LA   BISCO  263 

Que,  se  d'asard  a  liô,  n'en  farai  lou  grand  viage. 
Vole  que  moun  rivau. . . . 

BARJARIHO,  lou  coupant 

Emai  lou  rèi  disié  : 
«  léu,  vole  d'aloueto ...  »,  e  prrti . . . 

ALÉSSI 

La  jalousie 
Que  rousigo  moun  cor  m'ispirara .  • . 

BARJARIHO 

Cecilo, 
Quand  ie  charras  d*amour,  fai  bèn  la  dificilo. 

ALÉSSI 

Vèngues  pas  me  counta  ti  sourneto  :  n'ai  proun  ! 

E  quand  même,  bèn  mai,  Cecilo  aurié  lou  frount 

De  me  tarrabusta  coume  un  ase  à  la  fiero, 

De  la  partido  vole  aguedre  la  darriero, . . 

Soun  urous  !  Eh  bèn  !  vè,  quand  saupriéu  de  mouri, 

Chaplarai  un  bonur  que  me  fai  trop  soufri. 

Vèiras  se  siéu  un  orne 


à  rompre  cette  union  ;  —  car,  si  elle  a  lieu  par  hasard,  j'en  ferai  le 
grand  voyage .  —  Je  veux  que  mon  rival . . , 

BARJARILLE,  l'interrompant 

Le  roi  aussi  disait  :  «  Je  veux  ces  alouettes. . .  »,  et  prrt! . . . 

ALEXIS 

La  jalousie  —  qui  ronge  mon  cœur  m'inspirera. . . 

BARJARILLE 

Cécile,  —  quand  vous  devisez  d'amour  avec  elle,  fait  bien  la  diffi- 
cile. 

ALEXIS 

Ne  viens  pas  me  conter  tes  sornettes  ;  j'en  ai  assez  !  —  Et,  quand 
même,  bien  plus,  Cécile  aurait  l'audace  —  de  me  maltraiter  comme  un 
âne  à  la  foire,  —  de  la  partie  je  veux  gagner  la  belle. . .  —  Es  sont 
heureux  !  Eh  bien  !  vois-tu,  dussé-je  en  mourir,  —  je  briserai  un  bon- 
heur qui  méfait  trop  souffrir. —  Tu  verras  si  je  suis  un  homme. 


Ît4  LA  BtSOO 

BARJARIHO 

Eh!  quau  dis  lou  countràri? 
Mai,  se  pér  cas  cresès  qu'Estève  es  un  canari, 
Vous  boufounas  pas  mau  :  es  fin,  e,  se  me  vèi 
Mescla  de  sis  afaire  amourous  e  que  pièi 
M'ane  coume  à  soun  chin  baila  la  bastounado, 
Sara  trop  caramen  paga  la  badinado  ; 
Es  iéu  qu'en  aquéu  jo  sariéu  lou  mai  perdent. 
Acô  me  fai  pas  gau. .  .Sabès  qu'ai  boni  dent 
E  que  dins  un  besoun  poudès,  quand  sên  à  taulo, 
Me  coumta  coume  quatre  ;  oh  I  mai,  sus  ma,  paraulo, 
Pèr  courre  de  sang-fre  se  batre  emé  quaucun, 
Me  coumtés  soulamen  pas  pèr  la  mita  d'un. 
Bigre  !  es  que  m'ame,  iéu,  coume  degun  au  mounde  ; 
Siéu  moun  meiour  ami,  Moussu,  noun  vous  l'escounde  ! 
E  quand  pense  qu'un  rèn,  un  simple  cop  de  poung 
Pôu  mètre  un  orne  au  cros,  brr  !  la  fèbre  me  poun. . . 

ALÈSSl 

Ah  !  poultroun  I 


barjarîllb 

Eh  !  qui  dit  le  contraire  ? — Mais  si  vous  vous  imaginez,  par  hasard, 
qu'Estève  est  un  serin, —  vous  ne  vous  trompez  pas  mal:  il  est  fin,  et, 
s'il  voit  —  que  je  me  mêle  de  ses  affaires  amoureuses  et  qu'ensuite  — 
il  vienne  me  donner  la  bastonnade  comme  à  son  chien,  —  ce  sera  trop 
chèrement  payer  la  plaisanterie  ;  —  c'est  moi  qui  à  ce  jeu  serais  le 
plus  perdant.  —  Cela  ne  me  sourit  pas.. .  Vous  savez  que  j'ai  de 
bonnes  dents  —  et  que,  à  l'occasion,  vous  pouvez,  lorsque  nous  som- 
mes à  table,  —  me  compter  pour  quatre  ;  oh  I  mais,  sur  ma  parole,  — 
pour  aller  de  sang-froid  se  battre  avec  autrui,  —  ne  me  comptez  seu- 
lement pas  pour  la  moitié  d'un.  —  Bigre  !  c'est  que  je  m'aime,  moi, 
comme  personne  au  monde  ;  —  je  suis  mon  meilleur  ami,  Monsieur, 
je  ne  vous  le  cache  pas  I. . .  —  Et,  lorsque  je  pense  qu'un  rien,  un  sim- 
ple coup  de  poing, —  peut  mettre  un  homme  au  tombeau,  hrr  !  la  fiè- 
vre me  picote ... 

ALEXIS 

Ah  !  poltron  I 


LA    BISCO  Î65 

BAUJARIHO 

Ah  !  poultroun  ! . . .  poudès  bèn  me  lou  dire, 
E  counvène  qu'acô,  Moussu,  vous  preste  à  rire  ; 
Mai  me  siéu  pas  basti,  iéu  ;  ai  dôu  mau  dis  iôu  : 
M*enchaute  pas  dôu  brut,  mai  li  cop  me  fan  pôu. . . 
Oublidas  lou  proujet  qu'avès  dins  la  cabesso. 

ALBSSI 

De-que  me  cantes,  digo? 

BARJARIHO 

Oh  !  cante  pas  la  messo  ! 
D'abord,  la  sabe  pas,  que  siéu  pas  capelan. , . 
Noun,  Moussu,  pode  pas  aprouba  voste  plan  ; 
La  vido  es  un  trésor  qu'ansin  noun  se  degaio. 
«  Uno  fes  que  sian  mort,  sian  bèn  mort  ! . . .  »  dis  Jarjaio; 
Ë  Jarjaio  aresoun. 

ALESSI 

T'ensuque,  margoulin, 
Se  vènes  tournamai  me  sibla  toun  refrin. . . 

(Jj'aganto  e  lou  brandouio) 


BARJARILLB 

Ah!  poltron  !. . .  vous  pouvez  bien  me  le  dire,  —  et  je  comprende, 
Monsieur,  que  cela  vous  amène  à  plaisanter  ;  —  mais  je  ne  me  suis 
point  fait,  moi  ;  à  l'instar  des  œufs,  —  je  ne  me  soucie  pas  du  bruit, 
mais  les  coups  me  font  peur. . . . —  Oubliez  le  projet  que  vous  avez 
en  tête. 

ALEXIS 

Que  me  chantes- tu,  dis  ? 

BARJARILLE 

Oh  1  je  ne  chante  point  la  messe  I  —  D'abord  je  ne  la  sais  pas,  car 
je  ne  suis  pas  clerc...  —  Non,  Monsieur,  je  ne  peux  approuver  votre 
plan  ;  —  la  vie  est  un  trésor  qui  ne  ae  prodigue  pas  ainsi.  —  «  Une 
fois  que  nous  sommes  morts,  nous  sommes  bien  morts. . .  ]>  dit  Jar- 
jaille  ;—  et  Jarjaille  a  raison. 

ALEXIS 

Je  t'assomme,  faquin,  — si  tu  viens  encore  me  siffler  ton  refrain. 

(H  le  saisit  et  le  secoue.) 


366  LA    BISCO 

BARJARIHO 

Quanto  pougno  !  Plan  !  plan  !  siéu  pas  uno  paiasso, 

Pér  veni  d'aquéu  biais  sambouti  ma  carcasse. 

Lou  voulès?  De  grand  cor  adounc  oubéïrai  : 

«  Fau  toujour  estaca  lou  mèstre  ounte  vôu  Tai. . .» 

Mai  de-que  gagnarés  d'alounga  la  ficello  ? 

Brouiarés  pèr  dous  jour  lou  galante  la  belle  ; 

Après,  s'egplicaran  ;  recounèiran  si  tort 

E  dins  un  poutounet  se  metran  mai  d'acord  ; 

Finalamen,  es  iéu  que  pagarai  la  sauço. 

ALÈSSI 

Digo-me  dounc  quau  es  lou  gnafre  que  te  causso? 
Veses  tout  de  guingoi  ! . . . .  .Noun,  es  pas  coume  acô 
Que  li  cause  anaran.  Estève  es  un  cocot 
Jalons  e  mesfisènt  :  crèi  pas  à  Taigo  lindo  ; 
E,  mau-grat  soun  amour  pèr  Cécile,  se  dinde 
Un  pichot  cascavèu  proche  d'eu,  vèn  tout  vèrd. 
Un  rivau  i'  a  toujour  fa  Tefèt  d'une  sèrp ... 
Tambén,  reboulira,  boto  !  Ai  jamai  encaro 
Ensaja  d'aumenta  Toumbro  que  lou  mascaro  ; 
Au  countràri,  de-longo,  en  vesènt  soun  bonur, 
Ai  agu  Ter  de  n'èstre  urous . . .  E,  de-segur, 

BABJABUiLE 

Quelle  poigne  !  Doucement,  doucement  I  je  ne  suis  pas  une  paillasse — 
pour  que  vous  veniez  ainsi  secouer  ma  carcasse.  — Vous  le  voulez  ? 
J'obéirai  donc  de  grand  cœur  :  —  «  Il  faut  toujours  attacher  le  maî- 
tre où  le  veut  son  âne ...»  —  Mais  que  gagnerez-vous  d'allonger  la 
ficelle? — Vous  brouillerez  pour  deux  jours  la  belle  et  le  galant;  —  ils 
s'expliqueront  ensuite,  reconnaîtront  leurs  torts,  —  et  dans  un  baiser 
se  rapatrieront  encore.  —  Finalement,  c'est  moi  qui  payerai  les  pots 
cassés. 

ALEXIS 

Dis -moi  donc  quel  est  le  savetier  qui  te  chausse  !  —  Tu  vois  tout 
de  travers  ! . . . .  Non,  ce  n'est  pas  ainsi  —  que  les  choses  se  passeront. 
Estève  est  un  cerveau  —  jaloux  et  méfiant  :  il  ne  croit  pas  à  l'eau 
claire; —  et,  malgré  son  amour  pour  Cécile,  si  tinte  —  le  moindre  petit 
grelot  auprès  de  lui,  il  en  devient  tout  vert  ;  —  un  rival  lui  a  tou- 
jours produit  Teffet  d'un  serpent.  —  Aussi  souffi*ira-t-il,  va  î  Je  n'ai 


I.A  BISCO  267 

Dieu  counèis  lou  tourmen  qu'au  founs  de  Tamo  endure, 
Quand  s'atrobon  ensemble  !  E,  tu,  vos  qu'acô  dure  ! . . 
Bèn  mies,  pèr  pas  donna  doutanço  is  amourous, 
D'un  èr  endiferènt  li  quite  tôuti  dous  ; 
Mai  jougariéu  qu'ai  pas  pu  lèu  vira  la  tèsto 
Qu'Estève  dins  soun  cor  sent  brounzi  la  tempèsto, 
E,  se  quaucun  alor  i'  afourtissié  que  siéu 
Lou  galant  de  Cecilo,  aurié  lou  sacrebiéu. 
M'es  avis  qu'a  pas  trop  fisanço  à  sa  mestresso  ; 
Fau  chapla  pèr  aqui  soun  rèsto  de  tendresse. 
Entanchen-nous  donne  lèu  de  lou  persuada 
Que  d'un  autre  sa  belle  a  lou  cor  enfada, 
E  qu'aquel  autre  es  iéu. . . 

BARJARIHO 

La  farço  es  pas  marrido. 
Dins  noste  las  auren  lèu  aganta  la  trido. 
Me  sacrificarai,  d'abord  que  lou  voulès. 
Vejan,  cerquen  un pau. .  •  Moun  plan  es  déjà  lest: 
Dires  que  de-rescos  Cecilo  es  vosto  feno. . . 
Mai,  nàni,  voudra  mai,  —  prengués  pas  tant  de  peno,  — 
Vaudra  mai  que  iéu- même  encante  lou  secret. 

jamais  encore  —  essayé  d'épaissir  le  nuage  qui  l'assombrit  ;  —  au 
contraire,  sans  cesse,  en  voyant  son  bonheur,  —  j'ai  feint  d'en  être 
heureux  moi-même ....  Et,  certes,  —  Dieu  connaît  le  tourment  que 
j'endure  au  fond  de  l'âme,  —  lorsqu'ils  se  trouvent  ensemble  !  Et  tu 

veux  que  cela  dure,  toi  I —  Bien  mieux,  pour  ne  pas  éveiller  de 

doutes  chez  nos  amoureux, —  je  les  laisse  tous  les  deux  d'un  air  indif- 
férent. —  Mais  je  parierais  que  je  n'ai  pas  plus  tôt  tourné  la  tête,  — 
qu'Estève  dans  son  cœur  sent  gronder  l'orage; —  et,  si  quelqu'un  alors 
lui  affirmait  que  je  suis  —  l'amant  de  Cécile,  il  ragerait.  —  M'est  avis 
—  qu'il  n'a  pas  trop  confiance  en  son  amoureuse  ;  —  c'est  par  là  qu'il 
faut  détruire  son  reste  de  tendresse. —  Dépêchons-nous  donc  de  le  per- 
suader —  que  d'un  autre  sa  belle  a  le  cœur  ensorcelé,  —  et  que  cet  au- 
tre, c'est  moi . . , 

BARJARILLE 

La  farce  n'est  pas  mauvaise .  —  Dans  notre  piège  nous  aurons  bien- 
tôt pris  V oiseau. —  Je  me  sacrifierai,  puisque  vous  l'exigez .  — Voyons, 
cherchons  un  peu . . .  Mon  plan  est  déjà  dressé  :  — vous  direz  qu'à  l'insu 


268  LA  BISCO 

Vous,  tachas  soulamen,  jougant  Tome  discret, 
S'Estève  vèn  curious  autour  de  la  banasto 
Pèr  parla  de  la  frucho  e  saupre  quau  la  tasto, 
De  respondre  ni  bi  ni  ba,  mai  de  façoun 
A  traire  en  soun  esprit  la  crento  e  lou  soupçoun; 
Pièi,  après,  iéu  vendrai  faire  parti  la  mino, . , 
Coume  atroubas  ac6  ? 

ALÉSSI 

•  Bon.  Pagues  pas  de  mino  ; 

Recounèisse  pamens  que  sies  diablamen  fin. 
Mai  un  plan  n'es  pas  tout  :  fau  n'en  vèire  la  fin. 
Estève  es  oumbrajous;  s'un  cop  a  la  mascoto, 
Creira  Iéu  ço  que  ie  diras  de  la  pichoto. . . 
M'an  fa  soufri  ma  part  ;  acô  me  venjara  ! 
Quaucun  vèn. . .  Es  noste  orne.  Anen-nous  prépara. 

(jSVnt?an.) 
SCENO  II 

Estôve,  Simounet 

ESTÉVB 

Vos  que  te  digue  enfin  lou  founs  de  ma  pensado  ? 

de  tous,  Cécile  est  votre  femme ...  —  Mais  non,  mieux  vaudra  (ne 
prenez  pas  tant  de  peine)  —  mieux  vaudra  que  moi-même  j'ébruite  ce 
mystère.  —  Vous,  tâchez  seulement,  jouant  l'homme  discret,  —  si  Es- 
tève vient,  curieux,  autour  de  la  corbeille  —  pour  parler  du  fruit  et 
savoir  qui  y  goûte,  — de  ne  répondre  ni  bi  ni  ba,  mais  de  manière —  à 
jeter  dans  son  esprit  la  crainte  et  le  soupçon. —  Puis,  après,  je  vien- 
drai, moi,  mettre  le  feu  aux  poudres ....  —  Comment  trouvez- vous 
cela? 

ALEXIS 

Bon.  Tu  ne  payes  pas  de  mine  ;  —  je  reconnais  pourtant  que  tu  es 
diablement  fin.  —  Mais  un  plan  n'est  pas  tout,  il  faut  en  atteindre  le 
but, —  Estève  est  ombrageux  ;  une  fois  monté, —  il  croira  vite  ce  que 
tu  lui  diras  de  la  fillette ....  —  Il  m'a  fait  souffrir  ma  part  ;  cela  me 

vengera.  —  Quelqu'un  vient. . .  .C'est  notre  homme Allons  nous 

préparer.  {Us  s'en  vont.) 

SCÈNE  II 

Estève,  Simonnet 

BSTàVB 

Veux-tu  que  je  te  dise  enfin  le  fond  de  ma  pensée  ? — Tu  es  fidèle  ; 


LA   BISCO  26Q 

Sies  âdèu  ;  ai  pamens  la  tèsto  trigoussado 

De  la  p6u  qu^enyers  iéu  manques  à  toun  devé. . . 

SIMOUNBT 

Iéu! 

BSTÈYE 

Moun  amour  me  dis  qu'un  rivau  peu  avé, 
Quand  fort  adrechamen  yôu  gagna  la  partido, 
D6u  varlet  d'un  ami  la  pleno  counsentido, 
E  qu'ansin  t'an  belèu  fa  mordre  à  Tamessoun.  •  • 

SIMOUNET 

Se  Yoste  amour  vous  dis  ac6,  n'a  pas  resoun. 
Jitas  dounc  un  cop-d'iue  sus  aquelo  frimousse  ; 
Es  qu'ai  Ter  d'èstre  âa  coume  un  floc  de  cimousso  ? 
Fourbe  !  lou  siéu  jamai  esta,  lou  sayès  bèn, 
E  tène  trop  à  vous  pèr  vous  trahi,  Tambèn 

BSTÊVE 

T'acuse  pas  d'aeô  ;  soulamen,  vole  dire 
Que  sens  ie  prene  gardo. 


•  •  • 


•  • 


j*ai  cependant  la  tête  bouleversée —  par  la  peur  qu'envers  moi  tu  man- 
ques à  ton  devoir. . . 

SIMONNKT 

Moi! 

ESTÈVB 

Mon  amour  me  dit  qu'un  rival  peut  avoir,  —  lorsque  fort  adroite- 
ment il  veut  gagner  la  partie,  —  du  valet  d'un  ami  la  pleine  conni- 
vence, —  et  qu'on  t'a  peut-être  ainsi  fait  mordre  à  l'hameçon . 

SIMONNET 

Si  votre  amour  vous  dit  cela,  il  n'a  pas  raison .  —  Jetez  donc  un  re- 
gard sur  cette  frimousse  :  —  est-ce  que  j'ai  l'air  flasque  comme  un 
moroeau  de  lisière?. . . — Fourbe  !  je  ne  l'ai  jamais  été,  vous  le  savez 
bien,  —  et  je  tiens  trop  à  vous  pour  vous  trahir.  Aussi. . . 

ESTÈVB 

Je  ne  t^accuse  pas  de  cela  ;  seulement,  je  veux  dire  —  que,  sans  j 
prendre  garde. .  • 


270  LA   BISCO 


SIMOUNET 


Alor,  sarié  bèn  pire  ! 
Que  m'agon  atrapa,  se  pôu;  perdil  quau  es 
Que  dins  sa  vido  a  pas  pita  dos  o  très  fes  ? 
Mau-despié,  crese  pa  de  m'èstre  leissa  prene 
Coume  un  gros  tarnagas.  Es  pas  de  iuei  qu'estrene 
Aquéli  dous  quinquet,  e  save  m'en  servi  : 

{Mostro  sis  tue) 
Entre  vous  vèire  intra,  Cecilo  a  Ter  ravi  ;    . 
Li  mot  tendre  que  dis,  li  cop-d'iue  que  vous  douno, 
Sa  man  que  ie  prenès,  qu'elo  vous  abandouno, 
Pèr  qu  anelés  si  det  de  poutounet  bén  dous, 
Tout  provo  que  la  drolo  a  d'amour  que  pèr  vous. 
Quand  Alèssi  ie  vai,  au  countràri,  pecaire  ! 
Cecilo  semble  mudo  e  rèsto  dins  soun  caire  ; 
Tout-bèu-just  se  respond  i  questioun  que  ie  fai. 

ESTÉVE 

Ac6  vôu  pas  mai  dire. 

SIMOUNET 

Ah  !  presemple  ! 


8IM0NNET 

Alors,  ce  serait  bien  pire  !  —  Que  l'on  m'ait  attrapé,  c'est  possible  ; 
quel  est  celui  —  qui  dans  sa  vie  n'a  pas  niordu  deux  ou  trois  fois 
(à  l'hameçon)  ?  —  Malgré  tout,  je  ne  crois  pas  m'être  laissé  prendre 
comme  une  buse .  —  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  j'étrenne  —  (mon- 
trant ses  yeux)  ces  deux  quinquets,  et  je  sais  m'en  servir. —  Dès  qu'elle 
vous  voit  entrer,  Cécile  a  l'air  radieux;  —  les  mots  tendres  qu'elle  dit, 
les  regards  qu'elle  vous  adresse, —  sa  main  que  vous  lui  prenez,  qu'elle 
vous  abandonne  — pour  que,  comme  d'autant  d'anneaux,  vous  entouriez 
fies  doigts  de  bien  doux  baisers,  —  tout  prouve  que  la  jeune  fille  n'a 
d'amour  que  pour  vous. — Quand  Alexis  arrive,  le  pauvret  !  Cécile,  au 
contraire,  —  semble  muette  et  reste  dans  son  coin .  —  A  peine  répond- 
elle  aux  questions  qu'il  lui  fait. 

ESTÈVE 

Cela  ne  signifie  rien. 

BIMONNET 

Ah  !  par  exemple  ! 


LA   BÏSCO  871 

ESTBVB 

Pas  mai  !..  * 

Un  galant  trop  souvent  viéu  de  folo  esperanço  ; 
Lou  que  d'amour  reçaup  lou  mai  d'asseguranço, 
Lou  que  parèislou  mai  festeja,  caressa, 
Es  pas  toujour,  ai!  las!  lou  mies  recoumpensa. 
Aquéli  faus-semblant  soun  pas  qu'uno  masqueto  : 
Lou  cor,  coume  un  voulant  bandi  sus  la  raqueto, 
Vèn  de-longo  à  la  man  qu'en  Ter  lou  fai  sauta; 
S'abéuro  de  mamour,  sens  jamai  se  douta 
Qu'entremens  que  l'amuso  emb'  aquéu  dous  bestige, 
Em'  un  autre  la  belle  acabo  soun  traitige. . . 
Vè,  pode  pas  coumprene,  —  en  passant,  siegue  di,  — 
Que,  s'Alèssi  de-bon  èro  foro-bandi, 
Prenguèsse  coume  acô  soun  mau  emé  paciènci. 
Emai  d'un  filousofe  ague  touto  la  sciènci, 
Un  orne,  de  sang-fre,  pourra  jamai  soufri 
Lou  bonur  insoulènt  d'un  rivau  preferi. . . 
Rapelo-te  que  i'a  quicon  aqui  dessouto  ! . . . 
Quand  vese  aquéu  jouvènt  s'enana  tèsto  souto, 
Endiferènt  o  gai  de-fes  coume  un  quinsard, 
Entre  qu'arribe  encô  de  Cecilo  d'asard, 

BSTàVB 

Rien  ! . . .  — Un  galant  trop  souvent  vit  d'espérances  folles .  —Celui 
qui  reçoit  le  plus  de  serments  d'amour, —  celui  qui  paraît  le  plus  fêté, 
le  plus  choyé,  —  n'est  pas  toujours,  hélas!  le  mieux  récompensé.  — 
Ces  faux  semblants  ne  sont  qu'un  masque.  —  Le  cœur,  comme  un  vo- 
lant chassé  par  la  raquette,  —  revient  toujours  à  la  main  qui  le  fait 
sauter  en  l'air  ;  —  il  s'abreuve  de  charmantes  paroles,  sans  se  douter 
jamais  —  que,  du  temps  qu'elle  le  berce  de  ce  tendre  enfantillage,  — 
avec  un  autre  la  belle  achève  sa  trahison. — Vois-tu,  je  ne  peux  com- 
prendre, soit  dit  en  passant,  —  que,  si  Alexis  était  réellement  rem- 
barré, —  il  prît  ainsi  son  mal  en  patience.  —  Quoiqu'il  ait  tout  le 
savoir  d'un  philosophe,  —  un  homme  ne  pourra  jamais  soufErir  de 
sang-froid  —  le  bonheur  insolent  d'un  rival  préféré.  —  Souviens-toi 
qu'il  y  a  quelque  chose  là-dessous .  —  Quand  je  vois  ce  jeune  homme 
s'en  aller  tête  basse,  —  indifférent,  ou  gai  parfois  comme  un  pin- 
son, —  dès  que  j'arrive  chez  Cécile,  à  raison,  à  tort  peut-être, —  mon 


272  1  A    BISCO 

Moun  cor  endoulouri  fai  milo  viro-passo 
E  pèr  mens  de  dous  liard  ie  cedariéu  la  passo  ! . . . 
De  quant  aimariéu  mies  dins  sa  marrido  imour 
Legi  Tamar  tourmen  que  ie  fai  noste  amour  ! . . . 
Mai  noun,  soun  plan-pausa  me  soulèvo  la  bilo 
E  gasto  lou  bonur  que  me  vèn  de  Cecilo  ; 
Talamen  que,  dou  mai  me  vese  mignouta, 
E  dôu  mai  doutariéu  de  sa  âdelita. 
Tu-meme,  d'un  rivau  rambaia  de  la  sorte 
Troves-ti  naturalo  inchaienco  tant  forto? 

B 

SmOUNET 

Supause  qu'en  vesènt  qu'avès  lou  bon  cartoun, 
Alèssi  en  quicon-mai  a  muda  si  catoun .  .  • 

ESTÈVE 

Crèi  ac6,  piei  béu  un  cop  d'aigo,  cambarado  ! . . . 
Quand  un  cassaire  vèi  la  lèbre  qu'a  tirado 
Sus  lou  cop  de  fusiéu  vira  li  cambo  enTèr, 
De  la  joio  que  n'a,  sentis  âaqui  si  nèr  ; 
Mai  quand,  tout  tremoulant  coume  s'avié  lafèbre, 
Cresènt  de  Taganta,  vèi  mai  courre  la  lèbre. 


cœur  fait  mille  culbutes,  —  et  pour  moins  de  deux  liards  je  lui  céde- 
rais, le  pas .  —  De  combien  je  préférerais  dans  sa  mauvaise  humeur 
— ^lire  l'amer  tourment  que  lui  cause  notre  amour  I. . . — Mais  non,  son 
sang-froid  me  soulève  la  bile  —  et  gâte  le  bonheur  qui  me  vient  de 
Cécile  ;  —  tellement  que,  plus  je  me  vois  cajoler,  —  et  plus  je  doute- 
rais de  sa  fidélité.—  Toi-même,  chez  un  rival  traité  de  la  sorte,—  trou- 
ves-tu naturelle  si  grande  indifférence? 

SIMONN^T 

Je  suppose  qu'en  voyant  que  vous  avez  le  bon  numéro, —  Alexis  a 
emporté  le  chat  autre  part. 

ESTÈVB 

Crois  cela,  puis  bois  un  verre  d'eau,  camarade ...  —  Quand  un 
chasseur  voit  le  lièvre  qu'il  a  tiré  —  sur  le  coup  de  fusil  tourner  les 
pattes  en  l'air,— de  la  joie  qu'il  en  éprouve  il  sent  ses  nerfs  fléchir;  — 
mais  lorsque,  tout  tremblant  comme  s'il  avait  la  fièvre,  —  croyant 
le  saisir,  ilvgit  encore  déguerpir  le  gibier ,  —  sot,  ébahi,  il  jette  son 


LA   BISCO 
Monquet.estabourdi,  jito  soun  armo  au  aôa, 
Pecaire  I  e  dounarié  sa  vido  pèr  un  b6u. 
«Èro  aqui  I  la  teniéD,la  bèstiol  epîëî  m'«8cap«  1. . 
Viéurié  milanto  e  plus,  la  coulëro  l'âncapo, 
Touti  li  fes  que  aounjo  à-n-aquéu  jour  maudi. , . 
Eb  !  bèa,  vè,  n'es  onsin  d'un  Mngaire  embandi 
Au  moumen  que  se  crèi  mëstre  de  sa  ponlido , . . 
Diras  que  B'en  coiinsolo  e  qu'à  la  finrôublido  I 
Te  troumpes,  Simounet:  uoun,  un  amour  verai 
Couvo  soulo  11  cendre  e  s'amousso  jamal  ; 
E,  quand  se  vèi  rauba  lou  cor  que  cresié  sienne, 
Aquel  amour  blassa  jito  lou  cant  dôu  oiéune. . . 

81M0UNBT 

L'amour,  — ac6  se  dis  e  redis  proun  souvent, — 
Trais-lou  pèr  la  fenèstro,  à  la  porto  revèn  I . . , 
De  pensa  d'aquéu  biais  sias  lou  mëstre,  sias  libre; 
Mai  iéu,  qu'ai  pas  legi  coume  voas  de  gros  libre 
E  que  di  âlousofe  ignore  li  discours. 
Me  permetrai,  Moussu,  de  vous  dire  tout  court 
Qu'en  amour  simplamen  me  flse  à.  ço  que  vese. 
Dins  mi  debas  voulès  qu'âne  mètre  de  cese  f 


Êtrme  à  terre, —  et,  le  malheureux  !  il  donnerait  sa  vie  pour  un  aon...— 
Il  Elle  était  là,  je  la  tenais,  la  bête  1  et  paie  elle  m'échappe  ! ...  »  — Vi- 
vrait-il mille  ans  et  plus,  U  colère  le  prend,  —  chaque  fois  qu'il  eonce 
à  ce  jour  maudit.  ...  —  Eh  bieal  vois-tu,  il  en  estainai  d'un  gd 
éconduit—  au  moment  qu'il  se  croit  maître  de  sa  belle...  ^  Tu  d: 
qu'il  s'en  console  et  qu'il  fiuit  par  oublier  !  —  Tu  te  trompes,  Sim 
net;  non,  un  amour  véritable  —  couve  aûuslea  cendres  et  ne  s'éti 
jamais  ;  —  et,  lorsqu'il  se  voit  voler  un  cœur  qu'il  croyait  sien,  — 
amour  blessé  jette  le  chant  du  cygne.  .  ■ 
SIUOHNBT 

L'amour,  cela  se  dît  et  se  redit  assez  sonvent,  —  «  jette-le  pa 
fenêtre,  il  revient  par  la  porte  .s  —  De  penser  de  cette  façon  v 
êtes  le  m^tre,  voua  êtes  libre  ;  —  maïs  moi,  qui  comme  voua  i 
pas  In  de  gros  volumes  —  et  qui  des  philosophes  ignore  les  niasin 
—  je  me  permettrai,  Monsieur,  de  vous  dire  tout  court —  qu'en  am 
je  me  Se  simplement  à  ce  que  je  vois .  —  Vous  voulez  que  dans  r 


274  LA  BISCO 

M'ame  trop,  vous  redise,  e  siéu  pas  tant  badau 

De  me  chapla  la  tèsto  à  me  créa  de  mau  : 

Sian  prôun  à  tèms,  grand  Dieu  !  quand  vènon,  de  li  prene. .. 

Se  rendre  malurous  esprès?  Noun  vous  coumprene. 

Fau  pas  avans  la  fèsto  alesti  lou  bouquet  ! 

Bèn  !  iéu  pèr  li  soucit  siéu  pas  tant  besuquet  : 

Quand  li  vese  espeli  d'un  cousta,  fau  en  sorto 

De  pas  li  capita  sus  lou  pas  de  la  porto. 

Li  chagrin  soun  de  frut  de  tôuti  li  sesoun  ! 

Perqué  lis  acampa  sens  rimo  ni  resoun  ?  • . . 

Subre  lou  même  fus,  iuei,  noste  amour  se  fialo: 

Vous  calignas  la  damo,  e  iéu  la  servicialo  ; 

Donne,  se  vous  fan  au  même,  auren  lou  même  sort. 

Pensas  que  pèr  acô  me  vau  mètre  à  la  mort  ? 

Pas  tant  nèsci  !  Ame  mies  crèire  que  ma  mestresso 

Mentis  pas  quand  me  dis  qu'ai  toute  sa  tendresse. 

Es  tant  dous  de  s'ausi  dire  ;  «T'ame  !  »,  Moussu. . . 

Jamai  de  moun  si-cap  me  cavarai  lou  su 

Pèr  saupre  se  Pieret  fringo  emé  Flourineto  ; 

Se  Jan,  de-rescoundoun,  ie  fai  de  poutouneto  ; 

Se  Tôni,  quand  la  vèi,  ie  pessugo  lou  bras 

0  même  quicon-mai  qu'es  encaro  plus  gras  . . 

bas  j'aille  fourrer  des  pois  chiches?  —  Je  m'aime  trop,  vous  redis- 
je,  et  ne  suis  pas  si  badaud  —  que  de  me  rompre  la  tête  à  me  créer 
des  ennuis.  —  Nous  sommes  bien  à  temps,  grand  Dieu  !  de  les  prendre 
quand  ils  viennent. . .. —  Se  rendre  malheureux  à  dessein  !  je  ne  vous 
comprends  point. — Il  ne  faut  pas  préparer  le  bouquet  avant  la  fête  I... 

—  Eh  bien  !  moi,  en  fait  de  soucis,  je  ne  suis  pas  si  méticuleux  :  — 
lorsque  je  les  vois  poindre  d'un  côté,  je  m'arrange  de  façon  —  à  ne 
pas  les  rencontrer  sur  le  seuil  de  ma  porte.  —  Les  chagrins  sont  des 
fruits  de  toutes  les  saisons  !  —  Pourquoi  les  cueillir  sans  rime  ni  rai- 
son ?  —  Sur  le  même  fuseau  notre  amour  se  file  aujourd'hui  :  —  vous 
vous  courtisez  la  dame,  et  moi  la  servante  ;  —  donc,  si  l'on  vous  joue, 
nous  aurons  même  fortune. . . — Vous  pensez  que  pour  cela  je  vais  me 
mettre  à  la  mort  ? — Pas  si  bête  !  J'aime  mieux  croire  que  mon  amante 

—  ne  ment  pas  lorsqu'elle  me  dit  que  j'ai  toute  sa  tendresse.  —  Il  est 
si  doux  de  s'entendre  dire  :  «Je  t'aime  î  y>  Monsieur.  —  Mais  jamais 
par  plaisir  je  ne  me  creuserai  le  cerveau  —  pour  savoir  si  Petit-Pierre 
comtise  Florinette;  —  si  en  cachette  Jean  lui  fait  de  doux  baisers  ;  — 
si  Antoine,  lorsqu'il  la  rencontre,  lui  pince  le  bras,  —  ou  bien  quelque 


La  ÉISCO  215 

Que  biscon  li  jalpus  !  que  miaulon  li  machoto  ! 
A  la  an  veiren  béû  quau  aura  la  pichoto. . . 

ESTÈVE 

Sies  urous  de  poudé  resouna  coume  ac6. 

SIMOUNBT 

Quand  se  parlo  dôu  loup,  on  lou  tèn  pèr  la  co  : 

La  vese  eila  que  passe .  •  •  H6u  !  Flourineto,  arribo  ! . . . 

SCENO  III 
lii  Même,  Flourineto 

PLOURiNBTO,  mirant,  à  Simounet 
Eh  I  de-que  fas  aqui  coume  un  ai  sus  la  ribo? 

SIMOUNET 

Tis  auriho  t'an  pas  sibla,  bèu  perdigau  î 

FLOURINETO 

Noun.. 

SIMOUNET 

Parlavian  de  tu,  toutareto. 

chose  de  plus  dodu  encore.  —  Que  bougonnent  les  jaloux I  que 
miaulent  les  chouettes  !  —  A  la  fin,  nous  verrons  bien  qui  aura  la 
petite! 

BSTàVB 

Tu  es  heureux  de  pouvoir  raisonner  ainsi . 

SIMONNET 

Quand  on  parle  du  loup,  on  le  tient  par  la  queue:  —  je  la  vois  là- 
bas  qui  passe. . .  Ohé  !  Florinette,  arrive  ! . . . 

SCÈNE  III 
Les  Mêmes,  Florinette 

FLORINETTE,  à  Simonnet 
Eh  I  que  fais-tu  là  comme  un  âne  sur  le  bord  (d'un  pré)? 

SIMONNET 

Tes  oreilles  ne  t'ont  pas  sifflé,  gentil  perdreau? 

FLORINETTE 

Non. 

SIMONNET 

Nous  parlions  de  toi  à  Tinstant  même. 


PLOURINETO 

Emé  quau? 

siMOUNET,  te  moustrant  Estève. 
Tè  I  regarde. 

FLOUMNETO,  à  EstèvC 

Emai  vous,  sias  aqui  sus  la  plaço  ! 
Eh  bèn  I  anas,  n'ai  fa  pèr  yous  de  cambo  lasso. . , 

ESTÈVE 

Pèr  iéu  !  e  coume  vai  ? 

FLOURINETO 

Vous  cercàve.  Tambèn, 
Sente  plus  ma  ratello,  e  vous  proumete  bèn 
Que  sias  pas  au  Peyrou,  nimai  à  TEsplanado. 

SIMOUNET 

Oi  !  de  bon  ? 

ESTÈVE 

Mai  perqué,  bello  desalenado, 
De  tôuti  11  cousta  me  campejes  ansin  ? 
Quau  te  mando  ? 


PLORINETTE 

Avec  qui  ? 

SIMONNET,  montrant  Estève 
Tiens,  regarde. 

FLORIN  ETTE,    à  Estève 

Vous,  aussi,  vous  êtes  là  sur  la  place  I  —  Eh  bien  !  allez,  je  n'ai  pas 
mal  fatigué  mes  jambes  pour  vous. . . . 

ESTÈVE 

Pour  moi  ?  Et  dans  quel  but  ? 

FLORINETTE 

Pour  VOUS  chercher .  Aussi,  —  je  ne  sens  plus  ma  rate,  et  je  Vous 
assure  bien  —  que  vous  n'êtes  ni  au  Peyrou,  ni  à  l'Esplanade . 

SIMOUNET 

Oui  !  tout  de  bon  ? 

ESTÈVE 

Mais  pourquoi,  ma  belle  essoufflée,  —  de  tous  côtés  me  cherches- 
tu  ainsi  ?  —  Qui  t'envoie  ? 


LA  fetôcô  m 

PLOURINETO 

Lou  rèi  es  pas  voste  cousin  ! 
Quau  me  mando?  Quaucun  que,  de-niue,  vous  pantaio; 
Que,  de-jour,  vous  desiro.  . . 

ESTBVB 

Anen  !  pas  tant  de  baio  ! 

PLOURINETO 

Es  ma  mestresso,  enfin. 

EÇTÊVE 

0  galant  esquirôu, 
Te  trufes  pas  de  iéu  ;  me  fariés  veni  fôu  ! . .  . 
Es  verai  ? 

FLOUaiNETO 

Bèn  verai. 

ESTÈVE 

Que  te  mando  ? 

FLOURINETO 

Me  mando. 

ESTÉVB 

Soun  amour  sarié  pas  alor  de  contro-bando? 

FLOBINETTB 

Le  roi  n'est  pas  votre  cousin!  —  Qui  m'envoie?  —  Quelqu'un  qui 
vous  rêve,  la  nuit,  —  et  qui,  le  jour,  vous  désire . . . 

ESTÈVE 

Allons  1  pas  tant  de  billevesées  ! 

FLORIN  ETl'B 

C'est  ma  maîtresse  enfin ... 

ESTÈVE 

0  charmant  écureuil,  —  ne  te  ris  pas  de  moi  ;  tu  me  rendrais  fou . 
—  Est-ce  bien  vrai  ? 

FLOBINETTB 

Bien  vrai. 

BSTÂVB 

Qu'elle  t'envoie  ? 

FLORIN  ETTE 

Elle  m'envoie . 

ESTÈVE 

Son  amour,  alors,  ne  serait  pas  de  contrebande  ? 

21 


278  LA  B1SC0 

FLOURINBTO 

Ace,  de-que  vous  pren  ?  Parlarias-ti  de  bon  ! 
Es  que  Misé  Gecilo  a  fach  o  di  quicon 
Pèr  vous  manca  ? 

BSTèvB 

Jamai. 

FLOURINETO 

Eh  bèn  !  coume  s'atrovo 
Que  doutas  ?• . .  I)e  sa  fe  n'avès  pas  proun  de  provo? 
De-que  vousfau  encaro? 

siMOUNKT,  trufarèu 

Oh  !  pàu  de  causo  ! 

FLOURINETO 

Enfin  ? 

SIMOUNET 

Qu'Alèssi  dins  lou  Lez  se  nègue  coume  un  chin, 
E  de  soun  cor  moussu  veira  feni  li  lagno> . . . 

FLOURINETO,  à-u-Estève 
Sai-que  dins  lou  plafound  aurias  uno  estiragno  ? 

SIMOUNET 

Es  jalons  coume  un  tigre  I . . . 

FLOBINËITE 

Voyons,  qu'est-ce  qui  vous  prend?  Parleriez- vous  sérieusement? 
—  Est-ce  que  Mademoiselle  Cécile  a  fait  ou  dit  quelque  chose  —  pour 
vous  manquer  ? 

ESTèVE 

Jamais . 

FLORINETTE 

Eh  bien  !  comment  se  trouve-t-il  —  que  vous  doutez  ? De  sa 

foi  n'avez-vous  pas  assez  de  preuves  ?  —  Que  vous  faut-il  encore  ? 

SIHONNET,  ironiquement 
Oh  !  peu  de  chose  ! .  • . 

PLORINETTE 

Encore? 

SIMON  NET 

Qu'Alexis  se  noie  comme  un  chien  dans  le  Lez, — et  Monsieur  verra 
finir  les  transes  de  son  cœur. 

FLORINETTE,    à  Estève 

Est-ce  que  par  hasard  vous  auriez  une  araignée  dans  le  plafond  ? 


LA  BISCO  *7ft 

PLOURINETO 

E  de  quau  sias  jalous  ? 
D'Alèssi?. . .  Francamen,  Moussu,  i'  a  pas  que  vous 
Pèr  se  claô  Tesprit  de  pensado  tant  soto.  • . 
Ace,  mai  badinan.  o  manjan  d'agrioto  ? 
Jusqu'aro  vous  cresiéu  un  orne  de  bon  sen, 
E  vese  que  me  sîéu  troumpado  rudamen. 

(A  Simounet) 
Es  qu'auriés  pèr  asard,  tu,  dôu  mau  de  toun  mèstre? 
Sariés  jalons? 

SDfOUNET 

Pas  mai  !  emai  vole  pas  Tèstre  : 
La  jalousie  coungreio  e  nourris  dins  lou  cor 
Un  verme  que  sens  fin  lou  rousigo  e  lou  mord. 
Siéu  trop  fort  de  ta  fe  pèr  n'aguedre  dputanço. 
Pieiounte  trouvariés  tant  poulido  pitanço? 

(le  présenta  sa  figura) 

FLOURINETO 

T*anes  pas  faire  mau  à  la  cambo  ! . .  .  val  plan  ! 

(Même  jo) 
E  tu,  digo,  ounte  auriés  un  mourre  tant  galant? 

SIMONNET 

Il  est  jaloux  comme  un  tigre...  • 

FLORINETTE 

Eh!  de  qui  êtes-vous  jaloux  ? —  D'Alexis  ?. . .  Franchement,  Mon- 
sieur, il  n'y  a  que  vous  pour  se  bourrer  l'esprit  de  si  sottes  pensées. 
—  Ah  !  çà,  mais  plaisantons-nous  ou  mangeons-nous  des  griottes?  — 
Jusqu'à  présent  je  vous  croyais  un  homme  de  bon  sens,  —  et  je  vois 
que  je  me  suis  rudement  trompée .  —  {A  Simonnet)  Est-ce  que  toi,  par 
hasard,  tu  aurais  la  maladie  de  ton  maître  ?—  Serais-tu  jaloux  ? 

SIMONNET 

Ahl  pas  le  moins  du  monde!  et  je  neveux  point  l'être: — la  jalousie 
engendre  et  nourrit  dans  le  cœur  —  un  ver  qui  sans  fin  le  ronge  et 
le  mord. —  Je  suis  trop  fort  de  ta  foi  pour  en  douter. —  Puis,  où  trou- 
verais-tu si  jolie  pitance  ? 

(//  lui  montre  sa  figure) 

FLORINETTE 

Ne  te  fais  pas  mal  à  la  jambe  ! ...  va  doucement  !  (Même  Jeu)  — 
Et  toi,  dis,  où  prendrais-tu  minois  si  gracieux  ? 


$S0  LA  BISCÔ 

SIMOUNET 

As  milo  fes  resoun. 

FLOURINETO 

Un  jalous  à  sa  bello 
Sèmblo  dire  :  «  Mignoto,  ounte  aviés  la  cervello 
»  Quand  venguères  ansin  t'amourousi  de  iéu  ? 
»  Espincho  aquéu  d'aqui,  s'es  pas  mai  agradiéu, 
))  Pu  brave,  pu  poulit. .  •»  que  sabe  ?  E  l'amourouso 
S'imagino  de-fes  que  sarié  plus  urouso 
Emb'  aquel  autre  en  quau  aurié  jamai  pensa. . . 

(A-n-Estève) 
En  passant,  poudès  mètre  ac6  dins  voste  sa. 

ESTÉVE,  ri'soulet 
Sufis  I 

FLOURINETO 

Escusas-me  se  vous  fau  la  mouralo  : 
M'avès  tant  estounado  emè  vôsti. . . 

ESTÈVE 

Foutralo  ! 
Badina  va. . .  Belèu  me  diras  à  la  fin 
Perqu'as  tant  fa  pèr  iéu  trepa  ti  petoun  fin  ? 


SIMONNET 

Tu  as  mille  fois  raison . 

FLORINETTE 

Un  jaloux  à  sa  belle —  semble  dire  :  «  Mignonne,  où  avais-tu  la  tête 
—  quand  tu  vins  ainsi  ^amouracher  de  moi  ?  —  Regarde  celui-là,  s'il 
n'est  pas  plus  avenant,  — plus  gentil,  plus  beau. . .  »  que  sais-je  ?  Et 
l'amante  —  sMmagine  parfois  qu'elle  serait  plus  heureuse  —  avec  cet 
autre  à  qUi  elle  n'avait  jamaîis  songé. . . — {A  Estèvé)  En  passant,  vous 
pouvez  mettre  cela  dans  votre  sac . 

ESTÈVE,  souriant 
Suffit  I 

FLOBINETTB 

Excusez-moi  si  je  vous  fais  la  morale  :  —  vous  m'avez  tellement 
étonnée  avec  vos 

ESTÈVE 

Petite  sotte  !  —  je  plaisantais. . .  Peut-être  diras-tu  enfin  —  dans  quel 
but  tu  as  tant  fait  pour  moi  trotter  tes  jolis  petons  ? 


LA   BISCO  281 

FLOURINETO 

E  se,  pèr  castiga  vôsti  sôtis  idèio, 

Vous  fasièi  lingueto,  aro,  e  bada  la  dragèio?.   . 

(le  haio  uno  letro) 
Prenès  aquéu  bihet. 

ESTÈVE 

Es  d'elo?  Oh  !  gramaci  ! 

FLOURINETO 

Poudès  legi  tout  aut,  res  nous  eseouto  eici. 

ESTÈVE  legis 
«  LVmour  counèis  pas  ges  d'oustacle  !  » 
M'avès  repeti  bèn  souvent. 
Ënsajas  iuei  aquéu  miracle. 
Moun  paire  à  Toustau  vous  atèud. 
Saup  que  m*amas  e  que  vous  ame  ; 
Venès  ie  demanda  ma  man. 
Se  vous  Tacordo,  noun  reclame 
Pas  d'autre  bonur. . .  A  deman  ! . . . 

M'as  pourta  lou  bonur,  manido,  sies  un  ange. . . 

E,  tu,  de  p.outounet  vène  eici  que  te  mange, 

Letro  de  moun  amigo . . . 

(Baiso  Vescri) 

FLORINETTB 

Et  si,  pour  châtier  vos  idées  saugrenues, —  je  vous  tirais  la  langue 
maintenant  et  vous  tenais  la  dragée  haute  ?, . . —  {Lui  remettant  une 
lettré)  Prenez  ce  billet. 

KSTBVB 

Il  est  d'elle?  Oh!  merci! 

FLORIN  ETTE 

Vous  pouvez  lire  tout  haut  :  ici  personne  ne  nous  écoute . 

ESTÈVE   Ut 
«  L'amour  ne  connatt  nul  obstacle!» — m*avez-vou8  répété  bien  souvent. — 
Tentez  ce  miracle  aujourd'hui  :  —  mon  père  vous  attend  à  la  maison.  —  Il 
sait  que  vous  m'aimez  et  que  je  vous  aime;  —  venez  lui  demander  ma  main. 
—  S'il  vous  l'accorde,  je  ne  réclame  pas  d'autre  bonheur. ...  A  demain! 
{A  Florinette.) 
Tu  m'as  porté  le  bonheur,  petite, —  tu  es  un  ange. . . — Et  toi,  viens 
que  je  te  mange  de  baisers,  —  lettre  de  mou  amie. 
(//  baisotte  l'éant) 


2S2  LA  BISCO 

SIMOUNBT 

£h  I  quau  de  nautre  dons 
A  lou  mies  devina  soun  coramistadous? 

(Recito) 
Saup  que  m'amas  e  que  vous  ame  ; 
Venès  ie  demanda  ma  man  ; 
Se  vous  l'acordo,  noun  reclame 
Pas  d'autre  bonur. . .  A  deman! . . . 

FLOURINETO 

Eh  !  s'en  rîntrant  disiéu  ço  qu'avès  dinsla  tèsto, 
Moussu  lou  jalousas,  sarias  pas  tant  en  fèsto, 
Que  léu  me  mandarien  reprene  aquel  escri  ! . . . 

ESTÉVB 

Counvène  qu'un  moumen  aviéu  perdu  l'esprit. 
Li  qu'an  ges  de  trésor  an  pas  soucît  di  laire. 
Ma  crento  d'un  rivau  es  estado  un  esclaire. . . 
N'  i'  en  parles  pas,  au  mens  !  Se-de-noun,  digo-ie 
Que  siéu  preste  à  mouri  pèr  paga  ma  foulié. 

FLOURINETO 

Mouri  !  Leissas  la  mort  tranquilo  au  cementèri 
E  vives  de  bonur,  d'amour  e  de  mistèri.  •  • 


SIMONNET 

Bh  ! . . .  qui  de  nous  deux  —  a  le  mieux  compris  son  cœur  aimant  ? 

{Il  récité) 
Il  sait  que  vous  m'aimez  et  que  je  vous  aime  ;  —  venez  lui  demander  ma 
main.— S'il  vous  l'accorde,  je  ne  réclame  — pas  d'autre  bonheur.  A  demain! 

FLORINETTE 

Eh  ! ... .  si,  en  rentrant,  je  disais  ce  que  vous  avez  dans  la  tête,  — 
Monsieur  le  gros  jaloux,  vous  ne  seriez  pas  si  joyeux, —  car  on  m'en- 
verrait vite  reprendre  cet  écrit  ! . . . 

ESTÈVE 

Je  conviens  qu'un  moment  j'avais  perdu  la  tête  :  —  ceux  qui  n'ont 
point  de  trésor  n'ont  pas  souci  des  larrons.  —  Ma  crainte  d'un  rival 
n'a  été  qu'un  éclair.  —  Ne  lui  en  parle  pas,  au  moins;  sinon,  dis-lui 
—  que  je  suis  prêt  à  mourir  pour  expier  ma  folie . 

FLORINETTE 

Mourir!  Laissez  la  mort  tranquille  au  cimetière, — et  vivez  de  boU' 
heur,  de  mystère  et  d'amour. 


hX  BISCO  1^83 

ESTÉVE 

Te  Tai  di  :  sies  un  ange,  e  quauque  jour  sauprai 
Recounèisse... 

FLOURINETO,  em'  entencioun 
A  prepaus,  devînarias  jamai 
Ounte,  pèr  vous  cerca,  tantost  sîéu  mai  anado  ? 

BSTÉVE 

Sai-que  à  Port-Juvenau  ? 

FLOURINETO 

Oh  !  quînto  badinado  ! 
Pas  tant  liuen  ;  perqué  pas  me  dire  :  à  Palavas  ? 

ESTÉVB 

Basto  !  ai  proun  manja  favo. 

FLOURINETO 

Es  que  vous  rapelas 
Lou  poulit  magasin  qu'es  dins  la  Grand'Carriero, 
Mounte  dévias  un  jour  me  croumpa,  pèr  ma  fiero, 
La  bago  que  m'avès  proumesso,  i*a  dous  mes  ? 

siMOUNET,  à  despart 
La  luradol 

ESTBVE 

Je  te  l'ai  dit  :  tu  es  un  ange;  et,  quelque  jour,  je  saurai  —  recon- 
naître. . . . 

FLOBINETTE,  avec  intention 

A  propos,  vous  ne  devineriez  jamais  —  où,  pour  vous  chercher,  je 
suis  encore  allée  tantôt  ? 

ESTÈVE 

A  Port- Juvénal  peut-être  ? 

FLORINETTE 

Quelle  plaisanterie  1 — Pas  si  loin.  Pourquoi  ne  pas  dire:  à  Palavas? 

ESTÈVE 

Baste!  je  donne  ma  langue  au  chat. 

FLORINETTE 

Vous  rappelez-vous — le  joli  magasin  qui  est  dans  la  Grand'Rue,  — 

et  où  vous  deviez  un  jour  m'acheter,  pour  ma  foire,  —  la  bague  que 

vous  m'avez  promise,  il  y  a  deux  mois? 

SIMONNET,  à  part 
La  luronne! 


Z9i  LA  fiISGO 

BSTBVE 

£  tendrai  ^o  que  t'ai  aproumés. 

FLOURINBTO 

Oh  !  Moussu,  quand  vous  dise. . . 

siMOUNET,  à  despart 

Un  toupet  d'amoulaire  ! 

ESTÉVE,  donnant  sa  bago  à  Flourtneto 
Agacho,  en  espérant,  s'aquelo  p6u  te  plaire. 

FLOURINETO 

Es  trop  poulido  I ...  Oh  !  noun  ! . . .  Âuriëu  vergougno .  • . 

SIMOUNET 

Là! 
Ma  bello  vergougnouso,  anen,  boto  !  preii-la, 

Que  Moussu  te  Tôufris  emé  trop  d'avenènço. 

FLOURINETO,  la  prenèut,  d'un  èr  resigna 
Enfin,  aurai  de  vous  aquelo  souvenènço. . . 

ESTÉVE,  misteriousamen 
Quouro  pourrai  veni  vèire  Cecilo  ? 


ESTÈVE 

Et  je  tiendrai  ce  que  j'ai  promis. 

FLORINETTB 

Oh  !  Monsieur,  quand  je  vous  dis. . . 

SI  MONNET,  à  part 
Un  toupet  de  rémouleur  I 

ESTÈVE,  donnant  sa  bague  à  Florinette 
Regarde,  en  attendant,  si  celle-ci  peut  te  plaire. 

FLORINETTE 

Elle  est  trop  jolie  ! ....  Oh  !  non  ! . . . .  J'aurais  honte  de. . . . 

SÎMONNET 

Là  !  —  ma  belle  honteuse,  allons!  va,  prends-la  !  —  car  Monsieur 
te  l'offre  avec  trop  de  courtoisie. 

FLORINETTE,  d'un  air  résigné,  prenant  la  bague 
Enfin,  j'aurai  de  vous  ce  souvenir. 

ESTÈVE,  mystérieusement 
Quand  pourrai -je  aller  voir  Cécile  ? 


LA  BISCO  285 

FLOURINBTO 

Après  . 
Qu^aurès  emé  lou  vièi  gagna  voste  proucès. . . 

ESTÊYE 

E  se  me  rambaiavo  encaro,  lou  coumpaire  ? 

PLOURINETO 

Madamisello  e  iëu  pedassarian  Tafaire. 
Vous  amas,  vai  que  trai  triounfarés  toujour. 

ESTÂVB,  à  Flourineto  que  vai  sourit 
Adieu  !  Sauprai  moun  sort  avans  la  fin  dou  jour. 

(Relegis  la  lelro  tout  bas) 

s 

FLOURINETO,  se  revtrant,  à  Simounet 
E  nautre,  ounte  n'en  sian  de  nôstîs  amoureto  ? 
N'en  quinques  pas  lou  mot. . . 

8IM0UNBT 

Nautre  ?  Ma  coucoureto, 
Acô  sara  lèu  fa  :  iéu  te  vole  ;  me  vos  ? 

PLOURINETO 

Eh  !  perdinche  I 


FLOBINETTE 

Dès  —  qu'auprès  du  vieux  vous  aurez  gagné  votre  cause . 

ESTàVB 

Et  s'il  me  rembarrait  encore,  le  compère? 

FLORINETTB 

Mademoiselle  et  moi  nous  arraugerions  la  chose.  —  Vous  vous  ai- 
mez; de  façon  ou  d'autre,  vous  triompherez  toujours. 

ESTÈVE,  à  Florinette  qui  va  pour  sortir 

Adieu  !  Je  saurai  mon  sort  avant  la  fin  de  la  journée. 
(//  relit  tout  bas  la  lettre) 

FLORINETTE,  86  rctoumant,  à  Simonnet 
Et  nous  autres,  où  en  sommes-nous  de  nos  amourettes  ?  —  Tu  n'en 
souffles  pas  mot. 

SIMONNET 

Nous  autres  ?  ma  pouponne,  —  ce  sera  vite  fait  :  je  te  veux  ;  me 
veux- tu  ? 

FLOaiNEITB 

Eh  !  ptudienne ! 


286  LA   BÏSCO 

siMOUNET,  ie  pourgènt  la  man 
Sufis.  Topo  ! 

FLOURiNETO,  i€  pourgèut  la  man 

Topo  î 

SIMOUNET,  ie  tapant  dins  la  man 

Unol 

FLouRiNBTO,  ie  tapant  dins  la  man 

Dosl 
(Vaipèr  sourit) 

SIMOUMET 

Adiéu^  moun  roussignôu  ! 

FLOURINETO 

Adieu,  ma  berigoulo  ! 

SIMOUNET 

Adieu,  moun  iôu  ! 

FLOURINETO 

Adieu,  moun  astre! 

SIMOUNET 

Adieu,  ma  poulo  ! 


SIMONNET,  lui  tendant  la  main 

Suffit.  Tope  là  ! 

FLORiNETTE,  lui  tendant  ht  main 
Tope! 

siMONNET,  lui  tapant  dans  la  main 
Une! 

FLORINETTE,  lui  tapant  dans  la  main 
Deux  ! 

{Elle  va  pour  sortir) 

SIMONKET 

Adieu,  mon  rossignol  1 

FLORINETTE 

Adieu  !  mon  petit  champignon  ! 

8IM0NNET 

Adieu,  mon  œuf  [ma  mignonne]! 

FLORINETTE 

Adieu,  mon  astre! 

SIMONNET 

Adieu,  ma  poule  ! 


LA  BISCO  187 

FLOURINETO 

Souleiet  de  moun  amo  I.  • . 

SIMOUNET 

Estello  de  moun  cor  I  •  •  • 

(Flourineto  sort;  à  Estèvc) 

Emai  soun  paire  siegue  aspre  coume  un  reoort 
Âc6  marcharabèn;  vèirés. 

ESTÈVB 

Bon  !  veici  Tautre. 
(Fat  signe) 

SIMOUNET 

Alèssi  ! .  •  .Yen  beléu  pèr  se  trufa  de  nautre. . . 

SCENO  IV 
Estève,  Simoanet,  Alésai 

BSTÉVB,  irounicamen  jusqu'à  la  fin 
Dieu  vous  lou  done  bon,  mèste  Alèssi  ! 

FLOBINETTE 

Beau  soleil  de  mon  âme  ! 

(Elle  sort) 

SIMONNET 

Étoile  de  mon  cœm*  !  —  (A  Estèoé)  Quoique  son  père  soit  âpre  comme 
un  recors,  —  cela  marchera  bien;  vous  verrez. 

BSTÈVE 

Bon!  voici  l'autre. 
{Il  fait  signé) 

SIMONNET 

Alexis  ! ...  Il  vient  sans  doute  pour  se  moquer  de  nous , . . 

SCÈNE  IV 
Estève,  Simonnet,  Alexis 

ESTÈVE,  ironiquemml  jusqu'à  la  fin 
Dieu  vous  le  donne  bon  [vous  donne  un  bon  jour],  maître  Alexis  ! 


288  LA   BISCÛ 

ALèssh  mem$  jo 

Que  Dieu 

Vous  lou  done  meîour,  s'es  poussible^  mardiéu  I 

BSTJÈVB 

Eh  bèp  !  comûjs  n'en  sian  de  l'amour,  bèu  coulègo  ? 

ALBSSl 

E  vous,  d'aquéu  brasas  que  caufo  d'une  lègo? 

ESTÉVE 

Cremo  mai  que  jamai. 

ALÊSSI 

E  ma  passioun  grandis. 

ESTÈVE 

Pèr.  ..Cécile? 

ALÊSSI 

Pèrelo. 

ESTÈVE 

Eh  !  sandis  !  cadedis  ! 
Coume  disié  moun  ouncle,  avès  Timour  counstanto, 

ALÉSSI 

Eh!  capouchin  de  bos!  coume  disié  ma  tante, 

ALEXIS,  même  jeu 
Que  Dieu  —  vous  le  donne  meilleur,  si  c'est  possible,  morbleu  ! 

ESTÈVE 

Eh  bien  !  où  en  sommes-nous  de  l'amour,  beau  collègue  ? 

ALEXIS 

Et  vous,  de  ce  brasier  qui  chaufie  d'une  lieue  ? 

ESTÈVE 

Il  brûle  plus  que  jamais. 

ALEXIS 

Et  ma  passion  grandit. 

ESTÈVE 

Pour. .  .Cécile? 

ALEXIS 

Pour  elle . 

ESTÈVK 

Eh  !  sandis  !  cadédis  !  •—  comme  disait  mon  oncle,   vous  avez   le 
caractère  constant. 

ALEXIS 

Eh  !  capucin  de  bois  !   comme  disait  ma  tante  —  quand  vous  te- 
nez, vous  êtes  opiniâtre  et  vous  ne  lâchez  pas  d'un  cran. 


LA  BlâdÔ  2i9 

Quand  tenès,  sias  pîniastre  e  lâchas  pas  d'un  cran. 

ESTÊVE 

Me  plais  pas,  en  amour,  d'ana  coume  li  cranc 
E  nae  countènte  pas  d'un  regard  pèr  poutage  ; 
Tant  pau  que  done,  fau  qu'aquel  pau  se  partage. .  • 
Basto  I  vole  èstre  ama  coume  ame .  • . 

ÂLÉSSI 

Avès  resoun , 
Ë  fau  pas  autrameniéu-meme,  bon  garçoun. 
Se  ma  mestresso,  un  jour,  me  fasié  tristo  mino, 
Savès  se  vous  i'  auriéu  lèu-lèu  vira  Tesquino  ! 

(Em'  entencioun) 
Prene  pas  lis  afrount,  iéu,  pèr  de  coumplimen; 
léu,  fau  pas  bon  mercat  di  nôbli  sentimen. . . 

ESTÊVE 

Mai  Cecilo,  me  semble. . .? 

ALÉSSI 

Elo  !  belle  adourado, 
Tant  que  pou  satisfai  moun  amo  enamoarado. 


ESTÊVE 

11  ne  me  plaît  pas,  en  amour,  d'aller  comme  les  écrevîsses,—  et  je 
ne  me  contente  pas  d'un  regard  pour  tout  potage  ;  —  pour  peu  que 
je  donne,  il  faut  que  ce  peu  me  revienne. . .  —  Baste  !  je  veux  être 
aimé  comme  j'aime . . . 

ALEXIS 

Vous  avez  raison,  —  et  je  ne  fais  pas  autrement  moi-même,  bon 
garçon ,  —  Si  ma  maîtresse,  un  jour,  me  faisait  triste  mine,  savez- 
vous  si  je  lui  aurais  vite  tourné  le  dos  ! . . .  —  {Avec  intention)  Je  ne 
prends  pas,  moi,  les  aflErontspour  des  compliments  ; — moi,  je  ne  fais 
pas  bon  marché  des  sentiments  les  plus  nobles . . . 

ESTÊVE 

Mais,  Cécile,  il  me  semble. . .? 

ALEXIS 

Elle  I  belle  adorée ,  —  elle  satisfait  tant  qu'elle  peut  mon  âme 
éprise  d'amour. 


I» 


M  La  Ëisco 

BSTÈVB 

Sias  pas  bèn  dificile  alor  à  countenta  ? 


'  ÂLÉSSI 

Mai  que  ço  que  cresès. 

ESTÈVK 

1  Pamens,  sens  me  vanta, 

Pode  afourti  que  siéu  soun  mignot. 

I  ALÉSSI 

j  Pecaireto  ! 

Se  Tun  de  nautre  dous  em*  elo  fai  si  freto, 
\  (Se  désignant  éu-meme) 

I  Es. ..  Moussu. 

ESTÈVB 

Vous  metès  pas  mau  lou  det  dins  Tiue  ! 

ALÈSSI 

Voudrias  me  faire  encrèire  à  miejour  que  fai  niue? 

ESTÈVB 

Nàni,  mai  vese  proun  la  façoun  que  vous  trato. 

ESTÈVB 

Vous  n'êtes  alors  pas  bien  difficile  à  contenter  ! 

ALEXIS 

Plus  que  vous  ne  croyez. 

ESTÈVE 

Sans  me  vanter,  cependant  —  je  puis  affirmer  que  je  suis  son  mi- 
gnon. 

ALEXIS 

Pauvret!...  —  Si  l'un  de  nous  deux  avec  elle  fait  ses  orges,  —  c'est... 
Monsieur. 

(//  se  désigne  lui-même) 

ESTÈVE 

Vous  ne  vous  mettez  pas  mal  le  doigt  dans  l'œil  ! 

ALEXIS 

Voudriez-vous  me  faire  accroire  qu'il  fait  nuit  en  plein  midi  ? 

ESTÈVE 

Non,  mais  je  vois  assez  la  façon  dont  elle  vous  traite. 


Là  BISOO  Sdl 

ALÉSSI 

Fasès-vous  ôupera  de  vosto  oatarato . .  • 

ESTÉVB 

Sai-que,  la  niue  passado,  avés  pas  proun  dourmi?. .. 

ALÈssi,  ern  entendoun 
Ma  fisto  I  en  badinant,  devignas,  bel  ami. 

ESTÈVE 

Sarias  bèn  atrapa  s'eici  vous  fasiéu  vèire 
La  proYo  qu'ai  soun  cor,  iéu  soulet. . . 

ALÈSSI 

Es  de  crèire. 
E  se  iéu  vous  countave  un  secret  que, . .?  Mai  noun, 
Que  vous  ensucarié  coume  un  cop  de  canoun. 

ESTÈVE 

D'abord  que,  mau-grat  tout,  voste  aploumb  se  counservo. 
Es  lou  moumen  de  faire  espeli  la  réserve . . . 

{le  baio  la  letro  de  Cemlo) 
Legissès. 

ALEXIS 

Fait es-vous  opérer  de  votre  cataracte . 

ESTÈVE 

Sans  doute,  la  nuit  passée,  vous  n'avez  pas  assez  dormi  ? . . . 

ALEXIS,  avec  intention 
Ma  foi  !  en  plaisantant,  vous  devinez,  bel  ami. 

ESTÈVE 

Vous  seriez  bien  penaud  si  je  vous  montrais  ici  même  —  la  preuve 
que  j'ai  son  cœur,  à  moi  tout  seul . . . 

ALEXIS 

C'est  à  croire.  —Et  si  je  vous  contais,  moi,  un  secret  qui. . .?  — 
Mais,  nenni,  car  il  vous  étourdirait  comme  un  coup  de  canon. 

ESTÈVE 

Puisque,  malgré  vous,  vous  gardez  votre  aplomb, — c'est  le  moment 
de  faire  paraître  la  réserve. . .  (//  Un  donne  la  lettre  de  Cécile) —  Lisez. 


M  Lk   ÈÎSGÔ 

ALÈssi,  en  kgissènt 
Qu'acô  's  dous  !  Es  de  mèu  I  Coume  escriéu  !.. 

ESTÈVE 

E. .  ^  couneissès  la  man  ? 

ALÊssi,  te  rendent  la  letro 
Es  Cecilo,  {xerdiéu  ! 

BSTàVB 

Aro,  cantarés  plus  qu'avès  lou  blanc  dou  pôrri. 

ALÊSSI,  s'enanant  en  risènt 
Mèste  Estève,  adessias  ! . . . 

SIMOUNBT 

Oi  !  d'aquéu  tantalôri  ! 
r  a  pas  aqui  de  que  faire  un  grand  cacalas. 

ESTÈVE 

Es  que  nous  aurié  fa  toumba  dins  quauque  las  ? 
Sa  maniero  d'agi,  soun  rire,  tout  m'estouno. . . 
Rapelo-te  qu'un  cop  misterious  se  mitouno. 

ALEXIS,  Usant 
Que  c'est  doux  !  C'est  du  miel  !  Comme  elle  écrit  ! . . . 

ESTÈVE 

Et  . .  vous  connaissez  la  main  ? 

ALEXIS,  lui  rendant  la  lettré 
C'est  Cécile,  pardieu  l 

ESTÈVE 

Vous  ne  chanterez  plus  maintenant  que  vous  avez  le  blanc  du 
poireau? 

ALEXIS,  sortant  en  riant 
Maître  Estève,  adieu  ! 

SIMONNET 

Oh! cet  écervelé  !  —  Il  n'y  a  pas  là  de  quoi  rire  aux  éclats. . . 

ESTÈVE 

Est-ce  qu'il  nous  aurait  fait  tomber  dans  quelque  piège  ?  —  Sa  ma- 
nière d'agir,  son  rire,  tout  me  surprend. . . — Souviens-toi  qu'il  se  mi- 
tonne quelque  coup  mystérieux. 


^ 


LA   BISCO  293 

SIMOUNET 

Vejeici  soun  varlet.  Es  un  pau. .  .savès? 

{Fat  signe  qu'es  harjaire) 

ESTÈVE 

Boni 
En  Tembabouchinant  pourren  saupre  quicon. 

SCENO  V 
Estéve,  Simounet,  Barjariho 

BARJARiHo,  intrant,  à  despart 

Estre  i  gage  d'un  mèstre  amourous  fôu  ansindo, 
Amariéu  cent  fes  mai  ana  garda  li  dindo  I. . . 

SIMOUNET,  amistousamen 
Bonjourneto  ! 

BARJARIHO,  secamen 
Bonjour  ! 

SIMOUNET 

Ounte  anan  d'aquéu  pas  ? 
D'ounte  venèn  ansin,  coulègo  ? 


SIMONNET 

Voici  son  valet.  Il  est  un  peu. . .  vous  savez  ? 

(//  fait  signe  qu'il  est  bavard) 
ESTÊVE 

Bon!  —  en  Fembabouinant,  nous  pourrons  savoir  quelque  chose. 

SCÈNE  V 
Estëve,  Simonnet,  Barjarille 

BARJARILLE,  entrant,  à  part 

Être  aux  gages  d'un  maître  amoureux  fou  ainsi,  —  j'aimerais  cent 
fois  mieux  aller  garder  les  dindons  ! . . . 

^     .  SIMONNET,  amicalement 

Bonjour  ! 

^     .       .  BARJARILLE,  sèchement 

Bonjour  ! 

SIMONNET 

Où  allons-nous  de  ce  pas?  -  D'où  venez- vous  ainsi,  collègue  ? 

22 


f 


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I 


« 


294  LA   BISCO 


BARJARIHO 

\  Sabe  pas  ; 

r 

Ni  vau  ni  vène,  estent  que  brande  pas  de  plaço. 


r 

i 

[  SIMOUNET 


Alor,  restes? 

BARJARIHO 

Noun,  parte. 

SIMOUNET,  à  despart 

Es  un  moussèu  de  glaço . .  • 

ESTÈVE,  à  Barjariho 
Barjariho  es  bèn  fier  !. . .  .Fasèn  un  pichot  tour? 

BARJARIHO 

Vous  vesiéu  pas,  Moussu. . .  Voste  umble  servitour  I 

(Saludo  e  vai  pèr  sourti) 

ESTÊVB 

Vous  fau  pôu?  On  dirié  qu'un  tron  vous  accousséjo. 

BARJARIHO,  se  cHnant,  emé  forço  geste 
Trop  d'ounour  me  fasès,  Moussu. 


BARJARILLE     • 

Je  ne  sais  ;  —  je  ne  vais  ni  ne  viens,  dès  Tinstant  qne  je  ne  bouge 
pas  de  place. 

SIMONNET 

Alors,  tu  restes? 

BARJARILLE 

Non,  je  pars . 

SIMONNET,  à  part 
C'est  un  glaçon ... 

ESTÈVE,  o  Barjarille 
Barjarille  est  bien  fier  ! . . . .  Nous  faisons  un  petit  tour  ? 

BARJARILLE 

Je  ne  vous  voyais  pas,  Monsieur. . .  Votre  humble  serviteur  1* 

(Il  salue  et  va  pour  sortir) 

ESTÈVE 

Vous  f ais-je  peur  ?  On  dirait  qu'un  tonnerre  vous  poursuit . 

BARJARILLE,  8%ncUnant,  avec  force  gestes 
Trop  d'honneur  vous  me  faites,  Monsieur. 


LA  BISCO  295 

siMOUNET,  à  despart 

Coume  brassejo  ! 
A  Ter  d'un  prègo-diable. . . 

ESTÉVB 

Arrestas-vous  un  pau. 
Sauprés  qu'à  Taveni  poudès  viéure  en  repau  : 
M'a  bèn  faugu  leissa  la  plaço  à  voste  mèstre  ; 
Ere  court  e  coustié,  pire  que  sant  Silvèstre. 
Pense  plus  à  Cecilo,  e  Simounet,  se  vôu, 
Pôu  dire  ounte  ai  pourta  moun  pichot  pan  d'un  sôu, 

BARJARIHO 

Sarié  la  verita  ? 

SIMOUNET 

Verita  puro  e  neto. 
léu-meme^  se  la  vos,  te  cède  Flourineto. 

BARJABIHO 

Podes  bèn  la  garda,  boto  ! . . .  Pèr  soun  amour 
Es  que  m'as  jamai  vist  mètre  de  belle  imour? 

{A-n-Estève) 
Mai  sarié-ti  de  bon  qu'abandonnas  lou  posto? 

SIMONNET,  à  part 
Comme  il  joue  des  bras  !  —  il  a  l'air  d'une  mante  religieuse 

ESTÈVE 

Arrêtez-vous  un  instant. —  Sachez  que  désormais  vous  pouvez  vivre 
en  repos  : —  il  m'a  bien  fallu  laisser  la  place  à  votre  maître  ;  —  j'étais 
court  et  de  côté  [mes  traits  n'arrivaient  pas  au  but  ou  allaient  à  côté], 
pire  que  saint  Sylvestre .  —  Je  ne  pense  plus  à  Cécile,  et  Simonnet, 
s'il  lèvent, —  peut  vous  dire  où  j'ai  porté  mon  petit  pain  d'un  sou. 

BARJABILLB 

Serait-ce  la  vérité  ? 

SIMONNET 

Vérité  pure  et  franche.  —  Moi-même,  si  tu  la  veux,  je  te  cède 
Florinette. 

BABJABItLE 

Tu  peux  bien  la  garder,  va. . .  Pour  son  amour —  est-ce  que  tu  m'as 
jamais  vu  porté  de  bonne  humeur  ?  —  (A  Estève)  Mais  serait-ce  pour 
tout  de  bon  que  vous  abandonnez  le  poste  ? 


296  LA  B18C0 

ESTÉVE 

Cecilo  I  save  plus  ni  quant  vau  ni  quant  costo, . . 
*  Es  que  pode,  vejan,  ie  garda  ma  fervour, 
Dôu  moumen  que  toun  mèstre  a  tôuti  si  faveur  ? 

BARJARIHO 

Sens  coumta  qu'aqui  sias  orne  prudent  e  sage  : 

A  vous  dire  verai,  geinavias  lou  passage. 

Ta  bèn  long-tèms  qu'aurias  degu  quita  Toustau, 

Car  vous  i'  escarnissien  pièi,  d'un  biais,  trop  brutau. 

E  iéu,  que  saviéu  tout,  quand  vous  vesiéu,  purèio  I 

Coume  d'escut  tin-tin  prene  si  simagrèio, 

Mé  sariéu  derraba  lou  fege  emé  li  dent. . . 

Cecilo  se  risié  de  vous,  paure  imprudent, 

E  tôuti  si  mamour  emai  si  bèlli  pause 

Ëron  santalimen  pèr  mies  nebla  la  cause. 

E  vous,  brave  jouvènt,  croucavias  lou  marmot. . . 

Mai  coume  avès  dounc  fa  pèr  saupre  lou  fin  mot  ? 

Quand  lou  cop  se  faguè,  diantre  I  aquelo  vesprado, 

r  avié  res  mai  que  iéu  e  mi  dous  cambarado. 

Ai  bello  me  vira  la  tèsto  de  Tenvès, 

ESTÈVB 

Cécile!. ...  Je  ne  sais  plus  ce  qu'elle  vaut  ni  ce  qu'elle  coûte.. .  — 
Puis-je,  voyons,  lui  garder  ma  flamme,  —  dès  l'instant  que  ton  maître 
a  toutes  ses  faveurs  ? 

BARJARILLE 

Sans  compter  qu'en  cela  vous  êtes  homme  sage  et  prudent  :  —  à 
vous  dire  vrai,  vous  gêniez  le  passage.  —  Il  y  a  bien  longtemps  que 
vous  auriez  dû  quitter  la  maison  ; —  car  on  vous  y  bernait,  puis,  d'une 
façon  trop  brutale  ;  —  et  moi,  qui  savais  tout,  quand  je  vous  voyais, 
saperlotte  !  —  comme  écus  sonnants  prendre  leurs  simagrées,  —  je 
me  serais  arraché  le  foie  avec  les  dents ...  —  Cécile  se  riait  de  vous, 
pauvre  imprudent,  —  et  tous  ses  mamours  et  ses  belles  manières  — 
étaient  uniquement  pour  mieux  voiler  la  chose. . .  —  Et  vous,  brave 
jeune  homme,  vous  croquiez  le  marmot ...  —  Mais  comment  avez- 
vous  donc  fait  pour  savoir  le  fin  mot  ? —  Lorsque  le  coup  se  fit,  dian- 
tre !  cette  soirée,  —  il  n'y  avait  que  moi  et  mes  deux  camarades.  — 
J'ai  beau  me  mettre  la  tête  à  l'envers,  —  je  ne  puis  m'expliquer  d'où 
vous  le  savez .... 


LA  BISCO  297 

Pode  pas  m*esplica  d'ounte  vous  lou  savès. . . 

ESTÉVE,  inquiet 
De-que  dises  aqui? 

BARJARIHO 

Que  pode  pas  coumprene 
Coume,  estent  tant  secret,  avès  fa  pèr  aprene 
Lou  mariage  qu'unis  Cecilo. . . 

ESTÈVE,  furious 

N'as  menti  ! 
E,  vè,  se  m'en  cresiés,  fariés  bèn  de  parti. 

BARJARIHO,  ipoucritamen 
Avès  resoun,  m'envau. 

ESTÈVE 

0  frount  de  coumissàri, 
Sies  un  flame  couquin  ! 

BARJARIHO 

Dise  pas  lou  countràrî. 

ESTÈVE 

S'escoutave  moun  sang,  que  gargoutejo  viéu, 
T'auriéu  déjà  passa  ma  lamo  dins  lou. .  • 


ESTÀVE,  inquiet 
Que  dis-tu  là  ? 

BABJABILLB 

Que  je  ne  puis  comprendre  —  comment,  secret  comme  il  est,  vous 
avez  pu  apprendre  le  mariage  qui  unit  Cécile . . . 

ESTÈVE,  furieux 
Tu  en  as  menti!  —  et,  vois-tu,  si  tu  m'en  croyais,  tu  ferais  bien  de 

partir. 

BARJARiLLE,  hypocritement 

Vous  avez  raison,  je  m'en  vais. 

ESTÈVE 

0  front  de  commissaire  I  tu  es  un  fieffé  coquin  I 

BARJABILLE 

Je  ne  dis  pas  le  contraire. 

ESTÈVE 

Si  j'écoutais  mon  sang,  qui  bouillonne  vivement,  —  je  t'aurais  déjà 
passé  ma  lame  dans  le. . . 


298  LA   BI6G0 

BARJARIHO 

Dieu  f 
Quau  vous  empacho  ? 

BSTÉVB,  plan,  à  Simounet 

Eh  bèn  I  de-que  n^en  dises  ? 

SIMOUNET^  plani  à-n-Estève 

Diable  ! 
Ah  I  diable  • .  • 

BSTÊVB,  à  Simounet 

léu  ai  p6u  que  siegue  véritable  !.  •  • 

le,  farai  bèn  raca.. , 

(A  Barjariho,  que  vai  pèr  sourti) 

Te  sauves  pas,  sai-que  ? 

BARJARIHO 

Pas  mai  ! 

BSTÉVB,  doucetamen 

Dises  alor  que  Cecilo. . .? 

.    BARJARIHO 

De-que  ? 

BSTÊVB 

De  toun  mèstre  es  déjà  la  feno  ? 


BABJABILLB 

Dieu  !  qui  vous  en  empêche  ? 

ESTÈVE,  bas,  à  Sinionnet 
Eh  !  bien,  qu'en  dis-tu? 

siMONNET,  bas,  à  Estève 
Diable  !. . .  —  ah  I  diable  ! . . . 

BSTÈVE,  à  Simonnet 
Moi,  j'ai  peur  que  ce  ne  soit  véritable  ; — je  le  lui  ferai  bien  avouer,.. 

(A  Barjarille,  qui  va  pour  sortir) 
Tu  ne  te  sauves  pas,  peut-être? 

BABJABILLB 

Non,  certes! 

ESTÈVE,  très-doucenient 

Tu  dis  alors  que  Cécile. . .? 

BABJABILLE 

Quoi? 

ESTÈVE 

De  ton  maître  est  déjà  la  femme? 


LA   BISCO  299 

BARJARIHO 

Galejave. 

BSTÉVE 

Ah  !  galejaves? 

BARJARIHO 

Noun,  galejave  pas. 

BSTÈVE 

Brave  ! 
Alor,  es  bèn  verai? 

BARJARIHO 

léu,  dise  pas  acô. 

ESTÈVE 

De-que  dises  adounc?  Parle,  vièlan  cocot. . .    • 

BARJARIHO 

Dise  que  dise  rèn,  crento  de  n'en  trop  dire. 

BSTÈVE 

Tiro  la  cause  au  clar,  qu'ai  pa  'nvejo  de  rire.  . . 
Es-ti  verai  o  noun  ? 

BARJARIHO 

Sara  coume  voudrés, 
Car  vole  pas,  Moussu,  vous  contro-dire  en  res. 


BARJABILLE 

Je  plaisantais. 

BSTÈVÊ 

Ah  I. . .  tu  plaisantais? 

BABJÂBILLE 

Non,  je  ne  plaisantais  pas. 

BSTÈVE 

C'est  donc  bien  vrai  alors  ? 

BARJABILLE 

Je  ne  dis  pas  cela. 

ESTÈVE 

Que  dis-tu  donc?  Parle,  vilain  moineau. 

BABJABILLE 

Je  dis  que  je  ne  dis  rien,  crainte  de  trop  dire. 

ESTÈVB 


r/ 


Tire  la  chose  au  clair;  car  je  n'ai  pas  envie  de  plaisanter.. . —  Est-ce 


vrai,  oui  ou  non  ? 

BABJABILLE 


Ce  sera  comme  vous  voudrez  ;  — car  je  ne  veux  pas,  Monsieur,  vo^ 
contredire  en  rien. 


300  LA   BISCO 

ESTÉYK 

Oh  !  m'ameisaran  pas,  tis  èr  de  catamiaulo  I 
Parlo,  se-noun  eiçô  te  rendra  la  paraulo. . . 

(Lou  menaço  d'un  pistoulet) 

BARjARiHO,  esfraia 
Voulès  rire  !..  .Oh!  perdoun. .  .Lou  fagués  pas  peta. . . 

ESTÉVB 

Dau  !  sens  mai  de  bestour,  digo  la  verita. 

BARJARIHO 

La  dirai  ;  es  qu'ai  pôu  de  vous  fâcha. . . 

ESTÈVB,  lou  menaçant 

Zôu  !  digo, 
Se  noun  vos. . . 

BARJARIHO 

Gramaci.  Voui,  Moussu,  vosto  amigo, 
Dôu  mens  la  que  cresias  vosto  amigo,  avans-ièr 
Espousè  dins  la  niue  moun  mèstre. . .  En  de-que  sièr, 
Dôu  moumen  qu'ai  agu  la  lengo  tant  bavarde, 
De  vous  escoundre  mai  un  pount  que  vous  regarde? 
Se  soun  trufa  de  vous  ensèn,  emai  ie  sias. 

ESTÈVE 

Oh  !  tes  airs  de  chattêmite  ne  m'apaiseront  pas  ! ...  —  Parle,  sinon 

ceci  te  rendra  la  parole ... 

(//  le  menace  d'un  pistolet) 

BARJARILLE,  effrayé 

Vous  voulez,  rire  ! ...  Oh  !  pardon ...  Ne  le  faîtes  pas  partir. . .' 

ESTÈVE 

Allons  !  sans  plus  de  détours,  dis  la  vérité . 

BARJARILLE 

Je  la  dirai  ;  c'est  que  j'ai  peur  de  vous  fâcher . . . 

ESTÈVE,  le  menaçant 
Vite,  dis,  —  si  tu  ne  veux . . . 

BARJARILLE 

Grand  merci.  Oui,  Monsieur,  votre  amie,  — ou,  du  moins,  celle  que 
vous  croyiez  votre  amie,  avant-hier  —  épousa  dans  la  nuit  mon  maî- 
tre.. .  —  A  quoi  sert-il,  dès  l'instant  que  j'ai  eu  la  langue  si  bavarde, 
—  de  vous  cacher  plus  longtemps  un  point  qui  vous  concerne  ?. .  .  — 
Ils  se  sont  moqués  de  vdus  ensemble,  et  vous  y  étiez  encore. 


LA  BISCO  301 

ESTÊVE 

Se  pôu-ti  ? 

BARJARIHO 

Vous  lou  jure. 

ESTBVÊ,  ie  fasènt  signe 
Envai-t'en. 

BARJARIHO,  saludant 

Adessias. 
(A  despart) 

Es  pas  trop  lèu. .  •  An  ris  de  ma  p6u  ridiculo'; 

Mais  coume  an  tôuti  dous  envala  la  pilulo  I . . . 

{S*envai) 
ESTÊVE 

Quante  pessut  de  pebre  a  mes  dins  moun  toupin  !. . . 
Me  V  esperave  pas  ! . .  • 

SIMOUNET 

Es  lou  cop  dôu  lapin. 

ESTÊVE 

Boudiéu  I  sian  pas  encaro  à  la  fin  de  Tescagno  ; 
Lis  acivadarai,  e  pas  emé  la  cagno. . . 
Laisse  faire. 


Se  peut-il  ? 

Je  vous  le  jure. 

Va-f  en  ! 


ESTÈVE 
BABJABILLE 

BSTÈVE,  lui  faisant  signe 


BABJABILLE,  saluant 
Adieu  ! —  {A  part,)  Ce  n'est  pas  trop  tôt . . .  Ils  ont  ri  de  ma  peur  ri- 
dicule, —  mais  comme  ils  ont  gobé  la  pilule  tous  deux  !. . . 
(//  s*en  va) 

ESTÈVB 

Quelle  pincée  de  poivre  il  a  mis  dans  mon  pot-au-feu  !  —  Je  ne  m'y 
attendais  pas . . . 

SIMONNET 

C'est  le  coup  du  lapin. 

ESTÊVE 

Bon  Dieu  I  nous  ne  sommes  pas  encore  à  la  fin  de  l'écheveau  ;  —  je 
les  rétorquerai,  et  pas  de  main  morte.  —  Laisse  faire. 


302  LA  BISCO 

SIMOUNET 

Poudès  canta  De  profundis. 

ESTÉVE 

H6u  !  Tempourtaran  pas  ansindo  au  Paradis. 

SIMOUNET 

Dins  la  man  dôu  destin  Tome  es  uno  machino. 

ESTÉVE 

le  garde  en  touti  dous  un  cadèu  de  ma  chino. 

SIMOUNET 

Pèr  tant  que  siegue  verd,  aspre  e  dur,  un  coudoun 
Se  digeris  toujour. 

ESTEVE 

Nàni,  ges  de  t)erdoun  : 
Lou  cacalas  d'Alèssi  es  aqui  que  me  cacho  ; 
Fau  que  ie  fague,  un  jour,  rintra  dins  la  ganacho. 

(Van  pèr  sourti) 

SIMONNET 

Vous  pouvez  chanter  De  profundis. 

ESTÉVE 

Heu  !  ils  ne  remporteront  pas  ainsi  au  Paradis. 

SIMONNET 

Dans  la  main  du  destin  l'homme  est  une  machine . 

ESTèVE 

Je  leur  garde  à  tous  deux  un  beau  chien  de  ma  chienne . 

SIMONNET 

Pour  tant  qu'il  soit  vert,  âpre  et  dur,  un  coing —  se  digère  toujours. 

ESTÈVE 

Non  !  pas  de  pardon  :  —l'éclat  de  rire  d'Alexis  est  là  qui  me  pèse  ; 
—  il  faut  que  je  le  lui  fasse  un  jour  rentrer  dans  la  gorge. . . 
{Ils  vont  pour  sortir) 


LA  BISGO  303 

SCENO  VI 
Ll  M«me»  Flourineto 

FLOURiNBTO,  ifitrant,  à-n-Estève 

Vous  rescontre  à  prepaus. .  •  Saches,  urous  couquin, 
Que  quaucun  tous  espèro,  anlue^  dins  soun  jardin. 

BSTÉVB,  furious 

Vas  me  f..itre  lou  camp,  trasso  de  messagiero, 
Se  noun  vos  que  tourna  te  croumpe  uno  autro  ûero  ! 
Val,  lengo  de  pedas  ;  vai,  serpatas  maudi, 
Em'  éli  prépara  vosto  obro  de  bandit  !.. . 
Après  un  parié  tour,  Cecilo  enca  me  morgo  ! 
Vai  ie  dire  lou  cas  que  fau  de  si  messorgo. .  • 
{Estripo  la  letro  de  Cecilo  e  s'envai) 

FLOURINETO,  à  Simounet 

Sus  quanto  meichanto  erbo  a  marcha  de-matin  ? 

SIMOUNET,  mgaugnant  Estève 

Vai  faire  un  pau  pus  liuen  cascaia  toun  patin, 

SCÈNE  VI 

Les  Mêmes,  Florinette 

FLORINETTB,  entrant,  à  Estève 
Je  vous  rencontre  à  point. . .  Sachez,  heureux  fripon,  —  que  quel-, 
qu'un  vous  attend,  ce  soir,  dans  son  jardin. 

ESTÈVE,  furieux 
Tu  vas  f .  .icherle  camp,  vaurienne  de  messagère,  —  si  tu  ne  yeux 
que  je  t'achète  encore  une  autre  foire  !  —  Va,  langue  de  chiffon  ;  va, 
maudite  vipère,  —  préparer  avec  eux  votre  complot  de  bandits  ! . . .  — 
Après  un  tour  pareil,  Cécile  me  nargue  encore  !  —  Va  lui  dire  le  cas 
que  je  fais  de  ses  mensonges. . . 

(//  déchire  la  lettre  de  Cécile  et  sort) 

FLORINETTE,  à  Simonnet 
Sur  quelle  mauvaise  herbe  a-t-il  marché  ce  matin  ? 

SIMONNET,  imitant  Estève 
Va  faire  un  peu  plus  loin  résonner  ton  patin ,  —  ô  taon  de  mal- 


304  LA   BISCO 

0  tavan  de  malur,  o  marrido  femelo, 
Se  noun  vos  en  quicon  reçaupre  ma  semelo  ! . . . 
Vai  dire  à  quau  te  mando  encaro  que  savên 
De  quanto  meno  soun  li  figo  que  nous  vend  ! . . . 
Vai,  que  moun  mèstre  e  iéu,  l'entendes,  margouiino, 
Avèn  proun  begu  d'aigo  à  voste  gourgoulino. . , 
Tigre,  rinoceros,  croucodile,  grapaud, 
T'escrapouchinariéu,  se  m'escoutave  un  pau  ! . , . 

(S'envai) 

FLOURINBTO 

Pèr  ma  fisto  !  soun  bau  !  N'en  siéu'efsrtabourdido. . . 
E  ma  pauro  mestresso,  elo  qu'èro  candido 
Dôu  plesi  de  lou  vèire  aniue,  coume  prendra 
La  manière  que  m' an  tôuti  dous  revira  ! . . . 
(Acampo  li  moucelet  de  la  letro  estrifado  e  s'envai.  —  Boisson 
la  telo,) 

FIN  DE   l'aTB   PREMIB 


heur,  ô  méchante  femelle,  —  si  tu  ne  veux  recevoir  ma  semelle  quel- 
que part  ! . . .  —  Va  dire  à  celle  qui  t'envoie  que  nous  savons  —  de 
quelle  qualité  sont  les  figues  qu'elle  nous  vend  ! . . .  —  Va,  car  mon 
maître  et  moi,  l'entends-tu,  effrontée?  —  nous  avons  assez  bu  d'eau  à 
votre  gargoulette. ..  ^  Tigre,  rhinocéros,  crocodile,  crapaud,  —  je 
t'écrabouillerais,  si  je  m'écoutais  un  peu!. . . 
C//  s'en  va .  ) 

FLORINBTTE 

Par  ma.  Jiste  !  ils  sont  fous  !  J'en  suis  tout  ébahie. . .  —  Et  ma  pau- 
vre maîtresse,  elle  qui  était  ravie  —  du  plaisir  de  le  revoir  ce  soir, 
comment  prendra-t-elle  —  la  façon  dont  ils  m'ont  tous  les  deux  re- 
tournée ! . . . 

(Elle ramasse  les  morceaux  delà  lettre  déchirée  et  s'en  va, —  On  baisse 
le  rideau.) 

FIN   DU   PREMIER  ACTE 


PÉRIODIQUES 


Revue  lyonnaise.  (Lyon,  Pitrat,  rue  Gentil,  4,  vingt  francs  par 
an.)  —  Cette  revue,  fondée  il  y  a  trois  ans  par  M.  François  Collet*, 
a  mis  à  jour  divers  travaux  de  M.  Mariéton  sur  la  littérature  contem- 
poraine, et  notamment  sur  MM.William-C.  Bonaparte- Wyse,  Auguste 
Fourès  et  l'abbé  Joseph  Roux.  Le  cinquième  de  ses  tomes  contient  un 
texte  en  langue  vulgaire  des  XII ï^  et  XIV*  siècles  :  le  Carcabeau  du 
Péage  de  Givors,  publié  par  M.  Georges  Guigue,  et  une  suite  relative- 
ment nombreuse  de  poésies  en  langue  d'oc  *.  Les  trois  notices  sur 
MM.  Bonaparte-Wyse,  Fourès  et  Roux,  ont  été  luxueusement  tirées 
à  part  par  l'auteur.  Une  sorte   de  jeunesse  admirative  anime  leurs 

*  La  Revue  lyonnaise  avait  été  précédée  du  Monde  lyonnais,  qui  vécut 
deux  ans,  et  dont  le  numéro  du  1*^  janvier  1881  contient  quelques  poésies 
provençales  de  MM.  Bonaparte-Wyse,  Mistral,  Roumanille  et  de  Gagnaud. 

L*écot  littéraire  de  Fauteur  de  Mirèio  a  pour  titre  :  lou  Diable,  escapouloun 
d'un  pouèmo  inedi: 

Lou  diable  es  un  coumpaire  gai.  E  Tarrouganço  dôu  jouvènt 

Au  mes  d'abriéu,  sus  lou  margai,  Que  marcho  emé  la  tèslo  au  vent. 

Amo  li  danso  fouligaudo,  Mai  lou  mai  qu'amo  es  la  jouguino, 

Lis  escoundudo,  la  man  caudo,  Lou  jo  que  fai  toumba  d'esquino, 

E  li  galant  jouguet  qu'an  lio  Dins  li  brasiero  de  l'infèr, 

A  la  vihado,  autour  dôu  fio.  Li  plus  valent  e  li  plus  fier; 

Lou  galoubet,  la  carlamuso,  Lou  jo  que  fai  li  renegaire, 

Acô  i'atiro,  acô  l'amuso,  Que  fai  li  gus,  li  fournicaire, 

E  quand  brounzino  lou  viôuloun,  Li  fenat,  li  manjo-proufié, 

Vèn  escouta  de  rebaloun.  Lis  araca,  lis  estafié; 

Lou  diable  es  uno  bono-voio:  Lou  jo  que  meno  i  draio  gauclio, 

Amo  lou  rire,  amo  la  joio,  A  la  riboto,  à  la  desbaucho  ; 

Lou  chaplachôu  e  lou  bousin  ;  Lou  jo  que  fai  descrestiana, 

Lou  diable  amo  li  bon  couissin,  Que  fai,  sus  lis  oustau  rouina, 

L'oudour  di  rose  e  de  la  nerto,  Creisse  Tourtigo  e  la  caussido, 

Li  bèlli  raubo  entre- duberto,  Lou  jo  que  fai  li  parricido  ! 

Ou  nous  nous  trompons  fort,  ou  ce  fragment  est  extrait  du  poëme  de 
Net'to,  que  M.  Mistral  doit  publier  au  commencement  de  l'année  1884,  et  qui 
serait  par  conséquent  écrit  en  vers  de  huit  pieds.  La  nouvelle  œuvre  se  rat- 
tacherait, au  moins  de  ton  et  d'allure  générale,  à  l'épopée  de  l'Arioste  et  de 
Berni. 

Cette  circonstance  nous  semble  justifier  la  reproduction  d'un  fragment  à  qui 
la  publicité  restreinte  du  Monde  lyonnais  laisse  tout  le  charme  de  l'inédit. 

^  Elles  appartiennent  à  MM.  Aubanel,  de  Berluc-Perussis,  Bonaparte-Wyse, 
Fourès,  Gras,  Mistral  et  l'abbé  Roux.  Plusieurs  d'entre  elles  avaient  été  pu- 
bliées antérieurement  à  leur  admission  dans  la  Revue  lyonnaise. 


306  PÉRIODIQUES 

pages,  sans  rien  enlever  à  la  justesse  de  Tappréciation  critique,  à  la 
précision  des  renseignements  biographiques  et  littéraires.  M.  M .  se 
propose  de  faire  paraître  bientôt  les  notices  consacrées  à  Mistral,  pro- 
sateur,  à  MM.  de  Berluc-Perussis  et  Anselme  Mathieu  *. 

Le  fascicule  du  15  juin  1883  renferme  une  ode  harmonieuse  en  pro- 
vençal: J.  DoTw  Clemenço,  par  M"®  Alexandrine  Brémond,  à  qui  la  Main- 
tenance languedocienne  du  Félïhrige  doit  le  charmant  recueil  de  poé- 
sies, Il  Blavet  de  Mount-Majour,  publié  à  Montpellier,  il  y  a  quelques 
mois.  Un  choix  d'informations  et  de  documents  sur  les  Jeux  Flo- 
raux de  Barcelone,  les  félibrées  de  Montpellier  et  de  Sceaux,  précède 
les  strophes  de  M*'e  Brémond.  Parmi  ces  textes  figure  la  dépêche  sui- 
vante, qui  aurait  été  adressée  le  25  mai  par  les  félibres  de  Montpel- 
lier aux  félibres  de  Sceaux  : 

Que  noste  brinde, 

Afelibri, 
Fol,  eletri, 
Tras  l'aire  drinde  ! 
De  sous  Arcèus, 
Tout  lou  Par&ge, 
Lou  cor  arrage, 
S'envoie  à  Scèusl 

Albert  Arnaviblle,  Camille  Chabaneau,  Antonin  Glaize,  Frizet, 
Roque-Ferrier,  Cavalier,  Auzière,  Chassary,  Coulazou,  Gau- 
tier, Hamelin,  Marsal,  Rettner,  Vérone^. 

Le  respect  de  la  mémoire  de  mon  père,  mort  le  6  mai,  c'est-à-dire 
trois  semaines  avant  la  félibrée  de  Sceaux,  et  le  respect  de  la  vérité, 
m'obligent  à  remarquer  que  j'ai  seulement  connu  ce  télégramme  par 
le  numéro  de  la  Revue  lyonnaise,  qui  l'a  rendu  public.  A  si  peu  de 
temps  d'une  aussi  triste  date,  je  ne  pouvais  avoir  la  pensée  d'accueil- 
lir et  de  signer  un  hrinde  fol,  eletri.  Quelques-uns  de  nos  amis  n'ont 
pas  été  plus  que  moi,  du  reste,  avisés  que  leurs  noms  seraient  placés 
au  bas  des  vers  alaisiens  du  27  mai. 

A.  Roque-Fbrrier. 

*  La  fondatioQ  de  la  Soéiété  pour  l'étude  des  langues  romanes,  ses  Con- 
cours de  1875  et  1878,  les  efforts  de  ses  premiers  présidents,  MM.  Cambouliù, 
de  TourtouloD,  Boucherie  et  Montel,  ont  été  relatés  par  M.  M.  avec  une  bien- 
veillante justice,  dans  le  travail  qui  a  pour  titre:  l'Idée  latine, — Charles  de 
Tourtoulon  (extrait  de  Lyon- Revue),  et  surtout  dans  l'appendice  de  cet  opus- 
cule biographique. 

«P.  590  du  t. V  (juin  1883). 


CHRONIQUE 


Communications  faites  en  séance  delà  Société. —  6  juin. — 
Le  Joyeux  Mystère  des  Trois  Rois,  à  dix-sept  personnages,  composé 
par  Johan  d'Abondance,  bazochien  et  royal-notaire  de  la  ville  du 
ront-Saint-Esprit  (XVIe  siècle),  par  M.  Camille  Laforgue. 

20  juin.  — A  Sa  Majesta  laÈèino  Isàbèu  de  Roumanîo,  poésie  pro- 
vençale (Avignon  et  les  bords  duRhêne),  par  M.  Théodore  Aubanel . 
-7-  A  Messieurs  Aubanel  et  Mouzin,  poésie  française  par  S.  M.  la  reine 
Elisabeth  de  Roumanie  ; 

Ma  Viloto,  sixtine  languedocienne  (  Saint-Pons  ),  par  M .  Victor 
Rettner  ; 

Un  Noël  populaire  en  languedocien  et  un  Noël  français-languedo- 
cien, par  M.  E.  Galteyrès  ; 

Jj'Amour  e  Diano,  poésie  provençale  (Avignon  et  les  bords  du 
Rhône),  par  M.  Paul  Chassary;. 

Li  Pantai,  pc^sie  provençale  (Avignon  et  les  bords  du  Rhône),  par 
M .  Auguste  Marin  ; 

Cansou  de  la  Biroulenco,  poésie  languedocienne  (Saint- Pons),  par 
M.  A.  Lartigue; 

Proverbes,  énigmes,  contes  populaires  et  poésies  agénaises  (haut  et 
moyen  Agénais),  par  M.  Séré  ; 

Vers  languedociens  en  langage  de  Sumène  (Gard)  (XVIII®  siècle), 
par  M.  Ferd.  Teissier. 

4  juillet.  —  Maugis  d'Aigremont,  chanson  de  geste,  par  M.  Ferdi- 
nana  Castets  ; 

La  Bataio  de  Muret,  poésie  provençale  (Avignon  et  les  bords  du 
Rhône),  par  M.  l'abbé Célestin  Malignon  ; 

Le  changement  de  1'^  initial  en  d,  par  M.  A.  Roque-Ferrier  ; 

Lou  Pèlerin,  poésie  en  langage  de  Bessan  (Hérault),  par  M.  H . 
Bousquet  ; 

A .  Puget,  ode  languedocienne,  idiome  de  Limoux  (Aude) ,  par  M.  Paul 
Gourdou . 


Le  Secrétaire  de  la  Société  a  été  durement  éprouvé  par  la  mort  de 
son  père,  Simon- Frédéric  Roque-Ferrier,  correspondant  de  la  Société 
archéologique  et  de  V Académie  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier,  dé- 
cédé le  6  du  mois  de  mai,  à  l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans. 

La  Revue  publiera  bientôt  une  notice  sur  sa  vie  et  ses  œuvres  lit- 
téraires. 


«  « 


Souscription  au  buste  de  Boucherie.  —  Voici  la  liste  des  adhé- 
sions parvenues  à  M.  Louis  Lambert,  trésorier  du  Comité,  à  la  date  du 
10  juillet  : 

MM.  Aubanel  (Théodore),  à  Avignon.  20 
Azaïs  (Gabriel),  secrétaire  de  la  Société  archéologique  de 

Béziers.  .-    20 

Barthés  (Melchior),  pharmacien,  à  Saint- Pons  (Hérault).  2 

A  reporter 42 


f. 


I 


308  CHRONIQUE 

Report 42 

M"«    Bassas  (Honorine),  institutrice,  à  Montblanc  (Hérault).  2 

MM.  Billy  (Alfred  de),  inspecteur  des  finances,  à  Paris.  10 

Bertin-Sans  (Emile),  professeui'  à  la  Faculté  de  médecine, 

à  Montpellier.  10 

Bonnet  (Jean),  instituteur,  à  Montlaur  (Aude).  2 

Bonnet  (Max),  professeur  suppléant  à  la  Faculté  des  let- 
tres de  Montpellier.  10 
Bourdel  (Adolphe),  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  mé-^ 

decine  de  Montpellier. 
Bourdel  (Henri),  étudiant  en  médecine,  à  Montpellier. 
Bousquet  (Hippolyte,  g^rde  principal  d'artillerie  en  re- 
traite, à  Bessan  (Hérault).  20 
Brianti,  professeur  au  lycée,  à  Tarbes.  15 
Cardon  (Artémie),  à  Rouen.  5 
Castelly,  instituteur,  à  Meyrargues  (Bouches-du- Rhône).           5 
Castets(Ferd.),  doyen  delà  Faculté  des  lettres  de  Mont- 
pellier, président  de  la  Société  des  langues  romanes.          26 
Chabaneau  (Camille),  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  let- 
tres de  Montpellier.                                                               50 
Chaber  (Alfred),  à  Montpellier .                                                  20 
Comolet  (Emile),  sous-préfet  d'Aix-en-Provence .                      20 
Constans  (Léopold),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  à 

Toulouse.  10 

Croiset  (Maurice),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  à 

Montpellier.  20 

Darmeste  ter  (Arsène),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres 

de  Paris.  10 

Deandreis  (Elisée),  banquier,  à  Montpellier.  25 

Delille  (François),  officier  de  l'instruction   publique,  à 

Saint-Nazaire-du-Var  (Var).  10 

Delpech  (Henri),  avocat,  à  Montpellier.  25 

Devic  (Marcel),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des 

lettres  de  Montpellier.  50 

Donnadieu  (Frédéric),  vice-président  de  la  Société»  archéo- 
logique, à  Béziers.  40 
Egger  (Emile),  membre  de  l'Institut,  à  Paris.  25 
Falgueirettes  (l'abbé),  aumônier  du  petit  lycée,  à  Mont- 
pellier .  10 
Faliès  (Louis),  publiciste,  à  Montpellier.  20 
Fort  (Paul),  professeur  au  Petit  Lycée  de  Montpellier.  5 
Fourès  (Auguste),  à  Castelnaudary  (Aude).  5 
Gaidan  (Jean),  de  l'Académie  du  Gard,  à  Nimes.  5 
Galteyrès  (E.),  instituteur,  à  Moissac  (Lozère).  2 
Germain  (Alexandre),  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des 

lettres  de  Montpellier,  membre  de  l'Institut.  20 

Glaize  (A.),  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Montpellier.        25 

M™«  Grand  d'Esnon  (la  baronne).  \ 

MM.  Grand  d'Esnon  (Charles),  capitaine  d'état-major.  (       100 

>^  Grand  d'Esnon  (Gonzalve),  lieutenant  d'infanterie.  J 

Grand  d'Esnon,  conseiller  de  préfecture,  à  Montpellier.  10 

A  reporter 658 


CHRONIQUE  309 

Report 658 

MM.  Guichard  (Germain),  à  Avignon.  .S 

Hamelin  frères,  imprimeurs,  à  Montpellier.  25 

Itier  (Paul-Jules),  avocat  àla  Cour  d'appel  de  Montpellier.  1 0 
Lacrouzette-Bellonet,  trésorier-payeur  général  du  Loiret, 

à  Orléans.  50 
Laforgue  (Camille),  président  de  la  Maintenance  langue- 
docienne du  Félibrige,  à  Quarante  (Hérault).  50 
Lambert  (Louis), professeur  de  musique,  à  Montpellier.  20 
Lambert  (François),  élève  à  la  Faculté   des  lettres    de 

Montpellier.  5 

Lamouroux,  instituteur,  au  Caylar.  5 

Le  Bourdais,  receveur  municipal,  à  Montpellier.  5 
Lespy,  ancien   secrétaire  général  des  Basses- Pyrénées,  à 

Pau .  20 

Levy  (le  D'  Emile),   à  Fribourg-en-Brisgau  (Allemagne).  20 

Marchadier  (Marc),  négociant,  à  Cognac  (Charente).  15 

Margon  (le  vicomte  A.  de),  à  Roujan  (Hérault).  10 

Marsal  (Edouard),  professeur  de  dessin,  à  Montpellier.  5 

Martin  (Arthur),  professeur  en  retraite,  à  Montpellier.  5 

Meyer  (Paul),  professeur  au  Collège  de  France,  à  Paris.  20 

Mir  (Achille),  vice-président  de  la  Maintenance  languedo- 
cienne du  Félibrige,  à  Carcassonne.  10 

Mistral  (Frédéric),  grand-maître  du  Félibiige,  à  Maillane 

(Bouches-du-Rhône) .  10 

Monaci  (Ernest),  professeur  à  l'Université  de  Rome.  20 

Obédénare  (le  docteur),  premier  secrétaire  de  la  légation 

de  Roumanie,  à  Rome.  50 

Paris  (Gaston),  membre  de  l'Institut,  à  Paris.  20 

Pépratx  (Justin),  administrateur  de  la  Banque,  à  Perpi- 
gnan. 10 
Planchon,  professeur  à  l'Ecole  supérieure  de  pharmacie 

de  Montpellier.  10 

Rettner  (Victor),  à  Montpellier.  3 
Revillout  (Charles),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 

Montpellier.  20 
Rigal  (Eugène),  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des 

lettres  d'Aix.  10 

Roumanille  (Joseph),  à  Avignon .  5 

Roumieux  (Louis),  a  Montpellier.  20 

Roque-Ferrier  (Alphonse),  à  Montpellier.  25 
Roux  (l'abbé  Joseph),  curé,  à  Saint-Hilaire-Peyroux  (Cor- 

rèze) .  3 

Spera  (l'abbé),  professeur  à  l'abbaye  de  Cava  (Italie).  5 
Stengel,  professeur  de  philologie   romane,  à  Marbourg 

(Allemagne).  10 
Tamizey  de  Larroque,  correspondant  de  l'Institut,  à  Gon- 

taud  (Lot-et-Garonne).  10 

Tavan  (Alphonse),  à  Marseille.  3 

Thénard,  professeur  au  lycée  de  Versailles .  10 

Tissot,  instituteur,  à  Vétraz-Monthoux  (Haute-Savoie).  1 

A  reporter 1,183 

23 


310  CHRONIQUE 

Report 1,183. 

MM.  Tourtoulon  (le  baron  Charles  de),  à  Valergues  (Hérault).  50' 

Tourtoulon  (Pierre  de).  5^ 

Vergne  (Louis),  à  Montpellier.  3 

Vidal  (François),  à  Aix-en-Provence .  3 

Viguier,  instituteur,  à  Maussans  (Tarn).  1 

Westphal-Castelnau,  à  Montpellier.  25 

Total  de  la  l'*  liste. 1,270 

•  « 
M.  Joseph  Roumanille  fera  paraître,  avant  la  fin  de  Tannée,  quatre 
cents  pages  environ  de  prose  provençale  (1  vol.  in- 12,  3  fr.50).  Nous 
ignorons  le  titre  du  nouveau  recueil  de  Fauteur  des  Oubreto,  mai» 
nous  pouvons  annoncer  d'ores  et  déjà  qu'il  est  entièrement  composé 
de  contes,  d'anecdotes  et  de  reparties  populaires. 

* 

Dons  faits  a  la  bibliothèque  de  la  Société.  —  Assabé  de  la 
Joia  Keinala  e  das  Ramsdela  Court  mantenenciala  de  Lengadoc,  per 
las  annadas  MDCCCLxxxiii,  MDCCCLXXXiv  eMDOCCLXXXV.  Montpellier^ 
Imprimerie  centrale  du  Midi,  1883  ;  in-8°,  24  pages  (don  de  la  Mainte- 
nance languedocienne  du  Félibrige)  ; 

Banquet  de  la  felibrejada  mount-pelieirenca  dau  dilus  de  Panta- 
cousta  (xv  de  mai  mdccclxxxiii).  — Jacques  Azaïs  :«  l'Ome  counten  de 
soun  sort  »,  poésie  biterroise  extraite  des  oc  Verses  bezieirencs  »  de 
Jacques  Azaïs.  Montpellier,  Imprimerie  centrale  du  Midi  [1883];  in-8®y 
2  pages  (don  de  la  Maintenance  languedocienne  du  Félibrige); 

Cassino  de  Granojlers.  Secciô  literaria,  cientifica  y  artîstica.  Certà- 
men  cientffich-literari  de  Granollers  en  l'any  1882.  Barcelona,  la  Re- 
naixensa,  1883;  in-8**,  164  pages; 


Errata  du  numéro  de  mai  1883 


Poésies  de  Dom   Guérin.  —  P.  231, 1.  4:  d'un  humou  fort  umido;. 

lisez  :  d'un  humou  fort  timido  (la  traduction,  p.  230,  doit 
être  :  d'une   humeur  fort  timide,  au  lieu  de  :  d'une  hu^ 

meur(?)  fort  humide  (?). 
Lou  Destourbi  das  aucels. —  P.  242, 1.  13:  grant  jour,  lisez:  grand 

jour. —  Après  la  ligne  16,  ajoutez  le  vers  suivant,  qui  a  été 

omis: 

D'en  pus  fort  que  jamais  lou  bresil  se  desgaula. 

BoNUB  DE  FAMiHO.  —P.  245,  1.20  :  E  ieu  ploure  à  Mario,  lisez: 
E  ieu  ploure  Mario.  —  L.  3,  en  remontant  par  le  bas,  au 
lieu  de  :  Et  moi  je  pleure  à  Marie,  lisez:  Et  moi,  je  pleure 
Marie. 


Le  Gérant  responsable:  Ernest  Hamelin. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

DU   NEUVIEME   VOLUME   DE   LA.  TROISIÈME    SÉRIE 


DIALECTES  ANCIENS 

Sur  quelques  manuscrits  provençaux  perdus  ou  égarés  (suite) 
(C.  Chabaneau).  6-70-115 

Sermons  et  préceptes  religieux  en  langue  d'oc  du  Xlle  siècle 
(suite)  (C.  Chabaneau).  53-157 

Sainte  Marie  Madeleine  dans  la  littérature  provençale  (C.  Cha- 
baneau). 105 

Fragments  d'une  traduction  de  la  Bible  en  langue  romane  (H. 
lE  LA  Combe).  209 

DIALECTES  MODERNES 

Glossaire   des  comparaisons  populaires   du  Narbonnais  et  du 

Carcassez  (suite  et  fin)  (A.  Mm).  81-170-237 

Termes  de  marine  et  de  pèche  en  usage  à  Palavas  (Westphal- 

Castblnau).  130 

Poésies  de  Dom  Guérin  de  Nant  (suite)  (Mazel  etViaouROUX).  221 

Lou'Diéu  de  Marsiho  (W.-C.  Bonaparte-Wyse) .  146 

Les  Parjpalhols  de  Flou-de-Prunlè  (Aug.  Fourès).  148 

La  Batouso  (Aug.  Fourès).  151 

Soulelh  coule  (Aug.  Fourès).  152 

Lou  Destourhi  das  aucels  (A.  Langlade).  240 

Alaric  (Aug.  Fourès).  243 

Bonur  de  famiho  (Y ..Kett^eb)  ,  244 

La  Bisco  (L.  Roumieux).  261 

VARIÉTÉS 

Une   nouvelle  conjecture  concernant  Guillaume  VII  (C.  Cha- 
baneau). •  -^.««r«J  98 

Le  chevalier  Raimbaud   et  la  comtesse  de  Flandres  (C.  Cha- 
baneau) .  98 

BIBLIOGRAPHIE 

L*jEJ8mt?c^a,ti*aduiteen  dialecte  macédo-roumain,  par  T.  Iliescu 

(A.  Roque-Fbrrieb).  23 

Ausgaben  und  Abhandlungen  aus  dem  Gebiete  der  romanische 

Philologie  veroffenlicht,  von  E.  Stengel  (A.  Boucherie).  31 

Altfranzosische    Bibliothek,  herausgegeben,  von  W.  Foerster 

(A.  Boucherie).  32 

Franzosisches  oij  inaugural  dissertation,  etc., von  Ph.  Rosmann 

(A.  Boucherie).  34 


312  TABLE   DBS   MATIERES 

Aiol  et  Mirahel  und  Elie  de  Saint  Gille,  etc.,  von  AA?.  Foerster 

(A.  Boucheeie).  35 

Geschichte  des  Suffixes.— OZws,  etc.,  von  Max  Mirisch  (A.  Bou- 
cherie). ^ 
Romancerillo  catalan,  par  M.  Milâ  y  Fontanals  (L.  Lambert).       153 
Etude  sur  le  dialecte  anglo-normand  du  XI  Ve  siècle,  par  M .  Vi- 

sing  (A.  Boucherie).  180 

Toloza,  geste  provençale,  par  Félix  Gras  (A.  Glaize)  .  184 

Les  Correspondants  de  Peiresc,  par  M.  Tamizey  de  Larroque 
(G.  Chabaneau).  247 

PERIODIQUES 

Romanïa  (A.  Boucherie).  37 
Le  Nouvelliste  des  Charmites  (A.  Boucherie).  50 
Zeïtschrift  fiir  romanische  Philologie  (L.  Constans  et  Bou- 
cherie). 1^^ 
Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie  (J.  Bauquier).  249 
Revue  lyonnaise  (A.  Roque-Ferri^îr).  305 

Le  Programme  de  la  Maintenance  languedocienne  du  Félibrige.        252 

NÉCROLOGIE. — Anî^tole  Boucherie. — Allocution  de  M.  Roque- 
Ferrier.  —  Discours  de  M.  Castets.  —  Discours  de  M.  Re- 
villout. —  Discours  de  M.  Bernard. —  Allocution  provençale 
de  M.  Roumieux.  —  Articles  nécrologiques  des  journaux  de 
Montpellier.  —  Le  poëte  A. -F.  Robert,  le  philologue  Bou- 
cherie, par  M.  E.  Egger. —  Lettre  de  M.  Obédénare.  — No-, 
tice  publiée  dans  la  Bévue  de  philologie.  195-256 

Chronique.  51-100-154-208-258-307. 

Errata,  Additions  et  Corrections.  101-156-260 

Table  des  matières.  311 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


MOHTPBLUER,  lUPRIUBRIE  GBKTBALE  DU  UIDt.^BAMBLIN  IKKREB. 


REVUE 

LANGUES  ROMANES 

vuausK 
PAK    LA.    SOCIÉTÉ 

POUR  L'erUDE  DES  LANGUES  ROMANES 


Troisième     Série 
TOME    DIXIÈME 

TOME    XXIV     DR    LA    COU.SCTIOK 


MONTPELLIKK  1 

AU  BURSAU  DBS  PUBLICATIONS 

DE  LA   EOGtËTB  ! 

rocR  i.'traua  uhb  UNaDis  romivn  I 

Rue  Bt-anllhem,  D*  17  | 


PARIS 
MAI&ONNEUVE  KT  C»« 

LIDRAlBEB-ftOITEUnS 

œ.  QUAI  VOLTAIHB,  25 


REVUE 


DES 


LANGUES  ROMANES 


LE  CONCOURS 


PHILOLOGIQUE  ET   LITTÉRAIRE 


DE    l'année    MDGCCLXXXIII 


DISCOURS 

Prononcé  par  M.  Ferdinand  CASTETS,  doyen  de  la  Faculté  des 
lettres  de  Montpellier,  président  de  la  Société  pour  l'étude  des  lan- 
gues romanes,  en  séance  publique  du  13  mai. 


Mesdames,  Messieurs, 

La  Société  pour  l'étude  des  langues  romanes,  fondée  en 
18G9,  distribue  aujourd'hui  les  prix  de  son  quatrième  Con- 
cours. Je  vous  l'avouerai,  ce  n'est  pas  sans  une  certaine  ap- 
préhension que  nous  affrontons  ces  séances  solennelles.  Les 
sympathies  elles-mêmes,  dont  votre  présence  est  un  témoi- 
gnage, rendent  en  ce  moment  notre  tâche  plus  difficile. 

On  ne  nous  a  rien  refusé  :  cette  salle  magnifique  *,  habituée 
à  retentir  des  voix  les  plus  éloquentes,  nous  a  été  accordée  ; 

^  La  grande  salle  du  Palais  de  Justice. 

Tome  x  de  la  troisième  série. —  juillet  1883  1 


6  CONCOURS  PHILOLOGIQUE 

la  science  et  la  poésie  ont  accepté  de  siéger  autour  de  cette 
table,  pour  nous  donner  un  public  encouragement. 

Nous  avons  des  dettes  envers  tous  :  envers  le  Conseil  géné- 
ral de  THérault  et  le  Conseil  municipal  de  Montpellier,  dont 
la  libéralité  ne  se  dément  jamais;  envers  M.  le  Ministre  de 
l'Instruction  publique,  qui  nous  a  cette  année  traités  avec  une 
générosité  dont  jious  ne  saurions  être  trop  reconnaissants. 
Comment  nous  montrer  dignes  de  toutes  ces  preuves  de  bien- 
veillance? Comment  répondre  à  cette  attente  si  légitime  qui 
vous  a  portés  à  accepter  notre  invitation? 

Le  programme  de  cette  séance  est  très-simple.  Nous  allons 
décerner  des  prix  à  des  travaux  philologiques  et  à  des  œuvres 
littéraires.  Y  a-t-il  intérêt  à  le  faire,  et  l'opinion  ne  saurait- 
elle  juger  par  elle-même?  N'y  a-t-il  pas  quelque  prétention  à 
se  constituer  ainsi  en  aréopage?  Quelle  est,  au  fond,  notre 
pensée?  Pour  la  plupart,  vous  la  connaissez  déjà;  mais  il  est 
bon  parfois  de  s'entretenir  des  choses  sur  lesquelles  on  est 
d'accord.  Un  examende  conscience  raffermit  la  foi, et,  d'ail- 
leurs, les  occasions  de  confession  publique  sont  assez  rares 
pour  qu'il  soit  permis  d'en  profiter. 

Nous  étudions  les  langues  romanes,  c'est-à-dire  les  lan- 
gues issues  du  latin,  à  tous  les  moments  de  leur  développement, 
le  limousin  et  le  provençal  des  troubadours,  le  normand  et  le 
picard  des  trouvèr'es,  le  languedocien  et  le  français  de  nos 
contemporains.  Le  roumain  des  bords  du  Danube,  le  catalan 

« 

des  bords  de  l'Ebre,  le  toscan  des  bords  de  l'Arno,  nous  pa- 
raissent également  dignes  d'intérêt.  La  famille  des  langues 
néo-latines  est  si  nombreuse,  si  féconde,  le  domaine  à  défri- 
cher si  étendu,  que  nous  trouvons  constamment  matière  à 
recherches  nouvelles.  L'unité  de  nos  travaux  consiste  dans 
l'unité  de  la  méthode.  Qu'il  s'agisse  de  la  publication  de  tex- 
tes anciens  ou  de  l'étude  de  dialectes  actuellement  parlés,  de 
l'histoire  de  la  conjugaison  française  ou  de  la  grammaire  li- 
mousine (un  de  nos  savants  confrères  *  me  permettra  de  citer 
ses  œuvres  désormais  classiques),  nous  appliquons  les  procé- 
désrigoureux  de  la  philologie  moderne.  Nous  essayons  de  con- 
tribuer auprogrès  d'une  science  dont  le  berceau  fut  en  France, 

'  M.  Camille  Chabaneau . 


ET   LITTERAIRE  7 

qui  a  grandi  à  rétranger,  mais  qui  nous  est  enfin  revenue, 
et  qu'il  convient  de  fixer  parmi  nous. 

Est-ce  une  illusion?  Nous  croyons  que.  la  connaissance 
précise  des  patois,  pour  les  appeler  de  leur  nom  vulgaire,  est 
la  clef  de  bien  des  questions  difficiles  ;  or,  cette  connaissance 
précise,  ne  sommes-nous  pas  dans  les  meilleures  conditions 
pour  l'acquérir?  Telle  est  la  raison  pour  laquelle  nous  met- 
tons au  concours  des  questions  portant  sur  l'étude  grammati- 
cale des  dialectes  méridionaux.  La  bonne  volonté  de  nos  amis 
aidant,  nous  réunissons  ainsi  des  monographies  souvent  très- 
remarquables,  matériaux  dont  peut-être  d'autres  que  nous  pro- 
fiteront, mais  dont  l'utilité  ne  saurait  guère  être  contestée. 
Nous  récompensons,  il  est  vrai,  des  œuvres  scientifiques  de 
valeur  plus  haute,  de  savantes  éditions,  des  textes  importants, 
et  parfois  nos  prix  vont  loin,  bien  loin  au  delà  de  nos  fron- 
tières, jusques  en  Portugal,  honorer  les  travaux  que  leurs  au- 
teurs ont  bien  voulu  nous  soumettre. 

Ainsi  notre  Société  devient  un  point  de  ralliement  vers  le- 
quel tendent  des  bonnes  volontés  éparses,  qui  sont  éveillées, 
soutenues  par  la  confiance  qu'elles  seront  ici  appréciées  et 
encouragées.  Ces  Concours  sont  comme  un  symbole  de  notre 
vie  ordinaire.  De  même  que  notre  Revue  est  ouverte  à  toutes 
les  communications  intéressantes,  et  que  dans  nos  comptes 
rendus  nous  nous  efforçons  de  rendre  justice  à  tous  les  tra- 
vailleurs sérieux,  quelle  que  soit  leur  nationalité  ou  leur  lan- 
gue, de  même  par  nos  Concours  nous  nous  efi'orçons  de  propa- 
ger l'habitude  de  la  recherche  patiente  et  de  la  discussion 
précise.  Aux  yeux  de  trop  de  gens,  la  philologie  romane  n'a 
pas  encore  fait  ses  preuves.  C'est  un  préjugé  que  nous  tâ- 
chons de  dissiper,  en  la  montrant  à  l'ouvrage,  telle  qu'elle 
est,  simple,  nullement  dédaigneuse,  songeant  uniquement  à 
donner  la  connaissance  exacte  de  faits  bien  classés  et  bien 
compris;  nous  estimons  qu'elle  acquerra  ainsi  dans  l'opinion 
la  place  très-honorable  qui  lui  est  due,  car  la  philologie  n'est 
autre  que  la  grammaire, 

La  grammaire  qui  sait  régenter  jusqu'aux  rois 
Et  les  fait,  la  main  haute,  obéir  à  ses  lois . 

Comme  notre  Revue,  nos  Concours  font  encore  une  place 


8  CONCOURS  PHILOLOGIQUE 

aux  œuvres  littéraires,  qu'elles  appartiennent  aux  genres  de 
la  prose  ou  de  la  poésie,. et  nous  nous  adressons  de  préférence 
aux  auteurs  languedociens.  Les  félibres  sont  nos  amis,  nos 
collaborateurs.  Nous  en  sommes  fiers,  Messieurs;  car  de  mo- 
destes érudits  pourraient-ils  rêver  une  rencontre  plus  heu- 
reuse que  celle  d'avoir  à  côté  d'eux  cette  phalange  généreuse 
en  qui  revit  Tâme  des  troubadours,  et  dont  l'inspiration  pure 
et  noble  nous  donne  une  poésie  populaire  vraiment  digne  de 
ce  nom  ?  Mais  nous  prenons  le  mot  de  languedocien  dans  son 
sens  le  plus  large,  et,  si  nos  assises  se  tiennent  à  Montpellier, 
près  de  la  place  de  la  Canourgue,  nous  y  appelons  en  revan- 
che tous  les  dialectes  de  cet  idiome  méridional  qui  est  parlé 
aussi  bien  en  Catalogne  qu'en  Dauphiné,  qu'en  Provence,  que 
dans  le  Limousin.  Et  ce  qui  a  rendu  plus  facile  cette  entente 
avec  nos  poètes  modernes,  c'est  qu'ils  se  préoccupent  avec 
un  soin  extrême  de  la  pureté  du  langage.  Ils  ont  l'amour  et 
le  respect  du  doux  parler  de  leurs  pères  ;  et  n'en  est-ce  pas 
une  preuve  que  cette  patience  courageuse  avec  laquelle  le 
plus  illustre  d'entre  eux,  —  j'ai  nommé  Frédéric  Mistral,  — 
rédige  le  dictionnaire  des  dialectes  vivants  du  Midi,  tâche  im- 
mense et  délicate,  que  seul  il  est  capable  de  mener  à  bonne 
fin. 

Tel  est  I0  programme  que  notre  Société  s'est  appliquée  à 
remplir  depuis  son  origine.  Il  nous  a  été  dicté  à  la  fois  par  le 
sentiment  des  exigences  de  la  science  et  par  l'ambition  de 
faire  profiter  la  philologie  des  ressources  que  nous  ofirait  un 
milieu  privilégié  à  tous  égards.  Nous  continuerons  dans  la 
même  voie,  espérant  nous  acquitter  ainsi  de  la  dette  de  re- 
connaissance que  nous  avons  contractée  envers  ceux  qui  s'in- 
téressent à  nos  études.  Nousresteronsphilologues,  et  nous  res- 
terons aussi  les  amis  de  vos  poètes  ;  nous  leur  demanderons 
de  continuer  une  association  qui  nous  a  été  si  utile;  nous  pu- 
blierons leurs  vers  charmants  à  côté  de  notre  prose  de  gram- 
mairiens, sans  rien  sacrifier  de  la  rigueur  technique  de  nos 
recherches  sur  l'histoire  des  langues  néo-latines.  Je  ne  sais 
quel  poëte  oriental  a  dit  :  a  Je  ne  suis  pas  la  rose,  mais  j'en  ai 
respiré  le  parfum.  »  Eh  bien  !  nous  avons  l'ambition  de  vouloir 
que  de  la  série  déjà  longue  de  nos  publications,  où  la  part  de 
la  science  a  été  faite  si  largement,  il  se  dégage  toujours  un 
arôme  suave  de  poésie  jeune  et  vivante. 


ET   LITTERAIRE  9 

Permettez-moi  de  rassurer,  en  terminant,  ceux  qui  laissent 
percer  quelque  inquiétude  au  sujet  de  ce  renouveau  de  litté- 
rature méridionale.  Notre  vieille  et  glorieuse  unité  française 
n'a  jamais  souffert  de  la  diversité  des  dialectes  provinciaux. 
En  certaines  contrées  Ton  sait  deux  langues,  mais  Flamands 
et  Languedociens,  Basques  et  Bas  Bretons,  sentent  bien  qu'ils 
ne  font  qu'un  peuple;  ils  aiment  leur  parler  héréditaire,  leurs 
coutumes  locales,  mais  chacun  répéterait  loyalement,  et  la 
main  sur  le  cœur,  ces  paroles  d'un  poëte  provençal,  de  Félix 
Gras,  paroles  qui  auraient  aussi  un  écho  chez  les  compatriotes 
de  Ney  et  de  Kléber  : 

J'aime  mon  village  plus  que  ton  village, 
J'aime  ma  Provence  plus  que  ta  province, 
J'aime  la  France  plus  que  tout  ! 

Messieurs, 

C'est  une  Société  en  deuil  qui  vous^accueille  aujourd'hui. 
Noire  excellent  secrétaire,  le  bon,  le  savant,  l'aimable  Bou- 
cherie, nous  a  été  ravi.  Quelques  heures  avant  sa  mort,  il 
épuisait  le  reste  de  ses  forces  à  préparer  cette  séance. 

Il  avait  été  un  des  fondateurs  de  notre  Société  ;  il  lui  a 
donné,  on  peut  le  dire,  les  quatorze  dernières  années  de  sa 
vie.  La  plupart  de  vous  le  connaissaient  et  l'aimaient.  Son 
souvenir  sera  toujours  présent  là  où  se  réuniront  les  amis 
d'études  pour  lesquelles  il  avait  tant  fait. 

Cette  année  vraiment  cruelle  vient  de  frapper  encore  un  de 
nos  confrères,  qui,  lui  aussi, nous  a  donné  sa  collaboration,  en 
toute  circonstance,  avec  une  abnégation  sans  réserve:  M.Ro- 
que-Ferrier  a  perdu  son  père,  il  y  a  quelques  jours,  et  ne  peut 
assistera  nos  fêtes.  Vous  savez  l'intimité  fraternelle  qui  règne 
entre  nous,  et  ne  serez  pas  surpris  de  cette  expression  publi- 
que de  la  part  que  nous  prenons  à  la  douleur  d'un  de  ceux  à 
qui  nous  devons  le  plus. 

Avant  de  céder  ce  siège  à  notre  président  d'honneur,  j'ai  à 
communiquer  à  la  réunion  quelques  lettres  qui  sont  de  nature 
à  l'intéresser. 


'  iiu'^      i,  ■■"*^."    ""  "W 


RAPPORT 


SUR  LE 

CONCOURS  DE  PHILOLOGIE 


Mesdames  et  Messieurs, 

Montaigne,  dans  un  passage  célèbre,  se  moque  agréable- 
ment de  ceux  qui  cherchent  si  le  futur  du  verbe  ]3â»w  a  dou- 
ble X,  ou  qui  cherchent  la  dérivation  des  comparatifs  xeipov  et 
jSA-rtov,  et  des  superlatifs  yJipidTov  et  psXTfo-Tov.  Ailleurs  il  pré- 
fère hautement,  avec  le  philosophe  Zenon,  ceux  qui  sont  cu- 
rieux d'apprendre  les  choses  à  ceux  qui  n'ont  soin  que  du  lan- 
gage. 

Le  charmant  auteur  des  Essais  en  parle  bien  à  son  aise.  Cet 
aimable  causeur,  éclairé  par  un  bon  sens  superficiel,  ne  paraît 
pas  se  douter  que  l'étude  du  langage,  malgré  les  puérilités 
dans  lesquelles  tombent  souvent  quelques-uns  de  ses  adeptes, 
est  une  science  de  choses  et  non  pas  seulement  une  curiosité 
frivole.  Et,  néanmoins,  l'écrivain  si  naturel  qui  souhaitait,  ce 
sont  ces  expressions,  ne  se  servir  que  des  mots  qui  servent 
aux  halles,  à  Paris,  comprenait  l'importance  du  langage  po- 
pulaire, car  il  en  usait  de  préférence  aux  phrases  nouvelles, 
aux  mots  peu  connus  inventés,  disait-il,  «  par  une  ambition 
scolastique  et  puérile.  » 

C'est  à  l'histoire  de  ces  idiomes  populaires,  source  pure  et 
fécondante,  où  doivent  se  retremper  sans  cesse  les  langues 
littéraires  pour  se  rajeunir  et  se  raviver,  que  s'est  consacrée 
la  Société  des  langues  romanes.  Dès  le  début  de  son  existence, 
elle  a  pris  pour  objet  de  ses  travaux  et  de  ses  recherches  les 
idiomes  et  les  dialectes  formés  du  latin, qui  portent  tous,  comme 
le  sceau  de  leur  origine  commune,  ce  vieux  nom,  ce  nom  signi- 
ficatif de  langages  romans. 

Voilà  pourquoi,  à  côté  des  concours  de  poésie  et  de  prose, 
plus  agréables  évidemment,  mais  moins  productifs  et  moins 
efficaces  peijt-être,  ejle  a  placé  des  concours  de  philologie. 


CONCOURS   PHILOLOGIQUE   ET   LITTERAIRE  11 

A  Tétude  approfondie  des  idiomes  romans,  elle  a  voulu  con- 
vier non-seulement  les  érudits  de  métier,  mais  tout  le  monde. 
C'est  dans  cette  pensée  que  notre  regrettable  et  si  regretté 
confrère,  M.  Boucherie,  eut rheureuse inspiration  de  s'adresser 
à  ceux  que  leur  naissance,  leur  profession  et  leur  séjour  ha- 
bituel à  la  Champagne,  mettent  en  contact  plus  intime  avec  le 
peuple.  La  libéralité  du  Ministre  dé  l'Instruction  publique  a 
permis  de  réaliser  cette  idée  féconde,  et  la  Société  a  pu  fon- 
der un  Concours  de  philologie  uniquement  réservé  aux  insti- 
tuteurs et  aux  institutrices,  et  leur  proposer  un  prix  de  trois 
cents  francs  pour  la  meilleure  étude  sur  le  patois  d'une  loca- 
lité déterminée  du  midi  de  la  France. 

Que  ce  mot  français  de  patois, — mis  dans  notre  programme 
à  la  place  des  termes  plus  savants  et  plus  flatteurs  de  dia- 
lectes et  de  sous-dialectes, — ne  révolte  pas  les  amateurs  pas- 
sionnés de  nos  vieux  idiomes.  Les  études  philologiques  ont, 
depuis  plus  de  vingt  ans,  assez  réhabilité  ces  langages  locaux, 
contemporains,  dit  Littré  ^  du  français  proprement  dit,  pour 
qu'ils  n'aient  pas  à  craindre  de  reprendre  et  de  porter  avec 
honneur  ce  nom  —  mieux  connu  du  peuple  —  que  nos  noms 
scientifiques,  souvent  si  peu  compris.  Il  y  eut  un  temps  où  les 
habitants  de  la  Savoie  rougissaient  du  vieux  nom  de  leurs  pè- 
res et  voulaient  s'appeler  Savoisiens.  Ils  sont  bien  revenus  de 
cette  délicatesse  et  revendiquent  aujourd'hui,  nous  en  avons 
eu  naguère  la  preuve  à  Paris,  le  nom  de  Savoyards,  —  c'est- 
à-dire  le  nom  consacré  par  les  siècles,  le  nom  national. 

L'appel  fait  aux  instituteurs  a  été  entendu,  et,  malgré  le 
peu  de  temps  laissé  à  leur  disposition  par  la  date  rapprochée 
du  Concours,  de  l'Océan  aux  Alpes,  ils  nous  ont  envoyé  de 
nombreux  travaux. 

Malheureusement,  et  cela  n'a  rien  qui  nous  'étonne,  car  la 
science  philologique  est  en  voie  de  formation,  et  ses  méthodes 
et  ses  procédés  ne  sont  pas  encore  vulgarisés  ;  on  n  a  pas  tout 
à  fait  compris  partout  le  sens  de  notre  programme.  Nous  de- 
mandions une  étude  sur  un  patois,  accompagnée  de  textes  qui 
lui  auraient  servi  de  pièces  justificatives  ;  on  a  réuni  les  tex- 
tes, mais  l'on  a  généralement  oublié  de  faire  l'étude, 

'  Littré,  Histoire  de  la  langue  française,  II,  94, 


)2  CONCOURS   PHILOLOGIQUE 

Des  collections,—  plus  ou  moins  riches,  plus  ou  moins  bien 
faites,  —  de  chansons,  de  contes,  de  proverbes,  de  devinettes, 
de  comparaisons  populaires  et  de  verbes,  voilà  tout  ce  que 
nous  avons  reçu. 

Encore  même,  dans  ces  recueils,  n'a-t-onpas  toujours  tenu 
compte  de  nos  intentions.  Nous  voulions  des  textes,  c'est-à- 
dire  des  récits,  des  traditions,  des  anecdotes,  recueillis  de  la 
bouche  des  anciens  ;  —  parfois  il  est  arrivé  qu'on  nous  a  donné 
des  compositions  toutes  modernes,  traduites  le  plus  souvent 
du  français.  Quelquefois  même  on  a  mêlé  aux  vieux  dictons, 
aux  contes  légendaires,  des  discours,  des  lazzi,  des  chansons, 
inspirés  par  la  politique  ou  la  controverse  contemporaines. 
Or  la  politique  et  la  controverse  ont  leur  raison  d'être  ;  mais 
la  philologie  leur  est  étrangère;  elle  ne  les  connaît  et  ne  s'en 
occupe  que  lorsqu'elles  sont  passées  à  l'état  de  souvenirs  et 
sont  devenues  de  l'histoire. 

Malgré  ces  lacunes  et  ces  défauts,  un  certain  nombre  des 
travaux  qui  nous  ont  été  envoyés  méritent  cependant  une  men- 
tion élogieuse.  Ils  ont,  au  nioins,  le  grand  avantage,  au  mo- 
ment où  le  français,  avec  la  civilisation  et  la  centralisation, 
ses  auxiliaires  ou  ses  complices,  pénètre  et  dénature  de  plus 
en  plus  les  langages  locaux,  de  recueillir  d'une  manière  plus  ou 
moins  heureuse  ce  qui  reste  encore  d'original  dans  ces  vieux 
idiomes. 

Mentionnons  donc  honorablement,  en  suivant  Tordre  géo- 
graphique, 

MM.  Bazinet,  instituteur  public,  àChampsevinel  (Dordogne); 
Jean-Anselme  Gallon,  instituteur,  à  Osse  (Basses-Pyrénées); 
Péchon,  instituteur  en  retraite,  à  Limoux  (Aude); 
A.  Vidal,  instituteur,  àFraisse  (Hérault^; 

^  Le  manuscrit  de  M.  Vidal  De  constitue  pas,  à  proprement  parler,  l'étude 
qui  avait  été  demandée  aux  instituteurs,  mais  il  contient  un  recueil,  à  la  fois 
très-ample  et  très-curieux,  d'énigmes,  de  comparaisons,  de  proverbes,  de  can- 
tiques et  de  contes  populaires  recueillis  sur  le  plateau  de  l'Espinouse. 

L'idiome  de  ces  textes  offre  de  nombreux  exemples  de  la  substitution,  assez 
rare  dans  le  département  de  l'Hérault,  de  IV  à  VI:  mouri,  car,  mer,  fer,  pourit, 
pour  moulï  (moulin),  cal  (il  femi),  mel  (miel),  fel  (fiel), poM/i7  (joli).  Signalons, 
au  courant  de  la  plume,  une  inexactitude  de  traduction  :  despendre,  dans  le 
proverbe  Amie  à  bendre  e  à  despendre,  signifie  dépenser  et  non  dépendre. 


ET   LITTERAIRE  13 

Ricard,  instituteur  en  retraite,  à  Saint-Cannat(Bouches-du- 
Rhône); 

Jude  Lèbre,  instituteur  en  congé,  àSaint-Cannat  (Bouches- 
du-Rhône); 

Montagard,  instituteur  public,  à  Gadagne  (Vaucluse); 

Enfin,  car  les  dames  ont  tenu  à  honneur  de  répondre  à  no- 
tre appel, 

^ine  Pascal,  institutrice,  à  Lépihe  (Hautes-Alpes)'. 

Notre  concours  n'a  pas  seulement  abouti  à  ces  collections 
d'une  utilité  incontestable  ;  il  a  produit  aussi  des  travaux  di- 
gnes d^être  couronnés.  L'un  vient  de  M.  Louis  Funel,  insti- 
tuteur adjoint,  à  Cannes  ;  l'autre  est  l'œuvre  de  M.  Silhol,  in- 
stituteur, ^.u  Crès  (Hérault). 

M.  Funel  intitule  modestement  son  étude  :«  Quelques  mots 
dé  grammaire  sur  les  principaux  dialectes  parlés  dans  les 
Alpes-Maritimes,  et  surtout  sur  le  dialecte  de  Sou.  » 

Il  détermine  d'abord,  en  accompagnant  cette  détermination 
d'une  carte  manuscrite,  la  géographie  dialectale  des  Alpes  Ma- 
ritimes. Il  examine  ensuite  les  caractères  du  dialecte  de  *9ow, 
que  l'on  parle  à  Boujon*,  son  village  natal;  en  ébauche  à 
grands  traits  la  grammaire  ;  signale  les  diflPérences  qui  le  dis- 
tinguent des  autres  dialectes  voisins  ;  ajoute  un  vocabulaire 
des  mots  particuliers  à  cet  idiome  local,  et  termine  par  un 
recueil  bien  choisi  de  textes,  de  chansons,  de  devinettes  et  de 
proverbes. 

M.  Funel  n'a  guère  fait  qu'esquisser  rapidement  la  gram- 
maire du  patois  de  Sou.  Toutes  ses  opinions  ne  sont  pas  in- 
contestables ;  mais  il  connaît  bien  son  sujet,  a  des  dispositions 
philologiques  très-prononcées,  est  déjà  familier  avec  les  mé- 
thodes scientifiques  et  procède  avec  suite.  Son  mémoire,  très- 
recommandable  par  ce  qu'il  contient  déjà  et  ce  qu'il  donne 


On  disait  encore,  au  milieu  du  XVII  siècle,  en  français  :«Je  suis  à  vous,  à  ven- 
dre et  à  despendre .  » 

'  En  accordant  ces  mentions  honorables,  la  Société  entend  récompenser 
l'effort  et  le  travail,  mais  non  pas  accepter  la  responsabilité  des  défauts  qui 
déparent  les  œuvres  qu'elle  a  cru  pouvoir  mentionner. 

2  Bouyon,  canton  de  Coursegoules,  arrondissement  de  Grasse  (Alpes- 
Maritimes)  . 


14  GO^COURS  PHILOLOGIQUE 

droit  d'attendre^  inaugure  dignement  notre  premier  Concours 
d'instituteurs. 

Si  le  travail  de  M.  Funel  semble  un  peu  trop  sobre,  on  ne 
saurait  adresser  le  même  reproche  à  la  monographie  consa- 
crée par  M.  Silhol  au  patois  de  Péret\  dans  l'arrondissement 
de  Béziers.  L'auteur  se  représente  lui-même  par  un  dessin 
à  la  plume,  —  car  il  est  calligraphe  aussi  bien  que  philolo- 
gue, —  sous  les  traits  d'un  homme  du  moyen  âge,  occupé  à 
écrire  sur  un  bureau  ;  et  il  adopte  pour  devise  ce  vers  de  Vol- 
taire :a  II  compilait,  compilait,  compilait.  »  M.  Silhol  a  raison 
de  se  peindre  ainsi  :  il  regarde,  il  écoute  et  il  écrit,  ramas- 
sant avec  une  pieuse  fidélité  tout  ce  qui  peut  faire  connaître 
son  cher  patois  et  la  localité  dont  ce  patois  est  l'organe.  Il 
s'occupe  d'abord  de  la  prononciation  ;  puis  il  trace  une  carte 
pour  indiquer  la  ligne  de  démarcation  entre  la  langue  d'A,  que 
Ton  parle  à  Péret,  et  la  langue  d'0,en  usage  à  Béziers.  Vien- 
nent après  les  verbes,  suivis  d'un  recueil  abondant  de  com- 
paraisons et  de  proverbes  ;  puis  ce  qu'il  appelle  l'esprit  de 
Péret,  accompagné  de  chants,  de  rondes,  de  jeux  d'enfants, 
de  contes,  de  soumetas  ;  et,  au  milieu  de  tout  cela,  la  rose  des 
vents  et  les  surnoms  des  cinq  doigts  de  la  main.  Les  noms 
propres  des  choses  rustiques,  des  instruments,  des  arbres,  des 
insectes  ;  quelques  notes  sur  les  usages  ;  enfin  des  épisodes 
d'histoire  locale,  racontés  par  le  vieux  François,  terminent  cet 
ample  recueil. 

Assurément  on  pourrait  demander  à  M.  Silhol  plus  de  mé- 
thode :  il  écrit  au  fil  de  ses  souvenirs,  et  cherche  plutôt  à  tout 
dire  qu'à  dire  avec  suite.  Mais,  à  tout  prendre,  son  travail 
répond  aux  conditions  du  Concours,  et  cette  gerbe  mal  liée, 
mais  si  fournie  de  documents  recueillis  sur  place,  a  bien  sa 
valeur  et  son  charme.  Aussi  la  Société  a-t-elle  décidé  de  par- 
tager son  prix  de  trois  cents  francs  entre  ce  travail  si  abon- 
dant et  si  riche,  et  l'étude  plus  sobre  et  plus  scientifique  de 
M.  Funel. 

Ces  deux  mémoires, — placés  ex  mquo,  malgré  leurs  qualités 
et  leurs  défauts  contraires, — montrent  ce  que  l'on  peut  espérer 
de  nos  instituteurs  et  de  nos  institutrices,  et  quel  secours  la 

•  Péret,  canton  de  iMontagnac, 


ET  LITTERAIRE  15 

philolog^ie  romane  peut  attendre  d'auxiliaires  placés  comme 
eux  à  la  source  même  des  informations. 

A  côté  du  prix  réservé  spécialement  aux  maîtres  de  ren- 
seignement primaire,  nous  en  avions  proposé  deux  autres,  et 
nous  n'avons  eu  pour  les  décerner  que  l'embarras  du  choix. 

Un  de  ces  prix  était  destiné  au  meilleur  travail  de  philo- 
logie romane  qui  aurait  pour  base  des  textes  antérieurs  au 
XV*  siècle  et  appartenant,  soit  à  la  langue  d'oc,  soit  à  la 
langue  d'oil. 

Quatre  mémoires,  dont  deux  imprimés,  nous  ont  été  pré- 
sentés :  deux  seulement  rentraient  dans  les  conditions  du  pro- 
gramme. De  ces  deux-là,  le  meilleur  sans  contredit  est  l'œuvre 
do  M.Canello,  professeur  à  l'Université  de  Padoue.  Il  est 
écrit  en  italien  et  imprimée,  et  a  pour  sujet  la  vie  et  les  œuvres 
d'Arnaut  Daniel, 

Ce  troubadour  célèbre,  né  àRibéracen  Périgord,  florissait 
à  la  fin  du  XII^  siècle.  Contemporain  de  Richard  Cœur-de- 
Lion  et  de  Philippe-Auguste,  il  était  l'ami  de  Bertrand  de 
Born  et  du  même  pays  qu'Arnaut  de  Mareuil.  Dante  et  Pé- 
trarque, en  lui  assignant  le  premier  rang  parmi  les  poëtes 
provençaux  qui  ont  chanté  l'amour,  l'ont  immortalisé  par  ce 
glorieux  témoignage. 

A  ce  troubadour,  dont  les  deux  créateurs  de  la  poésie  ita- 
lienne ont  fait  surtout  la  réputation,  il  manquait  une  édition 
digne  de  sa  grande  renommée:  c'est  un  compatriote  de  ces 
deux  grands  poëtes  qui  s'est  chargé  de  l'établir. 

La  tâche  était  malaisée,  car  Arnaut  Daniel  est  singulière- 
ment obscur,  a  Vouloir,  dit  M.  Canello  dans  sa  préface,  rendre 
clair  pour  le  XIX«  siècle  un  auteur  que  ses  contemporains 
proclamaient  inintelligible,  il  y  a  sept  siècles,  semble  une  en- 
treprise, non-seulement  téméraire,  mais  tout  à  fait  vaine.  » 
Mais  les  choses  difficiles  ont  par  cela  même  un  attrait  parti- 
culier pour  certains  esprits.  M.  Canello  est  de  ceux-là;  il  s'est 
mis  résolument  à  l'œuvre,  et  le  succès  a  couronné  ses  vail- 
lants eôbrts. 

Son  travail  est,  en  effet,  aussi  complet  que  possible.  Dans 
une  introduction  savante,  il  aborde  toutes  les  questions  qui  se 
rattachent  à  la  vie,  aux  œuvres  et  à  la  réputation  de  Daniel. 
On  ne  saurait  dire  qu'il  parvienne  à  dissiper  tous  les  nuages 


13  CONCOURS   PHILOLOGIQUE 

mais  il  montre  partout,  avec  beaucoup  de  goût  littéraire  et  de 
pénétration,  une  érudition  solide  et  une  grande  sûreté  de  cri- 
tique. 

Après  ces  préliminaires,  il  fallait  établir  le  texte.  M.  Ca- 
nello  y  arrive  par  une  comparaison  minutieuse  de  tous  les 
manuscrits  ;  puis,  le  texte  étant  constitué,  il  réunit  et  pré- 
sente toutes  les  variantes  dans  des  tableaux  synoptiques  dont 
il  faut  louer  la  claire  ordonnance  et  la  commodité. 

L'éditeur  de  Daniel  ne  veut  pas  se  séparer  de  son  auteur 
sans  essayer  de  le  traduire.  C'était  presque  tenter  l'impossible, 
car  Daniel  est  un  de  ces  poètes  qui  se  jouent  avec  les  diffi- 
cultés et  mettent  leur  gloire  à  s'entourer  de  savantes  ténè- 
bres. Il  faut  savoir  gré  à  M.  Canello  d'avoir  poussé  jusqu'au 
bout  la  lutte  héroïque  engagée  avec  ce  rude  jouteur.  Sa  tra- 
duction sera  d'un  grand  secours  pour  l'intelligence  de  ce  poète' 
obscur  à  dessein. 

Un  ample  et  savant  commentaire  termine  dignement  cet 
important  travail.  Aucune  des  difficultés  que  soulève  le  texte 
des  chansons  n'y  est  éludée,  et,  si  le  patient  commentateur  ne 
réussit  pas  toujours  à  les  résoudre,  il  a  du  moins  Toccasion  de 
faire  briller  une  érudition  littéraire  et  philologique  peu  com- 
mune. 

La  Société  décerne  àM.  Canello  un  prix  de  cinq  cents  francs*. 

Avec  l'ouvrage  de  cet  éminent  professeur,  elle  a  reçu  un 
manuscrit  français  ayant  pour  titre  la  Passion  de  sainte  Ca- 
therine, i^oëme  du  XIII®  siècle  en  dialecte  poitevin,  par  Aumé- 
ric/ moine  de  Saint-Michel.  L'auteur  de  ce  travail  est  M.  Tal- 
bert,  professeur  au  Prytanée  de  la  Flèche. 

Cette  édition  projetée  du  poëme  poitevin  de  Sainte  Cathe- 
rine se  compose  d'une  introduction,  du  texte,  de  notes  pour 
l'éclaircissement  de  ce  texte,  enfin  d'une  étude  sur  la  phoné- 
tique et  la  morphologie. 

L'introduction  se  borne  à  la  description  du  manuscrit  et  à 
Tindication  des  ouvrages  consultés  par  l'auteur.  Malheureuse- 


'  M.  Canello  ne  pourra  recevoir  ce  prix  ;  il  vient  de  périr  déplorablemeot 
par  un  accident  de  voiture.  Une  année  qui  voit  disparaître  presque  en  même 
temps  Boucherie  et  Canello  est  pour  la  philologie  romane  une  aunêe  bien  mal- 
heureuse. 


£T  LITTERAIRE  17 

ment  cette  liste  est  loin  de  tout  comprendre,  et  la  savante 
étude  de  M.  Boucherie  sur  le  Dialecte  poitevin  au  XII I'^  siècle 
est  presque  la  seule  dont  M.  Talbert  ait  eu  connaissance.  Il  y 
a  trouvé  une  traduction  poitevine  des  Sermons  de  Maurice  de 
SuUj;  mais  beaucoup  d'autres  textes  poitevins  ont  été  mis  au 
jour,  et  il  aurait  été  utile  de  les  étudier  et  de  les  comparer. 

Le  poëme  de  la  Passion  de  sainte  Catherine, ,  qui  comprend 
2664  vers  de  huit  syllabes,  vient  ensuite  ;  la  transcription 
paraît  fidèle  et  faite  avec  soin.  Mais  Téditeur  n'aurait-il  pas 
été  mieux  inspiré  s'il  avait  placé  ses  corrections, —  dont  plu- 
sieurs sont  fort  contestables,—  dans  les  notes,  au  lieu  de  les 
introduire,  comme  il  le  fait,  dans  le  texte,  en  rejetant  en  note 
la  leçon. du  manuscrit? 

a 

Après  un  commentaire  où  l'éditeur  justifie  ses  corrections 
et  cherche  à  éclaircir  les  passages  difficiles,  il  étudie  conscien- 
cieusement la  phonétique  et  la  morphologie  de  son  texte.  Ce 
travail  donne  en  plus  d'un  endroit  prise  à  la  critique  ;  mais  il 
est  très-recommandable,  ainsi  que  le  glossaire  des  formes  ver- 
bales mis  à  la  fin  du  mémoire. 

La  Société  a  jugé  l'ouvrage  de  M.  Talbert  digne  d'une  men- 
tion très-honorable. 

Quant  au  volume  imprimé  de  M.  Conâtans,  qui  a  pour  objet 

0 

le  livre  de  l'Epervier,  cartuiaire  de  la  commune  de  Millau, 
dans  l'Aveyron,  elle  regrette  qu'il  soit  en  dehors  des  condi- 
tions du  Concours.  C'est  un  document  intéressant  à  la  fois  les 
historiens  et  les  philologues:  aux  uns,  il  offre  de  curieux  ren- 
seignements sur  l'administration  et  le  commerce  d'une  petite 
ville  au  moyen  âge  ;  il  met  sous  les  yeux  des  autres  un  spéci- 
men du  langage  parlé  dans  la  plus  grande  partie  du  Rouergue; 
mais,  en  s'abstenant  de  joindre  à  son  travail  une  étude  sur 
ce  dialecte,  M.  Constans  n'est  pas  rentré  dans  les  termes  de 
notre  programme. 

Le  troisième  prix  de  la  Société  était  destiné  à  récompenser 
le  meilleur  travail  philologique  ayant  pour  objet  un  idiome 
populaire  néo-latin. 

Trois  mémoires  ont  attiré  particulièrement  l'attention  de 
la  Société.  L'un  a  pour  auteur  M.  Leite  de  Vasconcellos,  étu- 
diant  à  l'Ecole  de  médecine  de  Porto,  et  pour  sujet  le  dialecte 
de  Miranda  deDouro,dans  la  province  portugaise  de  Tras-os- 


18  CONCOURS  PHILOLOGIQUE 

Montes.  L'ouvragé  est  imprimé  et  rédigé  en  portugais.  Dans 
cette  monographie  très-méthodique,  M.  Vasconcellos  donne 
d'abord  un  rapide  aperçu  sur  les  dialectes  de  la  langue  portu- 
gaise, puis  il  s'occupe  spécialement  de  Fidiome  parlé  dans  les 
environs  de  Miranda.  Il  en  étudie  ïa  phonétique  et  la  mor- 
phologie, les  compare  à  celles  d'autres  dialectes  hispaniques, 
tels  que  le  gaUicien,  le  léonais,  Tasturien,  Tandaloux  et  le  ca- 
talan ;  constate  ensuite  que  la  sjntaxe  de  Miranda  ne  diffère 
pas  essentiellement  de  la  syntaxe  portugaise,  et  termine  par 
une  collection  de  devinettes  et  de  contes  populaires,  accom- 
pagnée d'un  court  lexique  comparatif. 

Ce  travail  un  peu  succinct  est  très-bien  fait.  L'auteur  est  au 
courant  de  la  science,  il  connaît  les  bonnes  méthodes  et  les 
applique.  Si  M.  Adolphe  Coelho,  comme  le  dit  M.  Vasconcel- 
los est  l'introducteur  de  la  science  du  langage  en  Portugal,  il 
a  tout  lieu  d'être  fier  de  son  œuvre  et  de  son  élève. 

Le  mémoire  de  M.  J.-P.  Durand  de  Gros,  qui  a  pour  ob- 
jet le  dialecte  rouergat,  n'a  pas  le  plan  sévère  de  la  mono- 
graphie sur  le  dialecte  de  Miranda  ;  mais,  disons-le  vite,  il  n'en 
avait  pas  besoin.  L'auteur  n'essaye  pas  encore  de  synthèse  ;  il 
étudie  et  constate  des  phénomènes  linguistiques,  et  cherche  à 
les  expliquer.  Aussi  bien  se  contente-t-il  de  donner  à  ses  re- 
cherches ce  titre  sans  prétention:  Notes  de  philologie  7'ouergate. 
Des  observations  pleines  de  sagacité  sur  l'étymologie  du  mot 
caù*j  au  sens  de  pierre,  sur  l'existence  de  doublets  provenant, 
soit  d'une  différence  dans  l'accentuation  tonique,  soit  de  la 
concurrence  de  formes  contractées  et  de  formes  non  con- 
tractées  ;  enfin  une  étude  fort  originale  et  très-intéressante 
pour  un  linguiste,  sur  les  noms  d'arbres  et  d'agglomérations 
d'arbres  de  même  essence,  composent  l'ensemble  de  ce  ma- 
nuscrit. Ajoutons  que  ce  mémoire  continue  des  travaux  an- 
térieurs déjà  publiés  dans  notre  Bévue. 

De  ces  études,  et  particulièrement  de  celle  qui  concerne  les 
doublets,  M.  Durand  de  Gros  tire  une  hypothèse  fort  ingé- 
nieuse. A  son  compte,  il  y  eut  dans  le  Rouergue,  au  temps  des 
Romains,  deux  langues  latines,  ou  plutôt  deux  parlers  latins 
distincts:  l'un, correct  et  classique,  à  l'usage  de  l'aristocratie; 
l'autre,  irrégulier  et  barbare,  qui  servait  au  peuple,  aux  sol- 
dats, aux  paysans.  La  théorie  stMluit  par  son  extrême  sim- 


ET  LITTÉRAIRE  19 

plicité  ;  cepandant  si,  comme  on  pourrait  le  soutenir,  les  dou- 
blets de  M.  Durand  ne  sont  que  des  variétés  dialectales,  la 
conclusion  serait-elle  encore  vraie  ?  Mais  qu'on  les  accepte  ou 
qu'on  les  repousse,  les  idées  du  savant  rouergat  sont  neuves, 
originales,  et  s'appuient  constamment  sur  des  faits  certains. 
Leur  auteur  est  un  philologue  instruit,  sagace,  rompu  aux 
bonnes  méthodes.  Il  observe,  il  examine,  il  cherche  et  ne  vou- 
drait rien  laisser  d'inexpliqué.  Peut-être,  en  continuant  cette 
enquête,  reviendra-t-il  lui-même  de  quelques-unes  de  ses  con- 
clusions; mais  ce  qu'il  n'aura  jamais  à  rétracter,  ce  sont  les 
résultats  acquis  par  cette  investigation  patiente,  alerte,  qui  re- 
cueille des  faits,  les  classe,  les  éclaircit  les  uns  par  les  autres, 
et  voit  seulement  dans  l'hypothèse  une  étape  sur  le  chemia  de 
la  vérité. 

En  comparant  ce  travail  si  estimable  avec  celui  de  M.  de 
Vasconcellos,  la  Société  était  assez  embarrassée  pour  choisir; 
mais  la  générosité  du  Conseil  municipal  de  Montpellier,  qui 
vient  d'instituer  un  prix  de  trois  cents  francs  pour  un  mémoire 
provenant  d'un  savant  étranger,  la  met  à  Taise.  Elle  décerne 
le  prix  du  Conseil  à  la  monographie  portugaise,  et  donne  à 
M.  Durand  l'objet  d'art  annoncé  par  son  programme. 

M.  Guichard,  professeur  à  l'Ecole  normale  primaire  d'Avi- 
gnon, avait  aussi  présenté  une  grammaire  du  patois  de  Mens, 
en  Dauphiné  ^  L'auteur  y  fait  preuve  d'intelligence  et  d'apti- 
tude linguistique;  il  connaît  bien  le  dialecte  qu'il  étudie,  mais 
il  n'a  pas  encore  la  sûreté  de  [méthode  de  M.  de  Vasconcellos 
et  l'érudition  sagace  et  pénétrante  de  M.  Durand. 

La  Société  lui  accorde  une  mention  très-honorable. 

Enfin,  Messieurs,  il  nous  est  arrivé  du  fond  de  la  Turquie 
d'Asie  l'avant-propos  et  les  premières  pages  d'un  dictionnaire 
de  langue  française  et  de  langue  d'oc,  où  les  mots  de  cette 
dernière  sont  classés  d'après  les  dialectes  qui  paraissent  à 
l'auteur  les  trois  principaux  dialectes:  à  savoir,  le  provençal, 
le  languedocien  et  le  gascon.  Nous  devons  ce  travail  si  consi- 
dérable à  M.  Piat,  gérant  du  consulat  français  de  Bassorah. 
Une  œuvre  d'aussi  longue  haleine, poursuivie  sur  les  bords  du 
Chatt-el-Arab,  méritait  assurément  une  récompense.  Par  mal- 

*  Mens,  chef-lieu  de  canton  de  l'Isère,  arrondissement  de  Grenoble. 


20  CONCOURS  PHILOLOGIQUE 

heur,  elle  ne  rentrait  pas  dans  le  cadre  de  notre  programme  ; 
mais,  le  concours  de  prose  ayant  laissé  libre  une  médaille  de 
vermeil,  nous  nous  sommes  empressés  d'en  disposer  en  faveur 
de  M.  Lucien  Piat. 

Vous  le  voyez,  Messieurs,  notre  quatrième  Concours  phi- 
lologique a  produit  d'heureux  résultats.  Sans  compter  une 
œuvre  qui  nous  était  promise  et  que  Fauteur  n'a  pas  jugée  assez 
achevée  pour  nous  l'envoyer,  nous  avons  eu  à  récompenser  des 
productions  distinguées;  et  les  travaux  que  nous  mention- 
nons, ceux  mêmes  que  nous  passons  sous  silence,  accusent  un 
progrès  continu  dans  les  études  de  philologie  romane.  On  les 
aime  de  plus  en  plus,  on  s'y  attache,  et  ce  culte  qui  s'augmente 
sans  cesse  ne  peut  manquer  de  donner  naissance  à  des  œuvres 
sérieuses.  Les  encouragements,  du  reste,  partent  de  haut.  A 
l'exemple  de  Dante,  les  grands  poètes  se  font  linguistes  ;  et 
l'auteur  deMtrèio,  qui  nous  promet  pour  cet  hiver  un  nouveau 
poème,  n'a  pas  craint  de  refroidir  son  inspiration  en  compo- 
sant un  dictionnaire  provençal. 

Notre  modeste  Société  des  langues  romanes  a  quelque  droit 
aussi  à  ne  point  se  croire  étrangère  à  ce  grand  mouvement; 
et,  si  le  développement  de  la  philologie  néo-latine  devient  une 
des  gloires  de  notre  siècle,  ellepeut  sans  vanité  réclamer  une 
part  de  cette  gloire.  Pourquoi  faut-il  qu'à  ce  sentiment  de  lé- 
I2:itime  satisfaction  viennent  se  mêler  de  si  amers  regrets? 
Celui  qui  a  donné  à  la  Société  une  impulsion  si  forte  vers  les 
travaux  philologiques  ;  —  celui  qui,  jusqu'aux  derniers  jours 
de  sa  laborieuse  et  vaillante  existence,  a  préparé  notre  Con- 
cours, —  nous  manque  au  dernier  moment  pour  en  constater 
le  succès.  Anatole  Boucherie  a  été  le  premier  à  la  peine;  il 
n'est  pas,  hélas  !  à  l'honneur. 

Mais,  s'il  n'y  est  pas  de  sa  personne,  il  y  est  encore  par  son 
vivant  souvenir.  Et,  si  la  Société  pour  l'étude  des  langues  ro- 
manes continue  comme  par  le  passé  à  propager  l'amour  et 
le  culte  de  la  philologie,  n'aura -t-elle  pas  rendu  à  ce  cher  con- 
frère un  hommage  digne  de  lui? 

Ch.   Revili.out. 


RAPPORT 

SUR  LE  CONCOURS  DE  PROSE 


Mesdames,  Messieurs, 

La  vue  de  cette  belle  salle,  dans  laquelle  nous  devons  de  te- 
nir aujourd'hui,  grâce  à  M.  le  Premier  Président  de  la  Cour 
d'appel  de  Montpellier,  nos  assises  littéraires,  me  rappelle  in- 
volontairement certains  souvenirs  de  ma  profession. 

C'est  ici  que  souvent  il  m'est  arrivé  de  solliciter  pour  un 
accusé  le  bénéfice  des  circonstances  atténuantes. 

Aujourd'hui,  c'est  pour  mon  propre  compte  que  je  compa- 
rais en  votre  présence  et  sous  des  charges  bien  graves  :  j'ai  à 
répondre  du  Concours  de  prose. 

Lorsque  la  Société  pour  Tétude  des  langues  romanes  vou- 
lut bien  me  choisir  comme  rapporteur  de  ce  Concours,  je  ne 
m'attendais  ni  à  parler  devant  l'auditoire  d'élite  qui  m'entoure, 
ni  après  des  maîtres  en  l'art  de  bien  dire  comme  ceux  que 
vous  venez  d'entendre.  Mon  ignorance  des  dangers  que  je  de- 
vais affronter  sera,  je  l'espère,  la  meilleure  des  circonstances 
atténuantes. 

Avant  d'entrer  dans  Texamen  particulier  de  chacune  des 
œuvres  qui  ont  été  soumises  à  la  Commission,  qu'il  me  soit 
permis  d'être  l'interprète  des  regrets  de  la  Société  tout  en- 
tière, pour  le  nombre  restreint  de  travaux  en  prose  qui  lui  ont 
été  transmis. 

Sans  doute.  Messieurs,  la  poésie  doit  tenter  les  natures  ar- 
dentes, celles-là  surtout  qui  ont  l'heureux  privilège  de  s'éclai- 
rer aux  chaudes  clartés  du  soleil  de  la  Provence  ;  ce  soleil, 
(Us-je,  qui  est  devenu  l'emblème  même  du  Félibrige. 

Sans  dcttte  la  poésie,  dans  les  idiomes  riches  et  flexibles 
de  ce  pays,  dans  ceux  de  la  Catalogne,  de  la  Gascogne  et  du 
Limousin,  revêt  une  saveur  particulière,  mais  elle  demande 
aussi  à  être  maniée  de  main  de  maître,  aujourd'hui  surtout 

2 


it  CONCOURS  PHILOLOGIQUES 

que  Ton  a  de  si  nombreux  termes  de  comparaison,  dans  les 
œuvres  désormais  classiques  des  poètes  provençaux,  langue- 
dociens, catalans,  roumains  même,  en  supposant  que  vous  au- 
torisiez cetter  incursion  sur  un  territoire  placé  en  dehors  du 
cercle  habituel  de  nos  recherches. 

Vous  vous  attendez  peut-être  à  m'entendre  citer  des  noms; 
ce  serait  trop  long  et  trop  dangereux  à  la  fois;  car,  si  je  par- 
lais de  Mistral,  de  Roumanille,  d'Aubanel,  deTavan  et  de  Milâ 
j  Fontanals,  je  courrais  risque  de  décourager  des  vocations 
naissantes,  telle  ou  telle  bonne  volonté  qui  hésite  peut-être 
à  s'affirmer.  Faudrait-il  omettre  encore  cette  gracieuse  Car- 
men Sylva,  qui,  sur  le  trône  où  la  destinée  Ta  placée,  a  su 
conquérir  une  autre  couronne,  celle  de  la  poésie? 
.  Entre  leurs  mains,  entre  celles  des  poètes  que  nous  comp- 
tons parmi  nous,  la  poésie  ne  doit  rien  craindre,  elle  restera  la 
fille  des  dieux.  Elle  fera  toujours  reconnaître  sa  noble  origine  : 

.Vera  incessu  patuit  dea. 

Mais  est-ce  à  dire  que  tous  ceux  qui  connaissent  et  manient 
la  langue  du  midi  de  la  France  doivent  escalader  le  Pinde  ou 
boire  à  la  fontaine  d'Hippocrène,  s'il  est  permis  d'employer 
les  formules  poétiques  des  XVIP  et  XVIIP  siècles.  On  naît 
poëte,  on  ne  le  devient  pas,  et  il  y  a  longtemps  que  Boileau 
nous  a  dit  : 

C^est  en  vain  qu*au  Parnasse  un  téméraire  auteur 
Pense  de  l'art  des  vers  atteindre  la  hauteur. 

Seront-ils  donc  obligés  de  garder  le  silence,  ceux  qui  ne 
pourront  entrer  dans  la  lice  et  prétendre  à  la  palme  du  poëte? 

Rien  ne  serait  plus  injuste,  et  j'ajouterai  plus  malheureux, 
car 

La  nature,  fertile  en  esprits  excellents, 
Sait  entre  les  auteurs  partager  les  talents. 

Que  de  choses  charmantes,  intéressantes,  utiles,  ne  trouve- 
t-on  pas  dans  les  écrits  en  prose  des  dialectes  du  Midi,  soit 
que  l'auteur  adopte  pour  sujet  de  son  ouvrage  une  histoire 
locale  ou  une  tradition  ;  soit  qu'il  fasse  œuvre  de  pure  imagi- 
nation  en  écrivant  un  roman,  un  conte,  une  comédie  ;  soit 


ET   LITTERAIRE  23 

enfin  qu'il  emprunte  à  des  langues  étrangères  Tobjet  de  son 
ti'avail  et  nous  le  rende  ainsi  plus  facilement  accessible? 

Toutes  ces  œuvres  en  prose  ont  l'avantage  de  nous  initier 
de  plus  en  plus  à  la  connaissance  et  aux  charmes  du  dialecte 
qu'emploie  Técrivain. 

Au  point  de  vue  philologique,  nous  y  puisons  de  précieux 
renseignements,  car  le  langage  en  prose  est  celui  de  la  vie 
usuelle,  celui  qui  nous  est  le  plus  naturel.  Ainsi  que  M.  Jour- 
dain, nous  faisons  tous  de  la  prose  sans  le  savoir. 

Restituons-lui  donc  la  place  d'honneur  qui  lui  convient, 
d'abord  comme  ancêtre  de  la  poésie,  et  ensuite  comme  char- 
gée, plus  qu'elle,  de  la  garde  exacte  des  traditions  d'une  lan- 
gue. 

C'est  donc,  comme  nous  le  disions  en  commençant,  avec  un 
vrai  regret  que  nous  constatons  le  petit  nombre  de  pièces  de 
prose  envoyées  au  concours  de  cette  année,  et  ce  regret  serait 
plus  grand  si  la  qualité  de  quelques-unes  de  ces  pièces  n'était 
faite  pour  dédommager  de  leur  rareté .  Vous  allez  en  juger 
tout  à  l'heure. 

Ajoutons  également  avec  peine  que  les  prosateurs  langue- 
dociens se  sont  montrés,  —  disons  le  mot,  malgré  la  solennité 
de  cette  salle,  nous  sommes  en  famille,  —  se  sont  montrés  bien 
paresseux. 

Dans  la  métropole  scientifique  du  Languedoc,  dans  ce  pays 
qui  compte  à  la  tête  de  ses  lettrés  Gabriel  Azaïs,  nous  n'aurons 
à  couronner,  sauf  un  concurrent,  que  des  étrangers.  Quand  je 
dis  étrangers,  c'est  une  façon  de  parler,  car  c'est  précisément 
l'honneur  de  la  Société  d'accueillir  également  tous  les  idiomes 
qui  dérivent  du  vieil  idiome  latin. 

Nous  n'y  avons  jamais  failli,  et  chacun  de  nous  pourrait 
prendre  pour  devise,  en  la  modifiant  nn  peu,  cette  phrase  d'une 
comédie  deTérence: 

Romanus  sum,  et  nihil  romani  a  me  alienum  puto. 

La  Société  a  essayé  de  reconstituer  nos  anciennes  provinces 
au  point  de  vue  linguistique. 

L'opinion  publique,  d'abord  émue  à  tort,  a  ratifié  depuis  le 
choix  de  ces  études* 

Nous  espérons  donc  que,  si  la  France,  au  point  de  vue  de 


24  CONCOURS  PHILOLOGIQUE 

ses  intérêts  matériels,  tend  tous  les  jours  à  s'unifier  davan- 
tage pour  le  plus  grand  profit  de  sa  force  et  de  sa  prospérité, 
du  moins  au  point  de  rue  littéraire  il  n'en  sera  pas  de  même. 
Nous  ne  serons  point  dépossédés  de  nos  dialectes  particuliers, 
et  forcés  de  dire,  comme  le  Mélibécide  Virgile  : 

Nos  patrise  fines  et  dulcia  linquimus  arva, 
Nos  patriam  fugimus. 

Nous  conserverons  donc,  dans  chacune  de  nos  provinces, 
notre  vieux  langage,  cet  écho  des  temps  passés,  ce  charme  du 
foyer  et  des  campagnes  maternelles,  ce  recueil  des  traditions 
locales  les  plus  intéressantes. 

Et  voilà  pourquoi  il  ne  nous  est  pas  défendu  de  plaider  la 
cause  du  languedocien,  qui  ne  devait  pas  rester  à  l'écart. 

N'est-ce  pas  vous,  Monsieur  Camille  Laforgue,  qui  avez  dit 
dans  la  félibrée  tenue  au  château  de  Méric  :  «  Une  langue  qui 
))  nous  a  «donné  un  nombre  sans  égal  de  poëmes  et  de  poésies 
»  incomparables,  un  idiome  qui  nous  fait  connaître  les  cou - 
))  tûmes  et  les  usages  de  nos  pères  depuis  tout  à  Theure  plus 
»  de  mille  ans,  méritera  toujours  l'attention  des  érudits?  » 

Mais,  pour  que  la  langue  méridionale  conserve  sa  vraie  va- 
leur, il  faut  qu'elle  reste  pure,  qu'elle  ne  fasse  pas  au  français 
des  emprunts  illégitimes,  qu'elle  n'admette  pas  de  néologismes 
compromettants  ou  hasardés. 

Nos  dialectes  sont  assez  riches  pour  qu'on  y  trouve  les 
équivalents  nécessaires  à  exprimer  une  idée,  si  le  mot  propre 
manque.  Bien  plus,  de  l'absence  de  terme  propre,  il  faut  con- 
clure que  certaines  idées  ne  rentrent  pas  dans  le  génie  d'une 
langue. 

Nous  signalons  en  passant  cette  tendance,  à  laquelle  quel- 
ques auteurs  sacrifient  parfois  d'une  façon  malheureuse.  Nous 
en  avons  des  exemples  dans  le  concours  de  cette  année,  et 
nous  ne  saurions  trop  insister  sur  ce  point. 

C'est  dçjà  bien  assez  qtte  le  français  ait  été  envaJbJ;  surtout 
depuis  quelques  années,  par  une  foule  de  mots  étrangers.  On 
nous  dit  que  le  progrès  de  la  science  l'exige,  qu'il  faut  une 
langue  qui  réponde  à  toutes  les  classifications  du  savoir  con- 
temporain. Passons  condamnation.  Le  français,  ce  fils  aîné  du 
latin,  est  aujourd'hui  majeur:  il  est  juste  qu'il  puisse  s'éman- 
ciper, quand  la  nécessité  l'exige. 


ET   LITTBRAIRB  25 

Mais  ce  qu'il  n'est  pas  possible  d'admettre,  c'est  que  peu  à 
peu  on  remplace  des  expressions  claires  et  élégantes  par  des 
mots  empruntés  à  des  langues  étrangères,  et  qui  sont  syno- 
nymes la  plupart  du  temps. 

C'est  là  qu'est  le  danger,  et  il  existe  aussi  bien  pour  le  fran- 
çais que  pour  les  dialectes  du  Midi.  Notre  goûter,  ce  vieux 
mot  si  français,  est  devenu  le  lunch^  le  luncheon,  le  fiveo'clock 
tea. 

Ce  que  Labruyêre  appelait  la  cour  et  la  ville,  ce  que  depuis 
on  appelait  le  monde,  est  devenu  le  ktgh  Itfe. 

Quant  aux  termes  de  chasses  ou  de  courses,  le  savant  Jac- 
ques du  Fouilloux  ne  s'y  reconnaîtrait  plus. 

On  vous  dira:  à  des  besoins  nouveaux  il  faut  des  mots  sem- 
blables. Ce  n'est  pas  exact  pour  la  plupart  des  choses.  Il  faut 
avoir  le  courage  de  le  dire.  C'est  une  autre  tendance,  et  elle 
est  bien  autrement  grave,  car  elle  indique  un  abaissement  in- 
tellectuel contre  lequel  il  est  nécessaire  de  réagir,  car  elle  s'ap- 
pelle positivisme  en  philosophie,  naturalisme  en  littérature, 
réalisme  en  peinture,  argot  en  philologie.  C'est  toujours  le 
même  désir  d'enlever  Tidéal  à  l'âme  humaine,  de  rabaisser  ce 
qui  est  grand,  de  gâter  ce  qui  est  bon,  d'altérer  ce  qui  est  beau. 

Lassés  par  ces  dégénérescences  trop  fréquentes  de  la  lan- 
gue française,  est-il  étonnant  que  l'on  aime  à  retourner  à  ces 
idiomes  simples,  doux  à  l'oreille,  harmonieux,  et  qui  ne  lais- 
sent pas  encore  pénétrer  chez  eux  l'étranger  ? 

Mais  que  leurs  auteurs  y  prennent  garde;  qu'ils  ne  sortent 
ni  de  leur  dialecte,  ni  de  leurs  attributions.  EJles  sont  d'ail- 
leurs assez  vastes  pour  contenter  les  plus  difficiles,  et,  n'en 
déplaise  à  ses  détracteurs,  la  langue  du  Midi  peut  chanter 
autre  chose  que  Phyllie,  les  bergers  et  les  bois. 

Il  faut  cependant  reconnaître  que  c'est  dans  ce  genre  qu'elle 
excelle. 

Je  n'en  veux  pour  preuve  que  l'églogue  pastorale  intitulée 
li  Masajan,  l'ouvrage  classé  le  premier  par  la  Commission  du 
Concours  de  prose.  Vous  allez  voir  comme,  sur  un  sujet  bien 
simple,  on  peut  broder  de  délicieux  ornements.  Qu'y  a-t-il 
donc  dans  ce  récit  pour  tant  nous  plaire?  M.  Louis  ^«'unel, 
l'auteur  trop  modeste,  ne  vous  le  dira  pas[;  mais  je  vais  tâcher 
de  répondre  pour  lui. 


26  CONCOURS  PHILOLO0IQUE 

Li  Masajan  sont  les  habitans  des  mas,  des  maisons  de  cam- 
pagne ;  le  Masajan  est  le  propriétaire  campagnard.  La  scène 
est  placée  dans  les  Alpes-Maritimes.  La  vie  des  Masajan  ne 
nous  est  pas  racontée  d'une  façon  froide  et  savante.  Non. 
Les  détails  de  leurs  mœurs,  les  descriptions  locales,  coulent 
de  source  et  prennent  si  naturellement  place  dans  le  cadre  de 
rhistoire,  qu'il  deyient  difficile  de  faire  des  extraits.  Essayons 
cependant  de  vous  donner  une  idée  de  cette  œuvre. 

Georges,  celui  qui  raconte  remploi  de  ses  vacances  après 
avoir  terminé  ses  modestes  études,  est  un  jeune  garçon  de 
dix-huit  ans,  tout  fier  du  premier  fusil  de  chasse  que  vient 
de  lui  acheter  son  père.  Il  ne  rêve  que  carnage,  mais  il  n'est 
pas  heureux  dans  ses  premiers  débuts.  Le  lièvre  tant  rêvé, 
après  lequel  il  a  tant  soupiré,  paraît  enfin.  Ému,  notre  héros 
fait  feu,  et  deux  superbes  ratés  se  font  seuls  entendre. 

Chasseurs,  mes  frères,  que  celui  d'entre  nous  à  qui  n'est 
pas  arrivé  pareil  accident  lui  jette  la  première  pierre  I 

De  désespoir,  Georges  brise  son  fusil.  Peut-être  est-il  heu- 
reux que  ce  Nemrod  novice  ait  été  un  maladroit,  car  son 
malheur  éveille  en  lui  le  goût  de  la  pêche,  genre  d'exercice 
dans  lequel  il  espère  être  plus  habile.  Le  lecteur  y  gagne  de 
quitter  promptement  des  sentiers  un  peu  battus  et  de  péné- 
trer dans  un  coin  moins  exploré  que  les  récits  de  chasse. 

Armé  d'une  bonne  ligne  du  Levant,  que  son  oncle  Joseph  lui 
avait  apportée  de  Toulon,  le  jeune  homme  part  pour  aller  pas- 
ser quelques  jours  chez  sa  tante  Catherine,  à  quelques  lieues 
du  village  :  «  Barcelère  à  la  porto,  e,  sus  lou  cop,  tanto  Cata- 
rino  siguè  aqui.  Ero  toujour  la  mémo  bono  fremo  que  cou- 
nouiciéu^un  pauvielhido  belèu,  em'  uno  regode  mai  au  front, 
vestido  d'un  coutihoun  de  demito  blanc,  raia  de  blu,  et  d'un 
caraco  d'indiano.  Tant  lèu  m'aguè  vist,  me  prenguè  la  tèsto 
e  m'embrasse  sus  li  dos  gauto  e  sus  la  bouco,  à  la  modo  de 
nôsti  mountagno.  —  Ah  vai,  asseto-te  ;  as  fam  ?  Vos  manja 
qnaucarrèn.  Te  vau  mousé  un  toupin  delah?  Que?  —  Es 
pas  de  refus,  tantôt  »  —  On  se  rend  à  Tétable.  Moureto,  la 
vache,  attachée  à  la  crèche  par  une  chaîne  de  fer,  tourne  sa 
• 

'  La  langue  et  Torthographe  de  M.  Funel  diffèrent  sur  quelques  points  de 
celle  des  félibres  d'Avignon. 


BT   LITTÉRA.IRB  27 

grosse  tête  cornue  pour  lécher  la  tante  Catherine,  qui,  assise 
sur  Tescabeau,  presse  à  pleines  mains  des  pis  gonflés  de  lait 
écumant,  et  Georges  se  lèche  les  lèvres,  rien  qu'à  contempler 
cette  bonne  mousse  qui  monte,  monte,  monte. 

La  tante  le  voit  planté  devant  elle  et  ne  peut  s'empêcher  de 
le  traiter  de  marrt't  groumandoun. 

Plus  tard,  Georges  veut  aller  rejoindre  son  camarade  Loui- 
set,  un  garçon  un  peu  plus  âgé  que  lui,  pour  Taider  à  arroser 
les  haricots,  et  il  passe  devant  un  vieux  moulin,  dont  le  meu- 
nier, qui  Favait  vu  enfant,  a  peine  aie  reconnaître.  La  descrip- 
tion de  ce  site  est  des  plus  gracieuses,  et  le  style  atteint  une 
justesse  et  un  ton  vraiment  poétiques. 

Ne  vous  est-il  pas  arrivé,  à  la  lecture  d'une  description 
bien  faite,  d'éprouver  comme  une  sensation  de  plein  air?  Le 
Poussin,  Claude  Lorrain,  ces  merveilleux  paysagistes,  et,  de 
.nos  jours,  Courbet  et  Corot  ne  réussissent  pas  mieux  avec 
leurs  pinceaux  à  procurer  cette  impression  que  certains  écri- 
vains avec  leur  plume. 

Alphonse  Daudet,  dans  ses  Lettres  d'un  Absent,  a  parfois  des 
pages  qui  produisent  l'effet  de  la  réalité. 

C'est  le  sentiment  que  nous  avons  éprouvé  à  la  lecture  des 
Masajan,  œuvre  facile,  attrayante,  pleine  de  saveur  et  de  vie, 
dans  laquelle  l'auteur  a  su  éviter  la  monotonie,  malgré  la  dif- 
ficulté d'un  récit  qui  ne  contient  aucun  incident  remarquable» 
et  qui  n'est  qu'une  suite  de  tableaux  familiers. 

Depuis  Théocrite,  Virgile  ou  Florian,  une  idylle  ne  serait 
pas  complète  sans  un  peu  d'amour.  L'arrosage  est  terminé. 
Louiset,  après  une  partie  de  pêche  à  la  lueur  des  torches,  s'en- 
dort, et  en  rêvant  prononce  le  nom  de  celle  qu'il  aime  sans  es- 
poir. C'est  Rosine,  une  jolie  âUe  qui  n'a  pas  l'air  de  penser  à 
lui.  Mais  Georges  est  là  ;  en  ami  fidèle,  il  veut  le  bonheur  de 
Louiset.  Il  amène  la  rencontre  des  deux  amoureux  après  la 
messe  du  dimanche  à  Sainte-Marguerite.  On  s'explique.  Rosine 
aimait  déjà  Louiset,  et  tout  finit  bientôt  par  un  mariage. 

La  Société  accorde  à  M.  Louis  Funel,  instituteur,  à  Cannes, 
une  médaille  d'or. 

Après  la  note  douce  et  poétique,  nous  trouvons  la  note  gaie, 
lou  Remèdi,  un  conte  provençal,  qui  commence  comme  au  bon 
vieu:^  temps. 


28  CONCOURS   PHILOLOGIQUB 

Il  se  trouvait  que  la  fille  du  roi  dépérissait  de  plus  en  plus. 
Qu^avait-elle?  Personne  ne  le  savait.  Elle  n^était  bien  nulle 
part  ;  elle  n'avait  ni  sommeil,  ni  appétit.  Le  roi  se  désolait  de 
voir  sa  fille  perdre  ses  forces  et  les  roses  de  son  teint.  Oa  con- 
sulte les  médecins.  On  en  prend  trois,  selon  Tusage,  pour  dé- 
partager les  avis,  si  deux  d'entre  eux  se  trouvaient  d'accord, 
par  hasard  (mais  cela  n'arrive  jamais)  et  pour  ne  pas  manquer 
à  la  règle  :  le  premier  est  d'avis  que  la  princesse  a  besoin  de 
fortifiants  ;  le  second,  qu'il  faut  la  purger;  le  troisième,  qu'il 
faut  la  saigner.  C'est  la  scène  renouvelée  de  V Amour  médecin 
de  Molière. 

Dans  l'impossibilité  de  concilier  les  trois  opinions,  les  mé- 
decins s'en  vont  sans  rien  décider,  et  la  princesse  est  toujours 
malade.  Peut-être  lui  a-t*-on  jeté  un  sort,  dit  sa  vieille  nourrice; 
mais  les  conjurations,  pas  plus  que  les  consultations,  n'^  font 
rien. 

Un  vieux  ministre  depuis  longtemps  en  place,  ce  qui  prouve 
bien  que  nous  sommes  en  plein  conte  et  dans  un  pajs  fabu- 
leux ;  un  vieux  ministre,  dis-je,  conseille  au  roi  de  mettre  au 
concours  la  guérison  de  la  princesse. 

Un  jeune  homme  se  présente  plein  d'assurance,  et  le  roi  lui 
promet  la  main  de  sa  fille,  s'il  réussit. 

Vous  crojez  retomber  dans  la  donnée  de  Molière,  ou  dans 
le  conte  de  l'Oie  d'or  des  frères  Grimm.  Erreur  l  Ce  n'est  pas  en 
épousant  la  jeune  fille  ou  en  la  faisant  rire  que  le  jeune  homme 
la  guérira.  C'est  en  lui  servant  une  sauce,  mais  une  de  ces  sau- 
ces comme  Carême  et  Yatel  n'en  ont  jamais  inventé,  comme 
Brillât-Savarin  n'en  a  jamais  décrit. 

Cette  sauce,  jaune  comme  l'or,  ferme,  odorante  à  réveiller 
un  mort,  l'auteur  vous  en  donnera  la  recette,  et,  quant  à  son 
nom,  vous  le  trouverez  dans  ce  refrain  de  Mistral,  qui  termine 
le  conte: 

Nautre,  li  bon  Prouvençau, 
Â.U  sufrage  universau, 

Voutaren  pèr  Tèli 

E  faren  Vaidli. 

Peut-être,  Mesdames,  ne  trouverez-vous  pas  toutes  le  re- 
mède à  votre  goût.  Tant  mieux,  car  ce  sera  pour  vous  un  en- 


ET  LITTERAIRE  29 

couragement  à  mieux  veiller  sur  votre  santé,  et  je  vois  d'ici 
plus  d'un  mari  barbare  menacer  sa  femme  de  Yaiàli  à  la  pre- 
mière indisposition. 

Ce  petit  conte,  leste  et  bien  troussé,  rachète  par  ses  quali- 
tés de  stjle,  d'élégance  et  de  facilité,  par  Toriginalité  de  son 
dénoûment,  son  thème  un  peu  trop  connu.  Lou  Renièdi  est 
moins  long  que  li  Masajan.  Est-ce  une  raison  d'espérer  bientôt 
quelque  production  plus  importante,  pouvant  mériter  à  son  au- 
teur une  médaille  d'or?  C'est  donc  à  la  fois  à  titre  de  récom- 
pense et  d'encouragement  que  la  Société  accorde  à  M.  Isidore 
Lièbre,à  Eguilles  (Bouches-du-Rhône),  une  médaille  de  vermeil. 

Jja  troisième  œuvre  qui  nous  a  été  soumise  est  un  récit  en 
catalan,  intitulé  Recort  de  l'infantesa  (souvenir  de  l'enfance), 
œuvre  sérieuse,  histoire  attachante,  qu'il  seraittrop  long  d'ana- 
Ijser  encore,  et  que  la  Société  a  récompensée  d'une  médaille 
d^argent. 

Mais  il  ne  nous  est  malheureusement  pas  possible  de  vous 
en  faire  connaître  l'auteur.  ,. 

Il  était  dit  que,  jusque  dans  les  moindres  choses,  la  mort  de 
notre  regretté  confrère  et  ami  Boucherie  se  ferait  sentir. 
D'autres,  mieux  que  je  ne  pourrais  m'en  acquitter  moi-même, 
vous  ont  déjà  parlé  de  cette  perte  douloureuse.  Au  moment 
où  le  savant  secrétaire  de  notre  Société  était  si  prématuré- 
ment ravi  à  l'affection  de  tous,  des  hommes  dévoués  ont  re- 
cueilli chez  lui  les  pièces  envoyées  pour  ce  concours;  mais, 
dans  le  trouble  où  les  jetait  sa  mort,  le  nom  de  l'auteur  du 
Recort  de  Vinfantesa  n'a  \\x  être  retrouvé. 

Pour  cet  inconnu,  qui  peut-être  se  trouve  dans  la  salle  et 
qui  apprendra  seulement  aujourd'hui  les  causes  tristes  et  pé- 
nibles de  l'oubli  que  nous  faisons  de  son  nom,  je  vous  demande, 
Mesdames  et  Messieurs,  votre  applaudissement  le  plus  sym- 
pathique *. 

La  comédie  Marien  Touinou  (Nous  marions  Antoine),  que 
nous  envoie  M.  Guichard,  professeur  à  l'École  normale  d'Avi- 
gnon, est  écrite  dans  le  dialecte  du  Dauphiné.  Elle  renferme 
une  peinture  amusante  des  péripéties  du  mariage  d'un  jeune 

'  Le  pli  de  fauteur  du  Recort  de  l'infantesa  a  été  retrouvé  quelques  jours 
après.  Ce  travail  est  l'œuvre  de  M.  Jascinto  Laporta,  directeur  de  la  Revis tr 
literaria,  à  Barcelone. 


30  CONCOURS  PHILOLOGIQUE 

homme  de  Mens  (Isère).  Le  langage  employé  est  eelai  qui  se 
parle  couramment  dans  cette  commune,  et  les  dictons  et  locu- 
tions qui  relèvent  la  conversation  des  personnages  sont  bien 
dans  le  goût  usuel.  Ce  dialecte, bien  que  trés-voisin  du  proven- 
çal, a  des  caractères  propres. 

Saramoun  (Salomon)  veut  marier  son  fils  Antoine  à  Froisino 
(diminutif  d'Euphrosjne),  et,  pour  j  parvenir,  il  cause  longue, 
ment  avec  Alexandre,  le  père  de  la  jeune  ôlle.  La  scène  où 
les  deux  campagnards  énumèrent  ce  qu'ils  se  proposent  de 
donner  à  leurs  enfants  est  parfaite.  Chacun  lutte  de  ruse  et 
d'habileté,  de  feinte  générosité,  pour  entraîner  l'autre  à  une 
plus  grande  libéralité,  sans  desserrer  trop  lui-même  les  cor- 
dons de  sa  bourse. 

Mais  Frosine  n'aime  pas  celui  qu'on  lui  destine.  Elle  a  donné 
son  cœur  àHippoljte,  et,  comme  il  y  a  un  dieu  pour  les  amou- 
reux, à  un  moment  donné,  les  parents  surprennent  Antoine 
en  train  de  «  batifoler  avec  une  chambrière  »,  comme  on  disait 
au  siècle  dernier., Le  mariage  est  rompu,  et  Frosine  épousera 
Hippolyte.  Le  bonhomme  Alexandre  ne  peut  résister  à  la  vue 
de  la  fortune  apportée  dans  un  sac  par  le  père  d'Hippoljte. 
Cette  somme  de  deux  mille  cinq  cents  francs  en  or,  c'est  la 
vercheira,  la  dot  de  sa  femme  défunte,  dot  qu'il  a  conservée 
intacte  et  qui  revient  à  son  ûls. 

Le  caractère  d'Alexandre,  ce  modèle  de  paysan  avare,  est 
bien  rendu.  Sans  doute,  il  veut  le  bonheur  de  sa  allé  ;nnais 
le  consentement,  qu'il  n'accorde  pas  à  ses  supplications,  il  le 
donnera  par  amour  de  l'argent. 

Nous  ne  chercherons  point  dans  cet  ouvrage  une  intrigue 
compliquée.  Nous  ne  reprocherons  pas  à  l'auteur  quelques 
scènes  un  peu  trop  longues,  et  surtout  celle  du  commence- 
ment, quelques  mots  un  peu  grossiers.  Le  dauphinois,  comme 
le  latin, 

dans  les  mots  brave  l'honnêteté, 

Mais  le  lecteur  français  veut  être  respecté. 

Toutefois  son  œuvre  est  un  échantillon  précieux  de  la  langue 
du  Dauphiné,  qui  touche  par  les  Hautes-Alpes  à  la  Provence. 
Du  reste,  le  nom  de  M.  Guichard  n'est  pas  inconnu  parmi  nous, 
et  aux  récompenses  des  autres  Concours  il  ajoutera  la  mé- 
daille d'argent  que  la  Société  lui  décerne  aujourd'hui. 


-  j 


BT   LITTERAIRE  31 

Vivre  à  quelques  centaines  de  lieues  de  Montpellier,  habiter 
en  Turquie  d'Asie,  parler  couramment  le  persan  et  oultiver  le 
provençal,  n'est  pas  le  fait  de  tout  le  monde. 

C'est  cependant  le  cas  de  M.  Piat,  gradué  de  l'École  des 
langues  orientales  et  gérant  du  consulat  de  France  à,  Basso- 
rah,  déjà  nommé  par  le  rapporteur  du  Concours  de  philologie, 
11  nous  a  fait  parvenir  une  traduction  du  Guh'stan,  ou  Jardin 
des  roses,  le  poëme  persan  de  Sadi. 

Cet  ouvrage,  écrit  en  provençal  et  naturellement  destiné 
à  se  répandre  en  Provence,  fera  plaisir  aux  habitants  de  ce 
paja,  qui  ont  toujours  apprécié  les  proverbes  et  les  senten- 
ces. 

Le8  traductions  françaises  du  Gulistan  sont  relativement 
rares.  Celle  de  M.  Sémelet,  qui  remonte  à  lS34,est  trop  litté- 
rale. C'est  presque  du  français  persan,  comme  l'auteur  le  re- 
connaît tni-méme.  Je  ne  parle  pas  de  celle  d'Alëgre  en  1704, 
qui  est  incomplète  et  sans  valeur.  Seul,  M.  Defremer;  peut 
être  considéré  comme  un  des  meilleurs  traducteurs  du  poëte 
Sadi.  On  n'est  pas  bien  d'accord  sur  l'époque  de  la  naissance 
de  cet  écrivain.  D'après  des  raisons  très- concluante  s,  M.  De- 
fremery  la  place  vers  l'année  1184  de  notre  ère,  il  y  après  de 
sept  siècles. 

Il  s'agit  donc  d'une  œuvre  ancienne,  curieuse  et,  ajoutons- 
le,  classique,  en  Perse. 

Dans  notre  enfance,  quand  on  nous  donnait  jadis  Lafontaine 
ou  Racine  à  apprendre  par  cœur,  ne  nous  est-il  pas  arrivé 
de  souhaiter  d'être  Chinois  ou  Persan  t  Nous  n'y  aurions  rien 
gagné,  car  il  n'y  a  pas  de  pays  où  il  ne  faille  exercer  sa  mé- 
moire. Si  j'en  connaissais  un,  d'ailleurs,  je  me  garderais  de 
vous  le  dire,  un  de  nos  enfants  n'aurait  qu'à  noua  entendre. 

En  Chine,  on  apprend  par  cœur  les  préceptes  de  Khoung- 
fou-tseu  ;  en  Perse,  le  Gulislan. 

La  forme  de  cet  ouvrage  est  particulière  et  mérite  d'être 
remarquée.  Sadt  alterne  dans  ses  histoires  la  prose  et  la  poé- 
sie. Les  vers  sont  généralement  une  sentence  qui  forme  la  mo- 
rale de  l'hiatoire: 

«  Uno  fes  que  Nouchirevan  lou  juste  èro  k  la  casso,  dison, 
i'alestiguèron  en  broucheto  uno  part  de  so  qu'aviê  tua.  Lou 
pan  faute,  mandèron  un  goujat  n'en  cercà  au  vilage,  e  lou 
rei  recoumandè  de  lou  paga. 


32  CONCOITRS   PHILOLOGIQUE 

» — Perqué,  digue,  fau  ren  faire  d'ilegau,  ni  esse  Ten  causo 
de  la  perdo  de  Tamèu.  —  Per  tant  pau,  faguèron,  avendriè-ti 
daumaje  ?  » 

1  —  Lou  premié  cop  que  la  tiranio  se  manifesté  sus  terro, 
respondegué,  fugue  pau  de  causo  ;  piei  un  cadun  l'a  poun- 
deguè,  e  fin  finale  es  arrivado  à  noun  plus. 

»  Se  dôu  jardin  dôu  pople  lou  reî  trai  une  broco, 
1^  serviteur  prendran  Taubre  desraoina. 
Dîns  uno  mita  d'iôn,  s'un  sôutanfai  tranca, 
Li  soudard  passaran  milo  aucèu  à  la  broco^ .  » 

Notre  programme  de  Concours  excluait  les  traductions,  qui 
ne  sont  en  réalité  que  des  versions  plus  ou  moins  élégantes. 
Mais  nous  avons  considéré  que  nous  devions  faire  une  ex- 
ception à  la  règle  pour  l'ouvrage  de  M.  Piat,  qui  a  eu  Pingé- 
nieuse  idée  de  rendre  les  vers  de  Sadi  par  des  vers  proven- 
çaux parfaitement  exacts  et  d'une  facture  remarquable. 

Nous  souhaitons  tous  qu'il  nous  fasse  connaître  un  jour 
l'autre  ouvrage  de  Sadi  le  Bostân,  et,  en  lui  envoyant  à  tra- 
vers l'espace  ce  vœu  et  cet  éloge  mérité,  nous  sommes  heu- 
reux de  lui  apprendre  que  la  Société  lui  a  décerné  une  mé- 
daille d'argent. 

M.  Aymet,  commis  principal  des  postes  et  télégraphes  à 
Montpellier,  a  recueilli  à  Couiza,  département  de  l'Aude,  un 
conte  populaire  intitulé  lou  Sermoun  dal  ritou  de  Cucugnan. 
Deux  versions  de  ce  charmant  récit  ont  déjà  paru  :  l'une  en 
avignonnais,  dans  VArmana  prouvençau.  Elle  est  signée  d'un 
nom  trop  connu,  celui  de  M.  Roumanille,  le  président  de  notre 
Commission  de  prose,  pour  que  je  puisse  i^ien  ajouter.  L'autre 
figure  dans  les  Lettres  de  mon  moulin,  d'Alphonse  Daudet*.  Le 


'  Plus  peut-être  que  M.  Funel,  M.  Piat  se  sert  d'une  orthographe  différente 
de  celle  des  félibres  avignonnais;  sa  langue  contient,  enfin,  quelques  formes 
gallicisées  qu'il  serait  sage  de  faire  disparaître.  Ainsi,  par  exemple,  le  mot  ôroM- 
cheto  aurait  pu  être  ayantageusement  remplacé  par  celui  d'estadeij  qui  existe 
à  Montpellier,  ou  celui  d*astoun,  que  mentionne  le  Dictionnaire  d'Honnorat. 

^  Il  en  existe  une  troisième,  insérée  dans  le  Salut  public  de  Lyon,  il  y  a 
vingt-cinq  ans  environ.  Un  membre  de  la  Société,  M.  le  docteur  F.  Estre,  a 
publié  enfin,  en  18^8,  une  traduction  en  vers  provençaux  du  Curât  de  CucU' 
gnan;  Strasbourg,  Fischbach,  1878,  in-li?. 


J 


ET   LITTÉRAIRE  33 


sujet  n'est  donc  pas  nouveau,  mais  il  y  avait  intérêt  à  con- 
naître la  version  qui  circule  en  Languedoc.  L'auteur  nous 
promet,  d'ailleurs,  d'autres  ouvrages.  Cette  tentative  méritait 
un  encouragement  et  une  récompense.  La  Société  décerne  à 
M.  Ajmet  une  médaille  de  bronze. 

Enfin  nous  n'avons  pu  accorder  qu'une  mention  honorable 
à  M.  Joaquin  Batet  y  Paret,  de  Barcelone,  qui  a  traduit  en  ca- 
talan Y  Art  poétique  d'Horace.  Notre  programme  ne  nous  per- 
mettait pas  de  récompenser  autrement  une  simple  traduc- 
tion en  prose,  quel  que  soit,  d'ailleurs,  son  mérite.  Les  notes 
dont  l'auteur  a  fait  suivre  son  ouvrage  ne  nous  ont  pas  paru 
suffisamment  importantes  ou  originales  pour  nous  permettre 
de  les  considérer  comme  un  ouvrage  spécial  sur  Horace. 

Nous  espérons  donc  que  M.  Batet  j  Paret,  qui  possède  bien 
le  latin  et  le  catalan,  nous  donnera  un  jour  la  possibilité  de 
nûeux  signaler  et  son  mérite  et  le  mérite  d'une  œuvre  qui  lui 
soit  entièrement  personnelle. 

Nous  voici  arrivé  au  bout  de  notre  course.  La  conclusion  de 
ce  compte  rendu  ne  sera*t-elle  pas  d'accord  avec  ce  que  je 
vous  disais  en  commençant? 

C'est  qu'il  y  a  un  champ  large  et  fécond  à  exploiter  pour  la 
prose  des  pays  du  midi  de  la  France,  et  qu'il  serait  dommage 
de  nous  voir  privés  des  moissons  que  l'on  peut  y  récolter  à 
chaque  nouveau  Concours  de  notre  association. 

P.-J.  Itier. 


M.  Blanchet  de  Breoas  flt  connaître  le  premier  le  thème  de  ce  récit  aux 
lecteurs  de  la  France  illustrée  {Woyez  rArmana  prouvençau  de  iSS9,  p.  14). 


RAPPORT 

SUR  LE  CONCOURS  DE  POÉSIE 


Mesdames,  Messieurs, 

Un  drame  en  cinq  actes,  deux  comédies  en  cinq  actes,  un 
poëme  en  dix  chants^  une  saynette  en  un  acte,  un  recueil 
d'une  douzaine  de  contes  ou  de  fables,  sans  parler  des  pièces 
diverses,  dont  je  ne  vous  dirai  pas  le  nombre,  tel  est  le  bilan 
que  je  me  vois  forcé  de  déposer  devant  vous.  Mais  rassurez- 
vous^;  malgré  cette  effrayante  énumération,  je  serai  bref,  le 
plus  bref  possible.  La  présence  à  cette  fête  d'un  public  d'élite, 
accoutumé  à  entendre  des  voix  plus  autorisées  que  la  mienne, 
et  qui,  dans  sa  plus  belle  moitié  surtout,  doit  être  plus  sen- 
sible aux  charmes  de  la  poésie  qu'aux  austérités  de  la  prose, 
m'impose  l'obligation  de  ne  pas  vous  faire  écouter  trop  long- 
temps un  simple  écho,  et  de  vous  laisser  bientôt  applaudir  et 
couronner  les  poëtes  eux-mêmes. 

La  ville  de  Montpellier,  héritière  d'un  passé  glorieux  dans 
les  fastes  de  la  science,  ajoute,  de  nos  jours,  de  nouveaux  fleu- 
rons à  sa  couronne  littéraire,  et  tend  à  devenir,  de  plus  en  plus, 
le  centre  des  études  romanes  dans  le  midi  de  la  France.  En 
faisant  mieux  connaître  la  littérature  et  les  coutumes  nationa- 
les du  moyen  âge,  ces  études  couronneront  l'édiflce  historique 
que  notre  siècle  a  vu  s'élever  et  qui  ne  sera  pas  la  moindre  de 
ses  gloires. 

Vous  n'avez  pas  oublié.  Messieurs,  la  grande  et  légitime 
part  faite  au  théâtre  français  et  provençal,  lors  des  Fêtes  la- 
tines^ Après  avoir  applaudi  les  nobles  et  patriotiques  pensées 
de  la  FiUe  de  Roland,  de  notre  éminent  compatriote  M.  le  vi- 
comte Henri  de  Bornier,  dont  j'aurais  été  heureux  de  saluer  ici, 
au  nom  de  tous,  le  talent  et  la  personne,  vous  avez  eu  la  pri- 
me\ir  d'une  des  œuvres  les  plus  mâles  et  les  plus  passionnées 
de  la  renaissance  provençale.  Ai*je  besoin  de  nommer  le  beau 


CONCOURS  PHILOLOGIQtJE   ET  LïTTÉRAIRB  35 

drame  de  Théodore  Aubanel,  lou  Pan  dôu  pecat,  représenté 
pour  la  première  fois  sur  le  théâtre  de  Montpellier  le  28  mai 
1878,  et  qui  a  le  mérite,  peut-être  trop  rare,  de  joindre  à  des 
peintures  étincelantes  de  poésie  vraie;  humaine,  le  tableau  des 
châtiments  impitoyables,  mais  justes,  qui  frappent  Toubli  des 
devoirs  les  plus  sacrés. 

C*est  aussi  un  drame  provençal  dont  nous  aurons  à  vous 
entretenir  en  premier  lieu,  non  point,  comme  Tœuvre  d'Auba- 
nel,  une  étude  réaliste  et  poignante,  —  je  dis  réaliste  dans  le 
bon  sens  du  mot,  —  mais  une  fiction  empruntée  à  l'histoire 
de  la  célèbre  croisade  du  XIIP  siècle.  Vous  n'attendez  pas  de 
moi  une  analyse  qui  serait  aussi  longue  que  délicate,  car  elle 
éveillerait  des  critiques  qu'un  jugement  d'ensemble  peut  seul 
atténuer.  On  pourrait,  en  effet,  adresser  à  l'auteur  le  repro- 
che de  n'avoir  pas  fait  jouer  à  son  principal  personnage,  le 
prince  de  Sabran,  qui  donne  son  nom  à  la  pièce,  le  rôle  pré- 
pondérant auquel  il  paraît  destiné,  et  de  n'avoir  pas  concen- 
tré sur  lui  l'intérêt,  trop  divisé  de  son  œuvre.  L'auteur  a 
aussi  abusé  du  monologue,  des  longs  récits  de  faits  déjà  con- 
nus du  spectateur,  et  il  a  souvent  oublié  que  le  théâtre  vit  sur- 
tout d'action.  Ces  réserves  essentielles  formulées,  nous  loue- 
rons avec  plaisir  la  facilité  bien  connue  du  poëte,  l'abondance 
de  sa  veine  lyrique,  et  nous  regretterons  de  ne  pouvoir  citer 
quelques-unes  au  moins  des  scènes  remarquables,  qui  sont 
nombreuses.  Nous  noterons  particulièrement  le  quatrième  acte 
comme  le  mieux  traité  et  le  plus  intéressant.  L'action  n'y  lan* 
guit  pas  ;  la  scène  est  animée  de  personnages  qui  parlent  et 
agissent  comme  il  convient.  Le  caractère  de  l'héroïne,  jusque- 
là  incertain,  se  dessine  avec  une  vigueur  et  une  intensité  de 
passion  dignes  des  plus  grands  éloges.  La  Société  décerne  à 
M.Jean  Monné  (de  Marseille),  auteur  du  drame  ayant  pour 
titre  Sabrarty  sa  première  médaille  de  vermeil. 

Laissons  les  horreurs  de  la  guerre  et  les  sacrifices  héroï- 
ques de  l'amour  pour  suivre  un  de  vos  jeunes  compatriotes  au 
bord  de  la  mer.  M.  Louis  Vergne,  de  Montpellier,  a  un  joli 
brin  de  pinceau  au  bout  de  sa  plume.  Sa  Marina  nous  montre 
la  Méditerranée  sous  ses  différents  aspects,  tour  à  tour  calme 
et  furieuse,  éblouissante  des  refiets  azurés  du  ciel  ou  troublée 
jusqu'en  ses  profondeurs.  Le  poëte  joue  avec  elle,  tenant  â  la 


36  CONCÎOURS   PHILOLOGIQUE 

main  un  rameau  que  Tonde  semble  lui  demander  et  quMI  dé- 
robe à  ses  caresses.  Les  vagues  Tentourent  :  effrayé,  il  aban- 
donne le  rameau  et  se  réfugie  sur  un  rocher,  où  il  peut  philo- 
sopher sans  trouble  et  où  il  trouve  cette  conclusion  heureuse 
à  ses  poétiques  descriptions  : 

Qu'es  lou  mau  sort  que  nous  piveta, 

Qu*es  lou  destin  que  nous  clavela) 
Ou  nous  buta  toujour  vers  lou  toumple  prefound, 

Que  nous  rend  dus  à  la  tendressa^ 

Teîadres  à  la  ruda  caressa 
DeTamour  passionnât  que  sans  vergougna  poun? 

Per  que  traire  à  la  mar  foulassa 

Lou  ramèu  qu'à  Tersa  bonassa 
Aviei  embé  plasé  refusât  tant  de  fes, 

Mesprisant  sa  douça  lagrema? 

Deraandas-vous  quanta  es  la  fema 
Qu'en  calignant  un  jour  voste  cor,  vous  Ta  près  ! 

Depuis  la  mort  d'Octavien  Bringuier,  le  dialecte  montpel- 
liérain  avait  rarement  été  mis  en  œuvre  d'une  façon  aussi 
littéraire.  Les  grâces  en  sont  jeunes,  fraîches  et  naturelles,  mal- 
gré quelques  emprunts  au  vocabulaire  provençal  ^  M.  Louis 
Vergne  est  un  poète  d'avenir.  S'il  veut  se  rendre  tout  à  fait 
maître  du  dialecte  de  sa  ville  natale,  il  remplira  les  vœux  de 
votre  CommissiLon,  qui  lui  décerne^  en  attendant,  sa  deuxième 
médaille  de  vermeil. 

Avec  M.  Tabbé  Joseph  Roux,  curé  de  Saint-Hilaire-Peyrpux 
(Corrèze),  nous  revenons  aux  souvenirs  guerriers  de  Fépoque 
carlovingienne.  Le  château  de  Longour,  en  terre  limousine, 
e3t  en  fête.  Charlemagne,  déjà  courbé  par  Tâge,  y  est  venu  ou- 
blier son  métier  de  roi,  métier  amer,  —  dit  le  poëte,  —  déjà. 
Après  un  festin  splendide,  Charlemagne  demanda  à  son  hôte 
de  lui  faire  entendre  un  chanteur.  Le  Toulousain  Godol  pa- 
raît. Godol,  d'abord  courtisan  de  Gaïfre  d'Aquitaine,  passé  à 
Charlemagne  avec  la  bonne  fortune,  —  ceci  est  de  tous  les 

1  Les  formes  poun  et  fena,  qui  devraient  être  pounk  et  femna^  en  sont  un 
exemple 
s  Si  nous  insistons  sur  la  question  de  pureté  dialectale ^  c'est  qu'il  y  a  là^  à 


ET  LITTÉRAIRE  37 

temps,  —  à  part  cela  homme  d'un  commerce  agréable,  et  qui 
n'a  qu'un  défaut,  celui  de  boire  avec  ardeur: 

Jauzen,  estiers  aco  ;  n'a  mas  un  défaut,  tuna. 

Godol  dit  la  gloire  et  les  exploits  de  Charlemagne.  Tout 
à  coup  un  autre  chant  sauvage,  sorti  on  ne  sait  d'où,  se  fait 
entendre.  C'est  le  chant  de  mort  de  Regnar  Lodbrog,  chef  des 
Scandinaves  : 

Un  autre  chan   estranh,  al  sauvatge  ressoun! 
Charlemanha  a  pâlit,  Charlemanha  se  leva  ; 
Ni  la  lengua  per  el,  ni  la  chansou  n'es  nueva. 

((  Eh  quoi  !  les  gens  du  Nord  oseraient  !» «  Abordez, 

»  dit  Rollon  à  ses  gens,  qui  remontent  le  cours  de  la  Dor- 

»  dogne Mais  Charlemagne  se  dresse,  immense,  et, 

»  rejetant  son  manteau,  il  saisit  sa  Joyeuse,  —  ou  plutôt  sa 

nos  yeux,  un  intérêt  majeur.  Nous  ne  souhaitons,  en  effet,  et  aucun  de  ceux 
qui  ont  le  souci  de  la  langue  d'oc  et  de  ses  caractères  originaux  ne  doit  sou- 
haiter, que  nos  poëtes  se  laissent  entraîner,  par  esprit  d'imitation,  par  un  trop 
fidèle  souvenir  des  chefs-d'œuvre  consacrés,  ou  par  tout  autre  motif,  à  la  sup- 
pression des  dialectes.  Chacun  de  ceux-ci  a  ses  ressources  propres,  son  vo- 
cabulaire spécial,  sa  couleur  native,  son  pittoresque  particulier.  Fondre  ces 
nuances  éclatantes  dans  les  teintes  grises  d'un  pastiche  provençal,  ce  serait 
nuire  à  la  fois  aux  idiomes  ainsi  mélangés  et  au  provençal  lui-même.  La  litté- 
rature grecque  est  là  pour  attester  que  la  variété  des  dialectes  ne  nuit  pas  à 
roriginalité  de  la  pensée  et  n'empêche  pas  l'éclosion  des  chefs-d'œuvre.  On 
pourrait  même  soutenir  que,  loin  de  l'empêcher,  elle  la  favorise  puissamment. 
S'il  est  quelques  Languedociens  qui  se  servent  exclusivement  du  provençal 
des  bords  du  Rhône,  parce  qu'ils  y  trouvent  beaucoup  plus  de  facilité  ou 
d'agrément,  ces  préférences  individuelles  ne  doivent  pas  être  imitées  et  en- 
core moins  encouragées  ;  nous  n'hésitons  pas  à  dire  que  ce  choix  exclusif  vau- 
drait encore  mieux  qu'une  fusion  volontaire  et  consciente  de  dialectes  divers. 
Les  Provençaux,  qui  tiennent  tous,  et  avec  raison,  à  leurs  dialectes  respec- 
tifs, se  gardent  de  suivre  ces  exemple^.  Marseille,  Aix,  Forcalquier,  Apt,  n'ont 
pas  adopté,  que  nous  sachions,  le  dialecte  arlésien  ou  avignonnais,  et  nous  ne 
voyons  pas  ce  qu'ils  y  gagneraient.  Les  Concours  n'auraient  pas  de  raison 
d'être  s'ils  ne  s'efforçaient  de  conserver  à  notre  langue  ses  mérites  variés,  et 
les  ressources  naturelles  de  ses  différents  dialectes.  S'opposer,  autant  que  pos- 
sible, à  l'abâtardissement  qui  résulterait  du  mélange  des  idiomes,  sans  profit 
aucun  en  quoi  que  ce  soit,  nous  paraît  être  l'un  des  premiers  objets  de  ces 
Concours  et  le  but  principal  de  leurs  visées  multiples. 

Cette  question  demanderait,  on  le  sent,  plus  de  développements.  C'est  à 
peine  si  nous  avons  pu  en  signaler  rapidement  Tincontestable  intérêt  ;  nous  y 
reviendrons  à  la  première  occasion. 


38  CONCOURS  PHILOLOaiQUE 

)>  Triste,  à  présent  et  s'écrie  :  «  Charlemagne  !  »  en  brandis- 
»  sant  son  épée  aurefiet  du  soleil  qui  semble  Tembraser. . . . 
))  Merveilleux  effet  du  geste  et  du  cri  I  Rollon,  ébloui,  troublé, 
»  ne  sait  plus  où  il  a  Tesprit  ;  et  tout  cela  détale, et  tout  cela 
»  décampe  :  tel,  oyant  le  tonnerre,  un  banc  de  cabots  s'enfuit.» 
Mais,  au  lieu  de  se  réjouir  de  ce  facile  triomphe,  Charle- 
magne  pleure;  il  pleure  des  larmes  de  sang;  et  à  sa  fille  Emma, 
qui  s'étonne  de  ces  larmes,  le  vieil  empereur  répond  ; 

Ai  razou  de  gémir  e  gémirai  souven  !  ! 
Si  lou  Norman  pénétra  en  Fransa,  ieu  viven, 
Couma  pacientara  quan  serai  dins  la  toumba? 
Chadun  ven  far  soun  fais  ad  un  aubre  qui  toumba. 

Ce  poëme  se  recommande  par  la  correction  de  la  langue, 
dont  l'auteur  prépare  le  dictionnaire,  par  l'énergie  sauvage 
d'un  rhythme  approprié  au  sujet,  par  la  vigueur  du  ton  géné- 
ral. L'intercalation  du  chant  de  Regnar  Lodbrog  est  on  ne 
peut  plus  heureuse  comme  effet -dramatique,  mais  elle  ne  laisse 
pas  au  poëme  une  entière  originalité.  La  Société  attribue  à 
M.  Tabbé  Joseph  Roux  une  médaille  de  vermeil. 

Nous  passons,  sans  transition,  à  un  recueil  de  contes  et  de 
fables  ayant  pour  titre  :  lous  Pesèus  fariouleis  (les  Pois  sau- 
vages). L'auteur  est  M.  Auguste  Chastanet,  percepteur  à  Sar- 
lat  (Dordogne),  qui,  avec  son  amusante  historiette  du  Chi- 
vau  de  Batistou^  gagna  le  prix  du  genre  au  Concours  de  1878. 
Les  contes  de  M.  Chastanet  se  distinguent  par  les  qualités  ha- 
bituelles de  spirituelle  finesse  et  de  gouailleuse  bonhomie  de 
leurs  aînés.  La  note  rustique  est  plus  accusée,  les  peintures 
sont  plus  libres,  dans  cette  série  que  dans  les  précédentes,  et 
il  faudrait  les  licences  que  Molière  prenait  de  son  temps  sans 
effaroucher  personne,  pour  citer  le  titre  du  premier  de  ces 
contes,  le  meilleur  à  notre  avis.  M.  Chastanet  a  imité  aussi 
avec  bonheur,  c'est-à-dire  en  les  habillant  à  la  mode  de  son 
pays,  --  seule  raison  d'être  des  imitations,  — deux  fables  de 
La  Fontaine:  les  Voleurs  et  l'Ane  et  la  Grenouille  qui  veut  se 
faire  aussi  grosse  que  le  bœuf.  Nous  attacherons  à  ces  Pois  sau- 
vages notre  quatrième  et  dernière  médaille  de  vermeil. 

Ce  n'est  pas  une  simple  fable  qu'a  imitée  M.  Antoine  Roux, 
ancien  conseiller  général  de  l'Hérault,  à  Lunel-Viel,  mais  une 


ET   LITTERAIRE  39 

comédie  tout  entière,  une  comédie  en  cinq  actes.  L'effort  est 
grand  et  se  justifie  à  merveille,  s'il  est  vrai  qu'on  puisse  châ- 
tier les  vices  en  riant,  ainsi  que  l'assure  un  dicton  fort  ancien. 
On  pourrait,  en  douter,  car,  malgré  Molière,  malgré  Regnard, 
malgré  Beaumarchais  et  tant,  d'autres,  tous  les  vices,  tous  les 
ridicules  qu'auraient  pu  tuer  ces  illustres  maîtres,  paraissent 
encore  se  porter  assez  bien.  Je  n'en  veux  pour  preuve  nou- 
velle que  l'imitation  montpelliérainedu  yowewr  de  Regnard,  dont 
j'ai  à  vous  parler.  M.  Roux  a  pu,  rien  qu'en  regardant  au- 
tour de  lui,  se  persuader  aisément  qu'une  édition  populaire  du 
Joueur,  —  revue  et  accommodée  aux  mœurs  du  jour, —  pour- 
rait être  de  quelque  utilité.  Nous  nous  garderons  bien  de  le 
détromper;  nous  lui  souhaitons  même,  s'il  peut  faire  repré- 
senter cette  comédie,  tout  le  succès  que  mérite  sa  laborieuse 
et  intelligente  tentative.  Ceites,  M.  Roux  n'a  pas  rêvé  de 
faire  passer  dans  son  Jougadou  l'esprit  pétillant,  la  verve  heu- 
reuse, le  naturel  et  la  finesse  de  la  seule  comédie  qui  puisse 
prendre  rang  immédiatement  après  les  chefs-d'œuvre  du  pre- 
mier de  nos  auteurs  comiques.  C'est  bien  assez  qu'il  ait  pu 
substituer  aux  portraits  vivants  de  Regnard,  et  dans  leurs  ca- 
dres mêmes,  des  portraits  peints  d'après  nature,  et  faire  de 
cette  comédie,  d'un  esprit  très-français,  une  adaptation  lan- 
guedocienne qui  a  sa  couleur  propre.  C'est  là,  en  effet,  le  prin- 
cipal mérite  du  travail  de  M.  Roux.  Ajoutons  que  la  langue  en 
est  simple,  facile,  non  sans  charme  parfois.  Œuvre,  en  somme, 
très-recommmandable,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  entièrement 
originale,  et  à  laquelle  votre  Commission  a  attribué  la  pre- 
mière médaille  d'argent. 

Encore  une  comédie  en  cinq  actes;  celle-ci  originale,  d'un 
réalisme  brutal  et  qui  semble  inconscient.  L'auteurparaît  nous 
dire:  J'ai  vu,  j'ai  observé  ce  qui  se  passait  autour  de  moi,  et 
voilà,  tel  quel,  le  résultat  de  mes  observations.  Nous  savions 
déjà,  et  nous  n'avons  pas  été  tentés  de  nous  écrier  avec  le 
poëte  : 

0  mon  siècle  !  est-il  vrai  que  ce  qu'on  te  voit  faire 
Se  soit  vu  de  tout  temps  ?. . . 

nous  savions  déjà  à  quel  degré  les  mœurs  peuvent  se  cor- 
rompre et  les  caractères  s'abaisser,  lorsque  l'amour  du  lucr« 


40  CONCOURS   PHILOLOGIQUE 

et  des  richesses  acquises  par  tous  les  moyens  remplace  tout 
autre  sentiment.  Cette  œuvre,  trop  vraie  en  plus  d'un  passage 
et  qui  ignore  les  raffinements  de  la  pensée  littéraire,  en  est 
une  nouvelle  et  triste  preuve.  Narcisso,  tel  est  le  titre  de  cette 
comédie,  et  c'est  aussi  le  nom  du  principal  personnage.  Il  y 
a  malheureusement  quelque  inexpérience  dramatique  dans 
cette  interprétation  d'une  donnée  qui,  pour  être  vulgaire  et 
sans  grandeur,  n'en  est  pas  moins  intéressante.  Ce  qui  man- 
que aussi  à  l'auteur,  du  moins  tel  qu'il  se  montre  dans  sa  pièce, 

ce  sont 

ces  haines  vigoureuses 

Que  doit  donner  le  vice  aux  âmes  vertueuses  ; 

c'est  un  personnage  qui  soit  le  porte-voix  et  le  vengeur  de  la 
conscience  outragée.  Les  gendarmes,  qui  apparaissent  à  la  fin 
de  la  pièce  et  qui  annoncent  à  son  triste  héros,  en  l'arrêtant, 
la  peine  qu'il  aura  à  subir  pour  ses  méfaits, —  ce  qui  est  tout 
à  fait  contraire  aux  habitudes  de  la  gendarmerie,  —  ne  suf- 
fisent pas,  il  s'en  faut,  à  soulager  notre  indignation.  Il  y  a 
bien  quelques  protestations  de  l'honneur,  dans  le  courant  de  la 
pièce.  La  femme  et  le  gendre  de  Narcisse, — il  s'appelle  Nigaud, 
et  il  est  le  bien  nommé, — lui  font  sans  doute  entendre  quelques 
dures  vérités  ;  mais  ils  n'empêchent  aucune  vilaine  action,  et 
le  coupable  n'est  puni,  pour  ainsi  dire,  que  dans  la  coulisse, 
au  lieu  de  l'être  sur  la  scène  même.  Malgré  ce  défaut  capi- 
tal, la  comédie  de  Narcisso  accuse  des  qualités  sérieuses,  tel- 
les que  l'art  difficile  de  faire  parler  et  mouvoir  d'assez  nom- 
breux personnages,  l'invention  d'une  intrigue  où  s'agitent, 
il  est  vrai,  des  passions  basses  et  des  intérêts  sordides,  mais 
qui  marche  sans  défaillance,  et  avec  des  péripéties  naturelles, 
vers  son  dénoûment  fatal. 

L'auteur,  M.  Adam  Peyrusse,  d'Ornaisons,  près  Villefranche 
(Aude),  possède  parfaitement  sa.  langue,  qui  est  celle  du  Nar- 
bonnais,  et,  comme  Langlade,  de  Lansargues;  comme  Laurès, 
de  Villeneuve-lez-Béziers  ;  comme  Tavan  et  bien  d'autres,  il  a 
trouvé  la  poésie  sous  les  mottes  de  terre  que  soulève  sa  char- 
rue, au  milieu  des  champs,  dans  l'air  libre  et  sous  le  ciel  splen- 
dide  de  nos  campagnes.  La  Société  lui  décerne  sa  deuxième 
médaille  d'argent. 


ET  LITTÉRAIRE 


Ont  également  reçu  des  médailles  d*argent  : 

M.  Auguste  Fourès,  de  Castelnaudary,  pour  sa  pièce  lou 
Talhaire  de  peiro  de  foc  (le  Tailleur  de  silex),  tableau  curieux 
de  la  période  préhistorique,  dont  quelques  parties  demande- 
raient à  être  mieux  éclairées,  et  oti  Ton  trouve  avec  abondance 
Fénergie  et  le  pittoresque,  dont  Fauteur  est  coutumier; 

M.  Jean  Laurès,  de  Villeneuve -lez-Béziers,  pour  sa  Douna- 
ciéuy  étude  d'après  nature  de  mœurs  villageoises,  écrite  dans 
une  bonne  langue,  claire,  rapide,  naturelle,  et  avec  un  senti- 
ment très-personnel  ; 

M.  Charles  Bistagne,  de  Marseille,  pour  son  joli  conte  li 
Vertu  au  bal  mascat,  dont  le  tour  spirituel  et  fin  relève  encore 
la  donnée  piquante; 

M.  Marins  Girard,  de  Saint-Rémy,  pour  son  poëme  lou  Se- 
gnour  de  Vilo-  Vieio,  plus  descriptif  que  dramatique,  malgré 
une  imitation  de  la  scène  des  portraits  é^Hernani,  et  où  nous 
louerons  surtout  le  talent  du  narrateur; 

M.  Tabbé  Ferrand,  professeur  au  petit  séminaire  de  Bor- 
deaux, pour  sa  pièce  :  la  Cansou  dou  Roussinoun  {la.  Chanson  du 
Rossignol),  charmante  interprétation  d'une  légende  du  Baza- 
dais,  que  Ton  trouve  aussi  en  Bourgogne,  à  Mercurey  notam- 
ment, et  qui  est  ainsi  rapportée  par  M.  Jules  Chevrier  *:  <  On 
»  dit  que  souvent,  à  Taube  du  matin,  on  trouve  des  rossi- 
»  gnols  se  débattant,  au  milieu  des  pampres  embaumés,  con- 
»  tre  les  étreintes  des  vrilles  de  la  vigne,  qui  poussent  si  vite, 
»  si  vite  !  que  leurs  petits  pieds  fins  et  délicats  sont  saisis  et 
»  emprisonnés  pendant  leur  court  sommeil.  »  Dans  la  légende 
du  Bazadais,  c'est  la  clématite  qui  joue  le  rôle  cruel  de  la  vi- 
gne à  l'égard  du  joli  chanteur. 

M.  l'abbé  Ferrand  écrit  en  maître  poëte  la  langue  de  son 
pays.  Il  y  a,  du  reste,  dans  tout  le  Bordelais,  un  mouvement 
d'études  romanes  très-marqué.  Des  almanachs  et  des  jour- 
naux populaires  sont  publiés  sur  plusieurs  points  de  la  Gironde, 
des  liandes  et  des  Pyrénées.  Un  écrivain  bien  connu  de  ces 
contrées,  et  qui  a  déjà  publié  les  Proverbes,  énigmes  et  contes 
populaires  du  Béam,  M.  Lespy,  fait  imprimer  en  ce  moment 

*  Dans  son  beau  Vivre  ChdlonS'Sur-Saône  pittoresque  et  démoli.  Psltïs, 
QuantiD,  1883. 


4«  CONCOURS   PHILOLOGIQUE 

même,  à  Montpellier,  un  Dictionnaire  béarnais.  Le  mouvement 
littéraire  et  scientilique,  auquel  la  Revue  des  langues  romanes  a 
donné  un  si  grand  essor,  s'étend  de  jour  en  jour  davantage, 
et  il  est  permis  d'espérer  qu'il  n'y  aura  plus  bientôt  un  seul 
point  du  vaste  domaine  de  la  langue  d'oc  qui  n'ait  son  lexico- 
graphe ou  son  poëte; 

Enfin  M.  Victor  Rettner  obtient  aussi  une  médaille  d'ar- 
gent pour  une  sextine  qu'il  intitule  Ma  viloto,  et  qui  célèbre, 
dans  la  forme  rare  illustrée  par  Arnaud  Daniel,  sa  ville  natale 
de  Saint-Pons.  Il  n'existe,  on  le  sait,  que  cinq  ou  six  sextines 
dans  la  littérature  ancienne,  et  on  n'en  connaît  pas  dans  la 
littérature  moderne.  M.  Rettner  aura  donc  l'honneur  d'avoir 
restauré  un  genre  oublié,  dans  lequel  il  a  su  être  non-seu- 
lement versificateur  habile,  mais  poëte  charmant,  grâce  aux 
combinaisons  les  plus  ingénieuses  d'expressions,  d'images  et 
de  tableaux  à  la  fois  exacts  et  pittoresques*. 

Une  œuvre  d'assez  longue  haleine,  un  poëme  en  dix  chants, 
mais  très-courts,  —  ce  n'est  pas  un  reproche,—  et  qui  a  pour 
titre  la  Fia  dey  carbounié,  est  dû  à  la  plume  facile  de  M.  A. 
Virenque,  de  Lodève  (Hérault).  Il  y  a  de  très-bonnes  choses 
dans  cette  histoire  des  amours  honnêtes  de  l'auteur  avec  la 
fille  d'un  charbonnier  :  du  naturel,  de  la  grâce,  de  bons  senti- 
ments, et  pas  la  moindre  noirceur.  Toutefois  cela  manque  un 
peu  d'art  et  d'arrangement.  M.  Virenque  dispose  d'un  voca- 
bulaire local  très-riche,  et  son  œuvre  mérite  largement,  à  ce 
titre  surtout,  la  médaille  de  bronze  qui  lui  est  donnée. 

Une  mention  très-honorable  est  accordée  à  une  saynète 
villageoise  en  un  acte,  de  M.  PaulGourdou,  d'Alzonne  (Aude), 
qui  a  pour  titre  le  proverbe  :  Bal  mai  gens  qu'argent  (Il  vaut 
mieux  les  gens  que  l'argent).  Les  situations  de  cette  petite 
pièce  ne  comportaient  peut-être  pas  autant  de  développements 
que  l'auteur  s'est  plu  à  leur  en  donner;  mais  on  peut  y  rele- 
ver de  nombreux  passages  qui  se  recommandent  par  de  bonnes 
qualités  de  forme  et  de  fond. 

Une  autre  mention  honorable  est  due  aussi  kVAbare  e  tous 


*  M.  Rettner  oe  devait  pas  survivre  lotjgtemps  à  son  chef-d'œuvre:  il  est 
décédé  à  Montpellier  le  21  août  1883,  à  l'âge  de  cinquante-cinq  ans 


ET   LITTÉRAIRE  43 

Bouleurs,  imitation  de  la  fable  de  La  Fontaine  l'Avare  qui  a 
perdu  son  trésor,  par  M.  Victor  Maumen,  à  Saint- Criq- Ville- 
neuve (Landes),  Tauteur-éditeur  de  Tun  de  ces  almanachs  bor- 
delais dont  nous  parlions  tout  à  Theure,  VArmana  dous  pay- 
sans, paraissant  depuis  plusieurs  années,  tantôt  à  Saint-Sever, 
tantôt  à  Bordeaux,  tantôt  à  Mont-de-Marsan. 

Il  nous  reste  à  parler  d'une  poésie  et  d'une  traduction  fran- 
çaises, qui  sont  en  dehors  du  programme  du  Concours,  mais 
que  leur  mérite  et  le  vœu  du  jury  d'examen  m'interdisent  de 
passer  sous  silence. 

La  poésie  a  pour  titre  Latium.  Elle  est  d'une  énergie  rare, 
presque  farouche,  toute  pleine  d'élan  patriotique  et  d'enthou- 
siasme pour  ces  idées  d'union  latine  que  des  esprits  généreux 
et  clairvoyants  s'efforcent  de  répandre,  laissant  à  l'avenir,  à 
défaut  du  présent,  le  soin  de  les  justifier.  Cette  pièce  est  due 
à  un  professeur  italien  qui  réside  à  Constantinople  et  qui  dé- 
sire garder  l'anonyme. 

Elle  est  dédiée  au  commandeur  Vegezzi  Ruscalla,  consul  gé- 
néral de  Roumanie  à  Turin,  qui,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans 
passés,  travaille  encore  avec  la  même  ardeur  qu'au  temps  de 
sa  jeunesse.  Les  études  philologiquesn'ont  pas  cessé  de  plaire 
àl'ancien  secrétaire  de  Raynouard,  et  il  a  publié,  ily  a  trés-peu 
de  temps,  un  travail  extrêmement  curieux  sur  deux  ou  trois 
villages  de  Vaudois  qui  existent  dans  l'Italie  méridionale,  où 
ils  ont  conserva  leur  langage  alpin,  tout  en  délaissant  leurs 
croyances  particulières. 

La  traduction  est  celle  d'un  fragment  de  VAtlantida,  ce  beau 
poëme  de  Verdaguer,  le  Mistral  de  la  Catalogne.  L'épisode 
lyrique  qui,  sous  le  nom  de  Chœur  d'Iles  grecques,  forme  le 
septième  chant  de  V Atlantida,  est  un  pur  chef-d'œuvre,  im- 
prégné de  grâce  antique,  une  véritable  fleur  de  poésie  éclose 
aux  feux  de  l'imagination  la  plus  riche  et  la  mieux  douée.  Le 
traducteur  ne  pouvait  mieux,  choisir  pour  nous  faire  appécier 
les  mérites  de  son  travail.  Nous  savons  d'ailleurs  que  la  tra- 
duction tout  entière  du  poëme  de  Verdaguer  est  remarquable 
autant  par  l'élégance  de  la  forme  que  par  la  scrupuleuse  fi- 
délité avec  laquelle  son  auteur,  M.  Justin  Pépratx,  de  Perpi- 
gan,  a  rendu  la  pensée  originale  du  poëte.  Les  traductions  en 
Ters  sont  en  général,  vous  le  savez,  de  belles  infidèles;  celle- 


44  CONCOURS   PHILOLOGIQUE 

ci  sera  certainement  une  exception,  et  nous  devons  féliciter 
son  auteur  d'avoir  entrepris  et  mené  à  bonne  fin  un  travail 
difficile,  qui  permettra  aux  lecteurs  français  de  jouir  des  beau- 
tés trop  peu  connues  de  Tépopée  catalane.  M.  Pépratx  a  déjà 
reçu,  du  reste,  une  haute  récompense  de  ses  efforts  :  S.  M.  la 
Reine  d'Espagne  a  bien  voulu  accepter  la  dédicace  de  sa 
traduction.  La  Catalogne  ne  peut  que  s'enorgueillir  d'un  tel 
patronage,  et  la  France  verra  avec  joie  sa  langue  nationale 
servir  à  resserrer  le  lien  qui  unit  les  deux  nations  sœurs. 

Ces  considérations  nous  amènent  tout  naturellement  à  vous 
parler  du  Concours  de  poésie  catalane,  où  plusieurs  pièces  re- 
marquables vont  se  disputer  nos  prix. 

Le  même  auteur  nous  a  envojé  deux  poésies  également 
distinguées  :  la  Pyramida  et  A  la  belessa  (  A  la  beauté  ).  Dans 
l'embarras  où  s'est  trouvée  votre  Commission  pour  donner 
l'avantage  à  l'une  des  deux,  elle  s'est  décidée  à  les  classer 
ex  eBquo  et  leur  a  attribué  une  médaille  de  vermeil.  L'auteur 
est  M.  Arthur  Masriera  y  Colomer,  de  Barcelone. 

Dans  la  Pyramida^  il  passe  en  revue,  avec  une  grande  élé- 
vation de  pensée  et  de  langage,  tous  les  spectacles  grandioses 
qu'ont  vus  les  monuments  des  Pharaons,  du  haut  de  leurs  qua- 
rante siècles  géants.  Il  rend  hommage  à  ce  grand  Français 
qui,  non  content  d'avoir  réuni  deux  mers  séparées  par  l'isthme 
de  Suez,  va  encore  doter  le  monde  d'une  nouvelle  route  ma- 
ritime, et  mérite  bien  le  nom  d'apôtre  du  progrès  et  de  la 
science  que  lui  décerne  le  poète.  Et  terminant  par  une  grande 
image,  M.  Masriera  donne  aux  pyramides  la  voix  de  TEgjpte 
elle-même,  si  elle  venait  à  disparaître  sous  les  flots  du  Nil  ou 
de  la  mer,  pour  dire  aux  races  nouvelles:  l'Egypte  fut  là. 

Bien  différente  est  la  poésie  consacrée  A  la  beauté.  Quoi- 
qu'on y  reconnaisse  la  main  exercée  et  robuste  qui  a  écrit  la 
Pyramide,  on  y  trouve  surtout  de  la  grâce  et  de  la  tendresse. 
Ainsi  le  voulait  le  sujet,  souvent  traité,  que  le  poète  a  su 
marquer  néanmoins  de  son  empreinte  personnelle.  L'auteur 
décrit  la  beauté  sous  toutes  ses  formes  ;  il  la  voit  dans  les 
êtres  et  les  phénomènes  de  la  création,  du  plus  petit  au  plus 
grand.  La  nature  et  l'art  lui  dévoilent  leurs  chefs-d'œuvre,  et 
le  cœur  humain  ses  trésors  de  grâce  et  de  sentiments  élevés. 
Inspiratrice  souveraine  de  la  grandeur  morale,  c'est  la  beauté 


ET   LITTERAIRE  45 

qui  fait  les  artistes  et  les  héros,  et  qui,  par  un  effort  de  Tâme, 
nous  montre  Fincréé: 

Que  per  conort  de  l'anima  nos  mostra  l'increat. 

Un  grand  souffle  poétique  anime  ces  deux  pièces,  et  Ton  ne 
saurait  trop  féliciter  le  poëte  qui  a  su  trouver  de  si  gracieuses 
et  de  si  fortes  images  à  la  fois  pour  traduire  ses  pensées  et  les 
inspirations  de  son  cœur. 

Le  Cant  del  Poeta  est  aussi  un  thème  connu,  rajeuni  par  de 
nouvelles  et  originales  variations. Le  poëte  est  considéré  comme 
le  dispensateur  de  la  gloire,  —  c'était  Topinion  de  Malherbe, 
— et  il  appelle  à  lui  tous  ceux  qui  peuvent  y  prétendre,  depuis 
les  plus  illustres  jusqu'aux  martyrs  oubliés  ou  méconnus  de 
toutes  les  grandes  causes.  Il  a  des  chants  pour  toutes  les  ver- 
tus, pour  toutes  les  grâces,  et  volontiers  il  redirait  aux  reines 
de  beauté  elles-mêmes: 

Vous  ne  passerez  pour  belles 
Qu'autant  que  je  l'aurai  dit. 

Cette  pièce  aux  vers  faciles,  harmonieux,  aux  pensées  no- 
bles et  très-poétiques,  est  de  M.  Hyacinthe  Laporta,  directeur 
de  IsiRevista  literaria,  à  Barcelone. 

Lo  Segle  XIX  (le  XIX*  Siècle)  est  une  hymne  en  Thonneur 
des  progrès  scientifiques  de  notre  époque,  et  en  particulier  de 
quelques  inventions  récentes.  Ainsi  le  poëte  amoureux  q^uitte 
son  pays  ;  mais,  grâce  à  la  photographie,  il  emporte  l'image  de 
sa  bien-aimée  ;  grâce  au  téléphone  il  converse  avec  elle  ;  par 
l'étincelle  électrique,  il  apprend  un  jour  qu'elle  est  mourante: 
la  vapeur  lui  permet  de  la  rejoindre  promptement;  elle  vit 
encore, il  l'entend;  mais,  ô douleur!  sa  voix  ne  frapperait  plus 
désormais  son  oreille  si  le  phonographe  n'était  là  pour  recueillir 
ses  dernières  paroles  et  lui  permettre  d'entendre  sa  voix  éter- 
nellement. 

C'est  M.  Joseph  Verdu  qui  a  trouvé  cette  manière  originale 
de  chanter  des  découvertes  scientifiques,  qui  semblent  d'abord 
assez  rebelles  à  la  poésie. 

M.  Joseph  Blanch  y  Romani  nous  berce  quelques  instants 
sous  la  voile  latine,  avec  sa  Darcarola  au  rhythme  gracieux  et 
musical,  et  M.  Ferrant  AguUo  Vidal  nous  renvoie  l'écho  de 


46  CONCOURS   PHILOLOGIQUE   BT  LITTERMRB 

los  Suspirs  de  la  Mare,  qui  rappellent  ceux  de  la  Coumtesso, 
de  Mistral. 

La  Société  décerne  une  médaille  d'argent  à  chacun  de  ces 
poètes:  M  M.  Hyacinthe  Laporta,  Joseph  Verdu,  Joseph  Blanch 
y  Romani  et  Ferrant  AguUo  Vidal,  tous  les  quatre  de  Barce- 
lone. 

Mentionnons  honorablement,  pour  finir,  la  pièce  de  M.  Jo- 
seph Antonio  Trias,  intitulée   Desconhort  (Découragement). 

Ce  n'est  pas  avec  ce  sentiment,  trop  peu  viril,  que  nous  ter- 
minerons ce  compte  rendu.  Tout  nous  engage,  au  contrairei 
à  espérer  les  meilleurs  résultats  de  ces  assises  intellectuel- 
les, où  accourent  en  foule  les  esprits  d'élite,  les  poëtes  et  les 
savants  des  deux  côtés  des  Alpes  et  des  Pyrénées,  et  qui  mé- 
riteront, sans  aucun  doute,  dans  l'histoire  littéraire  de  notre 
pays,  le  nom  de  Grands  Jours  du  Languedoc. 

Frédéric  Donnadieu. 


CHRONIQUE 


LE  CONCOURS  DE  KANNÉE  1883 


La  Société  pour  Tétude  des  langues  romanes  a  tenu,  le  dimanche 
de  la  Pentecôte,  dans  la  grande  salle  du  Palais  de  justice,  gracieu- 
sement miss  à  sa  disposition  par  M.  le  Premier  Président  de  la  Cour 
d'appel  de  Montpellier,  la  séance  publique  de  son  quatrième  Concours 
philologique  et  littéraire*.  MM.  le  Préfet  de  l'Hérault,  le  Président 
du  Conseil  général,  le  Maire  de  la  ville  de  Montpellier,  les  doyens  des 
Facultés  de  droit  et  de  médecine,  le  doyen  de  la  Faculté  des  sciences, 
le  Procureur  général,  les  directeurs  de  l'Ecole  supérieure  de  pharma- 
cie et  de  l'Ecole  d'agriculture,  ainsi  qu'un  grand  nombre  de  magistrats, 
de  professeurs  et  de  conseillers  municipaux,  avaient  pris  place,  à  deux 
heures  do  l'après-midi,  autour  des  membres  du  Bureau  ;  MM.  Ferdi- 
nand Castets,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  et  président  de  la  So- 
ciété des  langues  romanes;  Frédéric  Mistral,  grand  maître  du  Féli- 
brige  ;  Arsène  Darmesteter,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Paris  ;  Charles  Joret,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  d'Aix  ;  Charles 
Revillout,  rapporteur  delà  Commission  de  philologie  ;  Paul- Jules  Itier, 
rapporteur  de  la  Commission  de  prose,  et  Frédéric  Donnadieu,  de 
Béziers,  rapporteur  de  la  Commission  de  poésie. 

La  partie  féminine  de  l'auditoire  n'était  ni  la  moins  nombreuse,  ni 
la  moins  dignement  représentée. 

Il  avait  été  donné  rarement  à  la  ville  de  Montpellier  de  compter 
parmi  elle  autant  do  romanistes,  de  lettrés  et  de  félibres:  MM.  Camille 
Laforgue,  président  de  la  Maintenance  de  Languedoc  ;  le  comte  Ray- 
mond de  Toulouse-Lautrec,  président  de  la  Maintenance  d'Aquitaine  ; 
Justin  Pépratx,  déléguédes  poëtes  de  laCatalogne,  qui  l'avaient  chargé 
de  lire  en  leur  nom  une  pièce  inédite  de  Verdaguer, l'auteur  deVAtlan- 
tida  ;  Alphonse  Tavan,  Charles  Bistagne  et  Auguste  Marin,de  Marseille  ; 
le  baron  de  Meyronnet  Saint-Marc  ^,  Hippolyte  Guillibert  et  Charles 
de  Gantelmi-d'Ille,  d'Aix-en- Provence;  Achille  Mir,  de  Carcassonne; 
Noguier,  le  savant  archéologue  et  numismate  biterrois  ;  les  docteurs 
Durand  (de  Gros)  et  Vincent,  de  G uéret;  Auguste  Fourès,  deCastelnau- 
daryjJean  Laurès,  de  Villeneuve  ;  Alexandre  Langlade,  de  Lansargues, 

*  Une  première  réunion,  tenue  la  veille,  à  huit  heures  du  soir,  dans  la 
grande  salle  de  la  Mairie  de  Montpellier,  avait  été  consacrée  à  la  réception 
des  invités  de  la  Société  et  à  la  lecture  de  diverses  poésies  en  langue  d'oc. 

'  J'ai  à  relever  ici  une  omission  de  mon  travail  sur  la  Roumanie  dans  la 
littérature  du  midi  de  la  Fra7ice.  L'oratorio  en  sept  langues  (latin,  italien, 
espagnol,  catalan,  roumain,  provençal  et  français),  de  M.  de  Meyronnet;  la 
Race  latine,  le  Chatit  des  Latins,  suivi  de  notes  explicatives  et  d'un  ap- 
pendice (Marseille,  Olive,  1879;  in-8o,  2A  pages),  contient  ^p.  V-8  et  19)  une 
poésie  de  M.  Georges  Sion.  qui  est  sûrement  le  premier  texte  roumain  publié 
en  Provence.  L'appendice  est  formé  de  la  lettre  de  M.  G.  Sion,  alors  secrétaire 

général  de  la  Société  académique  roumaine  (depuis  \  Académie  roumaine), 
ette  lettre  donne  de  curieux  détails  sur  la  diffusion  de  l'idiome  moldo-vala- 
que. 


48  CHRONIQUE 

Silhol,  du  Crès  ;  Adam  Peyrusse,  d'Omaisons  ;  Ferdinand  Baud  et 
Louis  Bardjde  Nimes  ;  Germain  Guichard,  de  Mens  ;  Henri  Babou,  de 
Toulouse;  le  peintre  Louis  Simil,  le  docteur  Eugène  Coste,  de  Nissan, 
etc.,  s'étaient  joints  à  ceux  des  membres  de  la  Société  qui,  le  15  du 
mois  précédent,  avaient,  sous  la  présidence  de  MM.  Gabriel  Azaïs, 
Rouraanille  et  Théodore  Aubanel,  classé  les  envois  de  philologie,  de 
prose  et  de  poésie. 

La  félibrée  annuelle  de  la  Maintenance  de  Languedoc  devait  encore, 
le  lendemain,  grossir  le  nombre  des  lettrés  et  des  poëtes  que  la  solen- 
nité du  13  mai  réunissait  à  Montpellier. 

En  ouvrant  la  séance,  M.  Castets,  président,  prononça  l'allocution 
imprimée  en  tête  du  présent  fascicule .  A  l'exemple  de  MM.  Revillout 
et  Boucherie  en  1875  et  1879,  il  signala  le  caractère  littéraire  et  philo- 
logique du  Concours  de  l'année  1883.  «  C'est  une  association  en  deuil 
qui  vous  reçoit  aujourd'hui  »,  ajouta-t-il  en  faisant  connaître  la  perte  si 
cruelle  que  les  études  romanes  venaient  d'éprouver  en  la  personne  de 
Boucherie.  La  mort  de  F.  Roque-Ferrier,  survenue  le  5  mai,  lui  donna 
l'occasion  d'expliquer  ensuite  l'absence  du  Secrétaire  de  la  Société  et 
d'exprimer  la  part  que  celle-ci  prenait  à  son  deuil. 

Il  devient  d'un  usage  toujours  plus  général  d'apporter  aux  félibrées 
de  Montpellier  ou  d'envoyer,  comme  excuse,  en  cas  d'absence,  une  pu- 
blication littéraire  ou  poétique  La  Société  a  eu  à  remercier  son  vice- 
président  honoraire,  M  Elrnest  Monaci,  professeur  à  l'Université  de 
Rome,  d'un  magnifique  album  héliotypique  reproduisant  les  plus  anciens 
textes  des  idiomes  romans  de  la  France  et  de  l'Italie*;  M.  Aguilô  y 
Fuster,  bibliothécaire  de  l'Université  de  Barcelone ,  d'une  impression 
en  caractères  gothiques  et  à  ornements  rouges  du  Libre  del  Orde  de 
Cauayleria  de  Raymond  Lull*;  M.  William -C.  Bonaparte- Wyse,  d'un 
poëme  provençal,  Soulèu  levant,  où  le  rôle  littéraire  de  Montpellier 
est  exalté  en  vers  dignes  des  Parpaioun  hlu  et  des  Piado  de  la  Prin- 
cesso  3.  M.  l'abbé  Joseph  Spéra,  professeur  à  l'abbaye  de  Cava  de'  Tir- 
reni  (Italie),  excusait  son  absence  en  envoyant  un  poëme  héroïque  en 
italien,  il  Conte  Verde,  qui  narre  les  hauts  faits  dAmédée  VI,  comte 
de  Savoie,  mort  en  1383  *.  M.  Spéra  a  dédié  cette  oeuvre  au  Roi  et  à 
la  Reine  d'Italie,  et  il  a,  après  eux,  réservé  ses  premiers  exemplaires 
aux  adhérents  de  ce  qu'il  appelait  inexactement,  mais  avec  beaucoup 
de  bienveillance,  les  secondes  fêtes  latines  de  Montpellier. 

Parmi  les  envois  de  nioindre  importance,  on  remarquait  un  petit 
choix  manuscrit,  dû  à  M.  Besse,  directeur  de  l'Ecole  de  Rigny,  à 
Tulle,  de  contes,  de  chants  et  de  proverbes  populaires  en  dialecte 
limousin  de  l'arrondissement  d'Ussel  ;  des  fables  écrites  par  M.  Mar- 
celin Caze,  en  langage  d'Argentat  (Corrèze)^,  localité  où  la  finale  fé- 

*  Cette  belle  publication  fait  partie  des  Facsimili  di  antichi  manoscritti 
per  uso  délie  scuole  di  filologia  neolatina,  publiés  à  Rome  sous  la  direction 
de  M.  Monaci. 

2  L'édition  dont  il  s'agit  appartient  à  la  Blbliotheca  d'obrefes  singulars  del 
bon  temps  de  nostra  lengua  materna,  estampades  en  tetra  lemôsina.  Bar- 
celona,  Alvar  Verdaguer,  in-S". 

*  Soulèu  levant,  pouèmo.  Lyon,  Pitrat,  1883;  in-8*.  (Extrait  de  la  Revue 
lyonnaise.) 

*  //  Conte  VerdC,  poema  eroico.  Firenze,  Le  Monnier,  J883;  in-i2, 
188  pages. 

^  Elles  ont  été  détachées  d'un  journal  de  Tulle  qui  a  fait  connaître  récem- 
ment l'idiome  d'Argentat  et  son  fabuliste. 


CHRONIQUE  49 

minine  est  en  a,  comme  dans  le  montpellîéraîn,  le  Iodé  vois  et  cer- 
taines parties  du  cévenol  et  du  provençal  de  la  rive  languedocienne 
du  Rhône;  deux  pièces  en  roiiergat  de  Millau  (Aveyron):  la  Léjando 
de  Sont  Ibos  et  lous  Doue  Fraires,  par  M.  Fabry  ';  des  vers  en  langage 
de  Roujan  (Hérault),  par  M.  le  vicomte  de  M  argon  ;  d'Andnze  (Gard), 
par  M.  Olivier;  de  Bessan  (Hérault),  par  M.  H.  Bousquet,  l'auteur  de 
la  Granja  de  las  Fados,  et,  enfin,  quatre  études  biographiques  et  litté- 
raires, par  MM.  Paul  Mariéton,de  Lyon,  sur  MM.William-C.  Bonaparte- 
Wyse,  Auguste  Fourès,  l'abbé  Joseph  Roux  et  le  baron  Charles  de 
Tourtoulon . 

L'éloignement,  le  deuil  de  leur  famille  et  la  solennité  de  la  Pente- 
côte, étaient  les  excupes  invoquées  par  MM.  le  sénateur  V.Alecsandri, 
ancien  président  du  Parlement  roumain  ;  le  docteur  Obédénare,  pre- 
mier secrétaire  de  la  légation  de  Roumanie,  à  Rome  ;  Manuel  Milâ  y 
Fontanals,  J.  Rubiô  y  Ors,  Louis  Cutchet,  Balaguer  y  Merino,  Montser- 
ratyArchs,  Arabiâ  y  Solanas,  Mathèu  y  Fornells,  de  Barcelone  ;  Jean 
Mathis,  le  poëte  rumonsche  de  l'Engadine  ;  d'Ancona,  professeur  à 
r Université  de  Pise;  les  romanistes  allemands  Emile  Lévy,  Karl  Bartsch 
et  Edouard  Stengel,  en  des  lettres  dont  quelques-unes  renfermaient 
d'intéressantes  observations  de  littérature  et  de  philologie. 

Il  en  était  de  même  de  celles  que  l'on  devait  à  M^^«  Alexandrine 
Brémond,  d'Arles,  l'auteur  des  Blavet  de  Mount-Majour,  M™«  Emilie 
d'Aguilhon,  de  Saint-Antonin  (  ïarn-et-Garoune  );  MM  le  vicomte 
Henri  de  Bornier.  Gabriel  Azaïs,  secrétaire  de  la  Société  archéologique 
de  Béziers  ;  Tamizey  de  Larroque,  correspondant  de  l'Institut  ;  le  vi- 
comte de  Vallat,  ancien  ministre  plénipotentiaire  ;  le  baron  Reille, 
député  ;  Léon  de  Berluc-Perussis  2,  Talbert,  professeur  au  Prytanée 
national  de  la  Flèche  ;  François  Vidal,  l'un  des  bibliothécaires  de  la 
ville  d'Aix  ;  Achille  Luchaire,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Bordeaux;  MM.  les  abbés  Joseph  Roux,  A.  Ferrand  Douais,  Hérétié, 
Bonafont  et  Rieux  ;  le  colonel  Scipion  Dumas,  qui  partage  ses  loisirs 
littéraires  entre  le  montpelliérain  et  le  catalan  du  Roussillon  ;  Mel- 
chior  BarthéSjde  Saint-Pons  ;  Louis  Funel,  Auguste  Chastanet,  Raoulx, 

J'ai  signalé  pour  la  première  fois,  —  d'après  une  indication  de  M.  l'abbé 
Joseph  Roux  et  dans  mes  Enigmes  populaires  en  langue  d'oc,  —  l'existence 
de  la  finale  féminine  a  'singulier,  pluriel  et  verbes)  à  Argentat. 

*  La  première  de  ces  pièces  a  paru  d'abord  dans  VEcho  de  la  Doitrhie,n*  du 
25  octobre  1869,  —  c'est  le  thème  de  Jarjaio  au  Paradis,  —  et  la  seconde 
dans  le  Millaooi.^  du  5  janvier  1872.  M.  Fabry  a  publié  de  nombreuses  fables 
rouergates  dans  ce  dernier  journal.  Il  les  a  constamment  signées  du  pseudo- 
nyme de  Jean  Legros. 

^  La  mort  du  sénateur  EIzéar  Pin  n'a  pas  seulement  privé  Montpellier  de 
la  présence  de  M.  de  Berluc-Perussis,  son  neveu.  Elle  a  retardé  l'impression 
d'un  album  philologique  que  ce  dernier  voulait  offrir  à  ses  collègues  du  Lan- 
guedoc et  de  la  Provence.  Cet  album  était  composé  d'un  Salut  à  VOccitanie, 
écrit  en  1820  par  Fortuné  Pin.  frère  du  sénateur,  et  traduit  en  quarante-neuf 
idiomes  appartenant  à  la  famille  des  langues  néo-latines.  Notre  ville  y  avait 
contribué  par  une  version  valaque.  due  à  Vl^'e  Coutzarida,qui,  au  nom  de  la  co- 
lonie roumaine  de  Montpellier,  offrit  en  1882  une  couronne  de  roses  de  Nice  à 
M.  Alecsandri.  Parmi  les  collaborateurs  de  M.  de  Berlue  figurent  MM.  Sardou, 
de  Nice  ;  Gonzague  de  Rey,  de  Marseille  ;  Légier  de  Mesteyme,  d'Apt;  Aimé 
Giron,  du  Puy-en-Velay;  l'abbé  Célestin  Malignon,  le  chanoine  Emile  Savy, 
ancien  archiprêtre  de  Bône,  et  un  érudit  de  Saint-Etienne-en-Forez  dont  nous 
regrettons  de  ne  pas  connaître  le  nom. 


50  OHRO»IQUB 

de  Toulon;  Eugène  Plauchud,  président  de V Athénée  de  Forçai quier; 
H.  de  la  Combe,  Eugène  Tavernier,  Marins  Girard,  Paul  Gourdou,  Clair 
Tisseur,  etc. 

Sa  Ma^e«té  la  Reine  Elisabeth  de  Eoumanîe,  qui  avnit  passé  deux 
mois  à  Sestri-Pononte.  près  Gènes,  et  qui  y  avait  reçu  les  hommages 
poétiques  de  la  phipart  des  féUbrea  du  midi  delà  France,  qu'elle  eut 
un  moment  la  pensée  de  visiter,  avait  chargé  M.  le  docteur  Obédé- 
nare,  premier  secrétaire  de  la  légation  de  Roumanie,  à  Rome,  de  ré- 
pondre par  le  télégramme  suivant  à  la  double  invitation  que  lui  avaient 
adressée  le  Président  de  la  Société  des  langues  romanes  et  le  Prési- 
dent de  la  Maintenance  languedocienne  du  Félibrige  : 

Roque-Ferrier,  secrétaire  de  la  Société  des  langues  romanes 
et  du  Félibrige,  à  Montpellier. 

Sa  Majesté  la  Reine  de  Roumanie  me  charge  d'exprimer  à  la  So- 
ciété des  langues  romanes  et  au  Félibrige  ses  bien  vifs  regrets  de  ne 
pouvoir  se  rendre  à  Montpellier,  pour  y  assister  à  la  célébration  des 
Jeux  floraux  de  Languedoc. 

Obédénarb. 

Ce  télégramme,  qui  honore  si  complètement  les  deux  associations, 
fut  lu  par  M.  F.  Castets,  ainsi  que  les  lettres  suivantes  de  M.  Gaston 
Paris,  membre  de  l'Institut;  de  Monseigneur  de  Cabrières,  évêquede 
Montpellier,  et  de  M.  V.  Lespy,  qui,  en  ce  moment  même,  fait  com- 
mencer à  l'Imprimerie  centrale  du  Midi  la  composition  d'un  Diction- 
naire du  dialecte  béarnais  ancien  et  moderne  : 

A  M,  F,  Castets,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres  de  Mont- 
pellier, président  de  la  Société  des  langues  romanes. 

Monsieur  le  Pri%sident, 

En  me  désignant,  à  côté  de  mon  illustre  ami  Frédéric  Mistral,  pour 
présider  la  séance  solennelle  et  le  Concours  de  1883,  la  Société  des 
langues  romanes  m'a  fait  un  honneur  auquel  je  suis  très-sensible,  et 
pour  lequel  je  vous  prie  de  lui  transmettre  tous  mes  remerciements. 
Je  suis  malheureusement  obligé  de  vous  demander  d'y  joindre  mes  re- 
grets ;  mes  occupations  pressantes  et  multiples,  et  surtout  mon  cours 
au  Collège  de  France,  m'interdisent  absolument  de  quitter  en  ce  moment 
Paris  pour  plusieurs  jours.  Mon  ami  Arsène  Darmesteter,  qui  a  pu 
s'affranchir,  représentera  à  Montpellier  les  romanistes  de  Paris  avec 
toute  l'autorité  que  lui  donnent  et  sa  haute  position  scientifique  et  sa 
situation  de  professeur  à  la  Faculté  des  lettres.  Il  vous  portera  Tex- 
pre.«sion  de  notre  sympathie  pour  les  efforts  de  la  Société  et  le  tribut 
douloureux  de  nos  regrets  pour  le  confrère  que  vous  venez  de  perdre, 
et  dont  le  souvenir  restera  cher  à  tous  ceux  qui  ont  pu  apprécier  son 
esprit  et  son  cœur. 

Agréez,  Monsieur  le  Président,  Tassurance  de  ma  considération  la 
plus  distinguée . 

Gaston  Paris, 
membre  de  Tlnstitut. 


CHRONIQUE  51 

A  Messieurs  F.  Castets,  président  de  la  Société  pour  l'étude 
des  langues  romanes,  et  C,  Laforgue,  président  de  la  Main- 
tenance languedocienne  du  Felihrige, 

Messieurs, 

Je  suis  touché  et  reconnaissant  de  l'invitation  que  vous  voulez  bien 
m'adresser  pour  la  réunion  et  pour  le  banquet,  qui,  le  13  et  le  14  mai, 
rassembleront  les  félibres  de  notre  région,  sous  la  présidence  de 
M.  Gaston  Paris,  membre  de  Tlnstitut,  et  du  célèbfe  auteur  de  Mi- 
reille. Si  éloigné  que  je  sois,  par  mes  occupations  habituelles,  des  no- 
bles et  attachantes  études  auxquelles  vous  vous  êtes  consacrés,  je  ne 
laisse  pas  de  les  suivre  et  de  m'y  intéresser.  Je  sais,  d'ailleurs,  que 
vous  ne  vous  attachez  pas  seulement  aux  côtés  littéraires  et  techniques 
de  cette  résurrection  de  la  vieille  langue  de  nos  populations  méridio- 
nales: vous  allez  plus  loin,  et,  dans  la  mesure  où  vous  le  pouvez,  vous 
invitez  tous  les  peuples  latins,  d'origine  et  d'idiome,  à  resserrer  leurs 
liens  et  à  rajeunir  les  souvenirs  de  leur  glorieuse  histoire.  Je  me  se- 
rais donc  félicité  d'applaudir  avec  tous  mes  collègues  les  lapports  qui 
vous  seront  lus  demain.  J'aurais  aimé  avoir  l'Espagne  et  l'Italie,  re- 
présentées par  MM.  Milâ  y  Fontanals  et  Monaci,  reconnaître  en  nous 
les  traits  distinctifs  de  la  grande  famille  latine  ;  et,  si  M.  Gaston  Paris 
prend  devant  vous  la  parole  avec  M.  Darmesteter;  si  Mistral  se  fait 
entendre,  si  M.  de  Bornier  vous  chante  quelques  strophes  dignes  de 
la  Fille  de  Roland,  personne  n'aurait  pu  écouter  ces  voix  de  l'érudi- 
tion et  de  la  poésie  avec  plus  de  sympathie  que  moi.  Mais  il  me  faut 
renoncer  aux  plaisirs  délicats  que  vous  vouliez  bien  m'offrir  de  par- 
tager en  aussi  docte  compagnie.  Le  jour  de  la  Pentecôte,  je  dois  célé- 
brer l'office  pontifical  à  la  messe  et  aux  vêpres,  je  dois  aussi  prêcher 
le  sennon  d'usage.  Dès  cinq  heures  du  matin,  lundi,  je  dois  reprendre 
ma  visite  pastorale. 

Daignez  donc.  Messieurs  les  Présidents,  agréer  mes  excuses  et  mes 
regrets,  et,  si  vous  le  jugez  bon,  veuillez  exprimer  à  vos  illustres  hôtes 
et  à  tous  vos  invités  combien  il  m'est  pénible  de  laisser  vide,  au  mi- 
lieu d'eux,  la  place  que  votre  bienveillance  m'avait  assignée. 

Je  suis.  Messieurs,  avec  la  plus  respectueuse  considération,  votre 
très-humble  et  très-dévoué  serviteur. 

F.-M.-A.  DE  Cabrières, 
évoque  de  Montpellier. 

A  M.  A.  Roque- Février, 
Car  Counfray, 

Aci  que-m  tié  la  cadene  deu  tribalh .  Nou-m  hou  james  taa  greuye 
que  hoey,  puixs  que  nou-m  lèxe  escapa  ta  poude  i,  dimenye  bient, 
hesteja  dab  tant  de  gayhasentz  e  oundrats  félibres. 

A  bous,  car  Counfray,  coum  a  toutz  lous  autes,  de  tout  coo, 

V.  Lespy. 

Avant  de  céder  la  présidence  à  M.  Mistral,  M.  Castets  donna  la  pa- 
role à  M.  le  comte  de  Toulouse-Lautrec,  qui  communiqua,  au  nom  de 
M.  de  Berluc-Perussis,  un  sonnet  provençal  adressé  à  S.  M.  la  Reine 


52  CHRONIQUE 

Elisabeth,  pendant  sa  villégiature  en  Italie.  M.  de  Toulouse-Lautrec  lut 
ensuite  la  réponse  en  vers  français  que  cette  pièce  avait  value  à  son 
auteur  de  la  part  de  l'érudite  souveraine,  qui  a  signé  du  pseudonyme 
de  Carmen  Sylva  diverses  œuvres  allemandes  et  roumaines,  et  des 
Pensées  dont  la  lecture  éveille  constamment  le  souvenir  des  Pensées 
de  Pascal,  de  Vauvenargues  et  de  Joubert. 

MM.  Revillout,  Itier  et  Donnadieu,  donnèrent  ensuite  communica- 
tion de  leurs  rapports  sur  les  œuvres  de  philologie,  de  prose  et  de 
poésie.  Les  Concours  des  années  1875,  1878  et  1879,  avaient  large- 
ment témoigné  de  la  part  que  prenaient  l'Espagne,  l'Italie,  la  Rou- 
manie, la  Suisse,  l'Amérique  latine  et  leurs  divers  idiomes,  aux  recher- 
ches inscrites  sur  les  programmes  de  la  Société.  La  langue  portugaise 
seule  n'avait  pas  encore  fait  acte  de  présence  à  Montpellier.  Aussi  ac- 
cueillit-on avec  une  vive  sympathie  la  mention  du  travail  philologique 
de  M.  Leite  de  Vasconcellos  sur  l'idiome  de  Miranda. 

Le  nom  de  M.  Piat,  gérant  du  Consulat  de  France  à  Bassorah  (Tur- 
quie d'Asie),  mentionné  deux  fois,  la  première  pour  un  dictionnaire 
(les  termes  de  la  langue  d'oc  classés  par  ordre  de  racines,  la  seconde 
pour  une  traduction  provençale  de  Gulïstariy  de  Saadi,  fut  non  moins 
favorablement  accueilli  que  celui  de  M.  de  Vasconcellos. 

La  seconde  partie  de  la  séance  du  13  mai  avait  été  réservée  à  la 
poésie  et  à  la  prose  méridionales.  M.  Louis  Vergne  fit  applaudir  sa  Ma- 
rina ;  M.  Augier.  lou  Remèdi,  conte  provençal  de  M.  Lèbre  ;  M.  Don- 
nadieu, la  sextine  languedocienne  que  M.  Rettner  avait  composée  sur 
le  modèle  d'une  pièce  similaire  d'Arnaut  Daniel.  A  ces  lectures 
diverses,  MM.  Martin  (de  Nimes)  et  Prax  (d'Alzonne)  mêlèrent  deux 
ou  trois  fois  la  gaieté  des  fables  de  Bigot  et  du  Lutrin  de  Ladèr 
d'Achille  Mir.    ' 

M.  Mistral  leva  la  séance  à  cinq  heures  du  soir,  après  avoir  prononcé 
quelques  paroles  provençales  que  l'on  trouvera  dans  le  numéro  de  sep- 
tembre, avec  les  textes  littéraires  que  le  défaut  d'espace  ne  nous  a  pas 
permis  de  publier  en  même  temps  que  les  rapports  de  MM.  Revillout, 
Itier  et  Donnadieu  *, 


*  La  réunion  de  la  Maintenance  languedocienne  du  Félibrige  et  le  banquet 
du  14  mai,  aiosi  que  la  remise  faite  aux  poëtf's  catalans,  à  Banyuls -sur-Mer, 
par  M.  Pépratx,  des  prix  qui  leur  avaient  été  attribués  à  Montpellier  par  la 
Société  des  langues  romanes,  seront  l'objet  de  notes  spéciales  dans  le  numéro 
de  septembre. 

L'abondance  des  matières  de  la  présente  chronique  nous  oblige  à  retarder 
également  la  publication  de  la  liste  des  livres  donnés  à  la  Bibliothèque  de  la 
Société,  la  suite  des  dons  faits  au  Comité  (le  la  souscription  BouchenV,  et  un 
compte  rendu  de  la  deuxième  édition  du  Lutrin  de  Laaèr,  d'Achille  Mir. 


Le  Gérant  responsable  :  Ernest  Hamslin 


Dialectes  Anciens 


SAINTE   MARIE   MADELEINE 

DANS   LA  LITTÉRATURE   PROVENÇALE 

il 

{Suite) 

II 

[po  39  po]  Aiso  es  homelia  d'Origenes  de  la  Magdalena  so- 
bre Tevangeli  de  san  Johan  :  Maria  stabat  ad  mo[numentum  fo- 
rts plorans].  En  aquel  temps  Maria  esta  va  al  moniment  foras 
plorao . 

5  Ausit  avem,  fraires,  Maria  al  moniment  de  foras  estar  ; 
ausit  [V°]  avem  Maria  plorar.  Vejam,  si  podem,  per  ques  es- 
tava,  vejam  per  que  plorava.  Profieche  nos  sos  estars,  profiechi 
nos  sos  plora[r]s.  Amors  la  i  fasia  estar.  Dolors  la  costrenia 
plorar.  Estava  e  regarda[va]  tôt  entorn,  si  per  aventura  vira 

10  aquel  ques  [40]  amava.  Plorava,  car  s'ase[8]mava  ques  aquel 
qu'ilh  queria  en  fos  portatz.  Li  dolors  era  renovellada,  car 
aquel  per  la  mort  del  cal  avia  agut  tan  gran  dolor,  aras  car 
n'era  portatz,  avia  major  dolor.  Et  aquil  do]or[s]  era  majers, 
[V**]  car  non  avia  neguna  consolation.  La  causa  de  la  pre- 

15  mieira  dolor  fon  car  Favia  perdut  vieu  ;  mais  d'aquesta  dolor 
avia  alcuna  consolation,  car  al  mens  mort  lo  cujava  retener. 
Mais  aras  d'aquesta  dolor  non  si  podia  consolar,  [41]  car  lo 
cors  del  mort  non  podia  trobar.  Paor  avia  que  li  amors  de 
son  maistre  el  sieu  piets  si  refrejes;  per  que  lo  queria,  per  so 

20  que,  can  lo  veiria,  si  escalfes. 

Maria  era  venguda  al  moniment,  portant  ab  si  especias  es 
oinementz,  los  cals  avia  apareillats,  [V°]  per  so  ques  enaisi 
con  enans  avia  oinch  los  pes  del  vivent  ab  oinement  precios, 
enaisi  aras  lo  cors  del  mort  ab  oinement  tôt  oisces  es  ab  es- 

TOMB  X   DE  LA   TROISIÈME  SÉRIE. —  AOUT   1883.  4 


54  SAINTE  MARIE  MADELEINE 

peciâs  condis,  es  enaissi   con  premieiramen  als  pes  de  nostre 
25  seinor  Jesu  Crist  [42]  lagremas  avia  escampat,  aras  al  moni- 
ment  lagremas  escampes.  Avia  plorat  premieirament  e  la- 
gremas avia  escampat  per  la  mort  de  s'arma,  e  venia  auras 
ab  lagremas  arozar  lo  moniment  per  la  mort  de  son  maistre. 
[V**]  Mais  car  non  trobet  lo  cors  el  moniment,  le  trebals  del 
30  ong[u]entperi,  mais  lidolors  de  plorar  crée  ;  defalli  a  servir  qui 
non  defalli  a  dolor;  defalli  cul  oises,mais  non  defalli  cuiplores, 
per  so  car  aitant  mais  plorava  cant  Jesu  si  luinava.  [43]  Plo- 
rava  doux  fortment  Maria,  car  dolors  era  ajustada  sobre  dolor. 
Dosdolors  grans  portavaen  uncorage,lascalsvolia  adousar 
35  ab  lagremas,  mais  non  podia  ;  e  per  aiso,  tota  pausada  en  do- 
lor, defallia  de  pensa  e  de  cor,  e  non  sabia  que  [V°]  si  feses . 
Que  podia  aquist  femena  aire  far  sinon  plorar,  ques  avia  tan 
gran  dolor  e  neguna  consolation  non  trobava  ?  Sans  Peires  e 
sans  Johans  eran  vengut  ab  lui  al  moniment  ;  mais  car  non 
40  troberon  lo  cors,  tengron  lur  via.  En-[44]-pero  Maria  estava 
al  moniment  déferas  plorant  e  quais  desesperada  desesperans. 
Peires  e  Johans  agron  paor  e  per  aisso  non  esteran.  Maria 
non  avia  paor,  car  ren  non  li  era  vejaire  li  poges  far  paor. 
Perdut  avia  son  maistre,  lo  quai  [V°]  amava  tant  sengular- 
45  mens  e  tan  soletamens  que  d'el  en  fora  ren  non  poges  amar. 
Ren  non  podia  esperar  :  perdut  avia  la  vida  de  s'arma,  e  per 
aiso  mais  volia  morir  que  vieure,  car  per  aventura  morens 
atrobera  [45]  cel  que  vivent  trobar  non  podia,  sens  lo  quai 
non  podia  vieure.  Fortz  causa  es  aici  can  mortz  amors.  Que 
50  podia  aire  far  li  mortz  en  Maria  ?  Fâcha  era  aici  con  morta, 
aici  con  si  non  sentis  ren.  Sentons  non  sentia,  vezens  non  ve- 
zia,[V**]  ausens  non  ausia.  Ni  àncars  aqui  era  on  era,  car  aqui 
era  tota  on  sos  maistres  era,  del  cal  non  sabia  on  si  fos. 
Queria  lo  e  non  lo  trobava,  e  per  aisso  estava  al  moniment 
55  e  plorava,  tota  plena  de  lagremas  e   de   miseria.  0  Maria, 
[46]  cals  conçois,  cals  esperansa,  cals  cors  era  a  tu,  ques  es- 
tessas  sola  al  moniment,  cant  li  dicipol  s'en  partian  ?  Tu  ven- 
guist  enantz  ques  il,  es  ab  els  la  torniest,  et  après  els  la  re- 
masist.  E  per  que  o  fesist  ?  Sabias  mais  ques  il,  amavas  plus 
60  ques  il,  [V®]  que  non  temias  aici  con  fasian  ill  ? 

Certamen  Maria  non  sabia  ren  sinon  amar  e  per  son  amie 
doler,  Desnembrat  avia  temor,  desnembrat  avia  si  mesesma, 


SAINTE   MARIE   MADELEINE  55 

desnembrat  avia  tôt  cant  es,  estier  cel  que  sobre  tôt  cant  [es] 
amava.  E  cals  [47]  meravilla  es  si   aissi  s'era  desnembrada 

65  que  neis  el  non  conogues  ?  S'il  si  renembres  de  so  qu'el  li  avia 
dig,  illi  nol  quesera  [el]  moniment;  ans  s'alegrera  del  vivente 
non  plorera  car  n'era  portatz,  mais  del  resucitat  si  donera 
gaug,  car  [V°]  Jésus  avia  digqu'enaici  mo[r]ria  e  ques  al  ters 
jorn  resucitaria.  Mais  trop  grans  dolors  avia  son  cor  implit, 

70  la  memoria  d'aquestas  paraullas  n'avia  délit,  neguns  sentimens 
en  lui  non  era  remasutz,  totz  conseills  en  lui  era  peritz,  [48] 
tota  sa  esperansa  era  defallida,  solamen  plora[r]s  li  era  re- 
masutz. Plorava  donx,  car  plorar  podia,  e  do  mens  que  plo- 
rava,  enclinet  si  e  regardet  el  moniment  e  vi  dos  angels  sesens 

75  en  vestirs  blancs,  l'un  al  cap,  l'autre  als  pes.  [V°]  E  dison  li  : 
0  Femena  per  que  ploras  ?  w  0  Maria,  gran  consolation  as 
trobat  e  miels  t'es  près  que  tu  non  esperavas,  car  tu  querias 
sol  un  ez  as  trobat  dos,  tu  querias  home  ez  as  trobat  angels, 
querias  mort  ez  as  trobat  vi-[49]-vens,  e  tais  que  sembla  ques 

80  aian  cura  de  tu  e  que  sembla  que  vullan  ta  dolor  asoaviar. 
Mais  aquest  que  tu  queres  sembla  que  de  ta  dolor  ren  non  aia 
que  far,  ni  sembla  que  tas  lagrimas  vuUa  veser,  car  tu  l'apelas 
[V°]  et  non  ti  aus,  pregas  lo  e  ren  non  acabas  ab  lui,  queres 
lo  e  nol  trobas,  picas  a  la  soa  porta  e  non  ti  uebre,  segues  lo 

35  e  fuh  ti.  Allas  !  E  ques  es  aiso  !  Allas  !  Can  gran  mudament  ! 
Allas  !  Con  es  li  causa  mudada  en  so  contrari  1  E  non  es  [50] 
lo  aiso  Jésus  ques  es  partits  de  tu  ?  Et  en  cal  mani[e]ira?  Non 
sai  si  ti  ama.  Sa  entras  t' amava  e  ti  defendia  del  phariseu,  e 
ti  escusava  dousamen  a  ta  seror.  Sa  entras  ti  lausava,  quant 

90  oinias  los  sens  pes  ab  enguent,  [V°]  can  los  lavavas  ab  lagre- 
mas  et  ab  tos  pels  los  torcavas,  La  toa  dolor  asoaviava,  tos 
peccatz  ti  perdonava.  Sa  entras  ti  queria,  e  cant  non  eras 
presens,  mandava  querer  per  ta  seror  que  venguesas  a  lui. 
«  [Lo]  maistre^,  dis  Marta,  a  tu  es  [51]  vengutz  e  demanda  ti.» 

95  Ai  can  viatz  si  levet  Maria,  cant  aiso  ausi  !  Can  tost  venc  e 
gitet  si  als  tieus  pes,  bon  Jesu,  aisi  con  avia  acostumat  !  E 
tu  cant  la  vist  dolenta,  fust  piatos,  e  cant  la  vist  plorar,  ti 
ploriest.  0  quan  piatosamen  [V**]  consolan  la,  diisi[s]t:  a  On 
l'aves  pausat?  »  A  la  fin,  per  amor  d'aquella  que  mot  t'avia 
100  amat,  son  fraire  san  Lazer  resuscitiest,  e  la  dolor  de  questa 
amiga  toa  en  gauhtorniest.  Mais,  o  dous  maistre,  ques  a  pueis 


56  SAINTS  MARIE  MADELEINE 

peccât  coTntra  tu  aquist  discipola  tiua?  En  que  [52]  a  pueis 
ofendut  la  douspr  de  ton  cor  aquista  amiga  tieua,  ques  enaisi 
ti  partes  de  lui?  Nos,  après  aiso,  negun  autre  peccat  non 

105  avem  ausi[t]  de  lui,  sinon  que  fort  matin  venc  al  moniment, 
enans  que  neguns  dels  fraires,  portans  onguents  [V°]  ab  ques 
oises  ton  cors;  e  car  non  ti  trob[et]  el  moniment,  coret  e  diis 
0  a  tos  dicipols.  Aquil  vengron  e  viron  o,  e  pueis  ill  s'en  tor- 
neron.  Pero  aquisti  esta  e  plora.  Si  aiso  es  peccats,  non  po- 

110  dem  dir  qu'il  aiso  non  aia  fah;  pero  si  peccats  non  es,  mais 
[53]  amors  ques  a  de  ti  [e]  desiriers,  per  que  ti  partes  enaici 
de  lui  e  ti  escondes,  tu  ques  amas  tots  cels  que  ti  aman  e 
que  ti  laisas  trobar  a  tots  aquels  que  ti  queron?  Tu  as  dih  : 
«  leu  ami  aquels  que  mi  aman,  e  qui  de  matin  vellara  ab  [V®] 

115  mi  trobara  mi.  »  Per  que  doux  aquist  femena,  ques  ùi  matin 
a  tan  vellat  a  tu,  non  t'a  trobat?  Per  que  non  consolas  [las] 
lagrimas  ques  escampa  per  te,  son  seinor,  enaissi  con  con- 
solieât  las  lagrimas  las  cals  escamp[et]  per  [lo]  seu  fraire  ?  Si 
tu  ra-[54]-mavas  aisi  con  soles,  per  que  lueinas  tan  son  desi- 

120  [ri]er?  0  verais  maistre  e  garens  fisels,nembri  ti  de  la  garentia 
que  portie[s]t  a  Maria  d avant  Marta,  soror  soa.  Tu  diisi[s]t  : 
(i  Maria  a  elegit  la  melor  partida,  li  cals  no  li  er  touta.wVera- 
mens  Maria  a  elegit  la  me-[V°]-ilor  part,  car  a  tu  elegit;  mais 
con  es  vers  «  li  cals  no  li  sera  touta  »,  si  tu[li]  yest  to[u]ts  ?  E  si 

125  non  [li]  iest  touts,  tu  li  meillers  parts,  la  cal  a  elegida,  per  que 
plora  ni  que  quer  ?  Sertament  Maria  non  quer  mais  ren  mais  so 
ques  a  elegit,  e  per  aiso  non  si  laisa  de  [55]  plorar  ;  car  so  ques 
a  elegit  aras  a  perdut.  Doux  tu  ques  iest  garda  dels  homes,  o 
tu  la  part  ques  a  elegida  garda  as  ella,  o  ieu  non  sai  con  sia 

130  vers  «  li  cals  non  li  sera  touta  »,  si  non  si  entendia  que,  ja  sia 
so  que  tu  sias  tout[s]  d  avant  los  sieus  uels,  [V®]  pero  non  iest 
touts  de  son  cor. 

Mais  digas  nos.  Maria,  per  ques  iest  torbada?  Que  queres? 
Per  que  ploras  plus?  Veti  que  tu  as  los  a[n]gels;  abasti  te  U 

135  vista  dels  angels  ;  car  per  aventura  aquest  que  tu  ploras  sent 
alcuna  causa  en  te  per  que  non  [56]  ti  vol  veser.  Pausa  fi  a 
la  tiua  dolor,  sia  fins  a  las  tieuas  lagrimas  ;  renembri  ti  que  ti 
diis  es  a  las  autras  donas  :  «  Non  vulas  plorar  sobre  mi.  »  El 
t'a  vedatque  non  plores,  et  tu  non  ti  laisas  de  plorar.  Ques  es 

140  donc  so  que  tu  fas  ?  Paor  ai  que  [V®]  ploran  Tofendas,  aquel 


SAINTE  MARIB   MADELEINE  57 

per  cui  continuamens  ploras.  Car  si  el  amava  las  tiuas  la- 
grimas,  non  poria  tener  las  siuas  lagremas,  aisi  con  autra 
ves  non  las  poc  tener.  Aujas  donx  aras  lo  mieu  conseil  :  abasti 
ti  li  vista  dels  an  gels  e  li  consolacions,  estai  [57]  ab  els  e 

145  demanda  lur  si  per  aventura  sabrian  novas  d'aquel  que  tu 
queres,  e  si  aquelque  tu  ploras  los  a  trames  per  se  o  per  ti, 
per  so  que  ti  fasan  saber  la  soa  resurexion  e  consolon  lo  tieu 
plor.  Car  il  ti  dison  :  «  Femena,  que  ploras  ?  Cals  es  li  causa 
[V**]  de  tan  gran  dolor?  Non  escondas  a  nos  las  tiuas  lagre- 

150  mas;uebre  nos  ton  coraje,  e  nos  manifestarem  ti  ton  desi- 
rier.  »  Adonx  Maria,  per  trop  gran  dolor  treballada,  tota  en 
autesa  de  pensa  pausada,  non  podia  recebre  neguna  consola- 
cion  ni  non  entendia  [58]  a  negun  consolador.  Mais  denfrasi 
penset,  disent  :  Ai  dolenta  !  cals  es  aquisti  visitacions  ?  Enoyos 

155  mi  son  tut  consolador;  greujan  mi  e  non  mi  consolan  ;  car  ieu 
queri  lo  creator,  e  greus  m'es  a  veser  tota  creatura.  Non  vul 
angels  veser,  non  vul  ab  an-[V°]-gels  estar,  car  il  podon  ma 
dolo[r]  croiser  e  non  la  podon  delir.  S'il  mi  volon  ganre  con- 
tar,  e  si  ieu  lur  volia   a  tôt   re[s]pondre,  paor  ai  que  mais 

160  enpaichar[i]an  m'amor  que  non  la  desenpaicharian.  A  la  fin 
ieu  non  queri  angels,  mais  lo  seinor[59]  dels  angels.  Portât 
n'an  lo  mieu  seinor;aquel  solament  queri,  solaments  el  mi  pot 
consolar.  Mais  non  sai  on  Taian  pausat.  Ieu  regardi  sil  poiria 
veser,  e  nol  vesi  ;  ieu  volria  trobar  lo  luec  on  Tan  pausat, 

165  e  nol  trop.  Lasa  !  mesquina!  Que  farai?  [V**]  On  irai?  On  es 
anats  lo  mieus  amixs?  Quist  l'ai  e  lo  moniment,  e  non  l'ai  tro- 
bat  ;  sonat  l'ai,  e  non  m'a  respondut.  Ai  lasa  !  dolenta  !  On  lo 
querai?  On  lo  trobarai  ?  Levarai  mi,  certa,  anarai  per  tots 
los  luecs,  non  darai  son  als  mieus  uels,  non  dara[i'|  pausa  als 

170  [®^1  lïiî^^s  pes,  entro  que  trobi*aquel  ques  ama  li  mia  arma. 
Gitas  las  lagrimas,  miei  ueil,  ploras,  non  defallas  de  plorar, 
anas,  pe  mieu,  corres  e  non  vulas  pausar.  Ai  lasa  !  lasa  !  On  es 
anats  le  mieus  gauhs  ?  On  es  esconduda  li  miua  amors  ?  On 
es  li  miua  [V**]  dousors  ?  Per  que  m'as  desamparada,  ]j  mia 

175  saluts?  Ai!  Cals  dolors  ni  cals  engoisas  son  aquestas  non  su- 
fertablas  !  Engoisas  me  son  de  totas  parts,  e  non  sai  que  mi 
elegisca.  S'ieu  mi  parti  del  moniment, non  sai, lasa!  on  miten- 
ga;  non  sai  [61]  on  lo  mi  roquera.  Partir  mi  del  moniment 
m'es  morts  ;  estar  mi  al  moniment  m'es  dolors  sens  sufriment. 


58  SAH^TË   MÀRIB  MADELEINE 

180  Pero  miels  es  gardar  lo  sépulcre  del  mieu  seinor  que  luînar 
s'en,  car  per  aventura,  s'ieu  m'en  luinava  plus,  cant  tornaria, 
trobaria  que  [V®]  Taurian  emblat  o  mort.  Estarai  doux  es  aissi 
morrai,per  so  ques  al  mens  justal  sépulcre  del  mieu  seinor  sia 
sebelida.  0  quant  benaurats  sera  mos  cors,  si  es  sebelits  prob 

185  del  meu  maistre!  0  quan  ben  astruga  sera  li  mia  arma,  que 
can  isera  del  mieu  freol  de  cors,  de  mantenent  poira  intrar 
el  sépulcre  del  mieu  seinor  !  Car  [62]  le  mieus  cors  es  aguts 
tostens  trebal  a  la  mia  arma  ;  mais  le  sépulcres  del  mieu 
seinor  li  sera  repaus  et  honors.  Aquest  doux  sépulcre  .en  ma 

190  vida  sera  ma  consolacions,  es  en  ma  mort  sera  mos  repaus. 
Vivensjosta  el  remanrai,  morens  de  lui  m'aprobenca-[V°]- 
rai,  ni  viva  ni  morta  de  lui  non  mi  partirai.  Ai  !  lasa  !  desas- 
trada  !  per  qués  ieu  adonx  non  esgardiei  ben  ?  Per  ques  adonx 
non  estiei  ?  Per  ques  adonx  lo  cors   sieu  el  moniment  perse- 

195  veran  non  gardiei?  Certamen  ar  non  mi  plorera  car  Fen  an 
[63]  portât,  quMeu  o  agra  vedat,  o  agra  seguits  aquels  que 
l'en  an  portât.  Mais  ieu,  dolenta  I  vuelc  gardar  la  lei,  e  per- 
diei  lo  seinor  de  la  lei  ;  ieu  vuelc  obesir  a  la  lei,  et  aquel  al  quai 
li  leis  obesiibs  non  ai  gardât  ;  jasia  aiso  ques  estar  ab  [V**]  lui 

200  non  fos  contra  la  lei,  car  li  Pasca  non  si  laisa  per  aquest  mort, 
ans  se  renovella  ;  car  aquest  morts  non  laisa  los  nets,  ans  lava 
los  ores,  car  el  sana  tots  aquels  quel  tocan  et  ellumena  tots 
aquels  que  s'aprobencan  de  lui.  Mais  per  que  [64]  renenbri 
ma  dolor  ?  Anada  fui  e  tornada,  trobat  ai  lo  moniment  ubert, 

205  es  aquel  queri  e  non  ai  trobat.  Estarai  doux  es  agardarai  si 
per  aventura  apareiseria  en  luec.  Mais  con  estarai  sola?Lî 
decipol  s'en  son  anat  es  an  mi  laisada  [V**]  plorant;  neguns 
non  apareis  qui  aia  dolor  ab  mi,  neguns  non  pareis  que  quera 
ab  mi  mon  maistre.  Aparegut.  s'en  son  li  angel,  mais  non  sai 

210  per  cal  causa  son  aparegut.  S'il  mi  volguesan  consolar,  ben 
saupran  la  causa  per  [65]  ques  ieu  plori.  Si  dons  sabian  per 
qu'ieu  plori,  per  que  mi  dison  :  «  Per  que  ploras?  »  ni  :  «  Que 
queres  ?  »  Demandan  o  per  aiso  que  mi  vedon  que  non  plori  ? 
Ben  lur  prec  que  non  m'en  amoneston,  o  si  d'autrament  o  vo- 

215  Ion  far,  ausisan  mi.  E  que  [V°]  plus  ?  Ieu  non  lur  obesirai,  e 
domens  que  vivi,  non  mi  laisarai  de  plorar,  tro  que  trobi  mon 
seinor.  Mais  que  farai  con  lo  pusca  trobar?  On  mi  convertirai? 
On  anarai?  Acui  demandarai  conseil?  Oui  en  demandaria?  De 


SAINTE   MARIE   MADELEINE  59 

cui  aurai  conseil?  [66]  Qui  aura  merce  de  mi?  Qui  mi  conso- 

20  lara?  Qui  mi  ensenara  aquel  io  cal  ama  li  mia  arma?  Qui  mi 
enseinaraon  es  pausats  ni  on  jas  ni  si  repausa  ?  Prec  vos  que 
li  digas  ques  ieu  languisc  d'amor  e  defalli  de  dolor,  e  non  es 
dolors  aitals  [V°]  cou  li  mia.  Retorna,  amie  mieu,  retorna, 
amie  dels  mieus  desiriers  !  0  amables,  0  désirables,  rent  mi 

525  Talegreir  de  la  toapresensa,  mostra  mi  la  toa  cara,  sone  li  toa 
vos[en  las  mias  aureillas,  car  dousa  es  li  toa  vos]  e  l[i]  to[a]  cara 
sobre  bella.  Oi,  esperansa  miua,  non  mi  confondas  per  lo  mieu 
aguardamen,  mostra  mi  [67]  la  toa  cara,  es  abasta  a  la  mia 
arma. 

^O  Domens  que  Maria  aisi  plorava  es  aiso  disia  ab  grân  dolor, 
giret  si  tras  si  e  vi  Jésus  estant,  e  non  "sabia  que  fos  Jésus. 
E  diis  li  Jésus  :  «  Femena  que  ploras  ?  que  queres  ?»  0  desirier 
de  la  soa  arma,  per  que  li  demandas  :  «  Que  ploras  ?  »  [V®]  ni 
per  que  li  demandas  :  «  Que  queres  ?  »  Illi,  un  petit  enants, 

235  ab  SOS  uels,  ab  gran  dolor  de  son  cor,  avia  vist  tu,  esperansa 
soa,  pendre  en  la  cros,  e  demandas  li  :«  Per  que  ploras  ?  »  Illi, 
très  jors  a^  avia  vistas  las  toas  mans,  ab  las  cals  soven  era 
aguda  benesida,  els  [68]  tiens  pes,  los  cals  avia  soven  baisats 
es  ab  lagremas  avia  lavats,  vi  clavellar  ;  e  tu  eras  dises  :  «  Que 

240  ploras?  »  Aras  sobre  tôt  si  cres  que  tos  cors  en  sia  portats,  al 
cal  veser  es  oiner,  per  so  ques  en  cal[que]  maneira  fos  conso- 
lada,  era  venguda,  e  tu  dis[es]  :  «  Que  ploras  ?  [V®]  que  que- 
res ?»  Tu  sabes  que  tu  solament  quer,  que  tu  solamen  ama, 
per  tu  totas  causas  mespresa,  e  tu  dises:  «  Que  queres? dDous 

245  maistre,per  ques  escomoves  Tesperit  de  questa  femena?  A  que 
escomoves  la  soa  arma?  Tota  pent  de  tu,  tota  esta  en  tu,  tota 
espéra  [69]  en  tu,  tota  si  désespéra  de  si.  En  tal  maniera  ti 
quer  que  ren  non  quer,  ren  non  pensa  mais  tu;  per  aiso  per 
aventura  non  ti  coinois,  car  non  es  en  si,  mais  per  amor  de  tu 

250  es  foras  de  si.  Per  que  doncas  li  dises  :  «  Que  ploras  ?  que  que- 
res? »  Pensa[s  ti]  qu'illi  ti  digua:  [V*]  «Tu  plori,  tu  queri  »,  si 
tu  premierame[n]s  non  metes  en  son  cor  e  non  li  dises  :  a  Ieu 
sui  aquel  que  tu  ploras  e  lo  cal  queres  ?  »  Pensas  ti  qu'illi  ti 
conosca  aitant  quant  tu  ti  voiras  scelar? 

255  Es  illi,  cresens  ques  el  fos  ortolans,  dis  li  :  «  Bel  seiner,  si  tu 
Fen  as  portât,  [70]  digas  m'o,  es  ieu  portarai  l'en.  »  0  dolor 
plena  de  miseria  !  0  amor  plena  de  meravilla  !  Aquista  femena, 


60  SAINTE  MARIE   MADELEINE 

cuberta  de  niol  de  dolor,  non  vesia  lospleal  de  drechura  ques 
era  matin  levais  et  intrava  per  las  seuas  fenestras,  le  cals  per 
260  las  aureillas  [V°]  de  son  cors  intrava  en  la  maison  de  son  cor; 
mais,  car  illi  languia  per  amor,  per  aquest  languiment  en 
aici  li  uel  del  sieu  cor  eran  escursit  que  non  vesia  aquel  que 
vesia.  Car  illi  vesia  Jesu,  e  non  sabia  que  fos  Jésus.  0  Maria, 
que  queres  Jésus,  per  [71]  que  non  conoices  Jesu  ?  Veti  que 
265  Jésus  es  venguts  a  tu,  es  aquel  que  tu  queres  ti  quer,  e  tu  pen- 
sas qu'el  sia  ortolans.Veritats  es  so  que  tu  estimas  ;  enpero  tu 
en  aiso  eras,  domens  que  tu  en  tal  maniera  creses  qu'esta  or- 
tolans que  non  coinoiscas  [V°]  que  sia  Jesu.  Car  el  es  Jésus  et 
ortolans  :  car  el  semena  tota  bon  a  semensa  en  Tort  de  ta  pensa 
270  es  en  los  corages  dels  sieus  fisels  ;  el  planta  et  arosa  tôt  ben 
en  las  armas  dels  sans^  es  aiso  es  Jésus  que  parlla  ab  tu.  Mais, 
per  aventura,  per  aquo  non  lo  coinoices  car  parlla  [72]  ab  tu, 
quar  tu  lo  queres  mort   e  non  lo  coinoisces  vivent.  Aras  en 
veritat  ai  trobat  ques  aiso  es  li  causa  per  que  si  partia  de 
275  ^"'  P^^  ^^®  nonti  apareisia.  Per  que  ti  aparegra  aquel  que  tu 
non  querias?  Tu  certa  querias  so  que  non  era,  e  non  querias 
[V*]  so  ques  era.  Tu  querias  Jesu  e  non  querias  Jesu. Per  aiso, 
vesent  Jesu,  non  conoisias  Jesu. 

0  dous  e  piatos  maistre,  non  ausi  de  tôt  en  tôt  escusar 

280  aquesta  dicipola  tiua;  non  puesc  francamen  défendre  aquesta 

eror  siua  ;  si  pero  errava  car  aital  ti  queria  cal  [73]  t'avia 

vist  e  cal  t'avia  la[is]sat  pausar  en  lo  moniment.  Ilh  avia  vist 

ton  cors  mort  de  la  cros  avalar  et  el  moniment  pausar  ;  e  tan 

grans  dolors  Favia  presa  de  la  toa  mort  que  non  podia  ren  es- 

285  perar  de  la  toa  vida;  e  tan  grans  dolors  Tavia  presa  [V**]  de 

la  toa  seboutura  que  ren  non  podia  esperar  de  la  toa  resur- 

rexion.  A  la  fin,  quan  Josep  pauset  ton  cors  el   moniment, 

Maria  ensems  i  pauset  son  esperit,  et  en  tal  manier^  lo  ajos- 

tet  ab  ton  cor  ques  enant  pogra  la  soa  arma  partir  de  son 

290  cors  vivent  que  [74]  son  esperit  ti  amant  del  tieu  cors  mort. 

E  cant  illi  queria  ton  cors,  requeria  atresi  son  esperit  ;  ella  on 

a  perdut  ton  cors  a  perdut  son  esperit.  Cals  meravilla  era  si 

nonti  sabia,  que  non  avia  esperit  ab  que  ti  pogessaber?  Rent 

li  donx  son  esperit,  ques  a  en   si  tos  [V°]  cors,  e  demante- 

295  nent  recobrara  son  cor  e  laisara  sa  eror.  Mais  con  erava 

ques  ena[i]si  per  amor  tieu  si  dolia  et  enaisi  ti  amava?  Certa 


Sainte  marie  madeleine  6I 

si  erava,  sens  dobte  die  car  ilii  non  cresia  dobtar,  et  aquest 
erar[s]  non  movia  d'eror,  mais  d'amor  e  de  dolor.  Donx,  mise- 
ricordios  e  [75]  drechuriers  juges,  li  amors  qnes  a  en  ti  el 

300  dolors  ques  a  per  amor  de  ti  Tescuson  a  ti.  Si  erava  de  ti,  non 
regardes  a  [Feror  de]  la  femena,  mais  a  Tamor  de  ta  dicipola, 
li  cals  non  per  eror,  mais  per  amor  e  per  dolor,  plora  e  ti  dis: 
«  Seiner,  si  tu  Ten  as  portât,  digas  [V®]  me  on  Tas  pausat,  es 
ieu  portarai  Fen.  »  0  quan  saviamens  non  sap,  e  quan  savia- 

305  men  sab,e  quan  saviament  erra  !  Als  angels  diis  :((Porta[t]  Fen 
an  e  non  sai  on  Fan  pausat  ;  »  e  non  lur  diis  pas  :  «  Portât  Fen 
aves  e  pausat  »;  car  li  angel  non  o  avian  pas  [76]  fah.  Mais 
a  tu  diis:  «  Si  tu  Fen  as  portât  ni  on  Fas  pausat  »;  car  tu  o 
avias  fah.  Als  angels  non  diis  :«  Digas  mi»,  car  de  tôt  dire  non 

310  podian  so  que  de  tu  era  fah.  Pero  a  tu  diis  :  a  Digas  mi  »,  car 
ben  pogist  dire  so  que  pogist  far  ;  car  tu  o  avias  de  tu  [V**]  tôt 
aiso  fah.  Mais  que  vol  dire,  bon  Jesu,  per  que  Maria  tan  so- 
ven  torn'  a  questa  paraula  :  «  On  Faves  pausat  ?  »  Car  illi  avia 
dih  primieramen  als  apostols  :  «  Non   sai  on  Faian  pausat», 

315  aquo  meseis  dis  aïs  a[n]gels,  aco  meseis  diis  a  tu  de  tu:  a  On 
Fas  pausat?  »  [77]  Mot  es  dousa  aquesti  paraula  en  son  cor, 
ques  enaissi  aonda  en  la  soa  boca.  Certa,  dous  maistre,  aisso 
fa  li  toa  dousors  ;  aiso  fa  illi  per  la  toa  amor,  car  membra  li 
que  tu  disist  aiso  meseis  de  son  fraire  :  a  On  Faves  pausat?  » 

320  Pueis  qu'illi  ausi  aquesta  paraula  [V°]  de  la  toa  boca,  con- 
servet  la  diligentment  en  son  cor  es  es  si  delichada  en  la  toa 
paraula.  0  quant  ama  ta  persona  que  tant  ama  ta  paraula,  e 
cant  désira  veser  la  toa  cara  ques  ab  tan  gran  desirier  re- 
conta ta  paraula,  e  cant  volen-[78]-tiers  baia  tos  pes  que  tan 

325  volontiers  dis  tas  paraulas  !  Ques  es  aiso,  bos  Jesu,  qu'illi  dis 
de  tu  :  «  Jeu  Fem  portarai?  »  Josep  ac  paor  e  non  auset  ton 
cors  penre,  si  non  de  nueh  es  ab  licencia  de  Pillât.  Maria  non 
agarda  nueh  ni  a  paor  de  ren  ;  mais  ardidaraen  promet  al 
seinor:  a  Jeu  Fen  portarai.  d  [V°]  0  Maria,  si  le  cors  de  Jesu 

330  fos  pausat[s]  en  lo  palais  del  princep  del[s]  Jusieus,  la  ont  sans 

Peires  si  calfava,  que  feseras?  «  Ieu,  dis  ella,  Fen  portarai.  » 

E  si  li  serventa  que  sonet  san  Peir3  ti  disces  ren,  que  feras? 

«  Jeu  Fen  portarai.  » 

0  meravillos  ardiment  de  femena!  [79]  0  femena  e  non  fe- 

335  mena!  Negun  luec  non  gara,  ren  non  met  davant, sens  tota 


62  SÀINTB   MARIE   MADELEINE 

paor,  ans  ardidamens  promet  :  a  Digas  mi  on  Taves  pausat,  es 
ieu  l'en  portarai.  »  0  femena,  grans  es  li  tieus  ardimens,  grans 
es  li  toa  fes.  Donx,  bons  [V®]  Jesu,  seiners  nostres,  per  que 
t'es  desnenbratde  dire  :  «  Siafah  aisi  con  tu  vols!  »  e  «  :  Filla, 

340  aias  confisansa,  li  tia  fes  t'a  fâcha  salva  ?  »  Es  ti  desnenbrat 
d'aver  misericordia,  bel  s[ein]er  Dieus  ?  Per  que  non  li  dises 
donx  on  ti  sias  pausats,  per  so  ques  illi  ti  porti  sobre  son  cors 
e  ti  [80]  manifesti  a  tos  dicipols  ?  Non  vullas,  bons  maistres, 
plus  alongar  son  desirier,  que  très  jorns  t'a  espérât  e  non  a 

345  de  que  sadoUe  la  soa  arma  afamada,  si  tu  non  li  donas  lo  tieu 
cors,  manifestant  ti  a  lui,  e  de  las  brigas  de  lui  pusca  inplir 
lo  cofin  de  son  co-[V**]-rage.  Si  donx  non  vols  que  defalia  en 
la  via,  refrega  e  conforta  las  entras  de  la  soa  arma  ab  la  dousor 
del  tieu  cors  e  de  la  toa  sabor  ;  car  tu  iest  pans  vieus  ques  as 

350  en  tu  tôt  dalech  e  tota  suavitat  de  sabor  ;  car  non  poira  lon- 
gamens  retenir  la  vida  de  son  [81]  cors,  si  tu  tost  non  ti  ma_ 
nifestas  a  lui,  vida  de  la  soa  arma. 

Adonx  li  diis  Jésus  :  «  Maria  !»  es  adonx  illi  giret  si  e  respon- 
det  li  :  o  Maistre  !  »  Adonx  li  dis  Jésus  :«  Non  mi  vulas  tocar  î  » 

355  en  que  dona  as  entendre  ques  illi  lo  vole  embrasar.  0  muda- 
ment  de  la  drecha  [V°]  del  Altisme  !  Tornats  es  lo  dois  en 
gran  alegrier,las  lagremas  de  dolorson  mudadas  en  lagremas 
d'amor.  Pueis  que  Maria  ausi:  «Maria!  »  conoc  qu'es  aquel 
que  l'apellava  era  sos  maistres;  adonx  revieudec  lo  sieus  es- 

360  perits,  le  sieus  sents  li  retornet  ;  [82]  e  domens  que  Jésus  vole 
ajostar  as  aquestas  paraulas,  non  o  poc  Maria  pacient[ment] 
escoutar,mas  per  sobras  degauh  rompet  las  paraulas,  disent  : 
a  Maistre  !  »  Non  li  era  vejaire  ques  âges  obs  la  paraula,  car 
aviatrobat  laveraia  paraula;  plus  utils  [V**]  causa  li  semblava 

365  tocar  la  paraula  que  si  ausis  autras  paraulas.  0  amors  forts 
e  non  suffrens  !  Non  li  abastava  veser  Jesu  e  parllar  ab  lui,  si 
non  lo  toques.  Sabia  Maria  que  vertuts  isia  de  lui  e  sanava 
tots  aquels  quel  tocavan.  0  piatos  seiner  e  dous  maistre, 
[83]  quant  bons  iest  as  aquels  ques  an  cor  drechurier  e  can 

370  8u[aus]  as  aquels  que  ti  aman!  0  can  bonaurat  son  aquil  que 
ti  queron  ab  semple  cor  I  E  can  ben  astruc  aquil  ques  an  lur 
esperansa  en  te  !  Veritats  es  sens  tôt  dubte  que  tu  amas  tots 
cels  que  t'aman  [V**]  e  negun  temps  non  laisas  cels  que  en 
ti  an  lur  esperansa.  Veti  ques  aquisti  amiga  tiua  simplament  ti 


SAINTE   MARIE   MÂDBLBINE  63 

375  queria  e  verament  t'a  trobat  ;  esperava  en  tu  e  non  Tas  desan- 
parada  ;  ans  a  mais  consegut  que  non  esperava. 

Segam,  fraires,  Tamor  d'aquesta  femena,  per  [84]  so  que 
nos  prena  aisi  con  as  ella  près.  Plore  cascun[s]  e  quera  Jesu, 
car  el  non  si  celet  a  la  pecairis  quel  queria.  Apren,  homs  pe- 

380  caires,  de  la  femena  pecairis,  a  la  cal  foron  perdonat  sei  pec- 
cat,  plorar  lo  luinament  de  Dieu  e  desirar  la  soa  presencia. 
Apren  de  Maria  [V°]  amar  Jesu  es  esperar  Jesu  e  querer  lo  ; 
apreo  per  amor  de  lui  tôt  trebail  sofrir,  negun'  autra  conso- 
lacion  non  voler  mais  de  Jesu,  tôt'  autra  causa  per  amor  de 

385  lui  despreisar.  Apren  a  quere  Jesu  en  lo  moniment  de  ton  cor, 
osta  la  peira  del  moniment,  so  es  a  saber  :  tota  [85]  duresa 
de  ton  cor  gieta  e  tota  autra  cobesesa,  e  enserca  diligent- 
men  si  poiras  trobar  Jesu  ;  e  si  non  lo  podes  trobar,  estai  de 
foras  e  plora,  sil  poiras  veser  en  los  autres,  e  pregua  Jesu 

390  Crist,  nostre  seinor,  ques  el  deini  intrar  a  tu  es  en  tu  habitar; 
e  per  so  que  per  erguel  non  [V*]  lo  partas  de  tu,  humilia  ti, 
enclina  ti  en  lo  monime[n]t  ques  es  en  tu,  e  si  veses  angels,  so 
es  a  saber  desiriers  celestials,  e  per  aquels  non  podes  ancars 
aver  Jesu,  non  ti  tengas  per  pagat,  ans  plora  e  quier  Jesu  tro 

395  que  l'atrobes  ;  e  si  per  aventura  ti  apareise'[86]-ra  en  al- 
cuna  maneira,  non  vulas  de  tu  presumir,  aisi  con  si  tu  lo  co- 
noisias,  mais  enterva  li  e  prega  lo  que  li  plasa  con  si  monstri 
a  tu  ;  car  ieu  ti  promet  certanament,  [si]  ab  veraia  fe  estas  al 
moniment  de  ton  cor,  si  ploran  queres  Jesu  [V**]  e  persévéras 

400  en  quere  lo,  si  ab  humilitat  ti  enclinas,  si  per  eisemple  de 
Maria  non  re[ce]bes  autra  consola[ci]on  de  Jesu,  de  lui  en  fo- 
ras, per  la  soa  révélation  tu  lo  trobaras  el  conoiseras,  en  tal 
maneira  que  non  sera  obs  que  tul  queras  nil  demandes  als 
al  très.  [Sed  tu  magis  indicabis  eum  nuncians  aliis  :  quia  vidiDo- 

405  minum  et  hec  dixit  mihi,  Cui  est  honor  et  gloria  cum  Pâtre  et 
Spiritu  Sancto  in  secula  seculorum.  Amen. 

Explicit  omelia  Origenis  de  beatissima  Maria  Magdalena  de- 
vota  valde, 

Deo  gratias.] 
(A  suivre.) 


Dialectes  Modernes 

LA.  BISCO 

COUMÈDI   PROUVENÇALO  EN   DOUS  ATE  E  EN  VERS 


ATE  SEGOUND 

SCENO   PREMIERO 

GecilOy  Flourineto 

(Flourineto  porto  souto  lou  bras  un  ourjbu  que  met  sus  lou  banc) 

CECILO 

Acô  pourra  jaraai  intra  dins  moun  idèio, 

Qu'Estève  ansin  de  iéu  ague  fa  sa  risèio  ! . . . 

Pamens,  de  la  façoun  que  me  Tas  afourti, 

Deve  lou  crèire. . .  Oh!  pièi,  n'en  prendrai  moun  parti. . . 

Iéu  qu'aviéu  alesti  déjà  ma  raubo  blanco  ! . . . 

Fau  jamai  dire  :  «  Es  miéu  »,  d'un  aucèu  sus  la  branco.   . 

As  estrifa  moun  cor  plen  dôu  tienne,  o  marrit!. . . 

LE  DÉPIT 

COMÉDIE  PROVENÇALE  EN   DEUX  ACTES  ET  EN  VER» 


ACTE   SECOND 

SCÈNE  PREMIÈRE 

Cécile,  Florinette 

{Florinette  porte  sous  le  bras  une  cruche  qu'elle  dépose  sur  le  banc) 

CÉCILE 

Cela  ne  pourra  jamais  entrer  dans  mon  esprit, —  qu'Estève  de  moi 
ait  ainsi  fait  sa  risée  ! . . .  —  Pourtant,  à  la  façon  dont  tu  me  Tas  cer- 
tifié,—  je  dois  le  croire. . .  Oh!  du  reste,  j'en  prendrai  mon  parti.... 
—  Moi, qui  avais  déjà  préparé  ma  robe  blanche  [de  fiancée]!  —  Il  ne 
faut  jamais  dire  :  «  Il  est  à  moi  »,  d'un  oiseau  sur  la  branche. . . .  — 
Tu  as  déchiré  mon  cœur  rempli  du  tien,  6  méchant  ! . . , 


LA  BISGO  65 

FLOURINETO 

Teisas-vous  ;  se  passavo,  a.usirié  vôsti  crid. 

CECILO 

Dire  qu'ai  tant  ploura  pèr  décida  moun  paire , 

Qu'ai  begu  tant  d'afrount  ! . . .  Pèr  quau  ?  pèr  un  troumpaire. 

Mai  tène  ma  venjanço